L’application du Règlement Bruxelles II Bis en droit français et en droit allemand, A propos du commentaire du Prf. Dr. Gruber, par Sarah Legros
Le Règlement européen no 2201/2003 du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale (Règlement B II Bis) est entré en vigueur le 1.03.05 en remplaçant le Règlement européen n° 1347/2000 du 29.05.00 (Règlement B II). Alors que les règles en matière matrimoniale ont été reprises presque telles quelles du Règlement B II, les règles en matière de responsabilité parentale ont subi des innovations. Le texte étudié est un commentaire sur le Règlement B II bis, c’est-à-dire comment celui-ci est interprété dans son application par le droit allemand. Il s’agit ici de comparer ces interprétations avec celles du droit français.
Le Règlement européen no 2201/2003 du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale (règlement B II Bis) est entré en vigueur le 1.03.05 en remplaçant le Règlement européen n° 1347/2000 du 29.05.00 (Règlement B II). Les règles relatives à la matière matrimoniale restent pour l’essentiel les mêmes que dans le règlement B II. D’ailleurs selon le Guide pratiqué pour l’application du nouveau Règlement B II (« Le nouveau droit communautaire du divorce et de la responsabilité parentale » sous la direction de Hugues Fulchiron et Cyril Nourissat, Dalloz 2005 ; Annexe 3, p. 393 et s.), les commentaires publiés depuis l’entrée en vigueur le 1.03.01 du Règlement B II et les décisions judiciaires prises sur le fondement du Règlement B II peuvent servir pour le Règlement B II Bis. Avec le Règlement B II Bis, il s’agit de faire disparaître en matière matrimoniale les situations juridiques boiteuses dues aux procédures concurrentes et à la non reconnaissance des décisions étrangères. Les innovations les plus importantes sont en matière de responsabilité parentale. Elles concernent surtout le droit de visite et les enlèvements d’enfants. Le commentaire du Professeur Gruber (Prof. Dr. Urs Peter Gruber, „Die Neue Eheverordnung und die deutschen Ausführungsgesetze“, IPRax 4/2005, p. 293 et s.) fait une présentation générale de tous les articles du Règlement et étudie aussi les interprétations allemandes de ces articles, car même si le Règlement a apporté certaines précisions, il existe des difficultés d’interprétation. Il s’agit donc de présenter ces règles sujettes à controverses en droit allemand et en droit français. Ne seront traités ici que les dispositions relatives à l’applicabilité, la compétence internationale et la coopération entre Etats-membres. Le Règlement pose des règles bien définies quant à son champ d’application et la compétence internationale (I), mais il apporte également une certaine souplesse à travers la coopération entre les Etats-membres (II).
I. Délimitation stricte de l’application du Règlement :
Dans un premier temps il s’agit d’analyser dans quel domaine le règlement est applicable et comment son application a été délimitée en Allemagne et en France (A), puis d’établir les règles relatives à la compétence internationale (B).
A. Le domaine d’application :
Le Règlement B II Bis s’applique à la matière matrimoniale pour les procédures concernant la dissolution du mariage, la séparation de corps ou à l’annulation du mariage et à la responsabilité parentale (art 1 du règlement).
Le Règlement n’a pas donné de définition du lien matrimonial. Ainsi il existe des difficultés d’interprétation quant à ce terme. Selon le Professeur Gruber, il existe en Allemagne des controverses au sujet de l’application éventuelle du Règlement à la constatation de l’existence ou non du mariage (§632 du code de procédure civil allemand : Zivilprozessordnung : ZPO). Selon l’opinion majoritaire, il pourrait y avoir une application concernant la constatation qu’il n’y ait pas de mariage. Mais selon l’opinion minoritaire (Jörg Dilger, « Die Regelungen zur internationalen Zuständigkeit in Ehesachen in der Verordnung (EG) Nr. 2201/2003), la constatation de l’existence du mariage n’a pas pour but de dissoudre le mariage, mais plutôt le contraire, ce qui l’exclurait du Règlement. Et concernant la constatation d’une nullité du mariage, celle-ci serait également exclue du Règlement en raison du caractère déclaratoire de la décision. Selon l’interprétation française, la nullité du mariage est incluse dans le Règlement.
