UNFAIR CONTRACT TERMS ACT 1977 - Par Anne-Laure Khun
L’UCTA prévoit de nombreuses dispositions spécifiques pour protéger les parties faibles et particulièrement les consommateurs : le juge apprécie le caractère raisonnable de la clause en question pour décider soit de lui donner effet conformément au principe de liberté contractuelle, soit de l’écarter parce que trop injuste à l’égard d’une des parties. Mais le système est flou, complexe, et a besoin d’être réformé. En France ce sont les article L 132-1 et s. qui régissent l’exercice des clauses abusives exclusivement dans le cadre d’un contrat entre consommateur et professionnel. Même si le test utilisé est différent l’objectif de protection de la partie faible est similaire.
Il arrive parfois que les juges décident d’écarter une clause pourtant incorporée au contrat parce qu’ils la considèrent comme abusive - tellement injuste à l’égard d’une des parties que l’équilibre contractuel doit être rétabli. L’objectif est la protection de la partie faible, particulièrement dans le contexte d’un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel. Les clauses les plus souvent concernées sont les « Exemption Clauses » - clauses exonératrices de responsabilité - visant soit à exclure soit à limiter la responsabilité d’une des parties en cas de rupture du contrat. En droit anglais l’application des Exemption Clauses est contrôlée par la Common Law et surtout par l’Unfair Contract Terms Act de 1977 (UCTA), qui fournit les limitations les plus importantes. Cependant en 1993 une directive européenne sur les clauses abusives dans les contrats de consommateurs a été adoptée et une deuxième loi spécifique aux contrats conclus entre consommateurs a vu le jour - l’Unfair Terms in Consumer Contracts Regulations. Or ce deuxième système de protection empiète sur le champ d’application de l’UCTA, rendant la législation anglaise des clauses exonératrices de responsabilité confuse et incohérente. Afin de comprendre et d’apprécier l’efficacité de règles nationales telles que l’UCTA il est devenu nécessaire de prendre le recul que nous offre la comparaison internationale. En droit comparé on oppose traditionnellement le droit anglais de common law, basé sur la jurisprudence, au droit français, basé sur la législation directe. Ainsi en droit français les clauses exonératrices de responsabilité sont contrôlées par une seule loi adoptée en 1978 puis modifiée en 1995 suite à la directive européenne de 1993 et transposée dans le Code de la Consommation aux articles L.132-1 et suivants. Cette protection concerne les clauses « abusives » et ne concerne que les contrats conclus entre consommateurs et professionnels.
En quoi l’UCTA anglais et le code de la consommation français contribuent-ils à la protection des parties faibles contre les clauses exonératrices de responsabilité ?
Protection du consommateur par rapport au professionnel
La plupart des dispositions de l’UCTA s’appliquent que lorsqu’une des parties au contrat est un consommateur, de même en droit français les articles L. 132-1 et s. du Code de la Consommation ne s’appliquent que dans les contrats entre « professionnel et non-professionnel ou consommateur » (article L.132-1)
De plus dans les deux modèles, et contrairement au droit européen, le consommateur peut être une personne morale, l’appréciation est laissée au juge. Selon l’article 12 de l’UCTA: une partie contracte en tant que consommateur par rapport à une autre partie si elle n’agit pas « in the course of business », c’est-à-dire pour les besoins de sa profession ; alors que l’autre partie doit avoir conclu le contrat pour les besoins de sa profession ; si le contrat concerne la vente d’un bien il doit être destiné à l’usage privé ou à la consommation. Ainsi le fait qu’une partie soit un professionnel ne l’empêche pas nécessairement d’agir en tant que consommateur. Dans l’affaire R & B Customs Brokers Co Ltd v United Dominions Trust Ltd (1988) une entreprise de navires contractant avec un particulier pour l’achat d’une voiture a été considérée comme agissant en tant que consommateur parce que la transaction était seulement occasionnelle et accessoire. De même en droit français le consommateur est généralement défini comme toute personne physique qui, en dehors du cadre de son commerce, de ses affaires ou de sa profession, passe un contrat avec un fournisseur lui-même dans l'exercice de son activité professionnelle ou commerciale. Mais la Cour de Cassation a étendu cette définition en considérant qu'une personne morale pouvait bénéficier de la protection dès lors qu'il était relativement au contenu du contrat " dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur" (Cass. 1re civ., 28 avril 1987). Elle a ensuite adopté une vision plus restrictive en délimitant le domaine de protection aux contrats n'ayant pas un rapport direct avec son activité professionnelle (Cass. 1re civ. 24 nov. 1993)
Exclusions
