Les contrats conclus à distance, L’article 1262 du Code civil ou la Théorie dite du « conocimiento» : une spécificité ibérique, entre « ombres » & « lumières ». Par Sophie Michel
Si la Doctrine n’est pas considérée formellement en droit espagnol comme une véritable source de droit, la question de la formation du contrat à distance a pu néanmoins lui conférer un véritable statut. L’article 1262 du Code Civil Espagnol (CCE) offre clairement une définition sur la date à prendre en considération pour la conclusion de tels contrats. Il n’en demeure pas moins que l’article est sujet à de multiples interprétations et analyses doctrinales. Différentes théories s’opposent sur la définition de l’instant précis de l’acceptation. Ces mêmes divergences ou oppositions doctrinales d’un point de vue civil ou commercial constituent le point de départ d’un réel déploiement de débats d’idées sur la question. La détermination d’une telle date n’est pas sans conséquences. Des remèdes sont à trouver. Les systèmes juridiques tels l’Espagne ou la France ayant des solutions parfois divergentes pourraient, par une étude comparative intelligente, clarifier leur droit à la lumière de telle ou telle disposition étrangère après avoir mis en balance tel ou tel aspect de la doctrine. Dans ce sens, une inspiration européenne voire internationale serait sans doute utile ou pour le moins nécessaire.
Dans le contexte actuel de développement des nouvelles technologies, le pollicitant et l’acceptant peuvent être séparés par la distance au moment de l’acceptation d’une convention. En matière de contrats à distance, (J.VALERY, Les Contrats par correspondance, 1895), notamment les électroniques, il se peut qu’il y ait dans certains cas un défaut de présence physique et simultanée de l’offrant et de l’acceptant, dès lors le transfert matériel de la chose vendue ne peut se faire immédiatement. Cela n’empêche pas pour autant le contrat de se former mais l’éloignement des parties soulève une difficulté de détermination du lieu et de la date de formation du contrat. Les codes civil espagnol et français n’exigent pas la présence simultanée des parties au moment dudit échange des consentements. Il suffit qu’une offre remplissant les prescriptions légales soit acceptée pour que le contrat soit formé (Tribunal Supremo, 30/05/1996, AC.681/1996). Mais, les textes légaux n’étant pas très développés sur la question, la jurisprudence a dû combler ce manque. Plusieurs théories doctrinales se sont alors développées en essayant plus particulièrement de répondre aux interrogations concernant la date à prendre en considération pour considérer le contrat comme conclu. La théorie de l’émission consistant à considérer le contrat conclu lorsque l’acceptant émet sa déclaration d’acceptation de volonté s’oppose à la théorie de la réception qui s’attache à la réception de cette même acceptation par le destinataire de la déclaration. Une véritable controverse doctrinale existe en Espagne comme en France. Face aux objections aux autres théories, s’est développée la théorie de l’information ou dite du « conocimiento » notamment en Espagne. Et alors que beaucoup de systèmes n’ont pas intégré textuellement ou légalement l’usage d’une théorie ou une autre en matière de contrats conclus à distance, notamment en France, il en va autrement en Espagne. Le rôle de la loi en tant que source de droit dans ce domaine est réellement marqué notamment à travers l’article 1262 du Code civil espagnol (CCE) qui fixe avec précision la théorie à appliquer pour déterminer la date exacte de formation du contrat. Le contrat inter absentes sera estimé conclu à partir du moment où le contractant aura connaissance de l’acceptation. Ce sera la condition “sine qua non” de sa naissance. Si une telle formalisation légale est un gage de sécurité pour le cocontractant, les auteurs sont partagés sur l’application d’un tel texte et sur les théories à faire primer. Des débats s’engagent et de véritables interrogations demeurent. Dès lors, quelle est la théorie qui doit prédominer ? On pourrait emprunter à Platon l’image de l’allégorie de la caverne telle que développée dans La République, qui décrit le mouvement progressif d'un homme vers la lumière du jour et le monde extérieur à la caverne, lesquels représentent la connaissance et la vérité. Relativement aux contrats conclus à distance, en quoi le Code civil espagnol par sa spécificité joue-t-il un rôle dans l’éclaircissement de telles notions ? Peut-on dire qu’il permet de rendre claire une question obscure qui juridiquement pose problème? Quel est le rôle des auteurs et de la jurisprudence en ces matières? Ne subsistent-ils pas des interrogations ? Quelles solutions pourrait-on trouver pour y remédier ? La formalisation écrite de la théorie de la connaissance au sein du Code civil espagnol est une spécificité espagnole qui doit être remarquée. Entre clarté d’un texte et incertitudes soulevées (I), l’article 1262 CCE est l’objet de débats. L’enjeu est clair : il s’agit de déterminer la date et du lieu de conclusion du contrat. Face à une question si importante pour les contractants et qui intéresse nécessairement la jurisprudence et les auteurs, des remèdes aux effets de la détermination de la date de formation du contrat (II) seraient alors à trouver.
