Luchino Visconti, Le Guépard

juill.
24

Luchino Visconti, ou Luchino Visconti Di Modrone, naquit le 2 décembre 1906 à Milan et mourut au printemps 1976 à Rome. De cette Italie chère à son cœur, il tirera certains de ses plus beaux chefs-d’œuvre cinématographiques, dont le fameux Guépard qui obtiendra la Palme d’or à Cannes en 1963.

Descendant de l’une des plus grandes familles aristocratiques de Lombardie, il se fit le portraitiste des miséreux. Cependant, chacune de ses œuvres renferme de magnifiques décors, somptuosité qui n’est pas sans rappeler ses origines et son goût pour l’opéra, qu’il aima tant fréquenter dans sa jeunesse. Le Guépard laisse plus particulièrement entrevoir les tensions intérieures qui l’accompagnèrent sa vie durant. Le critique Tomaso Chiaretti disait de lui : « Visconti est à l’évidence la proie d’une contradiction humaine et sociale, sinon esthétique : sa vie et ses origines le poussent à partager les déboires et les batailles perdues de sa classe ; sa culture et ses sympathies d’homme politiquement engagé le poussent à militer par raison dans l’autre camp ; la proclamation d’une nécessité révolutionnaire et sa sympathie pour un héros objectivement réactionnaire sont les deux termes de la contradiction de Luchino Visconti. » C’est pour cela qu’il est important de regarder Le Guépard avec les yeux de Visconti.

Ce film, adaptation du roman de Giuseppe Tomasi Di Lampedusa, est le reflet des tourments de son réalisateur. Il y aborde l’un de ses thèmes principaux : la prescience de la mort. Il se trouve magnifiquement illustré dans la séquence finale, celle du bal de la princesse Ponteleone, dans laquelle l’ancien (le prince Fabrizio Salina) laisse la place au nouveau (son neveu Tancrède). Visconti a également le souhait de montrer la famille du prince anéantie en tant que force sociale. D’où la séquence où, dans la villa de Donnafugata, un officier s’est mis au piano pour chanter un air du Sicilien Bellini évoquant les morts par cette phrase : « Je vous revois, ô endroits que j’aime ». Visconti montre alors la famille Salina comme une assemblée de morts vivants. Tout son film est dominé par le sentiment de la mort qui approche. Mais ce qui est évoqué ici, c’est aussi le malheur qui a frappé la famille des Visconti Di Modrone. Il peint cette Italie à l’aide des somptueux palais détenus par les grandes familles italiennes de l’époque, toujours partagé entre la souffrance des siens et celle du peuple misérable d’Italie. Cette masse populaire apparaît lors de la scène du combat dans Palerme ; c’est elle qui se bat aux côtés de Garibaldi et sera fusillée sur la place des Martyrs.

Visconti ira toujours plus loin pour montrer la décadence et filmer les destins tragiques de ses personnages. Les années passant, le cinéma du réalisateur italien — tout comme sa propre perception de l’existence — se fera de plus en plus sombre, voire crépusculaire, impression renforcée par ses deux derniers films. En fin de compte, Visconti reste l’un des plus grands maîtres du cinéma d’art italien. Le Guépard est le miroir de sa pensée.

 

Céline Richard