ETATS-UNIS - L’Utilisation de la Cause et de la Consideration Comme Instrument de Contrôle de l’Equilibre et de Justice Contractuelle, par Mathilde BUSSIERE
La cause et la consideration, toutes deux conditions de formation du contrat, touchent intrinsèquement à la notion d’équilibre contractuelle or il est possible d’observer que droit français comme le droit américain utilisent ces notions, évoquant l’idée de contreparties réciproques, pour non seulement contrôler la validité de la formation du contrat mais aussi pour exercer un contrôle subjectif de la justice et de l’équilibre contractuelle. Néanmoins, il semble que la tendance actuelle d’une telle utilisation de la cause subjective et de la consideration c’est atténuée. Les projets d’harmonisations européens et internationales semblent condamner les deux notions.
La théorie de la consideration dans les systèmes de common law, tel qu’aux Etats-Unis, est souvent abordée en droit comparé lorsque que sont abordées les conditions nécessaires à la formation d’un contrat, c'est-à-dire, lorsque la question de la validité de la formation du contrat se pose. Dans les systèmes de Common Law, une offre et une acceptation ne sont pas suffisantes à la validité d’un contrat, une promesse n’a pas d’effet obligatoire que si elle repose sur une consideration qui est la contrepartie promise par celui qui entend tirer un droit de la promesse faite par l’autre partie. En droit comparé la consideration est souvent comparée à l’objet ou à la cause du contrat prévu aux articles 1108, 1132 et 1133 du Code Civil. La consideration comme la cause trouvent leur origine dans les conditions de formation du contrat et évoquent l’idée de contreparties réciproques. En droit français, la définition de la notion de cause n’est pas claire et le droit positif a adopté une conception dualiste de la cause pour conclure à la validité du contrat. D’une part est contrôlé l’existence de la cause objective (cause de l’obligation) lorsque, dans un souci de protection individuelle, le juge vérifie que la cause existe, c'est-à-dire, s’il existe dans chaque contrat une contrepartie justifiant les obligations réciproques. D’autre part, la cause subjective (cause du contrat), existe lorsque, dans le souci de protéger l’ordre social, le juge vérifie que la cause est licite. Une obligation perd sa cause lorsque la contrepartie fait défaut (prix est dérisoire etc.) Néanmoins, la source de droit étranger qui fera l’objet du commentaire suivant, présente la consideration sous un angle différent. Cet arrêt d’appel rendu en 1902 par la United States Court of Appels 9th Circuit, qui fait toujours état de precedent en droit des contrats américain, (Alaska Packers’s Ass’n v. Domenico, United States Court of Appels, 9th Circuit, 1902. 117 F.99) présente, en l’espèce, un cas typique d’economic duress. Néanmoins la Cour décide de se fonder sur la doctrine of consideration et plus précisément sur la preexisting duty rule pour déclarer une modification contractuelle obtenue sous la contrainte économique nulle. La preexisting duty rule oblige que toute modification contractuelle, pour être valable, doit être supportée par de nouvelles contreparties réciproques. Dans cet arrêt, la consideration n’est pas utilisé dans un contexte de formation du contrat mais comme instrument de contrôle de la justice et de l’équilibre contractuelle afin d’apprécier la licéité d’une modification contractuelle consentie par une des partie contractante sous la menace. Le concept d’economic duress est équivalent, en droit français, à une situation de violence économique constituant un vice du consentement permettant d’annuler un contrat. L’intérêt de cet arrêt est qu’il permet de faire un parallèle avec la façon dont la notion cause a été utilisée et a évoluée ces dernières années. Depuis les années 1990, la Cour de cassation à d’avantage subjectivisé la cause et a utilisé cette condition de validité du contrat pour se livrer à une sorte de police des contrats et contrôler l’équilibre et la justice contractuelle. Cette nouvelle utilisation de la cause est très critiquée. De même, des critiques ont été formulées sur le rôle de la considération comme instruments de contrôle de l’équilibre et la justice contractuelle. Ainsi, peut être cela apportera-t-il au débat sur l’efficacité de la subjectivisation de la cause en droit français. De plus, l’intérêt, selon X. Lagarde de réfléchir sur l'utilité de la théorie de la cause est la perspective d'une unification communautaire du droit des obligations qui d’après de nombreux spécialiste, la condamne. J. Ghestin affirme que la cause est peu prisée en Europe, il faut donc que la France se prépare à cet abandon et la meilleure manière de procéder est selon lui d'isoler les fonctionnalités de la cause pour les redistribuer sur les différentes techniques retenues par le droit en voie d'harmonisation.
