Le sang de Médusa et la naissance du corail rouge (ou) ce que nous dévoile la mythologie de notre société.
Les serpents sans vie, suivent le mouvement de l’eau opaque et terrifiante, et s’enfoncent avec le reste de cette tête inerte dans l’obscurité. Ses yeux ouverts laissent s’échapper la mort. Les vagues à la surface, donnent à son sang une impulsion qui le laisse s’échapper comme une fumée calme et méandre, comme de l’encre qui s’écoule dans de l’eau. Cette couleur agressive pour l’œil et la rétine, suit la brise de l’eau en douceur et s’enfonce dans le néant. Les gouttes de sang, tombant de la tête de la gorgone dans la mer, au contact de l’eau se mirent à bouillonner sous le soleil. Et le corail fut.
Un des détails les moins populaires du mythe de Médusa raconte que le sang coulant de la tête, au contact de la mer méditerranée, se mit à bouillonner, et se transforma en une matière dure et rouge vif, aujourd’hui appelée corail. En Corse, la coutume veut que l’on offre du corail rouge à ceux que l’on veut protéger, et surtout aux plus vulnérables comme les enfants. La puissance créative et positive de Médusa est souvent méconnue, car cette dernière est représentée comme un monstre.
Médusa, pour recontextualiser, est la sœur de deux autres gorgones, Sthéno et Euryale. Elle est la fille de Phorcys (divinité marine) et de Céto (qui descend de Pontos, personnification de l’océan, et Gaïa, de la terre). Bien que de sang divin, Méduse est la seule des trois gorgones à être mortelle. La beauté de Méduse, était, à ce qu’on raconte, tellement puissante, qu’elle en était envoûtante. Beaucoup de textes relatent la magnificence de ses cheveux. Elle fut violée pour cette raison par Poséidon dans le temple d’Athéna. Cette dernière, offensée par ce qu’il s’est passé dans son sanctuaire, transforme Médusa en un monstre à tête de serpent qui pétrifie à l’aide de son regard. Une autre version, raconte qu’Athéna la transforme par jalousie pour sa beauté. À partir de ce moment-là, elle fut redoutée par les hommes et par les dieux, car, quiconque croisait son regard, serait instantanément changé en pierre.
Enfermée dans une tour de bronze, ou dans une cave dont les portes étaient d’airain, Danaé paie le sort de l’oracle, qui aurait averti son père Acrisios, que l’enfant qui naîtra de sa fille, sera coupable de son meurtre (Acrisios). D’autres femmes dans la mythologie antique, payent de façon récurrente pour la faute qu’à commis autrui : c’est par exemple le cas de Pasiphaé. Certains écrits rapportent le fait que Poséidon, se serait métamorphosé en oiseau pour pouvoir transporter Médusa dans le temple d’Athéna. Dans la mythologie antique, Zeus est connu pour avoir, d’innombrables fois, pris l’apparence d’animaux pour profiter de femmes sans leur consentement (et ce n’est pas le seul à être coupable de viol : Liriope aurait été violée par le fleuve Céphise, Déjanire par un centaure, etc.). Zeus, se métamorphose en pluie d’or pour passer à travers les barreaux de la tour, et ainsi, féconde Danaé, qui donnera naissance à Persée.
