Calvin & Hobbes : L’intenable duo qui (dé)confine au génie

Calvin, c’est le garçon américain typique des années 80 : Turbulent, imaginatif, ingénieux, sensible aux spots publicitaires et abreuvé de la pop culture des comics et des dessins animés diffusés à la télévision. C’est aussi un garçon très intelligent, étonnamment cultivé compte tenu de son jeune âge et qui possède une capacité d’analyse assez fine. Il se situe au croisement de Charlie Brown et des gosses de la bande des Goonies. Ses aventures à lui se déroulent essentiellement dans sa tête, celle d’un enfant de 6 ans.

L’essentiel de l’action se déroule dans la maison de Calvin. Il fait du salon, de sa chambre, de son jardin ou de la salle de bain un véritable espace de jeu à partir duquel il se crée des univers dans lequel il est le protagoniste principal. Il y a un aspect polymorphe à ses incarnations qui varient selon l’espace qu’il occupe (dans son bain, il deviendra une pieuvre géante, face aux fourmis qui peuplent son jardin, il se transformera en un géant qui terrorise la population d’une ville, mais il se transformera aussi en dinosaure carnassier, en voyageur galactique, etc.).

 

Ce qui est intéressant et peut entrer en résonance avec le confinement, c’est sa manière de repousser les murs de son espace personnel, son “chez lui”, par l’imagination et donc de parvenir à dépasser les limites physiques de l’enfermement. Le confinement peut être avant tout mental. Calvin s’approprie un espace relativement limité pour en faire un espace de jeu aux possibilités infinies. Ces couches d’imagination viennent aussi donner un aspect récréatif aux tâches ou corvées les plus pénibles. Calvin, quand ses parents lui demandent de finir son assiette, de ranger sa chambre, ou de se brosser les dents, essaye d’extraire de ces situations tout ce que son imagination peut exploiter à des fins ludiques. Les aspects les plus quotidiens du confinement pouvant s’avérer pénibles, ce sera une source d’inspiration originale sur les moyens possibles de rendre le temps moins long et certaines activités répétitives moins barbantes.

 

 

L’un des ressorts comiques que l’auteur, Bill Watterson, emploie pour illustrer la conception à part et toute personnelle que Calvin fait de son espace, c’est le détournement ludique d’objets ou mobilier du quotidien. Calvin cherche à défamiliariser les différents objets trouvés dans sa maison pour se les réapproprier sur le registre du jeu et de la surprise constante.

 

 

Un autre aspect intéressant dans Calvin & Hobbes, c’est que Calvin est un enfant solitaire, par choix davantage que par exclusion. Sa solitude n’est jamais stigmatisée ou pour lui source de malheur, il en tire son identité, préférant son univers au monde brutal et désincarné des autres et en particulier des adultes (la bande-dessinée porte notamment un propos écologique assez fort, Calvin déplorant la destruction des espaces naturels par l’urbanisation du paysage, la pollution des entreprises, ou les déchets laissés par ses congénères).

 

 

Néanmoins, Calvin a un ami imaginaire, son tigre en peluche Hobbes qui prend vie dans sa tête (quoi qu’il n’est jamais précisé s’il s’agit d’un fantasme de Calvin ou si cette peluche prend vraiment vie lorsqu’il se retrouve seul avec). Hobbes est malin, sarcastique, sensible à la flatterie, et passe son temps à se prélasser ou à jouer avec Calvin. Tous deux partagent aussi régulièrement leurs réflexions et saillies philosophiques sur la vie, la mort, l’existence, le temps qui passe, l’humanité…

Créer de la vie là où il n’y en a pas, prêter des intentions et des attitudes humaines à des animaux ou des objets inanimés, tenir des conversations avec un interlocuteur imaginaire peuvent être un bon moyen pour rompre la monotonie et la solitude que nous imposent cette période.

 

 

Calvin & Hobbes est aussi une jolie invitation à la flânerie et à la tranquillité, sans doute quelque chose que le confinement peut motiver, malgré un contexte particulièrement compliqué et stressant. Notre rapport au temps n’est plus tout à fait le même, on apprend à gérer notre rythme autrement et on peut aussi trouver du positif en ce moment d’accalmie qui nous éloigne d’une vie citadine bruyante et frénétique pour un temps au moins.

Il y a une forme de douceur qui se dégage de la bande-dessinée. L’aptitude de ses deux protagonistes à interrompre leurs obligations pour se détendre ou se divertir est vue avec une certaine bienveillance.

 

 

En définitive, il y a beaucoup à lire avec les 24 tomes de la bande-dessinée de Bill Watterson, et sans doute de quoi réfléchir. On appréciera sa foule d’histoires drôles, inventives et attendrissantes, et sa capacité à nous sortir la tête du quotidien parfois morne du confinement en nous faisant voyager, même entre quatre murs. Calvin & Hobbes nous fait entrevoir de meilleurs lendemains. En attendant, il nous invite avec une certaine légèreté et beaucoup d’optimisme à voir dans les difficultés que nous vivons une opportunité pour nous évader autrement.