La consideration présente t’elle un instrument fiable de police du contrat ? Au regard des critiques et de cet arrêt sur la consideration, la cause subjective est elle un bon instrument pour contrôler l’équilibre et la justice contractuelle? Plus généralement, les conditions de formation du contrat sont ils de bons instruments pouvant être utilisés par le juge pour contrôler le contrat ?
I. Un precedent utilisant la consideration comme instrument de justice contractuelle
Faits et question de droit de Packers’s Ass’n v. Domenico. En l’espèce, des contrats de travaille à durée déterminée sont formés entre une société de pêche et ses employés stipulant une rémunération de 50$/jrs et consistant à effectuer des taches de pécheur entre la Californie et l’Alaksa. Au cours de l’exécution des contrats, les pêcheurs réclament un hausse de salaire afin d’obtenir 100$/jrs sous la menace imminente de cesser d’exécuter leurs obligations contractuelles, c'est-à-dire, de cesser de travailler au cas où la société refuserait la modification contractuelle. Au regard des preuves, la cour reconnais, en l’espèce, qu’il était impossible pour l’employeur menacé de trouver d’autres employés prêt à travailler pour le salaire initial dans un délai raisonnable et qu’il n’existait donc, en l’espèce, aucune alternative économiquement rationnelle pour l’employeur que d’accepter cette demande d’augmentation. Ainsi, la société cède sous la menace et accepte la modification contractuelle. A la fin de l’exécution de leur contrat de travail, en invoquant la prexisting duty rule, la société refuse d’exécuter les contrats tel que modifiés au motif qu’elle n’est pas supporté par de la nouvelle consideration du coté des employés. Cette condition de validité de toute modification contractuelle en droit américain étant manquante, la société invoque la nullité de la modification forcée et rémunère les pêcheurs 50 $/jrs tel que stipulaient les contrats avant la modification forcée. Les pêcheurs intentent une actions en justice afin d’obtenir l’exécution des contrats tel que modifié. Ici la question de droit posé par la cours n’est pas si le cas d’espèce présente une situation d’economic duress, mais si au regard de la doctrine de la consideration et de la preexsting duty rule, cette modification contractuelle stipulant une désormais rémunération de 100$/jrs en échange d’une prestation de service équivalente fournie par les employés, est supportée par suffisamment de « nouvelle » consideration des deux cotés. La nouvelle promesse de l’employeur, obtenu sous la menace des employés, et sans alternatives économiquement raisonnable que d’accepter cette modification, obtiens, elle, une nouvelle contrepartie en résultant ?
L’utilisation de la preexisting duty rule pour annulée une modification contractuelle obtenue sous la contrainte. En se fondant sur la preexisting duty rule, la Cour d’appel déclare la modification contractuelle forcée nulle, au motif que la promesse de rémunération supplémentaire consentie par l’employeur ne trouvais aucune contrepartie du coté des employés. Les taches effectuées par les employés étaient exactement les mêmes que celles devant être fournies dans le contrat initiale et ces derniers ne consentent aucune promesse supplémentaire afin d’obtenir une rémunération plus élevée. La nouvelle promesse de l’employeur ne trouvait donc pas de consideration par une nouvelle promesse des employés. Les pêcheurs tentent de prouver que les filets de pêche devant être utilisés sur le bateau étaient défectueux ce qui aurait pu permettre à la cour de reconnaitre que la modification contractuelle était supportée par de la consideration du coté des employés puisque la promesse d’exécuter le contrat de travaille dans des conditions plus difficiles (avec des filets défectueux) justifierait la promesse d’une rémunération plus importante de la part de l’employeur. Malheureusement, la cour, n’est pas en faveurs des pécheurs du fait des menaces exercées à l’égard de l’employeur, constituant la situation d’economic duress, déclare que les pêcheurs n’ont pas rapporté la preuve que les filets étaient défectueux et de ce fait les obligations contractuelles des employés n’ont pas changées contrairement à celle de l’employeur qui devait désormais les rémunérer d’avantage.
