Parasite, un film inclassable :

 Une comédie sociale noire et ambitieuse ainsi qu'un thriller à rebondissements 

 

Parasite réalisé par Boon Joon-ho obtient la Palme d’Or au Festival de Cannes cette année avec l’unanimité du jury. C’est le tout premier film coréen à remporter ce prix.

Boon Joon-ho avait déjà réalisé de nombreux films comme Snowpiercer (2013), The Host (2006) ou Memories of Murder (2003).  L’acteur Song Kang-ho le suit dans la majorité de ses films et joue dans Parasite M. Kim.

Parasite est une critique sociale de la société coréenne et même du monde en général. Ce film se caractérise notamment par un mélange de genres cinématographiques, nous passons d'une comédie satirique à un drame social puis par un thriller qui se transforme même en film d'horreur. Il s’agit d’un long métrage à nombreux rebondissements où le scénario est difficile à prévoir. Le titre : Parasite, semble représentatif de l’ambivalence de ce film. Qui est ce parasite ? 

L’histoire au début s’avère assez simple et convenue mais en vérité le spectateur est confronté à de nombreuses ruptures imprévisibles et très originales qui le confrontent à la brutalité de la société. En effet, dans Parasite, il n’y a ni « méchants », ni « gentils ». Notre vision, pour chacun des personnages évolue au fur et  à mesure de l'histoire.  Ceux qui nous semblaient bons au début apparaissent ensuite comme cruels et sans scrupule alors que les autres nous touchent presque à la fin. 

Parasite : c’est l’histoire de la famille Kim dont tous les membres sont au chômage. Premièrement, le chef de famille Ki-taek, sa femme Chung-sook, leur fils Ki-woo et leur fille Ki-jung. Ils vivent entassés dans un tout petit appartement ou plutôt un sous-sol lugubre où seules les fenêtres donnent accès à la rue bruyante. L’extrême précarité de cette famille ne l' empêche pas d’être soudée et solidaire. Cette aide mutuelle sera l’un des facteurs de leur chute.

Dans leur « modeste maison », on les voit en permanence en quête du réseau wifi gratuit ou de celui des voisins. Leur seul moyen de gagner un peu d’argent est de plier des cartons de pizza le plus rapidement possible.

                   

La scène d’exposition est représentative de l'esprit général du film. A la fois, nous sommes frappés par la vie insalubre de nos protagonistes mais paradoxalement Boon Joon-ho traite cette dure réalité avec un ton léger et humoristique. Parasite est un mélange très étudié entre l'horrible situation où se trouve nos personnages et la manière très détachée et comique avec laquelle le réalisateur nous la renvoie. 

Un jour, un ami du fils vient leur rendre visite et demande à Ki-woo de le remplacer pour donner des cours particuliers d’anglais à une jeune fille d’une riche famille. Ki-jung, assez doué en art, fabrique un faux diplôme pour son frère. Ki-woo se rend donc chez les Parks qui habitent dans une magnifique maison très moderne.

 Il arrive par chance à se trouver une place au sein de cette famille et réussit à séduire la jeune fille. Mme Park, une femme au foyer assez naïve, lui parle de son petit garçon qui a un comportement très instable depuis qu’il a vu sortir de la cave, une nuit, un « fantôme ». Ki-woo fait croire à Mme Park que son fils a un grand talent. Il la convainc d’embaucher une art-thérapeute. Par chance, il en connait une très bien qui s’appelle Jessica mais qui en réalité n’est autre que sa sœur. Ki-jung s’impose aussi dans la famille Park avec une facilité déconcertante.

Petit à petit, toute la famille Kim va trouver sa place au sein de la maison Park. En effet, Ki-jung va se débrouiller pour faire renvoyer le chauffeur de monsieur Park pour permettre à son père de rentrer lui aussi au service de la famille. Il ne reste plus qu’à faire entrer la mère dans la sublime maison. M. Kim fait donc croire à Mme Park que sa gouvernante a la tuberculose, ce qui permet donc de faire embaucher Chung-sook mais aussi de se débarrasser de l’ancienne employée qui aurait pu découvrir la supercherie réalisée par les quatre protagonistes.