L’UCTA ne s’applique pas aux contrats concernant la propriété foncière, la formation ou la dissolution d’une entreprise, les brevets et droits d’auteurs, ainsi que les contrats d’assurance. En droit français les articles L.132-1 et s. du code de la consommation s’appliquent à tous les types de contrats quel qu’en soit la forme ou le support. Mais deux clauses échappent pour des raisons particulières à la réglementation des clauses abusives : les clauses portant sur la définition de l’objet principal du contrat, car le contenu de la prestation principale du professionnel doit relever du libre accord des parties ; et les clauses concernant le montant du prix ou de la rémunération, car permettre au consommateur de la discuter serait contraire au principe selon lequel la lésion ne vicie pas les contrats
Protection contre les Clauses abusives – Unfair Terms
Selon l’UCTA les clauses abusives – Unfair terms – concernent principalement les clauses limitatives de responsabilité et l’article 13 liste certaines dispositions qui ne sont pas des exemption clauses mais qui peuvent aussi être écartées parce qu’elles aboutissent au même déséquilibre contractuel. L’UCTA prévoit que de telles clauses sont excluent si elles ne revêtent pas un caractère raisonnable – reasonableness - alors qu’en droit français le seul critère est le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Les clauses nécessitant un caractère raisonnable selon l’UCTA s’appliquent que si les juges décident qu’il est raisonnable de leur donner effet. L’UCTA fournit quelques indications quant à la signification de « reasonableness » (Article 11) et les juges ont apporté une interprétation de ce concept. En droit français l’article L 132-1 prévoit que: « sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » Le seul critère est donc le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, peu importe la bonne foi du professionnel ou l’existence ou non d’un abus de position économique (exigé avant 1995).
Appréciation du caractère abusif
Selon l’UCTA la charge de la preuve du caractère raisonnable pèse sur la partie qui demande à bénéficier de la clause en question (article 11(5)). D’après l’article 11(1) de l’UCTA le juge doit se demander si la clause en question est « juste et raisonnable » au regard des connaissances que les parties avaient ou étaient raisonnablement supposées avoir au moment où le contrat avait été conclu. Cependant l’UCTA ne donne aucune définition précise de ce que« raisonnable » signifie, mais seulement une liste d’indices à considérer (article 11(2)) : l’éventuel déséquilibre du poids du pouvoir de négociation des parties , l’existence d’une compensation en échange du consentement du consommateur à la clause en question, ou si il avait pu conclure le même contrat avec une autre partie sans avoir à consentir à cette clause, si le consommateur avait connaissance, ou pouvait raisonnablement être supposé connaître l’existence de la clause en question étant donné ses précédentes transactions, dans le cas où la clause exonératrice n’intervient que si une certaine condition n’est pas remplie, si il était raisonnable au moment de la conclusion du contrat de s’attendre à ce que cette condition puisse être réalisée, si les biens en cause ont été fait ou adapté pour un usage spécial, ou encore au montant de ses ressources disponibles et à la participation éventuelle de son assurance pour l’indemnisation de l’autre partie en cas de rupture du contrat. En droit français on retrouve le même système : l’appréciation du déséquilibre contractuel doit avoir lieu au moment de la conclusion du contrat et par référence à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, toutes les autres clauses du contrat, des clauses d’un autre contrat, lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre. Mais la loi ne donne qu’un critère général des clauses abusives et renvoie au pouvoir exécutif et au juge pour déterminer les clauses de ce genre. Ceux-ci peuvent s’inspirer des recommandations de la Commission des clauses abusives qui propose la suppression ou la modification des clauses présentant un caractère abusif (L 132-4), ou de la liste en annexe du code de la consommation et énumérant un certain nombre de clauses « qui peuvent être regardées comme abusives » (L 132-1 al 3), mais aucunes n’ont pas d’effet obligatoire, elles suggèrent seulement que les clauses visées peuvent être considérées comme abusives. C’est le pouvoir exécutif qui peut interdire, limiter ou règlementer par décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission sur les clauses abusives. Parallèlement les juges ont le pouvoir de déclarer abusive une clause, alors même que le pouvoir règlementaire ne l’avait pas condamnée. En effet l’article L 132-1 al3 prévoit que la liste annexée au code de consommation n’est pas exhaustive, ce qui implique que les tribunaux peuvent intervenir pour déclarer abusives d’autres clauses. De plus le juge peut demander l’avis de la Commission sur les clauses abusives.