La cour décide ici d’utiliser choix d’utiliser consideration comme instrument permettant de contrôler la justice et de l’équilibre contractuelle au lieu de la théorie de l’econmomic duress. Si la cour avait trouvé que la modification contractuelle contenait une contrepartie de la part des employés, comme dans l’hypothèse des filets de pêche défectueux, la preexisting duty rule aurait échoué en temps qu’instrument permettant de contrôler la justice contractuelle puisque la modification aurait était valable. De plus, d’après la théorie de la consideration, le montant de la contrepartie promise est sans importance, puisqu’il suffit d’un peppercorn, c'est-à-dire qu’il suffit que le juge trouve une contrepartie dérisoire, pour justifier l’existence de consideration. Il aurait fallu, alors, revenir à l’economic duress pour déclarer la nullité de la modification contractuelle. Ceci démontre le pouvoir discrétionnaire que se donne ici le juge américain de contrôler et de s’immiscer dans le contrat. Il peut trouver de la consideration s’il souhaite maintenir un contrat et la déclarer inexistante pour défaut de preuve, comme dans cette situation d’economic duress, s’il souhaite le déclarer nul. En l’espèce, s’il n’y avait pas eu une situation d’economic duress qui rendait le contexte de la modification contractuelle injuste, le juge aurait surement reconnus que les filets défectueux étaient une consideration suffisante. Cette décision, comme il sera vu plus tard en droit français avec la cause et sa subjectivisation, illustre le pouvoir que le juge se donne en utilisant les conditions de formation du contrat pour contrôler l’équilibre contractuelle. Cette pratique nuit certainement à la sécurité contractuelle des cocontractants. Cette critique, comme il sera vu plus tard, à aussi était largement entendue en droit français au regard du mouvement de subjectivisation de la cause. Le côté artificiel de la doctrine de la considération a été relevé depuis longtemps par des auteurs anglais et américains. Treitel, par exemple, développe le concept de invented consideration désignant les cas dans lesquels les juges, dans le but d’admettre l’effet obligatoire de certains contrats, sont obligés de construire artificiellement une contrepartie à un engagement dont la validité est mise en doute. A l’image de la notion de cause, il est reproché à la considération de servir multiples fonctions mais sans en remplir une correctement et efficacement.
II. La subjectivisation de la cause comme instrument de contrôle de l’équilibre contractuelle
La subjectivisation de la cause. Le droit positif français en adoptant une conception dualiste de la cause a aussi fait de cette condition de validité un instrument de justice et d’équilibre contractuels. C’est ainsi que l’on observe un mouvement de subjectivisation de la cause de l’obligation allant jusqu'au contrôle de l’intérêt économique du contrat. Cette tendance se rapproche de l’exemple de l’arrêt commentée. La cause comme la consideration, toutes deux conditions de formation du contrat, touchent à la notion d’équilibre contractuelle or, au regard de l’arrêt commenté il est possible d’observer que les deux systèmes juridiques utilisent ces notions pour non seulement contrôler la validité de la formation du contrat mais aussi pour exercer un contrôle subjectif de la justesse et de l’équilibre contractuelle. Dans deux arrêts phares du mouvement de subjectivisation de la cause la Cour de cassation exploite cette notion pour anéantir des contrats objectivement équilibrés, en ce sens qu'ils renfermaient bien des engagements réciproques, mais parce que, dès leur formation, ils n’avaient pas d'utilité concrète et étaient privés d'intérêt réel, dans la mesure où le but commun en vue duquel les contractants les avaient conclus ne pouvait pas être atteint. La cause est alors utilisée comme instrument de protection contre les déséquilibres contractuels inadmissibles et comme instrument de contrôle de l'intérêt du contrat pour les parties contractantes. Cette conception de la cause aurait pu permettre, dans une situation de violence économique, tel que dans l’arrêt