L'Angleterre devrait-elle restituer les marbres du Parthénon à la Grèce ?

40 ans après la première réclamation de la Grèce, l’Angleterre reste catégorique : les marbres du Parthénon resteront exposés au British Museum de Londres. Pourtant, de nombreux pays commencent à prendre parti en faveur de la Grèce alors même que cette question fait échos aux problématiques d’héritages volés ainsi qu’au passé colonial de nombreux pays européens. 

 

 

 

 

Qu’est ce que le Parthénon ? 

Le Parthénon est un temple consacré à la déesse Athéna. Il a été construit au milieu du Ve siècle av.JC sur la plus haute colline de l'Acropole d'Athènes. Le Parthénon a été conçu par les architectes Ictinus et Callicrates sous la direction du sculpteur Phidias. Malheureusement, il a subi de nombreux dommages : tremblements de terre, incendies, pillages.. Mais comment l’Angleterre s'est-elle retrouvée avec les marbres grecs, également connus sous le nom de marbres d'Elgin ?

 

Pour répondre à cette question, il faut d’abord contextualiser les faits. 

Au tout début du XIXe siècle, la Grèce était une colonie de l'Empire ottoman. Durant cette période, Lord Englin, un britannique, a été nommé ambassadeur à Athènes. L’histoire raconte qu’il admirait tellement la Grèce antique qu'il décida de rapporter « quelques roches » avec lui en Angleterre. Mais en réalité, ces “quelques roches” se sont estimées être 75 mètres de frise du Parthénon. Certains historiens disent même qu'il a pris environ la moitié de ce qui restait du Parthénon à cette époque.

 

Carte de l'Empire Ottoman

 

Mais vient la question que l’on se pose tous : comment Lord Elgin a-t-il pu ramener autant de marbres sans que personne ne dise rien ? 

En 1801, Lord Elgin a reçu un firman émis par le sultan Selim III, qui contrôlait Athènes. Lord Elgin a affirmé que ce décret lui donnait la permission de retirer des statues ainsi que du marbre du Parthénon. Il a affirmé avoir l'autorisation "not only to survey and take casts of the sculptures but also to remove whatever pieces were of interest to him". C'est ainsi que Lord Elgin interpréta ce passage du sultan : "When they wish to take away some pieces of stone with old inscriptions and figures, no opposition be made." Dès qu'il en a obtenu l'autorisation, Elgin a engagé Lusieri, un artiste grecque, et ses hommes pour démonter une grande partie de la frise du Parthénon. Ce travail a duré 2 ans car ce n'est qu'en 1803 que l'énorme collection de marbres a été emballée dans environ deux cents caisses, qui ont été chargées dans des wagons et transportées au port du Pirée, à Athènes, pour attendre leur passage vers l'Angleterre.

À leur arrivée en Angleterre, Lord Elgin choisit d'exposer les statues au public jusqu'à ce qu'il trouve un moyen de les restaurer. Il espérait recréer les parties manquantes de chaque pièce et demanda au sculpteur le plus important de l'époque de le faire : Antonio Canova. Malheureusement pour Elgin, Canova a refusé de toucher aux statues, protestant que "ce serait un sacrilège pour tout homme de les toucher avec un burin". Voyant que les négociations n'aboutissaient à rien, Elgin fit pression sur le gouvernement britannique pour qu'il lui rachète la collection. En 1816, le Parlement Britannique crée une commission pour discuter de l'offre d'Elgin. Cette décision a divisé la presse britannique ainsi que la population : d'un côté, ceux qui considéraient que les marbres devaient être achetés pour la nation, de l'autre ceux qui les considéraient comme un gaspillage d'argent, puis ceux qui accusaient Elgin de les avoir volés en premier lieu. Plus tard cette même année, la commission a fixé le prix des marbres à 35 000 £ (l’équivalent d’environ 500 000$ actuels). Finalement, le Parlement a approuvé la vente avec un vote très serré : 82 voix pour et 80 contre. Voilà comment les marbres du Parthénon sont aujourd’hui encore exposés au British Museum.

 

Marbres exposés au British Museum de Londres

 

Mais aujourd’hui, que se passe-t-il ? 