I – L’article 1262 CCE : entre clarté d’un texte et incertitudes soulevées
L’article 1262 du Code Civil Espagnol est la formalisation concrète et légale de la théorie civile dite du « conocimiento » : c’est aussi la clarté d’une spécificité ibérique qui fait face à une opacité française (A). Mais, si le texte est fort et clair, l’application de la dite théorie est pourtant largement discutée (B) : entre « ombres » d’un texte et possibles « éclaircissements » théoriques, tel sera l’angle d’attaque. Et si civilement, le Code espagnol accueille clairement le principe de « connaissance », contrarié par la doctrine favorable à la « réception », le principe de « l’émission » aurait pénétré la matière commerciale. Dès lors, demeure une absence d’unité civile et commerciale que l’on peut interpréter comme un rapprochement doctrinal avec le droit français (C)
A - La théorie civile du « conocimiento » : la clarté d’une spécificité ibérique face à une opacité française
Contrairement au droit français où le Code Civil n’offre pas de définition certaine sur la date à prendre en considération pour considérer comme conclu un contrat, le droit espagnol se distingue par la spécificité dont il fait preuve. En effet, l’article 1262 CCE formalise clairement la théorie de la connaissance dite « teoría de la Cognición ou de conocimiento » selon laquelle « le consentement se manifeste par le concours entre l’offre et l’acceptation de l’offre et la cause du contrat ». “El consentimiento se manifiesta ... Ce premier alinéa considère le moment de la formation du consentement comme élément essentiel de la formation du contrat selon lequel doivent concourir l’offre et l’acceptation de l’offre et la cause même du contrat. Entre personnes physiquement présentes, le moment de la naissance de la relation contractuelle sera établi par le moment d’échange des manifestations entre cette même offre et acceptation coïncidant en temps et en espace.
En outre, si « l’offre et l’acceptation de l’offre se font dans des lieux différents », l’article 1262 CCE en son deuxième paragraphe établit que « l’acceptation faite par lettre n’oblige pas celui qui a fait l’offre sauf si elle est connue. Le contrat dans un tel cas sera considéré comme conclu au lieu où aura été faite l’offre. “La aceptación hecha por carta no obliga al que hizo la oferta sino desde que llegó a su conocimiento. El contrato en tal caso se presume celebrado en el lugar en que se hizo la oferta”. Plus spécifiquement, l’utilisation du terme légal « sauf si elle est connue » est une illustration textuelle de la «Teoría de» (conocimiento), c’est à dire « de la connaissance », c'est-à-dire que ne suffit pas seulement que l’acceptation arrive au domicile (théorie de la « réception ») pour que le contrat soit parfait mais il faut en plus que l’offrant ait eu connaissance du contenu de la lettre d’acceptation ou dès lors que « l’ayant remise à acceptant il n’ait pu l’ignorer sans mauvaise foi ». En outre, le lieu de conclusion du contrat sera celui où se sera faite l’offre.
Le problème ne se pose pas de savoir si, nonobstant la distance ou l’éloignement, il existe entre les parties un processus de communication ininterrompu. Le Tribunal Supremo (3/01/1948) a estimé que l’accord conclu durant une conversation téléphonique donne lieu à la formation du contrat. Dans ce cas, les problèmes posés sont de preuve et non pas juridiques au fond. En revanche, le problème se pose s’il existe un intervalle de temps ou une interruption dans le processus de communication.
