Confinement, et si Pollock avait la solution ?

En quoi le dripping, technique picturale impulsée par Pollock peut-elle être un moyen de s'évader du confinement que nous traversons aujourd’hui ? 


Autumn Rythm, Number 30 de Jackson Pollock, 1950.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • L'expressionnisme abstrait : un éventail de techniques.

Mouvement complexe qui regroupe énormément d’artistes, complexité qui lui a valu beaucoup de malentendus ou de mauvaises interprétations notamment par les critiques d’art qui ont eu tendance a dénaturé ce mouvement et à vouloir le scinder en deux mouvements : l’action painting où serait intégré Pollock et “le colorfield où on retrouverait Rothko. Cette distinction tend à séparer radicalement ces artistes alors qu’un lien profond existe entre eux. De Rothko jusqu’à Pollock, on retrouve une quête commune, la volonté d’avoir un impact puissant et immédiat chez le spectateur et la sensation d’immersion absolue dans la toile due aux grands formats, que ce soit par l’abondance des couleurs vives chez Rothko ou par la puissance du mouvement chez Pollock.

 

  • Démarche artistique et état d’esprit de ce mouvement. 

Caractéristiques fondamentales de cet art : sa faculté d’être à la fois sensationnelle et intrinsèquement complexe. 

Mark Rothko explique que l’approche de l'expressionnisme abstrait c’est “de s’intéresser à des états de conscience et à un rapport au monde similaire. Si les abstractions précédentes reflétaient les préoccupations scientifiques et objectives de notre époque, les nôtres trouvent un équivalent pictural à la connaissance et à la conscience nouvelle chez l’homme, de la complexité accrue de son moi intérieur” New York Times, 1945.

Suite aux grands changements économiques et politiques de cette époque aux Etats-Unis, le capitalisme, l’individualisme etc… les sociétés cherchent à éloigner le monde en traçant des frontières entre le moi et l’espace, ces œuvres effacent ces frontières mêlant le solide et le vide. Le temps, l'identité et la relation au monde sont des données fondamentales pour ces artistes.

C’est à partir de ce constat que leur approche est intéressante à observer dans notre période de confinement et de crise sanitaire actuelle. En effet, s’adonner à cette pratique artistique serait un moyen imagé d’effacer les frontières entre le moi et l’espace que nous sommes contraints de respecter durant cette crise. 

Par ailleurs, on peut se demander, comment ces artistes auraient vécu, retranscrits sur la toile cette situation ? Et finalement, suite à l‘analyse de ce mouvement pictural et plus particulièrement de la toile de Pollock où il s’adonne au dripping, son état d’esprit ne s’apparente-t-il pas déjà à une forme de confinement personnel, intérieur, psychique ? 

 

  • L’impulsion de Pollock face à ce mouvement. Un mouvement émancipateur en période de confinement. 

En 1947, Pollock introduit deux techniques de peinture sur ses toiles.

Le dripping : to drip qui signifie égoutter. Cela consiste à égoutter de manière aléatoire la peinture sur la toile à même le sol, à l’aide d'outils tels qu’un pinceau durci ou un bâton. Il va même dans certaines toiles utiliser des outils insolites comme des seringues pour projeter la peinture. Relier au confinement, cet usage d’outils insolites est intéressant. En effet, on peut imaginer utiliser toutes sortes d’ustensiles qu’on aurait chez soi : stylos, ustensiles de cuisine etc…

Le pouring : to pour qui signifie verser. Cela consiste à laisser dégouliner de la peinture à l’huile, de la laque industrielle, en l’étalant avec ses propres bras. Désormais, le corps tout entier entre en jeu et non plus seulement le poignet et la main. 

Effet libérateur pour celui qui crée la toile. Cette technique fait appel aussi bien au corps qu’à l’esprit, et face à la grandeur de la toile posée à même le sol, le corps s’engage dans des gestes amples et libérateurs

Dans cette période de confinement assez anxiogène pour certains, s’engager dans ce type d’activité peut s’avérer très agréable, voire émancipateur pour l’esprit. De plus, cette technique de peinture peut être effectuée dans tout type de lieu. Ainsi, un tout petit lieu peut se prêter à devenir un espace de création sans limite : il suffit d’une surface plate et d’une feuille de papier ! 

Pour Pollock, cela répondait à un besoin : nécessitant une parfaite coordination de la pensée, de l’action et de la peinture, son esprit et son corps étaient alors entièrement accaparés.

Pour nous aujourd’hui, cela répondrait à un besoin d’évasion, de création, d’expression voire de révolte…