« L’écriture, c’est l’âme qui éclate en silence »

B.B. Jacques est un rappeur dont le nom est apparu sur la scène francophone en septembre 2020. Français d’origine libanaise, son pseudonyme peut s’expliquer en référence à B.B. King, Charles Bukowski, pour son poème Bluebird et à Jacques Chirac ayant développé de profondes relations de solidarité avec le Liban. Bien avant la sortie du premier single Hérésie, l’artiste structure ses ambitions. Il écrit et travaille sur sa voix pendant une dizaine années et amorce la formation d’une équipe et d’une direction artistique. B.B. Jacques est au fil de ce temps nourrit de références littéraires, musicales et culturelles diverses. Il concrétise peu à peu sa volonté de parler à des gens et d’exprimer ce besoin viscéral d’écrire. Très vite son univers se dessine, pose un personnage, un narrateur et une adresse engagée.

 


En septembre 2021, le premier album de B.B. Jacques parait sous le titre La nuit sera calme. Recueil de 19 titres regroupant quatre volumes homonymes sortis quelques quelques mois auparavant. Œuvre première fondamentalement littéraire qui livre un discours subversif et engagé. Le succès auprès des lecteurs et auditeurs est au rendez-vous et l’artiste enchaîne. En février 2022, le premier volet du diptyque Poésie d’une pulsion sort. Un double album plébiscité et convaincant qui achève le second chapitre du récit de B.B. Jacques. Naturellement, l’artiste conclue ce cycle de parution en délivrant l’album New Blues, Old Wine en novembre 2022. Projet aboutit amenant l’artiste à réaliser une tournée de près de quarante-cinq dates entre la France, le Canada, la Suisse et la Belgique.

 

 

Ne jugez pas un livre à sa couverture : La nuit sera calme

 

Titre repris de l’ouvrage de 1974 de Romain Gary, La nuit sera calme pose la première pierre de l’autobiographie auditive de B.B Jacques. L’artiste publie une double invitation, un voyage sonore appelant à prendre la plume.

 

La pochette de l’album est inspiré du format des livres Gallimard et appelle explicitement à lire l’album. Un voyage de dix-neuf chapitres-destinations, véritable recueil de poésie barbare où l’artiste prend le pari de se renouveler sur chaque morceau. Entre les lignes B.B. Jacques s’affranchit des codes de la forme poétique au profit d’un propos exigent. Au service de l’expression Jacques s’identifie par l’engagement littéraire et les références nombreuses qui couvrent l’album. A la manière des titres du second volume qui forme un poème, La nuit sera calme revendique une littéralité autant dans l’interprétation dissidente que dans l’honnêteté intellectuelle et artistique du discours. Rappeur avant d’être poète, l’artiste incarne proprement l’art du Rythm And Poetry dans la recherche verbale et syntaxique de la langue. A l’écrit comme à l’oral, les textes résonnent et portent des convictions fortes. L’artiste met au cœur d’une architecture urbaine pesante un personnage disruptif recherchant l’évasion par l’écriture. Référés et imagés par un panorama d’auteurs et d’autres textes, entre Verlaine, Camus et Baudelaire, les écrits incisifs de B.B. Jacques exhortent à l’expression libérée de sa noblesse littéraire. Une parution d’environ une heure.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’outro de l’album, LNSC, s’ouvre par la voix de Serge Reggiani, acteur et chanteur français d’origine italienne. Il reprend en 1968, les vers du poème Enivrez-vous de Charles Baudelaire en s’adressant à la journaliste Denise Glaser : “ C’est Baudelaire qui écrit des choses très belles, qui dit « enivrez-vous ». Il dit, c’est ce que je pense vraiment, il dit : « Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. » ”.

 

C’est en somme la promesse que B.B. Jacques fait à ses auditeurs, à ses lecteurs. Ils les invite à plonger dans l’ivresse permanente, spirituelle et poétique. Les thématiques de l’album convergent vers une forme d’abandon où l’artiste dépeint successivement des tableaux profonds : dans la chanson En Écoutant du Brahms, il exprime son amour pour la création artistique et rend hommage à ses influences Blues, sur le titre Au revoir bb l’homme profondément seul fait état d’une nostalgie désillusionnée, sur Fend le ciel il est question d’une indignation face aux injustices sociales et violences policières et d’un appel à la solidarité. Par ailleurs, chaque titre se noue à un tissu de confidences et l'ensemble de cette correspondance semble s'adresser à chaque lecteur, auditeur de La nuit sera calme. Le parolier parvient "en parlant aux gens" à toucher personnellement son audience. Un voyage auditif intime qui tend aussi à créer une proximité avec le destinataire.

 

Le style musical du projet oscille entre les genres et les inspirations. On y retrouve autant de codes propres au rap américain qu’à la chanson française, en passant par ceux du Blues. En quête de sens et d’identité, B.B. Jacques s’élève sur chaque morceaux. Il pose un regard lucide, parfois désabusé, ordonné à la passion. L’artiste se dévoile sans fard, avec élégance et finesse, pour proposer un rap narratif, introspectif et créatif, qui se situe à la croisée des chemins entre la littérature et la musique.