La Grèce, qui à l’époque ne pouvait empêcher cette destruction, est aujourd’hui déterminée à récupérer son héritage. Le 15 mai 1983, le gouvernement grec a décidé qu'il demanderait officiellement à l’Angleterre de restituer les marbres d'Elgin. L'annonce faite par le gouvernement mentionne que le ministre de la Culture était "pleinement autorisé à entreprendre toutes les procédures nécessaires" afin de les obtenir.

Leurs arguments sont basés sur l'interprétation du firman qui a servi de justification pour prendre les marbres. En 1967, les historiens britanniques ont conclu que le sultan n'autorisait pas le retrait et l'exportation de statues et de reliefs du Parthénon : la mention autorisant les Britanniques à prendre des pierres "avec des inscriptions et des figures anciennes" faisait probablement référence aux objets trouvés lors des fouilles menées sur le site, et non aux œuvres d'art ornant les temples. Plus tard, Elgin a reconnu devant la commission parlementaire que cet acte était probablement illégal, mais il l'a justifié comme un moyen de sauver les pièces des dommages et des pillages auxquels elles avaient été soumises sous la domination ottomane.

 

Afin de faire pencher la balance en leur faveur, le ministère grec de la Culture mène une campagne pour obtenir un soutien international sur la question. Jusqu'à présent, le gouvernement britannique a rejeté toutes les demandes du ministre, arguant « qu’aucune demande formelle n'avait été faite par la Grèce ». Après la première demande officielle, l’Angleterre a utilisé l'argument controversé selon lequel ils avaient acquis les marbres de manière légale et que rien n'exigeait de les rendre.

Depuis ce premier refus, la Grèce continue de demander régulièrement la restitution des marbres sans succès. Pour faire pression contre l'Angleterre, la Grèce a ouvert, en 2009,  un musée au pied de la colline de l'Acropole, affirmant que "cela répond à toute suggestion selon laquelle Athènes manque d'un endroit approprié pour conserver les marbres".

 

 

Au final, les deux parties répondent à la question en se basant sur leur propre interprétation du firman puisque chaque partie l’analyse en sa faveur. Pour le British Museum, Elgin était un diplomate officiel et a pris les marbres avec la permission des autorités turques, qui dirigeaient Athènes à l'époque, ce qui signifie qu'il l'a fait de manière légale et respectueuse. Pour contrer cet argument, les Grecs soutiennent que les Turcs les ont envahis et n'ont agi que dans leur propre intérêt, sans penser au peuple grec.

Mais le débat va plus loin puisqu'il divise l’Angleterre au sein même de son territoire. En fait, selon un sondage publié dans le Times, seulement un quart des Britanniques pensent que les marbres d'Elgin devraient rester au British Museum de Londres. L’ancien premier ministre, Boris Johnson, fait partie de ce faible pourcentage : lors d'un entretien officiel, il a déclaré que « les sculptures prises par Lord Elgin resteront en Grande-Bretagne car elles ont été légalement acquises ». Répondant aux propos de Johnson, la ministre grecque de la culture, Lina Mendoni, a souligné qu'elle pourrait fournir "les preuves documentaires nécessaires" pour prouver que le British Museum possède illégalement les sculptures. "Après un examen attentif des déclarations du Premier ministre Johnson, il est clair qu'il n'a pas été correctement informé des nouvelles données historiques concernant l'occupation de la Grèce par les Ottomans, qui montrent qu'il n'y a jamais eu d'acquisition légitime des sculptures du Parthénon par Lord Elgin, et donc ni par le British Museum.” 

 

Aujourd’hui, ce problème ne concerne plus seulement les deux pays concernés, mais toute l'Europe. La Grèce soutient depuis longtemps que la réunification des sculptures, exposées dans des musées à travers toute l'Europe, est nécessaire pour comprendre le temple. Contrairement au British Museum, le Louvre a accepté, en 2019, de restituer la partie de la frise du Parthénon qu'il possédait.

Le Parthénon, symbole de l'Unesco et de la civilisation occidentale, reflète des valeurs universelles. Dans ce débat, tout le monde s'accorde sur une chose : les marbres d'Elgin sont uniques et d'une grande valeur. Mais la Grande-Bretagne prendra-t-elle exemple sur la France et rendra-t-elle les marbres à Athènes ? La question reste encore en suspens puisque le dernier refus de l'Angleterre date de mai 2022