Annecy, le cœur battant de l’animation
Pendant une petite semaine, la belle ville d’Annecy s’impose chaque année comme véritable capitale de l’animation mondiale. Elle accueille des artistes de tous les horizons. Par les projections en tous genres et le marché international de l’animation, le festival international de l’animation d’Annecy assure la transmission de cet art à un public toujours plus nombreux.
Cette année encore, du 10 au 15 juin 2019, 12 300 accrédités de 92 pays différents se sont réunis autour des 3 139 films soumis pour la 43ème édition[1]. Des chiffres à faire tourner la tête ! Un événement d’une telle ampleur mérite qu’on s'imprègne de son atmosphère unique.
Affiche réalisée par Charlotte Gastaud, selon une esthétique nippone à l’image du pays invité de l’édition 2019 du festival.
Pourquoi Annecy ?
Depuis 1968, ce qui était à l’origine un ciné-club savoyard promeut le cinéma d’animation ; d’abord une fois tous les deux ans, puis de manière annuelle à partir de 1997, cette manifestation culturelle s’inscrit à la fois dans l’espace et dans le temps. D'un côté, il s'agit de valoriser la Haute-Savoie, en amenant à cette région française le monde de l’animation ; de l’autre, de se tourner vers l’avenir, en explorant d’édition en édition de nouveaux modes d’animation, de narration, et d’illustration. A ce titre, les projections dans le Dôme VR sont une des innovations de 2019 pour le festival ; en plus de faire entrer les œuvres en réalité virtuelle dans la compétition, ce nouveau lieu permet au grand public d’en faire l’expérience directement.
Quant à la démarche internationale, chaque édition du festival met un pays à l’honneur à la fois par la programmation officielle et par les événements organisés tout le long de la semaine de festival. Après la Chine, le Brésil, et avant d’accueillir des productions du continent africain l’année prochaine, il s’agissait pour 2019 du Japon.
L’animation pour tous
Favoriser les échanges autour de l’animation, tel est le mot d'ordre que s’est donné la Citia, structure organisatrice du festival. Depuis 2006, la Cité de l’image en mouvement d’Annecy est le cœur des industries créatives de la ville, et met en avant un impératif précis – faire valoir l’animation à tous et pour tous. Le Festival d’Annecy est donc sa pierre angulaire dans cette démarche. Et avec succès ! Le dialogue interculturel qui prend place à Annecy contribue à l’ambiance chaleureuse du festival. Il se distingue par ailleurs par ses happenings saugrenus (haka avant les projections, retrouvailles entre amateurs et professionnels autour d’un café…). Au-delà de la richesse culturelle, c’est la richesse humaine de l’événement qui peut être saluée. Chaque passionné, à sa hauteur et selon ses affinités, est en mesure de proposer sa propre animation de manière spontanée.
Le dialogue entre les différentes générations et cultures est une mission du festival d’Annecy. Au-delà d’une part de la programmation qui est entièrement « jeune public », de nombreux événements sont organisés spécifiquement pour les plus petits spectateurs. On peut citer des ateliers créatifs comme Japannecy Kids, mené par le collectif le Brise Glace. Cette année, partenariat avec le Japon oblige, les plus jeunes étaient initiés aux origamis puis assistaient à un ciné-concert autour de court-métrages de Tsuneo Goda, réalisateur en stop-motion utilisant justement cet art. Une manière pour les petits (et les plus grands) d’ouvrir leurs horizons artistiques, tout en mettant eux-mêmes la main à la pâte.
Et quel meilleur médium pour cet échange que l’animation? Un art qui est souvent réduit à du contenu pour enfants, dénigré comme pas assez sérieux ou profond, est ainsi mis à l’honneur pendant une semaine. Et pour cause, il ne s’agit pas « que » de projections dans le cadre d’un palmarès. Tout le long de cette petite semaine, Annecy accueille aussi le Marché international du film d’Annecy (Mifa). En plus du festival proprement dit, cet événement complémentaire permet aux artistes présents à Annecy d’exposer leurs productions et de rencontrer des distributeurs ou des producteurs.
Ainsi, différentes accréditations sont attribuées, dont certaines permettent d’assister à des conférences ou des work in progress (WIP). S’adressant à un public certes restreint et composé largement de professionnels, ces rencontres sont des cadres privilégiés pour assister à un projet en cours de réalisation. Qu’est-ce que les coulisses d’un dessin animé ? Découvrir des story-boards et dessins préparatoires fait comprendre le travail et la précision nécessaire dans l’animation.