Concernant la responsabilité parentale, le Règlement s’applique à l’attribution, à l’exercice et au retrait de celle-ci. Il s’applique aussi au droit de visite et de garde et aux enlèvements d’enfants. L’article 2§7 du Règlement donne une définition de la responsabilité parentale. C’est « l’ensemble des droits et obligations conférés à une personne physique ou une personne morale sur la base d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur, à l’égard de la personne ou des biens d’un enfant. Il comprend notamment le droit de garde et le droit de visite ». Selon le Professeur Gruber la responsabilité parentale est très largement définit dans le Règlement. Selon l’article 2§8 du Règlement « le titulaire de la responsabilité parentale est toute personne exerçant la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant ». Dans le terme « toute personne » sont incluses les personnes ayant des droits/obligations à l’égard de l’enfant. Ce ne sont pas seulement les parents. Or en principe en France, l’autorité parentale n’appartient qu’aux parents. Les tiers n’ont que des pouvoirs restreints. Cependant il existe deux exceptions à l’exercice exclusif de l’autorité parentale par les parents. Ainsi selon l’article 378 al 2 Cciv, en cas d’infractions les parents peuvent se voir retirer l’autorité parentale au profit des ascendants. En outre selon l’art 377 Cciv une autorité publique, c’est-à-dire un établissement agréé ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance peut exercer l’autorité parentale, lorsque celle-ci lui a été déléguée volontairement ou par force. En Allemagne les tiers comme les autorités publiques peuvent exercer l’autorité parentale.
De plus, il existe encore certains points vagues, notamment concernant l’âge de l’enfant. Le Règlement s’applique à tous les enfants (légitimes, naturels, adoptifs, sans filiation). Mais il n’existe aucune règle, qui fixe jusqu’à quel âge une personne doit être considérée comme un enfant. Il appartient aux droits nationaux de préciser cet âge. En droit allemand il existe certaines controverses quant à la définition exacte de l’enfant. Mais selon certains auteurs allemands la limite est donnée à 18 ans (ainsi Solomon, FamRZ 2004, 1409, 1413). Selon le Professeur Gruber cette définition est une question préliminaire, qui est à rattacher de façon autonome, d’après l’article 7 alinéa 1, 1° phrase du EGBGB (la loi introduisant le code civil allemand). C’est-à-dire que le rattachement se fait par rapport à la nationalité de la personne, puis selon le droit national applicable. Cela s’applique également quand la personne a acquis la nationalité par mariage (article 7 alinéa 1, 2° phrase EGBGB). En France la définition de l’enfant concerne les individus n’ayant pas atteint l’âge de 18 ans, sauf en cas d’émancipation par mariage par exemple.
Mais comme le Règlement B II Bis est entré en vigueur le 1er mars 2005, il y a encore peu de pratique sur son application par les tribunaux des Etats-membres. Il s’agit maintenant d’établir la compétence des tribunaux des Etats-membres dans chaque domaine du Règlement.
B. La compétence internationale :
Les tribunaux d’un Etat-membre sont compétents selon deux critères : la résidence habituelle (1) et la nationalité (2).
