Boris Vian à travers son œuvre
On a tous eu vent du nom de Boris Vian ou du moins d’une de ses influences comme la pataphysique, mais cet auteur et ses œuvres sont peu connus du grand public. Pourtant, Boris Vian né en 1920 fut un homme aux activités diverses : écrivain et musicien de jazz avant tout, ingénieur, poète, chanteur, parolier ou encore traducteur.
Sa plume fut reconnue grâce à des romans comme L’herbe rouge, L’Ecumes des jours ou le tumultueux J’Irais cracher sur vos tombes (publié sous le pseudonyme de Vernon Sullivan) ou encore grâce à des nouvelles comme Les fourmis.
Boris Vian, trompettiste de talent, évoque plus d’une fois sa passion qu’est le jazz dans ses romans et plus particulièrement dans son second : L‘Ecume des jours. A travers un «pianocktail» imaginé par ses soins qui verse une liqueur différente selon la note de musique jouée, Boris Vian rend hommage à sa passion musicale. Celui-ci se fait aussi à travers le personnage de Chloé qui provient d’un arrangement de Duke Ellington (pianiste, compositeur et chef d’orchestre américain de jazz). L’écrivain par son style d’écriture fait également référence à son art : en effet les «z» de jazz se retrouvent dans plusieurs mots tels «doublezons» ou encore «zonzonner».
Outre son fort attachement à la musique jazz, Boris Vian est aussi caractérisé par son style influencé par le surréalisme. Bien qu’il n’ait jamais côtoyé le groupe surréaliste, Boris Vian en a été influencé telles la réfutation de la logique cartésienne ou encore une pratique particulière des «images surréalistes». Par exemple, dans L’Ecume des jours, il dépeint la perte progressive de la richesse de Colin (le personnage principal) qui se caractérise par sa maison qui rétrécit littéralement au fil du roman.
Ce style d’écriture surréaliste est également très présent dans L’Arrache-coeur, roman qui narre le parcours de Jacquemort, psychiatre, et de Clémentine, mère de triplés, dans un univers fantaisiste voire parallèle. En effet, dans cet univers créé par l’écrivain, les moutons font du stop, les enfants parlent avec un pivert pour savoir où trouver les limaces bleues conférant le pouvoir de voler. De plus, dans ce roman, Boris Vian réinvente le temps : le lecteur se trouve donc par exemple le «135 avroût» ou encore le «14 marillet».
Boris Vian utilise également l’absurde surréaliste pour réfléchir sur des sujets comme ne pas être plus heureux en obtenant tout de suite ce que l’on désire. Dans L’Herbe rouge, Wolf (le personnage principal) invente une machine permettant de revivre ses souvenirs mais également d’acquérir immédiatement les objets du désir. Ainsi, le sénateur Dupont qui - témoignage du surréalisme- est un chien obtient ce qu’il désire le plus : un ouapiti. L’euphorie de départ du sénateur finit par le rendre gâteux.
Les romans de Boris Vian ne sont pas qu’un moyen de s’interroger sur le monde actuel mais ils sont, pour lui, un exutoire de ses propres angoisses, ou encore un moyen de parler de ses relations. Ainsi, dans L’herbe rouge, Wolf se confie à un Abbé à propos du rapport à sa mère qui le couvait trop. Ici, à travers Wolf c’est l’écrivain lui-même qui se confie au lecteur, qui nous confie l’amour trop étouffant que sa mère lui portait, certainement dû à sa maladie cardiaque (insuffisance aortique). Dans L’Arrache-coeur, Boris Vian développe de manière encore plus importante cet amour maternel à travers le personnage de Clémentine, mère accouchant de triplés ou «trumeaux», qui éprouve pour ses enfants un attachement qui deviendra possessif et obsessionnel.
Outre les relations familiales, Boris Vian exprime également ses angoisses de la vie, notamment dans L’Herbe rouge. En effet, Wolf de par ses interactions avec la machine se remet de plus en plus en question quant à son passé, son amour pour sa femme et encore sur lui-même. L’auteur, à travers son personnage de Wolf, exprime les doutes que lui même a connu au cours de sa vie, et la machine devient une métaphore de cette passe de remise en question que tout individu traverse au cours de sa vie.
Mais ces romans ne sont pas seulement un exutoire de ses angoisses personnelles mais aussi un moyen de caricaturer ses proches tels Jean-Paul Sartre ou encore Simone de Beauvoir. Ainsi, dans L’Ecume des jours, le premier se transforme en Jean Sol Partre et la seconde en la Duchesse de Bovouard.
Boris Vian, peu reconnu de son vivant, connut un énorme succès posthume -notamment pendant Mai 68 où les jeunes s’identifient à lui, l’éternel adolescent- comme le montre son entrée récente dans La Pléiade (octobre 2010), un peu plus de 50 ans après sa mort. Ses romans, à la fois personnels et universels, son style burlesque, sa description du monde tant infantile que cruelle ainsi que sa verve inimitable, font de cet auteur un homme qui, comme le dit son fils, avait «20 ans d’avance sur son époque».