Cachez ce conflit d’intérêt que je ne saurais voir ! Arbitrage, impartialité et obligation de révélation dans l’arrêt AIMCOR v. Ovalar (U.S. Court of Appeals for the Second Circuit, 9 juillet 2007, par Tina Wetchy
Le présent billet porte sur l’impartialité de l’arbitre dans la jurisprudence américaine récente. L’arrêt de la Court of Appeals pour le Second Circuit, daté du 9 juillet 2007 et concernant un arbitrage international, a été rendu dans une espèce où l’arbitre avait refusé d’enquêter plus avant sur l’existence d’un conflit d’intérêt potentiel (. La Court of Appeals a jugé que “lorsqu’un arbitre a des raisons de croire qu’un conflit d’intérêt est susceptible d’exister, il doit enquêter (“investigate”) sur les éléments de ce conflit (…), ou révéler ses raisons de croire qu’un conflit potentiel existe et ses intentions de ne pas enquêter sur celui-ci”. A défaut, et en cas d’action en annulation de la sentence, l’arbitre s’expose à ce que le juge qualifie ce comportement d’indice de “partialité évidente”, cause de nullité de la sentence en droit américain.
Le présent billet porte sur l’impartialité de l’arbitre dans la jurisprudence américaine récente. L’arrêt de la Court of Appeals pour le Second Circuit, daté du 9 juillet 2007 et concernant un arbitrage international, a été rendu dans une espèce où l’arbitre avait refusé d’enquêter plus avant sur l’existence d’un conflit d’intérêt potentiel (. La Court of Appeals a jugé que “lorsqu’un arbitre a des raisons de croire qu’un conflit d’intérêt est susceptible d’exister, il doit enquêter (“investigate”) sur les éléments de ce conflit (…), ou révéler ses raisons de croire qu’un conflit potentiel existe et ses intentions de ne pas enquêter sur celui-ci”. A défaut, et en cas d’action en annulation de la sentence, l’arbitre s’expose à ce que le juge qualifie ce comportement d’indice de “partialité évidente”, cause de nullité de la sentence en droit américain.
L’arrêt intervient dans un domaine où les législations et la jurisprudence américaines sont loin d’être uniformes. Or à l’évidence, les intérêts de l’arbitrage international seraient mieux servis par une uniformité de ce droit. Du point de vue du droit comparé, l’arrêt énonce une solution qui permet d’analyser le droit français comme étant vraisemblablement moins favorable à l’arbitrage, fait suffisamment rare pour être souligné.
Faits de l’espèce
En 1992, la société turque Ovalar Makine Ticaret Ve Sanayi S.A. (Ovalar) et la société américaine Applied Industrial Materials Corporation (AIMCOR) avaient formé une joint venture, dans le cadre de laquelle AIMCOR devait acheter et transporter du coke pour le compte d’Ovalar, qui assurait sa distribution en Turquie. En 1997, un litige naquit de la répartition des bénéfices communs. Les parties confièrent leur différend à un tribunal arbitral composé de 3 arbitres, dont le président, choisi par les parties, était Charles Fabrikant, président-directeur général d’une société multinationale. En septembre 2003, avant que les audiences ne commencent, AIMCOR fut vendue à la société Oxbow Industries. Les arbitres furent informés de la portée de cette acquisition vis-à-vis des questions de révélation de conflits d’intérêt. M. Fabrikant indiqua qu’il n’avait entretenu “aucune relation à caractère professionnel ou personnel avec les acquéreurs, ni avec leurs filiales”, et “se réservait le droit d’amender cette déclaration ou de révéler toute autre information si les circonstances futures l’imposaient”. En avril 2005, alors que l’arbitrage était encore en cours, M. Fabrikant apprit que l’un de ses bureaux négociait un contrat de transport maritime de coke avec Oxbow, et en informa les parties à l’arbitrage. Il affirma ne pas avoir l’intention de s’impliquer dans ces discussions et leurs éventuelles conséquences. En septembre 2005, une sentence où le vote de M. Fabrikant fut décisif établit la responsabilité d’Ovalar pour rupture de contrat. Une enquête entreprise par Ovalar fit apparaître que depuis 2004, une relation commerciale existait entre un bureau de la société de M. Fabrikant et Oxbow, acquéreur d’AIMCOR, qui avait généré environ 275000 dollars de revenue au profit du bureau. Ovalar demanda alors le retrait du panel de M. Fabrikant, qui refusa, au motif qu’il ne savait rien de ce courant d’affaires, qu’il avait par ailleurs dressé une “muraille de Chine” entre son bureau et lui-même, et qu’il n’avait donc rien su de l’évolution de ces négociations. Selon lui, son impartialité n’en était donc pas affectée.