Si l’art.1262 CCE consacre légalement la théorie dite de la « connaissance » d’une façon très claire et précise ce qui est un gage de sécurité pour le justiciable, le système français est flou. En effet, les art. 932 et 1985 CCF sont contradictoires. D’une part, le système de la réception est retenu pour le contrat de donation, la notification au donateur faisant naître le contrat. D’autre part, le système de « l’émission » s’applique en matière de mandat, le contrat étant formé le jour où le mandataire a accompli le premier acte d’exécution malgré l’ignorance du mandant. Face à une telle incertitude, la jurisprudence de la Cour de Cassation et la doctrine ont dû définir plus précisément cette notion sujette à de multiples interprétations et controverses. C’est donc la clarté d’une spécificité ibérique qui fait face à une opacité française. Le droit français pourrait d’ailleurs s’inspirer du système espagnol en clarifiant son droit. Mais tout n’est pas aussi simple qu’il n’y parait à première vue. La Doctrine a pu aussi jouer un rôle dans la remise en cause des théories dites du « conocimiento », entre « ombres » d’un texte et possibles « éclaircissements » théoriques, tel sera notre angle d’attaque.
B- Une théorie pourtant discutée : entre « ombres » d’un texte et possibles « éclaircissements » théoriques
Mais si on fait habituellement l’éloge de l’art.1262 CCE, la doctrine espagnole majoritaire est en revanche favorable à l’application de la théorie de la « réception » qui prend en compte la date de la réception de l’acceptation par le destinataire de la déclaration. (Luis Diez Picazo, José Almagro Nosete) en estimant que le critère de la connaissance réelle établi par la loi équivaut à la possibilité de connaissance quand il n’existe pas de faute ou de manque de diligence du destinataire de la déclaration. Le Tribunal Supremo (24/11/1998 AC.235/1999) la considère comme théorie la plus proche du texte légal. Dès lors, on peut considérer que le critère de la « connaissance » a été largement nuancé par le Tribunal Supremo. On doit appliquer la théorie de la réception atténuée par une présomption de connaissance du propre article 1262.2 CCE. On présumera en particulier que l’offrant a connaissance de l’acceptation quand la correspondance parvient au sein « de son cercle et de ses intérêts ».
La doctrine Ennecerus considère quant à elle, que l’on ne peut admettre de façon unie « une solution qui résulterait d’une application rigoureuse du système de la connaissance car elle ne peut supposer l’intention du législateur d’accorder l’option de conclusion du contrat selon la volonté du pollicitant en entendant le contrat comme conclu au moment où le pollicitant a pu avoir connaissance de l’acceptation ». La doctrine de la « réception » a notamment été défendue par Albaladejo, il suffit que le déclarant prouve que la déclaration aurait été dans les mains du destinataire en présumant que si ce dernier n’est pas parvenu à la connaître c’était du fait de sa propre faute, à charge pour lui d’apporter la preuve contraire.
E.Lalaguna (« La Ley », X, 2247,1989) considère aussi que « l’impossibilité de connaissance pour une cause imputable au destinataire peut se produire avant le moment et même indépendamment de la réception de l’acceptation par le pollicitant ». Pour lui, il n’y a aucune raison de mettre en œuvre cette imputabilité. Les décisions du Tribunal Supremo du 28/05/1976 et 29/09/1981 admettent qu’une telle conclusion existe si le destinataire donne une adresse erronée et si son absence a empêché la notification. Deux règles se verraient alors applicables. La déclaration d’acceptation serait efficace et rendrait le contrat conclu à partir du moment où le pollicitant l’aurait reçue. Aussi, la déclaration d’acceptation serait efficace même si une faute imputable du pollicitant en aurait empêché sa réception.
L’art. 1262.2 CCE rédigé en vertu de la loi 34/2002 du 11/07/2002 relative aux contrats électroniques ne résoudrait pas tous les problèmes relatifs au moment de la conclusion du contrat (Luis Diez Picazo). Il ne se réfère qu’à l’acceptation « faite par lettre » ce qui exclut les présomptions de conclusion de contrat s’il existe entre elles un processus de communication ininterrompu. Il exige en outre une « interprétation extensive permettant d’y inclure tous les contrats conclus entre personnes à distance avec un processus de communication ininterrompu quelque soit le moyen de communication employé ». On appliquera cette interprétation si l’acceptation se fait par téléphone, l’acceptant ayant communiqué avec un représentant intermédiaire du pollicitant, cela ayant retardé la conclusion dudit contrat.
