Homemade, une série aux milles couleurs

Un projet qui s’inspire des temps qui courent

 

Lors du premier confinement, en mars 2020, au moment où personne encore ne prononçait ce mot comme s’il était une évidence, – confinement – certains ont été plus productifs que d’autres. Netflix, la plateforme numéro un de streaming vidéo, fait partie de ceux qui en ont tiré profit ; au sens économique aussi, mais ce n’est pas de cela dont je viens parler aujourd’hui. Pendant cette période difficile, la plateforme a souhaité témoigner de son soutien aux artistes et souligner son encouragement à la création, en prenant part à un projet sériel lancé et supervisé par le cinéaste chilien Pablo Larraín. En juin dernier est sortie sur Netflix une série composée de dix-sept court-métrages, Homemade – dont on espère néanmoins qu’elle ne sera pas renouvelée pour une deuxième saison – produits par des réalisateurs de renommée internationale se mettant en scène pendant le confinement, parfois avec leurs proches, depuis leur lieu de résidence.

 

Une des affiches de la série Homemade proposée par Netflix

Partant du principe que la culture et l’imaginaire tiennent un rôle important pour lutter contre ce que nous impose la crise sanitaire, l’ennui, l’angoisse, l’isolement et la déprime, nombre de réalisateurs de différentes nationalités ont participé au projet afin de mettre l’art et la production artistique à l’honneur. Netflix a donc décidé de donner carte blanche à l’idée de Pablo Larraín qui a incité d’autres réalisateurs à participer, comme le français Ladj Ly, à l’origine du film Les Misérables, primé à de nombreuses reprises. Les court-métrages de la série s’enchaînent selon l’ordre exprimé sur l’affiche qui suit et portent le nom de celui qui l’a réalisé.

Affiche de la série de court-métrages Homemade, portant la définition qui suit : « Court-métrages réalisés en confinement de par le monde entier »

 

Afin de ne pas ajouter un sentiment de stress supplémentaire à la période, les scénaristes se sont vus imposés une unique condition : réaliser un court-métrage d’environ 5 à 10 minutes, en lien avec la pandémie actuelle. Concrètement, la réalisation de ces épisodes s’est effectuée selon les moyens à disposition des réalisateurs, pour les raisons techniques évidentes qui sont que tout le monde n’a pas le matériel à la maison pour réaliser un film. Netflix a donc demandé un format très court, sans obligation de qualité de son ou d’image (certains épisodes sont réalisés avec un téléphone portable), pourvu que ce qui est présenté fasse sens et délivre une idée, une intention, un message, un espoir, un soutien au spectateur, un moment de poésie. Ainsi, chaque réalisateur a tourné son court-métrage suivant le confinement en vigueur dans le pays et le nombre de personne présentes autour de soi.

 

Des récits intimes

« Ces histoires vont du journal intime de leur vie quotidienne à de courtes fictions, explorant de multiples genres et offrant un regard sur la façon dont le confinement a touché différents pays à travers le monde et changé le cours de nos vies. » Netflix

Photographie d’un moment de complicité permis par le confinement entre la réalisatrice Gurinder Ghada et ses enfants, photographiés par leur père

 

Ces court-métrages prennent différentes formes selon les volontés des réalisateurs et rendent alors compte d’une incroyable diversité en termes de création et d’imagination. Certains prennent la forme d’un documentaire, d’autres de fiction et d’autres encore, de science-fiction. De notre point de vue de spectateur, on peut voir cette série anthologique comme une œuvre cathartique. Je pense par exemple à cet épisode de Gurinder Chadha qui met en récit sa période de confinement avec sa famille à la manière d’un vlog, et nous fait entrer dans son intimité, dans son cercle familial et son lot de soucis, de deuils, mais surtout de petits moments de joie. Cet épisode est de loin le plus optimiste de la série puisqu’il nous montre une famille heureuse de se retrouver ensemble pendant cette période ; et voir de l’amour à l’écran est toujours un réconfort. L’épisode ainsi nommé « Un cadeau inattendu » est raconté par les enfants de la réalisatrice qui en font le portrait tout au long du confinement. Cet épisode documentaire est un élan de gentillesse à l’écran, et cela fait toujours du bien à voir. Le fils de cette famille, pour qui le confinement a été positif, prononce même les phrases suivantes : « On a fait bien plus de choses ensemble qu’avant. Je ne veux pas que ce moment finisse ». Et on a envie de rire avec eux.

 

Un cadeau inattendu

Pour nous, spectateurs audiovisuels, cette série Homemade est une pépite déposée là, à qui veut bien la prendre ; un cadeau de réconfort offert par la plateforme. Entre angoisse, inquiétude, chagrin, amour, espoir, poésie, Homemade nous propose la traversée de mutliples émotions, lesquelles viendront faire écho, à un moment ou à un autre, à un petit quelque chose que nous avons ressenti pendant cette étrange période de confinement. Ainsi, le résultat de cette expérience est plutôt surprenant. Nous découvrons dix-sept épisodes, qui se ressemblent parfois sur certains points, mais qui bien souvent diffèrent et reflètent la diversité de chacun, lorsque l’on enlève le poids des contraintes de la faculté de création.

Nous avons le choix de naviguer entre les différents épisodes, les différents réalisateurs, les différentes nationalités, selon la lecture automatique ou nos préférences. La durée réduite des épisodes poursuit la logique de la série : ne pas imposer. Le spectateur rebuté par le fait de commencer une série ayant déjà plusieurs saisons à son actif, ce qui peut être une charge mentale supplémentaire dont on peut bien se passer en ce moment, peut tout à fait entreprendre de regarder celle-ci, à la durée totale d’un peu plus de deux heures.

Images tirées des courts-métrages dans l’ordre suivant, de gauche à droite et de haut en bas : Sebastian Lelio, Kristen Stewart, Ladj Ly, Rungano Nyoni, Paolo Sorrentino, Pablo Larrain, Sebastian Schipper, Natalia Beristain et Ana Lily Amirpour

 

Ces brèves histoires illustrent les réactions des scénaristes face à la pandémie qui a révélé de profondes inégalités. Parfois étranges, joyeux, drôles ou pessimistes, ce serait mentir que de dire que tous les épisodes se valent, mais ils ont tous quelque chose qui leur est propre, chacun exprime une idée qui peut mener à la réflexion celui qui les regarde.

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