Novarina : Le Vrai Sang (2011)

nov.
28

Le Vrai Sang : une pièce sanglante ? Oui et non : en réalité, le choix est laissé à chacun. Et c'est là le charme de l'art novarinien : entre rire et perplexité, chaque spectateur peut décider de sa réaction.

Point de sang sur scène, mais Renato Bianchi a su empourprer les costumes des comédiens, et, entre ces tenues écarlates et les divers éléments scénographiques qui viennent en rappeler la couleur — notamment une banderole portant un message couleur sang —, le spectateur, de toute façon, voit rouge !

La pièce témoigne de la plume habile, taillée à l'aiguisoir de la satire, de Valère Novarina, mais aussi de son talent et de son originalité en tant que metteur en scène. En effet, l’auteur a fait le choix de mettre lui-même son œuvre en scène, et la touche personnelle qui le caractérise, de ce fait, se retrouve dans la scénographie, qui est presque aussi loufoque que certaines répliques ! Ainsi, de même que l’on peut entendre, à tout moment, ce genre de propos : « Ma mère n'a pas eu d'enfant ! », l’on voit aussi entrer en scène six comédiens la taille ceinte d'une plate-forme géométrique en carton. Mais là encore, chacun est libre de trancher : de placer sa surprise, ses rires ou son embarras où il le souhaite.

Cependant, la pièce est sans aucun doute bien plus qu'une suite irraisonnée de répliques équivoques, telles que celle-ci : « L'âge légal de la mort vient d'être reculé de trois ans ». Car l'auteur y aborde aussi toutes les grandes questions de l’existence : la politique, l’amour, la mort… Ce qui amène à s'interroger sur le but poursuivi dans son œuvre. Quand il fait crier à ses personnages des supplications telles que « Sortez-moi de l'être ! » ou « Temps attends-nous ! »,  cherche-t-il à exprimer le mal-être récurrent inhérent à la condition humaine ? C’est probable. Mais il est certain aussi que, chez lui, l'espoir demeure toujours présent, et soutenu par l'amour, comme en témoigne cette déclaration, prononcée par un personnage : « Celui qui n'aime pas demeure dans la mort ».

Par ailleurs, il faut noter que Le Vrai Sang, en dépit de la profondeur des sujets qu’il traite, parvient toujours à rester à l’écart de toute emphase et de toute solennité. Du fait, d’abord, de son écriture : les phrases semblent toujours, tant du point de vue du vocabulaire que de la syntaxe, très simples – même si on s’aperçoit vite, en fait, qu’elles se prêtent à de multiples interprétations, et nous égarent volontiers. Et ensuite, du fait du jeu même des acteurs : un jeu constamment détaché — tout l’art de Novarina consistant, on le sait, à provoquer ce détachement, cette  sortie hors de soi. Et non pas seulement chez les comédiens : également chez ses personnages et dans le public.

Pour finir, une citation « sanguine » s'impose : «  Otez les mots du langage et vous avez la vérité », et comme bon sang ne saurait mentir, maintenant, je me tais.

 

 

Élaudy Da Silva - L1 Humanités