1. La résidence habituelle comme critère principal :
La notion de « résidence habituelle » est un critère de compétence établi à l’art 3 (donnant un choix élargi de saisine aux époux) et à l’art 8 du Règlement, qui donne compétence au tribunal de résidence de l’enfant. Selon le guide pratique du Règlement, c’est une notion autonome du droit communautaire. Cependant elle n’a pas encore fait l’objet d’une définition par la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE). Dans le rapport de Mme Alegría Borrás (rapport explicatif relatif à la convention établie sur la base de l’art K.3 du traité de l’UE concernant la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décision en matière matrimoniale ; JO des Communautés européennes 1998 C 221/35, point 32) sur la Convention de Bruxelles II, la résidence habituelle est comparée au domicile et elle renvoie à la définition donnée par la CJCE. Ainsi ce terme a été défini dans d’autres domaines comme « le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêt, étant entendu qu’à fin de détermination de cette résidence, il importe de tenir compte de tous les éléments de faits constitutifs de celle-ci » (CJCE 1994, I- 4295, « Pedro Magdalena Fernandez c/ Commission »). Cependant le Règlement B II Bis, à la différence du Règlement (CE) 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, ne parle pas du « domicile ». Et la définition donnée par la CJCE ne s’appliquerait pas pour le Règlement B II Bis (Hau, FamRZ 2003, 1301). En droit allemand ce terme se définit comme le lieu où la personne a son centre d’intérêt (« Daseinsmittelpunkt » : Cour fédérale d’Allemagne (BGH : Bundesgerichtshof) ; NJW 1975). Il ne s’agit pas seulement du lieu dans lequel elle réside, mais c’est également le point central de ses relations notamment familiales et professionnelles (BGH, NJW 1981), c’est-à-dire qu’il faut une certaine intégration sociale. Il faut aussi tenir compte de la durée et de la constance du séjour (BGH NJW 1993, 2047, 2049). En France, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 14.12.05 (Bull. Civ. 2005 I N° 506, p. 425), repris la définition de la CJCE. Certains auteurs allemands ont critiqué la décision de la Cour de cassation (Jayme et Kohler, « Europäisches Kollisionsrecht, IPRax 6/2006, p. 547), car la définition donnée par la CJCE dans les autres domaines ne peut être reprise pour le Règlement B II Bis, puisque cette définition en méconnaît la fonction. Selon eux, la Cour de cassation aurait peut-être dû poser une question préjudicielle à la CJCE.
L’article 8 du Règlement donne la compétence aux juridictions de l’Etat-membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle. Le but poursuivi par le Règlement est la protection de l’enfant. Pour tenir compte de l’intérêt de l’enfant, il faut que la juridiction de la résidence habituelle de l’enfant soit compétente, car elle connaît le milieu social et familial de l’enfant et peut ainsi mieux définir les mesures appropriées par rapport à la situation de l’enfant. Selon le guide, en fonction des circonstances de l’espèce il est possible que l’enfant acquière sa résidence habituelle dès le premier jour de l’arrivée dans l’Etat-membre. Mais cela est laissé à l’appréciation du juge national. Dans le commentaire sur le Règlement B II bis, le Professeur Gruber précise que même si la notion de résidence habituelle est une notion autonome, elle doit être déterminée selon les critères déjà établis par la Convention de la Haye sur les enlèvement d’enfant du 25.10.1980 et la Convention de la Haye sur la protection des mineurs du 5.10.1961. En droit allemand pour que la résidence habituelle de l’enfant soit établie, il faut qu’il y ait un centre d’intérêt effectif de l’enfant dans l’Etat-membre. Il faut tenir compte de la durée de séjour (élément objectif) et des projets de résidence de l’enfant et des parents (élément subjectif) (BGH 29.10.80, FamRZ 1981, 135 (136)). Selon le Professeur Gruber, la résidence habituelle de l’enfant est la notion principale pour établir la compétence internationale. Celle-ci reste étable même si l’enfant change de résidence (article 16 du Règlement). Ainsi dans les cas d’un risque de changement de résidence de l’enfant, la compétence internationale des tribunaux allemands peut être garantie par une saisine rapide des tribunaux allemands. Cela a été établit notamment dans un arrêt de la Cour d’appel de Karlsruhe du 16.08.2003 (affaire n°18 UF 171/02). En droit français, il pourrait être admis que soit prise en compte « l’intégration effective du mineur dans son milieu social » (« La notion de résidence », p 156 ; Hugues Fulchiron, Cyril Nourissat ; Le nouveau droit communautaire du divorce et de la responsabilité parentale; Thèmes et commentaires Dalloz).
Ainsi, la CJCE devrait définir le terme de la « résidence habituelle » dans le cadre du Règlement, pour unifier l’interprétation dans la Communauté européenne.
2. La nationalité :
L’article 3a point 6 du Règlement donne la compétence du tribunal, dans l’Etat-membre duquel le demandeur a sa résidence depuis 6 mois immédiatement avant l’introduction de la demande et la nationalité de l’Etat-membre. Cette disposition est considérée comme contraire à l’article 12 TCE (Hau FamRZ 2000 p.1333, 1335). Cependant selon le Professeur Gruber, il n’y a pas encore eu de précision par la CJCE sur la question.