Fils d’un viol, il sera lui-même responsable d’un acte de monstruosité, en ramenant la tête de Médusa comme un trophée, à Athéna. Lorsque Acrisios découvre l’existence de Persée, il entre dans une colère noire, et prêt à tuer sa propre fille et son enfant, il décide finalement de les enfermer dans un coffre, par peur de devoir affronter la colère des dieux, et les jette à la mer. Ils atterrissent sur l’île de Sérifos. Polydecte, roi de l’île, tombe amoureux de Danaé, et veux la forcer à se marier. Accablée par son sort, Danaé se lamente. Persée veille sur sa mère, mais Polydecte ruse, et organise un grand banquet ou tous les invités doivent rapporter un présent, et invite Persée, sachant que celui-ci est très pauvre. Ce dernier s’engage à lui rapporter la tête de la méduse. Polydecte, persuadé qu’il mourra durant la quête, se réjouit. Athéna, qui ne souhaite pas le bonheur à Médusa, aide Persée en lui confiant un bouclier poli comme un miroir, pour pouvoir trancher la tête de la méduse sans la regarder dans les yeux. Hermès l’aide avec un casque qui le rendra invisible, ses scandales ailées, ainsi qu’une besace pour y mettre la tête de la méduse. Lorsque Persée arrive, il trouve les gorgones endormies. C’est donc la deuxième fois que médusa est victime de violences, et ce, dans un état second. Il s’approche de méduse et la décapite. Médusa était à ce moment encore enceinte de Poséidon, et de son sang naîtra Chrysaor guerrier à l’épée d’or, et Pégase cheval ailé. Persée, invisible, échappe à la colère des sœurs de Médusa et s’envole pour retourner à Sérifos. Persée sera coupable de violence et de lâcheté, et Poséidon, dieu des mers engendrera de magnifiques créatures, malgré son crime, par ce que c’est un dieu, mais aussi bien parce que c’est un homme.
Il est raconté dans Histoires mystérieuses de Corse - Le Testament de Méduse et autres comptes, de Jacqueline Mosconi Malherbe, que Médusa aurait été reine de Corse pendant 28 ans, et aurait sauvé la Corse et la Sardaigne des Lestrygons (géants mangeurs d’homme connus pour avoir massacré les hommes d’Ulysse). On peut reconnaître des formes incorporées dans la pierre des Calanques de Piana qui seraient proches de formes humaines ou vivantes. En Corse, la beauté du paysage s’impose comme une puissance, et ceux qui y vivent lui associent des mythes. Maupassant écrit, après avoir visité les terres « Je m’arrêtais d’abord stupéfait devant ces étonnants rochers de granit rose, hauts de quatre cents mètres, étranges, torturés, courbés, rongés par le temps, sanglants sous les derniers feux du crépuscule et prenant toutes les formes comme un peuple fantastique de contes féériques, pétrifié par quelque pouvoir surnaturel. J’aperçois alternativement deux moines debout, d’une taille gigantesque ; un évêque assis, crosse en main, mire en tête ; de prodigieuses figures, un lion accroupi au bord de la route, une femme allaitant son enfant et une tête de diable curieuse, cornue, grimaçante, gardienne sans doute de cette foule emprisonnée en des corps de pierre ». Beaucoup de faits relatés montrent la puissance créatrice de Médusa, qui, en dehors des crimes qu’elle a subi, est une créature courageuse et particulièrement puissante. Une version du mythe raconte, que le sang coulant de la veine droite de la tête coupée de Médusa, serait capable de ressusciter les morts. Jacqueline M. M. écrit : « Et pourtant la Gorgone est aussi considérée comme une protection, comme si on récupérait sa force, en somme. D’ailleurs est-ce un hasard si Pascal Paoli avait une tête de Méduse sur son bouclier et si le corail, ce sang de la monstresse, est porté par les Corses pour conjurer le mauvais œil, ce regard au pouvoir maléfique doté d’une terrible efficacité, reflet des pulsions de l’âme ».
Après avoir pris possession de la tête de Médusa, Athéna l’aurait mise sur son bouclier de protection appelé l’Égide. Les boucliers avec le symbole de la méduse sont souvent présents sur les vases attiques pour pouvoir affronter l’adversaire et le repousser : Achille et Agamemnon ont par exemple été représentés avec des boucliers de ce type. La représentation de Médusa est souvent utilisée comme une protection contre le mauvais œil. La version la plus en accord avec cette façon de voir Médusa, raconte qu’Athéna, ne pouvant pas punir Poséidon, transforma Médusa dans le but de la protéger contre quiconque lui voudrait du mal. Médusa n’est pas juste une créature monstrueuse, elle l’est seulement dans la représentation collective que l’on se fait d’elle.