Des invités de marque
Un festival ne se résume pas qu’à découvrir de nouveaux artistes. Le public initié aime aussi retrouver des valeurs sûres. Le pays invité de l’année, le Japon, est un des berceaux historiques de l’animation, présent à chaque festival d’Annecy, et accueilli comme un vieil ami dont on sait reconnaître la compagnie de qualité.
Parmi les têtes d’affiches, on peut citer Masaaki Yuasa qui a déjà reçu le Cristal du Long-Métrage il y a deux ans pour son film Lou et l’île aux sirènes et qui a présenté son dernier film Ride your wave en compétition officielle cette année. Des événements ont aussi été organisés autour du studio Ponoc (Mary et la fleur de la sorcière), constitué d’anciens membres du studio Ghibli (comme Hiromasa Yonebayashi, le réalisateur d’Arietty). Fidèle à la politique du studio, Modest Heroes, sa nouvelle anthologie de trois courts-métrages rassemble petits et grands, amateurs d’animation japonaise ou non, autour de problématiques familiales.
Les occasions de découvrir de nouveaux réalisateurs ne manquent pas non plus. Le ton est d'emblée donné par les courts-métrages des étudiants des Gobelins, ouvrant chaque séance, qui devaient tous avoir pour thème le Japon. Le passage de relais est immortalisé par RAMEN, un de ces court-métrages qui montre justement Hayao Miyazaki préparant un bol de pâtes japonaises à Isao Takahata… Parfaite introduction pour la projection de Horus Prince du Soleil, un classique de l’animation japonaise qui compte dans son équipe les deux réalisateurs légendaires !
La nouvelle génération japonaise a par ailleurs de quoi séduire. Les séries d’animation déferlent chaque saison, et certaines étaient mises à l’honneur dans le cadre de la programmation « Nouvelle Vague ». Mais qu’il s’agisse de séries ou de longs-métrages, des réalisateurs très novateurs sont mis au-devant de la scène ! Je pense à une des séances événements du programmes « Midnight Specials ». Il est tard, la journée a été longue, et pourtant, des amateurs d’animations japonaises se sont rassemblés autour du premier long-métrage du studio japonais TRIGGER, réalisé par Hiroyuki Imaishi. Figure emblématique depuis ses séries à l’animation explosive et aux personnages hauts en couleur (Kill la Kill, Gurren Lagann), il débarque à Annecy avec Promare. C’est un film qui semble conçu pour un festival : brisant allégrement le quatrième mur via l’utilisation de gros titres scandant les attaques ou les noms des personnages, il a vu sa séance ponctuée par des applaudissements fervents et autres exclamations pour soutenir des héros que tout le monde attendait et connaissait déjà.
Ainsi, il peut paraître dommage qu'aucune des oeuvres japonaises n'aient été primées cette année, en dépit des propositions extrêmement diverses toutes sélections confondues. Cela reflète à mon avis l'impossibilité de trancher dans cet éventail extrêmement riche. En effet, rendre justice à l’animation japonaise, c’est mettre sur le même plan à la fois ses voyages poétiques et spirituels, et ses innovations exubérantes et délirantes.
Un pari réussi
Une journée à Annecy est une expérience inédite de richesse. On peut assister à des animations en 3D particulièrement audacieuses avec Promare et Spiderman: Into The Spiderverse (Oscar du film d’animation 2018), alors qu’on vient de sortir de chefs-d’œuvres métaphysiques où chaque séquence est un tableau renversant, comme dans Les Enfants de la Mer. On peut s’interroger sur nos sociétés et nous-mêmes avec des œuvres engagées et poétiques comme avec les Hirondelles de Kaboul ou J’ai perdu mon corps (Cristal du Long métrage et Prix du Public), tout en ayant accompagné ses enfants dans les voyages débordant d’imagination de la Fameuse Invasion des Ours en Sicile ou de Birthday Wonderland, en passant par des rencontres avec des maîtres de l’animation comme Jean-François Laguionie (Cristal d’honneur) ou l’équipe des films Dragons.
Vous l’aurez compris, le festival d’Annecy offre un condensé de tout ce qui se fait de mieux dans l’animation. Le cinéma est ici un spectacle vivant, où artistes et spectateurs partagent leurs savoir-faire et expériences. Et si tous ces noms vous sont inconnus, pas d’inquiétude: les films du festival d’Annecy ont commencé à sortir début juillet et sont toujours joués pour la plupart !
[1] Source officielle du Festival d’Annecy 2019