L’article 3 al 1b prévoit que les juridictions de l’Etat-membre dont les époux ont la nationalité sont compétentes. Cela a été appliqué par exemple dans un arrêt de la Cour de cassation du 22.02.05 (Bull. 2005 I N° 89, p.78), selon lequel il suffit que les époux aient la nationalité d’un Etat-membre pour justifier la compétence du juge de cet Etat-membre. De plus la nationalité peut être un complément à la résidence si elle est de 6 mois.
Le Professeur Gruber précise dans son commentaire que les règles du Règlement B II Bis prévalent sur celles du droit national dans le cas d’un point de rattachement à un Etat- membre (art 6 du Règlement). Il critique une décision du tribunal d’instance de Leverkusen (AG Leverkusen, FamRZ 2002, 1635), qui avait appliqué directement le § 606a du code de procédure civil allemand, qui donne la compétence internationale en matière matrimoniale, (ZPO) sans avoir préalablement analysé si les articles 3 à 5 du Règlement étaient applicables (il s’agissait en l’espèce de l’application du Règlement Bruxelles II du 29.05.00). Alors que la Cour d’appel de Zweibrücken a établi que le Règlement B II Bis prévaut sur les règles du droit national, en l’espère le §606a ZPO (OLG Zweibrücken du 10.03.06, FamRZ 2006, 1043). En droit français, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Douai sur le fondement de l’art 2§1 b) du Règlement B II au motif que les époux étaient de nationalité française et qu’au moment du dépôt de la requête le Règlement du 29.05.2000 était applicable (Civ. 1re, 22.02.05, Bull. 2005 I N° 89, p.78). La Cour d’appel s’était déclarée incompétente sur le fondement d’une renonciation tacite au privilège de juridiction de l’article 14 Cciv.
Le règlement B II Bis a encadré les règles relatives au conflit de juridictions notamment dans l’intérêt de l’enfant, mais ce respect découle aussi de la coopération entre les Etats-membres.
II. Une certaine souplesse à travers la coopération entre Etats-membres :
Afin d’éviter les situations de non reconnaissance des décisions et les procédures parallèles, un certains nombres de mesures ont été mises en place, dont deux seront analysées (A). Puis seront développées les règles en matières de coopération entre juridictions, notamment concernant la reconnaissance des décisions et la coopération entre autorités (B).
A. La coopération à travers la litispendance et le forum non conveniens :
L’art 19 du Règlement pose le principe de la litispendance. Celle-ci permet d’éviter l’existence de procédures parallèles, qui peuvent exister au vu de la multiplicité de critères posés par l’article 3 du Règlement. La litispendance s’applique seulement quand sont saisies en même temps les juridictions de deux Etats-membres. La juridiction saisie en second sursoit à statuer jusqu’à ce que la compétence de la première juridiction soit établie. Si c’est le cas, la seconde juridiction se dessaisit en faveur de la première. Selon le Professeur Gruber, l’article 19 apporte des nouveautés importantes surtout concernant la détermination très large de l’objet du litige, puisque une procédure en matière matrimoniale (par ex : procédure de séparation de corps) peut en bloquer une autre (par exemple une procédure en divorce). Ainsi la Cour d’appel de Zweibrücken du 10.03.06 a établi qu’indépendamment de l’objet du litige, une procédure de divorce engagée en Allemagne est à suspendre, si l’autre époux a déjà engagé une procédure de séparation de corps. De même pour un cas de litispendance français où la juridiction française avait été saisie avant la juridiction anglaise (Cass. 1ère civ. 11.07.06 ; Bulletin 2006 I N° 374 p. 320). En outre il existe certaines difficultés comme la date de la saisine. Ainsi, selon l’art 16 du Règlement la saisine est déterminée dès le premier acte procédural, si les modalités procédurales sont par la suite toutes réalisées. Le seul problème qui se pose alors, est que la date de la saisine varie par rapport au droit interne de chaque Etat-membre comme c’est le cas en France. Dans les cas où la procédure de divorce est déclenchée par une requête, la saisine se fait au moment du dépôt de celle-ci (Cour d’Appel d’Aix-en-Provence du 21.10.04 (6° ch., n°261123)). Avec l’art 1070 al 3 NCPC réformé par le décret n°2004-1158 du 29.10.04 portant réforme de la procédure en matière familiale (JO 31.10.04, p. 18492), «la compétence territoriale est déterminée par la résidence au jour de la demande ou, en matière de divorce, au jour où la requête initiale est présentée ». En droit allemand la saisine se fait au moment de l’introduction de la demande. Dans le texte étudié, il est précisé que la date de la saisine de l’article 16 du Règlement a une certaine importance. Le demandeur doit avoir pris toutes les modalités procédurales nécessaires pour faire parvenir la requête au défendeur. Ces modalités sont déterminées par la lex fori. Ainsi dans une décision du tribunal de grande instance du 17.01.2005 (Kammergericht 17.01.2005, Az 16 WF 206/04 sur l’application du Règlement B II), le demandeur a pris les modalités nécessaires, même s’il n’avait pas fait parvenir la requête à l’adresse exacte de la défenderesse, mais à son ancien avocat (dans le cas d’espèce la défenderesse vivant en Angleterre avait refusé de donner son adresse).