Même si la famille Kim a triomphé et a pu sauver ses intérêts, notre opinion sur ces gens change quelque peu. Ils sont prêts à accuser à tort des personnes innocentes pour satisfaire leurs propres intérêts. On perçoit chez eux un nouveau visage beaucoup moins flatteur, ils ne sont plus ces personnes "gentilles" et "sympathiques" du début. On se demande finalement, si les « parasites » ne sont pas les Kim car ils s’accrochent à leur rêve de richesse avec acharnement et sans pitié pour la famille Park.

Les Kim finissent par prendre possession de la maison et profitent d’un très bon salaire. A l’occasion de l’anniversaire du petit garçon, Da-song, les Park partent faire du camping en famille pendant un week-end. Les Kim décident de passer la soirée dans leur maison à boire et manger dans le grand salon. Ils sont persuadés d’avoir atteint leur but et d’être arrivés au plus haut. Leur réussite ne fait aucun doute : ils sont en train de festoyer comme des rois dans le luxueux séjour. Mais soudain, la sonnerie retentit, c'est l’ancienne gouvernante qui souhaite leur parler car elle sait que les Park sont partis pour le week-end. Cette arrivée impromptue est le premier moment de rupture du film, le "nouveau rêve" des Kim ne va faire que s'effondrer à partir de cet instant pour les conduire vers une redoutable descente aux enfers.

           

Comme dit précédemment, l’humour est l’une des grandes prouesses de ce film. Le rire permet au spectateur d’entrer plus facilement dans l’histoire et dans la critique sociale. Le comique de situation accélère d’autant plus la tragique fin et les retournements glacials auxquels sont confrontés le spectateur et les personnages. 

Parasite décrit le désir d’une famille pauvre d’arriver jusqu'aux hautes strates de la société. C’est un film sur la lutte entre les classes sociales. Mais c’est surtout une vision très pessimiste de l'être humain qui est prêt à tout pour arriver à ses fins. La famille Kim aurait pu arrêter cette soif de richesse qui va l’amener vers sa destruction. La question de l’évolution sociale est au coeur du film. Est-ce vraiment possible ou seulement un fantasme qui fait vivre? Cette problématique de l'évolution sociale est traitée de manière très pessimiste dans Parasite. Même si, les Kim réussissent leur ascension sociale, ils seront toujours vus par le prisme de leur milieu d'origine. Cette idée très radicale sur l'impossibilité d'évolution sociale se traduit par exemple dans le film par le biais de l’odeur. Un soir, M. Park se plaint de l’odeur de leurs nouveaux employés à sa femme. En effet, même si les Kim arrivent à un niveau social qu’ils n’ont jamais connu, leur « odeur sociale » ne part pas, comme si, inexorablement, leur milieu d'origine les suivait en permanence et qu'ils y étaient toujours associés. 

Ce qui est remarquable dans Parasite, c’est le traitement des personnages : aucun gentil et aucun méchant. Au début de l’histoire, le spectateur est plutôt du côté de la famille Kim et espère qu’ils vont réussir leur ascension sociale. Mais quand on se rend compte qu’ils sont prêts à tout pour garder leur « place au soleil », notre regard évolue jusqu’à les trouver cruels et aliénés. On commence à percevoir d’une autre manière la famille Park qui semblait superficielle. Ils apparaissent comme les victimes d'une redoutable supercherie. On se rend compte de l’importance de la famille et à quel point chaque membre des deux familles est prêt à tout pour aider et sauver les siens. Telles des meutes, ils vont défendre leur territoire jusqu’à la fin. 

Nous sommes face à une satire sociale traitée sous forme de comédie. Mais plus le film devient sombre et la déchéance des personnages forte, plus nous changeons d’ambiance pour arriver finalement à un thriller effroyable. 

Boon Joon-ho réalise un tour de force avec son film. Nous passons par toutes sortes d’émotions. Parasite pourrait être comparé à juste titre à des montagnes russes. Nous sommes baladés entre rire et effroi. Nous ne sortons absolument pas indemnes de ce que nous venons de voir. Malgré une vision très pessimiste sur le monde que nous offre le réalisateur, Parasite reste un moment divertissant où la surprise, le rire, l’épouvante et la panique sont au cœur de la satire.

 

Donc foncez-y sans la moindre hésitation, vous ne le regretterez pas !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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