L’art. 1262 CCE tend à résoudre le problème posé par la position du pollicitant. Jusqu’au moment de la connaissance de son acceptation, il n’est pas obligé et peut renoncer à son offre. Le risque relatif à la transmission de l’acceptation tombe sur lui dans le cas par exemple où l’acceptation n’arrive pas à son terme ou tardivement. En revanche, cela laisse plus de temps à l’acceptant pour révoquer son acceptation qui peut être effectuée jusqu’au moment où le pollicitant a eu connaissance de l’acceptation. Selon les auteurs espagnols, l’article en question laisserait non résolue la question de la situation de l’acceptant. Le problème réside dans la possibilité ou non de révoquer ou de modifier son acceptation. L’interprétation de l’art.1262 CCE doit donc être faite de manière extensive.
En outre, plus spécifiquement, Carlos Rogel Vide ( Revista Jurídica española “ la ley”, 1982) a pu soutenir que le contrat par télex est formé à distance de façon instantanée, l’impression directe des caractères utilisés à travers des ondes électromagnétiques au domicile du destinataire de l’offre suffisant. L’accusé de réception habituellement émis permet de rendre parfait le contrat, les caractéristiques du système conférant aux déclarations formulées une véritable valeur contractuelle.
Si le Code Civil espagnol accueille civilement le principe de « connaissance », contrarié comme tel par une doctrine favorable à la « réception » laissant irrésolus les problèmes bien que mis en exergue, le principe de « l’émission » aurait pénétré la matière commerciale. Dès lors, demeure une absence d’unité civile et commerciale que l’on peut rapprocher avec le droit français.
C – Une absence d’unité civile et commerciale ou une proximité française
Si d’un coté, le Code Civil espagnol accueille clairement le principe de la «connaissance », le Code de commerce espagnol préfère d’un autre coté appliquer pour les contrats commerciaux le principe de l’émission (art.54 CComE) sans préjudice de l’application en matière commerciale du principe de la « connaissance » par la Directive du 8 juin 2000 en matière de commerce électronique. Il existe en réalité en droit espagnol un problème de coexistence entre l’article.54 CComE et l’art.1262 CCE. L’art.54 CComE prévoit que la conclusion du contrat est effective dès réponse à proposition de contrat. Il semble qu’aujourd’hui la théorie de « l’émission » ait la faveur des tribunaux en matière commerciale. Et la doctrine dominante parmi les mercantilistes tend à interpréter ce texte de la même façon malgré de multiples inconvénients et sans qu’une dualité de solutions normatives ne se trouve justifiée, qui ne peut que s’expliquer par l’antériorité du Code de Commerce par rapport au Code civil.
La théorie de « l’émission » admise en droit commercial espagnol est très similaire à la conception de la chambre commerciale de la Cour de Cassation (Cass., Com, 21/03/1932) qui prit position pour l’émission en décidant que « la formation de la promesse est réalisée et le contrat rendu parfait par l’acceptation des propositions qui sont faites, dès l’instant où cette acceptation a lieu ». Malgré la minimisation voulue de la doctrine face à cette décision importante, la chambre commerciale a persisté dans cette voie. (Cass., Com, 7/01/1981, RTD civ, 849, obs CHABAS confirmée par Cass., Com, 6/03/1990, Sem Jur,Ed.G, no 47, obs GROSS) selon lequel c’est l’envoi de la lettre d’acceptation qui forme le contrat sauf si les parties en ont décidé autrement.
Ainsi, alors que le texte légal espagnol paraît clair, de véritables interrogations subsistent et en matière de contrats à distance, le rôle joué par la jurisprudence et les auteurs est bien marqué. Le débat est ouvert si bien que les auteurs sont partagés sur l’application d’un tel texte de loi et en viennent même à contester son existence propre. Des remèdes aux effets de la détermination de la date de formation du contrat seraient alors à trouver pour solutionner les problèmes soulevés.