L’article 15 du Règlement est une règle qui ressemble au forum non conveniens, c’est-à-dire le renvoi à une juridiction mieux placée. Selon le Professeur Gruber, cette procédure est possible s’il y a un lien étroit entre l’enfant et l’Etat-membre. De plus il faut que les tribunaux saisis soient convaincus que la saisine se fait dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Selon l’auteur cela suppose une coopération étroite entre les tribunaux. Selon un arrêt du tribunal de grande instance du 10.07.06 (16 UF 90/06, KGReport Berlin 2006, 804) le renvoi à une juridiction mieux placée peut être contesté par le §19 du code sur les litiges concernant la procédure non contentieuse (FGG). En l’espèce il s’agissait d’un couple français, dont la mère et l’enfant étaient partis s’installer en Allemagne. Le père avait saisi la juridiction française pour statuer sur le droit de visite. La mère avait saisi le tribunal en Allemagne. Le tribunal allemand a analysé si la juridiction française était plus compétente pour connaître de l’affaire. Pour cela, le tribunal vérifie que le cas d’espèce présente un rattachement plus important avec la France, qu’il y a un lien étroit entre l’Etat-membre et l’enfant et que le renvoi respecte l’intérêt de l’enfant. Les conditions sont à interpréter de façon restrictive. En espèce la justification selon laquelle le tribunal français est plus compétent, parce que le père vit en France et aurait des problèmes liés à la langue, à la distance, ne suffit pas. Ainsi le tribunal français n’est pas mieux placé.
Après avoir développé les moyens facilitant la coopération entre les Etats-membres, il s’agit maintenant d’étudier les règles de reconnaissance et d’exécution et la coopération entre autorités dans le cadre de la protection de l’enfant.
B. La coopération entre les autorités et entre les juridictions: la protection de l’enfant :
Peuvent être reconnus les décisions judiciaires, les actes authentiques et les accords entre les parties. La reconnaissance se fait de plein droit (art 21§1). L’article 23 du Règlement pose les conditions de reconnaissance des décisions en matière de responsabilité parentale. Ces conditions sont très strictes pour la sauvegarde de l’intérêt de l’enfant. Ainsi pour que l’ordre public soit respecté par rapport aux intérêts de l’enfant, celui-ci doit être entendu. La reconnaissance peut être refusée à la demande de toute personne, qui prétend que la décision étrangère constitue un obstacle à l’exercice de l’autorité parentale. Cependant la deuxième condition peut dans certains cas poser des problèmes de reconnaissance. Car en Allemagne, il existe des conditions strictes quant à l’audition de l’enfant, celui-ci devant être entendu à partir de l’âge de 3- 4 ans. C’est une disposition fondamentale découlant de l’article 6 alinéa 2 de la loi fondamentale allemande. Or en France, le juge n’est pas tenu d’auditionner un enfant de 6 ans. Ainsi un exemple d’une décision de la Cour d’appel de Francfort, selon laquelle n’est pas reconnu une décision sur la responsabilité parentale, parce que l’enfant n’a pas été auditionné (OLG Frankfurt 16.01.06- 1 UF 40/04). (voir Maureen Stephan sur « l’audition de l’enfant et la reconnaissance des décisions en Europe : l’arrêt du Bundesverfassungsgericht allemand du 29.10.98 » du blog m2bde.u-paris10.fr/blogs/cji/).