commenté, d’annuler non pas une modification contractuelle (car à l’image de la consideration, une « nouvelle » cause n’est pas nécessaire à une modification contractuelle en droit française) mais un contrat. Les arrêts emblématiques en question sont d’une part, l’arrêt des vidéocassettes rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation le 3 juillet 1996 où des particuliers, souhaitant créer un vidéoclub dans leur village concluent un contrat de location de cassettes qui s’avèrent être nulle pour absence de cause. Faute de clients potentiels «l'exécution du contrat selon l'économie voulue par les parties était impossible» révélant ainsi le défaut d'intérêt et l’inutilité concrète du contrat pour le locataire. D’autre part, l’arrêt Chronopost utilise la cause comme instrument de contrôle de l’équilibre contractuel dans le contexte des clauses abusives permettant ainsi d'empêcher l'application d'une clause limitative de responsabilité alors qu'en raison du manquement du débiteur à une obligation essentielle, une telle clause contredisait la portée de l'engagement pris et devait être réputée non écrite. Il a été jugé que doit être éliminée une clause ayant pour objet ou effet de rendre ineffectif l'équilibre voulu par les parties. Ainsi il semble parfois que la cause dans sa conception subjective, comme il a été observé pour la consideration, est l'instrument d'une police contractuelle bien plus qu'elle ne constitue le support d'une condition de validité des contrats. __ Un champ d’application néanmoins différent__. Christine Chappuis se demande si la cause n’est pas un remède rendu nécessaire parce que le Code civil français ne prévoit pas un instrument juridique adéquat pour atteindre la justice et l’équilibre contractuels. En effet, dans un nombre croissant de situation, telle que l’economic duress, les relations de consommateurs etc. est observé une tendances des juges d’utiliser la cause ou la considération comme instrument pour s’immiscer dans le contrat et apprécier le contexte dans lequel il a été conclu ou encore les termes et l’équilibre des prestations réciproques Ainsi, les deux systèmes se méfient à l’égard des promesses sans contrepartie, considérant que la volonté des parties ne suffit pas pour qu’un effet obligatoire soit attaché à l’accord. Néanmoins, cause et consideration se sont développées sur des terrains très distincts. Le souci de veiller à l’équilibre des prestations a trouvé un fondement dans un glissement subjectif de la notion de cause et de la consideration mais il y a des différences. Christine Chappuis explique que le contrôle de la licéité de l’obligation ou du contrat se fonde en France sur la cause, alors que dans les systèmes de common law, l’illegality est une notion en soi, traitée sans référence à la consideration. De plus, contrairement à l’arrêt d’appel commenté, la modification du contrat ne pose pas de problème particulier en droit français, alors que l’écueil de la consideration est dangereux pour les contrats régis par le common law. Quant à la cause inexistante, visant à la protection d’intérêts particuliers, elle ne trouve pas son pendant dans le lack of consideration, mais dans d’autres règles telle que celles sur la capacité, le consentement et l’équilibre des prestations (erreur, dol, contrainte, avantage excessif; mistake, misrepresentation, duress and undue influence), sur la forme et sur les clauses abusives (unfair terms). Néanmoins, C. Chappuis précise un point commun entre les deux concepts, ils font l’objet de vives critiques dans leur propre système juridique. La cause est considérée «subtile, plus encore que la plupart des autres règles, d’une subtilité parfois inutile qui tourne au verbalisme” ou encore que “la multiplication des théories doctrinales et l’originalité des applications jurisprudentielles semblent faire perdre à cette notion toute cohérence”. Quant à la consideration, H. Beale considère ce concept “obscur et, en pratique, d’une importance négligeable”. Il affirme que la consideration conserve certes des fonctions utiles, mais qui pourraient être mieux réalisées par d’autres doctrines.
