Solaris, de la science-fiction au théâtre
Adaptée du célèbre roman de science-fiction de Stanislas Lem écrit en 1961, la pièce Solaris nous plonge dans un univers énigmatique. Voilà un pari audacieux pour le jeune metteur en scène Rémi Prin que d’adapter au théâtre ce genre littéraire et cinématographique.
Un groupe de scientifiques se rend sur une station spatiale afin d’étudier la mystérieuse planète Solaris. Très vite, l’équipe ne répond plus aux messages en provenance de la Terre. Le psychologue Kris Kelvin y est envoyé en renforts pour constater les phénomènes étranges que l’on y soupçonne. Une fois arrivé, il découvre ses collègues en proie à des hallucinations et à la folie. Tentant de raisonner le groupe, le psychologue finit par se perdre dans l’atmosphère fantastique de la planète Solaris. Il doit alors lui aussi, faire face à des apparitions déconcertantes.
Une adaptation ambitieuse
La mise en scène de la science-fiction au demeure aujourd’hui rare sur les scènes de théâtre françaises, sûrement par souci de réalisme. En littérature, l’imaginaire du lecteur est sollicité et permet la production d’éléments fantastiques à l’infini. Au cinéma, ce sont les dispositifs technologiques et effets spéciaux réalisés en post production qui donnent lieu à la représentation de ces mêmes éléments. Rémi Prin et ses scénographes tous deux issus de l’École Nationale des Arts Décoratifs ont fait le choix audacieux de représenter de la science-fiction sur un plateau de théâtre. Le défi est relevé grâce à une mise en scène et une scénographie parfaitement exécutées.
Une mise en scène immersive
La scénographie inventive et très intimiste nous plonge dans le huis clos d’une station spatiale. L’action prend place entre quatre colonnes dont les couleurs et l’opacité varient. La translucidité des parois de ces mêmes colonnes nous laisse apercevoir les apparitions énigmatiques de fantômes.
Les éléments de décor sont perpétuellement en mouvement pour créer différents espaces. Sont ainsi donnés à voir les espaces personnels de vie des personnages, les espaces de travail, mais aussi les couloirs labyrinthiques de la station. Cette station comme unique point de repère de l’équipage se trouve finalement souvent bouleversée, les mouvements des décors s’opèrent en toute cohérence avec la désorientation des personnages. La mise en scène amplifie alors le sentiment d’instabilité des scientifiques désorientés.
La pièce est également portée par une bande son continue avec des ambiances variées qui contribuent à l’immersion des spectateurs au sein du récit. Se mêlent de manière fluide bruits de ventilations, craquements et musique minimaliste. Le temps est alors comme suspendu. On se retrouve happé dans cet univers spatial angoissant et étrange.
Enfin, au point où s’achève l’intrigue l’espace de jeu des comédiens se referme sur lui-même témoignant de la lente implosion des personnages, jusqu’à la disparition de la station spatiale dans le noir complet.
Une attention particulière a été portée aux costumes qui eux aussi participent à la vraisemblance de l’histoire. Ils accompagnent l’évolution psychologique des personnages tout au long du récit. Ainsi, le psychologue Kelvin fait son entrée dans la station spatiale en scaphandre et tenue complète adaptée à la station spatiale. Petit à petit, il se dévêtira de son habit technique et de son attitude de scientifique pour laisser place à l’homme, son intimité et son introspection.
Un récit au service de réflexions universelles
L’adaptation de Solaris par Rémi Prin est avant tout une tragédie intimiste dans laquelle les spectateurs assistent aux états d’âmes des personnages. La pièce traite non seulement du thème de la science et des différentes formes de vies possibles, mais questionne également la nature de notre humanité et de son existence même. Le récit nous porte grâce à une dimension romantique sur le retour de l’être aimé. On assiste à l’histoire d’amour impossible entre Kelvin et le fantôme de sa femme disparue. L’intrigue nous laisse également découvrir l’introspection de personnages livrés à eux-mêmes et confrontés aux limites de leurs connaissances.
Jouée au Théâtre de Belleville à la rentrée 2018, puis en Janvier 2019 pour une reprise, la pièce Solaris a rencontré un véritable succès. Remi Prin prépare aujourd’hui une création en cinq actes, mettant en scène l’histoire tristement célèbre des sorcières de Salem. Rendez-vous en 2020 pour découvrir à nouveau son travail de qualité.
Crédits photos: Avril Dunoyer.