II – Recherche de solutions à la faiblesse légale
La question de la détermination du moment de formation du contrat et de celui de l’acceptation n’est pas sans conséquences. La Doctrine s’est penchée sur ces questions essentielles. Cela va influer sur la loi applicable. Et, si le contrat est une vente, la date de l’acceptation déterminera le moment où l’offrant ne peut plus rétracter son offre, le moment du transfert de la propriété, des risques en cas de perte de la chose vendue (1095 CCE / 1138 CCF), en cas de décès d’une des parties mais aussi le point de départ du délai de rétractation de l’acheteur et de prescription si le contrat est considéré conclu. Si le bien vendu est détruit de manière accidentelle ou fortuite, deux situations aux conséquences opposées sont envisageables. Tout dépend si le sinistre intervient avant l’acceptation et donc avant que le contrat ne soit formé, le vendeur devra payer cette perte, l’acheteur ne devant rien. Mais si la destruction est postérieure à l’acceptation et le contrat formé, l’acquéreur devra régler le prix d’achat, malgré la non possession de la chose vendue. La mise en œuvre de telle ou telle théorie est déterminante s’agissant de la validité du contrat si survient un problème au cours du processus de formation du contrat. L’offre est alors rétractable si le contrat est considéré comme jamais conclu, le transfert des risques n’ayant pas lieu.
La théorie de « la connaissance » ou de « l’information » telle qu´établie par le Code Civil espagnol a ses limites. Face à la faiblesse d’un texte sujet à débats, on tend à résoudre les difficultés soulevées (A). Mais un manque d’unité doctrinale ne peut rester sans réponse. Des remèdes sont alors à trouver. La réponse pourrait être apportée par le droit international ou européen (B).
A- Faiblesse d’un texte et tentatives de résolutions de difficultés
La théorie de « l’information » ou de la « connaissance » telle qu’établie par le Code civil espagnol a aussi ses faiblesses. Elle tend à résoudre les difficultés posées par la théorie de « l’émission » mais sa position radicalement opposée peut mener à des conséquences injustes s’agissant des intérêts en présence entre les parties. Si l’acceptant du contrat a fait preuve de diligence normale pour que son acceptation arrive à la connaissance du pollicitant sans qu’un fait ne puisse lui être imputable, est-il juste que la déclaration d’acceptation demeure inefficace et que le contrat soit considéré comme nul et non avenu ?
Parallèlement, la théorie de « l’expédition » a pu être développée afin de nuancer l’application de la théorie de « l’émission ». Une émission de déclaration de volonté n’est pas suffisante pour rendre le contrat conclu. Il faut non seulement que l’acceptant émette sa déclaration de volonté mais aussi qu’il la dirige à son destinataire. Si le pollicitant n’en a pas connaissance, ce sera dû à un fait qui n’est pas imputable à l’acceptant. Le contrat sera considéré comme formé à partir du moment où l’acceptant expédie et met en oeuvre la déclaration de volonté de l’acceptation.
En outre, la mise en œuvre de la théorie de la « réception » a pour but de nuancer les conséquences souvent abusives ou injustes de la théorie de « l’information » qui en dérive, le moment de la conclusion du contrat se situant selon cette théorie au moment où la déclaration de volonté d’acceptation parvient au domicile ou établissement du pollicitant.
Les auteurs jouent un rôle important et essentiel dans la résolution des problèmes posés par l’application de ces théories en matière de tels contrats. Mais les tentatives de résolution de difficultés ne résolvent pas au fond les problèmes. Des remèdes ou des solutions intermédiaires sont à trouver. Le champ européen et international serait sans doute porteur.