Sanction
L’UCTA prévoit de nombreuses dispositions spécifiques et complexes pour annuler automatiquement une clause abusive, ou pour la soumettre au test de « reasonableness ». Ainsi selon l’article 2 de l’UCTA la responsabilité en cas de décès ou de blessure résultant de la négligence d’une des parties ne peut être exclue ou limitée, les clauses prévues à cette fin sont dès lors réputées nulles et sans effet. La responsabilité d’une des parties pour négligence n’ayant pas entraîné la mort ou la blessure personnelle – personal injury – peut être exclue ou limitée par une clause au contrat si et seulement si elle revêt un caractère raisonnable. De plus lorsqu’une des parties est un consommateur, une clause contractuelle ne peut pas exclure ou limiter la responsabilité d’une partie qui n’aurait pas exécuté son obligation contractuelle, ou qui l’aurait exécutée mais d’une façon substantiellement différente de celle initialement prévue au contrat, à moins qu’elle ait agit de manière raisonnable (article 3). Les clauses d’indemnité – fixant l’indemnisation d’une partie en cas perte – (article 4) ne sont valables que si elles revêtent un caractère raisonnable. Certains fabricants fournissent une garantie pour leurs biens de consommation, mais en général elle est n’est destinée qu’aux problèmes mineurs et exclut leur responsabilité en cas de problème plus sérieux, de telles exonérations sont donc sans effet d’après l’article 5. Toute clause contractuelle qui vise à exclure la responsabilité d’une des parties pour dol, fraude ou mensonge – misrepresentation – doivent revêtir un caractère raisonnable pour être applicables (article 8). En droit français la sanction est la nullité : la clause abusive est réputée non écrite (L132-1 al6) mais le contrat reste en principe valable (L132-1 al8). De plus une loi du 5 juillet 1988 (L 421-6 c conso) a conféré aux associations agrées de consommateurs la faculté de « demander à la juridiction civile d’ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression de clauses abusives dans les modèles de convention habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs et dans ceux destinés aux consommateurs et proposés par les organisations professionnelles à leurs membres »
Vers une meilleure protection de la partie faible ?
L’UCTA laisse aux juges une grande flexibilité qui peut être problématique : si les juges favorisent généralement les parties faibles leur interprétation peut parfois être remise en question.
Tout d’abord dans l’affaire George Mitchell (Chesterhall) Ltd v Finney Lock Seeds Ltd (1983) la Chambre des Lords décida que la clause en question n’était pas raisonnable au motif que les défendeurs étaient conscients du caractère abusif de cette clause puisque dans des cas similaires ils avaient l’habitude d’accorder une compensation supplémentaire et qu’il était plus facile pour un professionnel que pour un particulier de se protéger contre le risque de perte.Ensuite dans l’affaire Phillips Products v Hyland (1987) la Cour décida que la clause n’était pas raisonnable étant donné que le demandeur n’était pas un professionnel habitué à ce genre d’opérations et qu’il n’avait aucune possibilité de contrôler le risque puisqu’il n’avait ni la possibilité de choisir le conducteur de la machine qu’il louait ni les connaissances nécessaires à la compréhension du fonctionnement de celle-ci. Puis la Cour introduit un nouveau facteur d’appréciation du caractère raisonnable : la difficulté de la tâche à accomplir. En l’espèce l’expertise de biens immobiliers ne constituait pas une tâche particulièrement difficile ou complexe donc la clause limitative de responsabilité a été jugée déraisonnable Smith v Eric Bush (1990). Cette approche laisse aux juges une grande liberté d’appréciation, et certaines clauses exonératrices de responsabilité pourtant draconiennes ont été maintenues. Ainsi dans l’affaire SAM Business Systems v Hedley and Co (2002) la Cour décida de maintenir une clause exonératrice de responsabilité qui autorisait la vente d’un logiciel substantiellement défectueux parce qu’elle considérait que les parties avaient une capacité de négociation similaire, que l’acheteur avait eu la possibilité de négocier en de meilleurs termes et que ce type de clauses était courant dans l’industrie informatique. En France en 1997 deux clauses avaient ainsi été interdites : dans la vente, la clause qui a pour objet ou effet de supprimer ou réduire le droit à réparation du consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations (R 132-1) ; et dans tout contrat, la clause qui a pour objet ou effet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ou du service à rendre – sauf si la modification est liée à l’évolution de la technique et n’entraîne pas une augmentation du prix ni une altération de la qualité (R 132-2)
Bibliographie
Unfair Contract Terms Act, texte: http://www.johnantell.co.uk/UCTA1977.htm
Unfair Contract Terms Act 1977, Peter K. J. Thompson, London Butterworths, 1978
Contract Law, Catherine Elliott and Frances Quinn, fourth edition, Longman, 2003
Contract Law http://www.lawteacher.net/contract.htm
An Optimistic Look at the Contract Provisions of Unfair Contract Terms Act 1977, John N. Adams, The Modern Law Review, Vol. 41, No. 6 (Nov., 1978), pp. 703-706
Unfair contract terms: what a mess, K-Zone law, http://www.kevinboone.com/ucta.html
Droit civil Les Obligations, 17e édition, Gérard Légier, Dalloz
Code de la Consommation articles L 132-1 et s. http://lexinter.net/Legislation/codeconsommation.htm