Ont été créées des autorités centrales, qui ont pour mission d’encourager la coopération internationale en matière de responsabilité parentale. La coopération est prévue aux articles 54 et suivant du Règlement. Les articles 55 et 56 III renvoient au droit national (lex fori). Il s’agit de respecter l’intérêt de l’enfant. Ainsi celui-ci doit être entendu. En Allemagne a été adopté le 26 janvier 2005 la loi sur la procédure en matière de droit de la famille internationale (IntFamRVG : l’Internationales Familienrechtsverfahrensgesetz ; Internationales Privat- und Verfahrensrecht de Erik Jayme/ Rainer Hausmann, 13ème édition, texte n° 162a) pour compléter le Règlement. Elle est entrée en vigueur le 1.03.2005. Les §§ 16 à 36 de la loi sont applicables pour le Règlement. Selon le §3 IntFamRG l’autorité centrale est l’avocat général fédéral de la Cour fédérale allemande (Generalbundesanwalt). Les §§ 16 à 36 concernent les obligations que l’autorité centrale doit réaliser toujours dans l’intérêt de l’enfant. Mais la plupart de ces dispositions concernent les cas d’enlèvements d’enfants. Il s’agit aussi du soutien que doit apporter le Jugendamt (l’office de la jeunesse) à l’autorité centrale (§9 IntFamRVG). Cette autorité a un rôle important en Allemagne dans les procédures en matière de responsabilité parentale. Elle peut être par exemple une partie dans le procès et représenter les intérêts de l’enfant.
Bibliographie :
Ouvrages généraux :
Pierre Mayer et Vincent Heuzé , Droit International privé, 8° édition, Montchrétien p. 456 et s. M.-L. Niboyet et G. de Geouffre de La Pradelle , Droit international privé : Livre II Le procès civil international (Conflits de juridictions), Manuel, L.G.D.J. 2007 Hugues Fulchiron, Cyril Nourissat , Le nouveau droit communautaire du divorce et de la responsabilité parentale, Thèmes et commentaires Dalloz H. Linke, Internationales Zivilprozessrecht : Leitfaden für Verfahren mit Auslandsbezug, 3° édition, Andrae , Internationales Familienrecht, 2ème édition, 2006. Hoffmann et Thorn , Internationales Privatrecht, 9ème édition.
Articles:
B. Ancel et H. Muir Watt, « L’intérêt supérieur de l’enfant dans le concert des juridictions: le règlement Bruxelles II bis », Rev. Crit. Dip 94(4) oct-déc 2005, p. 569 et s. Frank Bauer, « Neues europäisches Kollisions- – und Verfahrensrecht auf dem Weg : Stellungnahme des deutschen Rates für IPR zum internationalen Erb- und Scheidungsrecht », IPRax 2006 Heft 2 Mme Alegría Borrás, « Rapport explicatif relatif à la convention établie sur la base de l’art K.3 du traité de l’UE concernant la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décision en matière matrimoniale » , JO des Communautés européennes 1998 C 221/35 Prof. Dr. D. Coester- Waltjen, «Die Berücksichtigung der Kindesinteressen in der neuen EU- VO „Brüssel IIa“ », FamRZ 52/2005 Heft 4, p. 241 et s. Prof. Dr. Urs Peter Gruber, «Die Neue Eheverordnung und die deutschen Ausführungsgesetze», IPRax 4/2005, p. 293 et s. Prof. Dr. Urs Peter Gruber, «Das neue Internationale Familienrechtsverfahrengesetz», FamRZ 52/2005, p. 1603
Textes officiels:
Règlement Nr. 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale ; JO n° L 338 du 23.12.03 p. 1- 29. Gesetz zur Aus- und Durchführung bestimmter Rechtsinstrumente auf dem Gebiet des Internationalen Familienrecht (Internationales Familienrecht : IntFamRVG), c’est-à-dire la loi sur la procédure en droit de la famille international ; « Internationales Privat- und Verfahrensrecht » de Erik Jayme/ Rainer Hausmann, 13ème édition, texte n° 162a.