La Caverne du Dragon, un lieu pour se souvenir
Die Drachenhöhle, plus connu sous le nom de Caverne du Dragon, est un espace muséographique dédié à la Première Guerre mondiale situé sur le Chemin des Dames, dans les Hauts-de-France.
Loin d’être un simple musée, c’est un lieu témoin des horreurs de la guerre. Lors de la Première Guerre mondiale, les troupes allemandes se battent pour prendre possession d’une ancienne carrière de pierres située sur le Chemin des Dames, il s’agit de la Caverne du Dragon. Elle sert aux soldats français de refuge mais aussi de poste militaire majeur. Rapidement, ils se retrouvent encerclés par les troupes allemandes qui voient en ce lieu un enjeu militaire stratégique de premier plan. Les deux camps finissent par cohabiter dans la grotte qui devient un véritable lieu de vie où l’électricité y est installée, un puits y est creusé et une chapelle y trouve sa place.
Faire la guerre dans des carrières
La Caverne du Dragon est à l’origine une carrière souterraine d’une superficie de 3 hectares, située à 14 mètres de profondeur. Elle est creusée au Moyen-Âge dans le but de construire les nombreux édifices religieux qui sont présents dans le secteur. Ces carrières sont courantes dans la Somme et l’Aisne, deux départements des Hauts-de-France, et sont appelées « creutes ». Elles sont utilisées pendant la guerre comme abris, postes de secours ou postes défensifs avancés.
En effet, la Caverne du Dragon possède une place stratégique : elle se trouve sur un plateau et possède une vue dégagée sur les deux pans de vallées l’entourant, la Vallée de l’Aisne et la Vallée de l’Ailette. Cette position permet alors des attaques et des replis par surprise sur le Chemin des Dames.
A l’origine une possession française, elle devient en 1915 un territoire ennemi. Les allemands transforment le lieu, qui était jusque-là un simple abri, en une véritable caserne. Ils mettent en place des murs anti-gaz, un réseau d’électricité, y aménagent des dortoirs, un poste de secours, un puits et vont même jusqu’à installer une chapelle et un cimetière, le tout sous terre !
En juillet 1917 les soldats français reprennent une partie de la Caverne du Dragon. S’en suivent alors de longs mois de cohabitation souterraine entre les deux camps. Il faudra attendre octobre 1917 pour que la Caverne redevienne entièrement française.
Cette période de cohabitation donne son nom au lieu, qui jusqu’à présent était uniquement désigné sous le terme de « creute ». Les soldats français utilisaient leur sortie des souterrains comme pose de tir. Les flammes et étincelles des armes produisaient une quantité énorme de fumée qui rappelait aux allemands l’antre du Dragon des mythes wagnériens. Les soldats allemands souhaitant cartographier les lieux en utilisant un langage codé pour mieux se protéger appellent alors cette carrière « Die Drachenhöhle », la Caverne du Dragon.
Un enjeu territorial
A l’issue du conflit, la plupart des villages environnant le Chemin des Dames sont détruits, à des kilomètres à la ronde on ne voit que des ruines et d’immenses trous laissés par les obus. Le lieu est inconstructible et incultivable, de nombreuses familles se retrouvent alors sans domicile et sans emploi. Plus de 10 000 ha de ce secteur géographique sont alors classés comme « zone rouge ».
Petit à petit, ce lieu devient un lieu de pèlerinage pour les anciens combattants et leurs familles. Des boutiques ambulantes destinées à fournir des reliques et des cartes postales se développent. Peu de temps après la guerre, la Caverne se visite et apparaît dans le Guide Michelin des Champs de bataille de 1920.