III. Une possible disparition de la cause et la considération en temps qu’instrument de contrôle de l’équilibre contractuelle __ Considération et Preexisting duty Rule__. D’une part, l’article § 2.209 (1) de l’Uniform Commercial Code abolie la consideration comme condition de validité d’une modification contractuelle. Ainsi, en ce qui concerne la vente de bien meuble, la décision commentée n’est plus applicable et une modification bénéficiant qu’à une des parties contractante est tout à fait valable. Dans l’hypothèse, ou cette modification contractuelle à elle était consentie dans la contrainte, il ne reste plus que le recours à l’economic duress comme instrument de control de l’équilibre contractuelle pour déclarer la modification nulle. Le UCC n’utilise pas la preexisting duty rule pour contrôler la validé d’une modification contractuelle. Par contre, la règle de Common Law suit toujours la règle de la preexisting duty rule. La jurisprudence commentée n’a jamais était remis en cause, elle est donc toujours applicable hors les cas de ventes de contrat de vente de bien meuble. Néanmoins, en pratique, suite aux critiques formulées à l’encontre de l’utilisation de la consideration comme instrument de contrôle de la justice contractuelle, un retour à l’utilisation de l’economic duress semble préféré par les juges. De nombreux arrêts Austin v. Loral (29 N.Y.2d 124, 1971) présentent des faits semblables que l’arrêt commenté et les cours toute en citant le précédent de 1902 se fondent sur la théorie de l’economic duress plutôt que sur la consideration ou la preexisting duty rule.
Cause Subjective. Comme pour la consideration, il semblerait que le rôle de la cause subjective comme instrument de contrôle de la justice et de l’équilibre contractuelle est remis en cause ou tout du moins que certaines limites y sont posées. Un arrêt de la Chambre Commerciale de la cour de cassation du 27 mars 2007 vient certainement limiter l’arrêt des vidéocassettes de 1996 et le mouvement de subjectivation de la cause car les faits donnant lieu à la décision de 2007 sont très proches de ceux de l’arrêt de 1996 et la question tranchée par la première Chambre civile et la Chambre commerciale est identique. Dans l’arrêt de 2007, le contrat est annulé pour absence de cause, faute pour le locataire d'apporter la preuve qu'il lui était impossible de retirer le moindre profit de son exécution, faute pour lui, en somme, de démontrer que ce contrat de location ne présentait pour lui aucune utilité concrète, aucun intérêt réel. Tout d’abord, n’est pas remis en cause l’idée de l'arrêt de 1996 et qui anime le mouvement de subjectivisation de la cause, selon laquelle la cause peut être exploitée comme un instrument de contrôle de l'utilité concrète et de l'intérêt réel du contrat. Le contrat doit être annulé pour absence de cause lorsque son exécution selon l'économie voulue par les contractants, lors de sa conclusion, est impossible, parce que le but contractuel qui les avait déterminés à s'engager est, lui-même, impossible à réaliser. Dans leur ouvrage, Terré, Lequette et Simler s'étaient inquiétés que l’arrêt de 1996 risquait de remettre en cause la sécurité contractuelle. En effet, d’après la Cour de cassation, dès qu'une partie aura porté à la connaissance de son partenaire le but qu'elle poursuit et que ce but ne sera pas viable économiquement, elle pourra demander la nullité du contrat pour défaut de cause. D. Mazeaud affirme que ce sont les critiques et raisons précitées, qui ont conduit la Chambre commerciale à poser une limite à la subjectivisation de la cause toute en la réaffirmant. D. Mazeaud explique que l’on pourrait induire de l'arrêt de 2007 qu'un contractant est nécessairement mal fondé à se prévaloir du défaut d'intérêt réel et d'utilité concrète du contrat pour obtenir sa nullité pour absence de cause, lorsque sa situation économique ou son statut juridique lui permettent ou lui imposent d'apprécier, et donc éventuellement d'assumer, le risque économique inhérent au contrat qu'il envisage de conclure. Ce faisant, comme le suggère G. Wicker, la conception subjective de la cause apparaît comme un remarquable instrument de moralisation des relations contractuelles en interdisant à toute personne de contracter lorsqu'elle sait pertinemment et ab initio que son cocontractant court à sa perte. Apparemment, la Chambre commerciale semble désormais privilégier