Le Silence de la mer

févr.
12

 

Le Silence de la mer

 

    Sous l'influence de la Seconde Guerre Mondiale,Vercors, de son vrai nom Jean Bruller, publie en février 1942, Le Silence de la mer. Œuvre qui ne tardera pas à être traduite en une quarantaine de langue. Il décide de rédiger cette nouvelle, durant l'été 1941, inspirée de faits réels, en réponse de la France silencieuse face à l'Allemagne rude. En effet, c'est au cours de l'occupation allemande et de la Résistance française que voit le jour Le Silence de la mer. Dès lors, l'écrivain français endosse le pseudonyme de Vercors et crée les Éditions de Minuits. Durant l'hiver 1940, un vieil homme et sa nièce se verront imposer une cohabitation dans leur ''longue maison basse, couverte de treilles, aux vieilles tuiles brunes'', avec un officier allemand du nom de Werner von Ebrennac. Les deux résistants français demeureront impassibles face aux monologues de cet officier allemand distingué et déférent. Il naît alors une inexplicable et unique liaison entre les trois protagonistes, jusqu'au départ du convié pour le front Est.

Le Silence de la mer est un court récit au registre dramatique qui témoigne du contexte historique de l'époque de Vercors, de manière singulière. Bruller fait considérer et méditer sur la question de l'occupation allemande, ainsi que de la Résistance. Tout l'enjeu repose uniquement dans cette salle de ''théâtre'', dans cette pièce ''qui a une âme'', qui réunit à chaque fois les personnages autour de ce feu, servant de prétexte pour la venue de l'occupant. Ce feu qui pourrait symboliser la chaleur humaine et conviviale qu'apporterait Werner par ses monologues. L'opiniâtre couple que forment l'oncle et la nièce qui feint l'austérité, marque une vive hostilité en comparaison de Werner au ''sourire […] grave et sans nulle trace d'ironie'' qui ne se laisse pas déstabiliser par ses dialogues à sens unique. Bien au contraire, toutes les fois où le silence envahissait la pièce, il est celui ''qui s'y trouvait le plus à l'aise''. Ici, Le Silence de la mer peut être interprété de deux façons : la première désignant le silence de la mère patriotique et donc plus précisément de la France incarnée par les deux Français ; la seconde exprimant de manière métaphorique le silence de la nièce concernant l'amour naissant de l'officier allemand à son égard.

Vercors nous fournit un travail remarquable sur le dialogue subtil et implicite qui se décrit  essentiellement sur le langage corporel des protagonistes. Le silence qui est au départ pesant aussi bien pour les personnages que pour le lecteur devient, au fur et à mesure que l'on avance dans le récit, une arme affectueuse qui brise peu à peu la glace qu'entouraient les deux résistants inflexibles. Ce doux silence mélodieux qui est par ailleurs rythmé par alternance avec les dialogues de Werner, lui-même musicien, retranscrit cette poésie mélancolique. D'autre part, le récit laisse transparaître deux points de vue différents, à savoir celui du narrateur, l'oncle, mais également d'une certaine manière celui de l'occupant, puisque nous ignorons tout comme lui, l'identité des deux autres protagonistes. Vercors nous tient en haleine jusqu'à la fin de la nouvelle, sans connaître ni les noms ni le passé des deux hôtes ! On ne connaît uniquement les pensées du narrateur, quelques pensées de l'officier allemand à travers ces monologues mais non ceux de la nièce. L'écrivain nous livre un combat à la fois patriotique, hiérarchique et amoureux qui peut nous laisser perplexe. Enfin, l'arrivée de cet ennemi nazi qui nous est autant réticente que pour les deux Français, par ces dialogues candides et désintéressés, finit par nous attendrir.

Adapté cinématographiquement, par Jean-Pierre Melville en 1947, puis une seconde fois en 2004 par Pierre Boutron, Le Silence de la mer, offre au lecteur un contexte historique incontournable et authentique qui nous fait voir d'un œil nouveau. Laissez-vous plonger au cœur de cet océan aussi bien silencieux que mystérieux, afin de découvrir l'indicible histoire d'amour qui s'y cache...


                                                                                                                                                                                            Ty Anaïs, L1 Humanités