Le 4 mai 1969 un nouveau musée est inauguré sur le site par le Souvenir français qui souhaite en faire un lieu de mémoire. En 1995, le lieu est confié au Département de l’Aisne, une nouvelle scénographie est alors créée. Il faut attendre le 5 juillet 1999 pour que le nouvel espace muséographique ouvre au public. Les archives recueillies auprès des populations locales sont alors exposées. Des cartes postales, des photographies, des journaux intimes, des vêtements, des effets personnels, de l’équipement militaires sont désormais accessibles au plus grand nombre. Grâce à une mise en scène pleine de délicatesse, le visiteur se retrouve alors plongé dans le quotidien des soldats et des civils qui ont souffert des violents affrontements ayant eu lieu sur le Chemin des Dames. Rapidement, le site fait succès et devient le premier musée visité du département de l’Aisne.
Bien plus qu’un simple site touristique, il s’agit d’un lieu où chacun peut faire son deuil et tenter d’apprivoiser les lourds souvenirs qui sont transmis à travers les générations.
Il faut attendre 2006 pour que la Caverne du Dragon soit classée Monument Historique et 2018 pour une nouvelle phase de rénovation. L’espace muséographique est alors amélioré et de nombreux supports pédagogiques sont intégrés au parcours de visite, rendant les visites en famille et celles des groupes scolaires plus agréables. De nouvelles galeries souterraines sont également dégagées – la moitié d’entre elles s’étant effondrées en 1917 – ce qui permet d’en apprendre davantage sur la vie souterraine des soldats.
Un lieu où arts et Histoire se rencontrent
La Caverne du Dragon est lieu où l’art et la mémoire cohabitent étroitement. Au fil des années, de nombreuses œuvres ont été installées dans les environs de l’espace muséographique mais également dans les souterrains.
L’une d’elle s’intitule les Flambeaux de la mémoire. Elle est constituée d’une multitude de lampes flammes placées au centre d’un réseau quadrillé lumineux. Ce dernier évoque les tranchées dans lesquelles les soldats évoluaient. Quant au nombre de lampes, il y en a une pour chaque homme tombé au combat sur le Chemin des Dames.
Une autre forme d’art présente dans les souterrains et celle réalisée par les soldats dans les tranchées. Nombre d’entre eux, habiles de leurs mains, récupéraient les douilles ou les obus afin de les transformer en sculptures toutes plus fascinantes les unes que les autres. L’ensemble de celles trouvées sur le site lors des travaux de rénovation est exposé.
A l’extérieur de la Caverne du Dragon, une œuvre massive, située sur une pente où des centaines de tirailleurs sénégalais sont tombés sous une pluie d’obus en 1917, lors de l’offensive Nivelle, leur rend hommage. Ces soldats ont été appelés par l’état français pour venir en renfort aux soldats français déjà présents sur place. Ils arrivent sur le territoire dans des conditions difficiles, sous un violent bombardement allemand et sous la neige. La plupart d’entre eux perd rapidement la vie. Fort de symboles, cet ensemble composé de 9 statues est commandé par le Département de l’Aisne à Christian Lapie, un sculpteur rémois. Cet artiste réalise des sculptures vaguement humaines en travaillant sur des troncs de bois brut et calcinés. La matière utilisée rappelant le paysage lunaire de l’après-guerre où seuls quelques arbres se dressent, survivants miraculés des affrontements. L’œuvre située sur le Chemin des Dames s’intitule Constellation de la Douleur.
Une autre sculpture, intitulée Ils n’ont pas choisir leur sépulture se trouve sur le parvis de l’espace muséographique. Il s’agit d’une œuvre en bronze de 4 mètres de haut qui pèse un peu moins de 2 tonnes. L’artiste, Haïm Kern, déclare que pour lui « il s’agissait de remettre ces hommes qui sont sous terre à la lumière ». En effet, l’œuvre inaugurée lors du centenaire de la bataille du Chemin des Dames, représente un maillage sur lequel sont accrochées 20 têtes en mémoire des hommes tombés au combat sur le lieu.
Centre d’accueil – Caverne du Dragon
Chemin des Dames – RD 18 CD
02160 Oulches-la-Vallée-Foulon
Tél : 03.23.25.14.18