l'impératif de sécurité juridique sur celui de moralisation contractuelle, canalisant ainsi le rôle et la portée de la notion de cause subjective. __ Vers une uniformisation International et Européenne du droit des contrats__ : Depuis l’adoption de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises en 1980, l’importance de la cause et de la consideration c’est atténuée. En effet, la partie consacrée à la formation du contrat se concentre sur l’échange d’une offre et d’une acceptation sans poser aucune condition supplémentaire de validité. L’offre n’est révocable que sous certaines conditions, ce qui signifie qu’elle lie l’offrant sans contrepartie. La modification du contrat de vente est possible sur la base d’un accord des parties, à nouveau sans condition supplémentaire de cause ou de consideration. Christine Chappuis suggère que cette convention internationale, qui exclut de son champ d’application la cause ou la consideration des conditions de validité du contrat, devrait être interprétée comme n’autorisant pas la loi nationale à les réintroduire. D’approche semblable, les Principes UNIDROIT et les Principes Européens se sont résolument écartés des modèles de la cause et de la consideration. L’avant-projet de Code européen des contrats élaboré par l’Académie des Privatistes Européens renonce à la condition de la cause. Le dernier texte européen en date, le Projet européen de Cadre Commun de Référence de 2008 prévoit la validité du contrat par le seul accord des parties. Quant aux codifications nationales récentes, le Code civil néerlandais et le BGB allemand réformé en 2002 ne contiennent aucune référence à ces notions. Les Codes civils qui, à l’instar du Code civil français, comme la Belgique, l’Espagne, le Portugal ou l’Italie conservent la notion de cause n’y attachent cependant pas la même importance que la jurisprudence et la doctrine françaises. En revanche, en France, l’Avant-projet Catala de 2005 conserve et développe la notion de cause. C.Chappuis déclare que la liste des possibilités d’application de la cause et de la consideration est longue, difficile à comprendre et imprévisible, ce qui nuit incontestablement à la sécurité juridique. Alors que la consideration se maintient dans les systèmes de common law avec toutefois des restrictions et des hésitations, la cause reste bien vivante en France, mais connaît un déclin certain dans d’autres droits qui y étaient traditionnellement attachés. Leur disparition sera surement observée dans une perspective d’harmonisation. C. Chappuis, dans une perspective de droit européen, propose simplement de ne pas donner force obligatoire à un contrat qui accorde un avantage excessif à une partie à la demande de la partie désavantagée ce qui apporterais une réponse adéquate au besoin d’assurer un minimum de justice contractuelle sans recourir à des conditions de validité pour exercer ce control.
Bibliographie I. Ouvrages Généraux Dawson, Harvey, Henderson, Baird, « Contracts », University Casebook Series, Edition 9th ed., 2008 François Terré, Yves Lequette et Philippe Simler, « Droit civil : les obligations», Dalloz, Précis Dalloz, 8°édition, 2007. II. Articles Christine Chapuis, « Le rennoncement à la cause et à la consideration dans l’avant projet d’Acte uniforme OHADA sur le droit des contrats », Rev. dr. unif. 2008 X. Lagarde, « Sur l’utilité de la théorie de la cause », Recueil Dalloz 2007 p. 740 D. Mazeaud, « Subjectivisation » de la cause : confirmation ou coup d'arrêt ? », Revue des Contrats, 01 avril 2008 n° 2, P. 231 G. Wicker, « Force obligatoire et contenu du contrat », in Les concepts contractuels français à l'heure des Principes du droit européen du contrat, Dalloz, 2003, p. 151 et s. III. Textes officiels Code Civil Français, Dalloz 2008 Uniform Commercial Code disponible sur http://www.law.cornell.edu/ucc/ucc.table.html IV. Décisions Alaska Packers' Ass'n v. Domenico, United States Court of Appeals, Ninth Circuit, 1902, 117 F. 99 Cass. Civ. 3 juillet 1996, D. 1997, p. 500, note P. Reigné, Defrénois 1996, 1015, obs. Ph. Delebecque, JCP G 1997, I, 4015, obs. F. Labarthe, RTD civ. 1996, p. 903, obs. J. Mestre Cass. Com. 22 octobre 1996 ( Arrêt Chronopost), Bull. civ. IV, n° 261, D. 1997. 121, note A. Sériaux, JCP.1997. II. 22881, note C. Cohen Cass. Com., 27 mars. 2007, , pourvoi no 06-10452, D. 2007, pan., p. 2970, obs. S. Amrani-Mekki, JCP G 2007, II, 10119, obs. Y.-M. Serinet