B- Une possible réponse européenne & internationale
Aux vues de telles oppositions doctrinales et des résultats insatisfaisants de l’article 1262 du Code Civil espagnol, il serait nécessaire de trouver une solution intermédiaire. La loi 7/1998 du 13/04/ 1998 régulant les contrats électroniques et en outre applicable aux contrats à distance aurait pu être un bon modèle de régulation des relations contractuelles mais la Directive du 8 juin 2000 relative au commerce électronique a complètement changé le paysage juridique. Elle paraîtrait donner des pistes de réflexion. Cette même Directive (art. 11) consacrée par le Real Decreto 1163/2005 en Espagne et transposée en France par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est en outre un élément important du paysage juridique. Le système tel qu’institué par Bruxelles prévoit que le contrat n’est pas conclu par la seule rencontre des volontés, le pollicitant devant avertir l’acceptant de ce qu’il a reçu de l’acceptation. En cas de commande, le prestataire doit en accuser réception, sans délai injustifié et par voie électronique (11.1). En outre, il est présumé que la commande et l’accusé de réception sont reçus lorsque les moyens techniques employés font que le destinataire aurait dû y avoir accès (11.2). Cela revient à consacrer clairement la théorie de « l’information » de l’acceptant mais ici en droit commercial interne espagnol. Ainsi la théorie de « l’information » telle que consacrée légalement par le système civil espagnol tend à s’appliquer commercialement. Ceci est une véritable nouveauté qui mettrait à bas le système de l’émission en matière commerciale mais il est possible qu’il ne se limite qu’au commerce électronique. On reviendrait donc à une solution européenne très proche du droit ibérique sur ce point. La portée de ces dispositions reste néanmoins incertaine car il n’est pas indiqué qu’elles conditionnent la formation du contrat, la directive sur le commerce électronique s'attachant en priorité à renforcer la sécurité juridique. Elle établit un cadre juridique stable en soumettant les services de la société de l'information aux principes du marché intérieur (libre circulation…) et en instaurant un nombre limité de mesures harmonisées.
En outre, en matière commerciale, la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises approuvée par l’Espagne comme la France consacrent le système de la réception : « l'acceptation d'une offre prend effet au moment où l'indication d'acquiescement parvient à son auteur» (art.18). Cette directive doit être néanmoins écartée lorsqu’il s’agit de déterminer le moment où l’offre ne peut plus être rétractée. Aux termes de l’art.16, « l’offre peut être révoquée si la révocation parvient au destinataire avant que celui-ci ait expédié une acceptation ». Les principes Unidroit (art.2-6) et l’art. 2-203 des principes de droit européen du contrat consacrent également cette théorie.
Aux vues du nombre important de normes coexistant pour une seule et même question ouvrant la voie à de multiples interprétations, les différents courants doctrinaux sont toujours autant développés en Espagne comme en France. Il existe toujours autant d’oppositions doctrinales concernant la détermination du moment de la conclusion du contrat. La Doctrine devient alors une véritable source de droit se substituant d’une certaine façon à la loi sans oublier l’influence qu’elle a sur la jurisprudence. Ainsi, le droit international et le droit européen pourraient par la diversité des solutions proposées donner de bonnes et sérieuses pistes de réflexion. Le droit européen paraîtrait consacrer la solution légale de droit civil en matière de commerce électronique. Dès lors le droit espagnol se trouverait fortement simplifié puisqu’il apparaîtrait « unifié » aussi bien en matière civile que commerciale. La théorie prédominante serait la théorie de l’information. Ce n’est en revanche pas le cas du droit français ou tout de moins à première vue. Une véritable incertitude demeure. Les modalités de conclusion d’un contrat par voie électronique sont prévues par les articles 1369-1 à 1469-3 CCF. Selon François Terré, le pollicitant d’un contrat professionnel n’aurait « pas à transmettre ses conditions contractuelles mais seulement à les mettre à disposition, son offre devant mentionner les étapes à suivre pour conclure le contrat par voie électronique ». En revanche, à la lecture de l’art. 1369-2 CCF s’agissant du principe du « double clic » selon lequel « pour que le contrat soit valablement conclu, les destinataire de l’offre doit avoir eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total, et de corriger de véritables erreurs, avant de confirmer celle-ci, pour exprimer son acceptation », c’est le principe de l’émission qui serait consacré. Mais une véritable incertitude demeure. Le droit français a voulu se « conformer à l’obscur article 11 de la Directive européenne » en le réintégrant à l’alinéa 2.
Eléments de conclusion Une clarification de la problématique contractuelle pourrait être en marche même si demeure une véritable incertitude en droit français. Et, alors même que l’Europe se trouve actuellement dans un contexte d’harmonisation générale, une multiplication de points de vue doctrinaux différents entre pays reste encore d’actualité. Ces mêmes divergences ou oppositions doctrinales d’un point de vue civil ou commercial constituent donc le point de départ d’un véritable déploiement de débats d’idées sur la question. Les systèmes juridiques tels l’Espagne ou la France ayant des systèmes légaux et des solutions divergents pourraient, par une étude comparative intelligente, clarifier leur droit à la lumière de telle ou telle disposition étrangère après avoir mis en balance tel ou tel aspect de la Doctrine .