Les derniers jours de Patrice Lumumba
Confiné depuis des mois dans sa résidence officielle de Premier ministre, c'est sans aucune précipitation que Patrice Lumumba préparait son évasion aux côtés de ses fidèles compagnons. Car il savait que pour bien faire les choses, il fallait prendre son temps. Prendre le temps de faire naître le courage dans chacun d’eux, et de bien calculer, de bien tout prévoir.
Son objectif était le suivant : quitter Léopoldville, la capitale, où il était devenu désormais impossible de lutter, et rejoindre Stanleyville, où les partisans lumumbistes, aux côtés de Gizenga, poursuivaient le combat avec rage contre les troupes du général Mobutu.
Car il fallait libérer le Congo. Mieux : lui permettre d’exister. Lumumba le répétait souvent : « Le Congo m'a fait, je ferai le Congo. » Une phrase, que du haut de mes seize ans, j’avais faite mienne aussi, n’ayant plus depuis longtemps d’autre mère que ma patrie, et, de ce fait, plus que tout, besoin de son attention, de son amour, de sa protection.
Assis dans un coin du salon, je le regardais. Lumumba savait qu'il lui fallait être fort ; que ce moment était crucial, et que le moindre signe de faiblesse, ou de peur, pouvait lui faire perdre, d’un coup, toute sa crédibilité. Il n’ignorait pas la peur, certes. Mais seul le courage pouvait être son allié. Et tandis qu’il allait et venait dans la pièce, s’adressant aux uns et aux autres, je le voyais jeter de rapides coups d’œil par la fenêtre et observer d'un œil vif les militaires et les barrières qui l’encerclaient. Une première ceinture de casques bleus. Puis une seconde, bouclant le tout, constituée de soldats de l’Armée nationale congolaise.
Quand, quelques jours plus tard, j’appris son évasion, puis sa capture par le général Mobutu, et sa mort au camp de Thysville, à Elisabethville, je sus que le Congo — que l’Afrique même —, venait de perdre son véritable chef. Un leader tel qu’il ne s’en représenterait pas avant bien longtemps. Et qu’il me faudrait, pour l’avenir, pour le jour où le Congo aurait à nouveau besoin de ses enfants, en garder le souvenir.
Fania FUATALE – L1 Humanités