Procédure
En février 2006, et avant que la question des réparations ne soit tranchée par le panel, AIMCOR demanda la reconnaissance de la sentence partielle devant la District Court du Southern District of New York. Ovalar en demanda alors l’annulation: le fait que M. Fabrikant ne se soit pas récusé constituait une violation du Federal Arbitration Act (“FAA”, Loi fédérale relative à l’arbitrage) en sa Section 10(a)(2) (laquelle dispose qu’une sentence arbitrale peut être annulée en cas d’ “évidente partialité ou de corruption des arbitres”) et imposait l’annulation de la sentence.
La District Court du Southern District of New York accueillit cette dernière prétention, et annula la sentence, au motif que l’un des arbitres avait fait preuve de “partialité évidente” (“evident partiality”), telle que prohibée par la Section 10(a)(2) du FAA (Applied Industrial Materials Corp. v. Ovalar Makine Ticaret Ve Sanayi, 05 CV 10540, 2006 U.S. Dist. LEXIS 44789 (S.D.N.Y., 28 juin 2006). La District Court avait fondé son raisonnement sur les standards en matière d’impartialité établis par les Lignes Directrices relatives aux Conflits d’Intérêt dans l’Arbitrage International, rédigées par l’International Bar Association (IBA Guidelines on Conflicts of Interest in International Arbitration) et le Code d’Ethique pour l’Arbitrage Commercial (Code of Ethics for Arbitration in Commercial Disputes), rédigé par l’American Arbitration Association. Le juge a considéré qu’en l’espèce, l’arbitre était lié par une obligation continue de révéler ses relations d’affaires aux parties à l’arbitrage, et que la non-exécution de cette obligation créait une “apparence de partialité” (“appearance of partiality”), entraînant l’annulation de la sentence. Le défendeur a alors interjeté appel, qui a donné lieu à notre arrêt AIMCOR v. Ovalar (492 F.3d 12).
Retour sur la notion générale d’impartialité en droit américain et éclairages en droit français
Le principe selon lequel les arbitres doivent être impartiaux vis-à-vis des parties a aujourd’hui acquis une valeur universelle (B. Goldman, Ph. Fouchard, E. Gaillard, On International Commercial Arbitration, ed. Kluwer, 1999, §1021). Ainsi, parmi les causes d’annulation de la sentence arbitrale, le FAA prévoit à sa Section 10(a)(2), le défaut d’impartialité de l’arbitre. Précisément, l’arbitre doit avoir fait preuve de “partialité évidente” (“evident partiality”). Dans notre espèce, c’est ce fondement qui soutenait la demande d’annulation. Mais les contours de ce critère ne sont pas encore tout à fait clairs, et fluctuent au gré des juridictions ou des circonstances propres à chaque espèce. Le statut des arbitres peut aussi affecter l’issue du litige, puisque certains Etats particulièrement favorables à l’arbitrage distinguent selon que les arbitres d’un panel ont été choisis par les parties (arbitres “non-neutres”) ou ont été désignés par d’autres arbitres (c’est souvent le cas du Président des panels de trois arbitres; il est alors considéré comme étant “neutre”). Ces Etats sont moins enclins à récuser les arbitres “non-neutres” sur le fondement de leur impartialité. Ainsi, la Supreme Court de l’Etat du Texas a pu juger que le critère de la “partialité évidente” ne peut être appliqué qu’aux arbitres “neutres”, et que l’obligation de révélation ne peut être étendue aux arbitres désignés par les parties (Burlington Northern Railroad Co. v. TUCO, Inc., 960 S.W.2d. 629 (1997)).
En matière d’impartialité de l’arbitre, l’arrêt fondateur est celui de la Cour Suprême Commonwealth Coatings Corp. v. Continental Casualty Co. (393 U.S. 145), rendu en 1968, et cité, notamment, dans notre espèce. La Cour a inclus dans la notion de “partialité évidente” la situation dans laquelle n’existe aucune “prévention caractérisée” (“actual bias”) de la part de l’arbitre, mais où la non-révélation d’informations faisant état d’un conflit d’intérêt potentiel crée une “apparence de prévention” (“appearance of bias”). Dans cette affaire où la Cour Suprême fut particulièrement divisée, une opinion concurrente du Justice White explique qu’un flux d’affaires entre l’arbitre et une partie à l’arbitrage n’entraîne pas automatiquement la récusation d’un arbitre si les deux parties sont tenues informées par avance de cette relation, ou si, lorsque l’arbitre n’en sait rien, la relation est “insignifiante” (“trivial”). En droit français, la même solution est retenue en ce qui concerne la relation connues par les deux parties. En effet, celles-ci sont réputées avoir renoncé à récuser l’arbitre en temps utile, si elles ont eu connaissance, au cours de la procédure arbitrale et avant le prononcé de la sentence, de circonstances jetant le doute sur l’impartialité de l’arbitre.
En droit américain, la tendance jurisprudentielle générale est en faveur de l’arbitrage: le juge de l’annulation interprète plutôt le critère de la “partialité évidente” de manière restrictive. C’est ainsi que la District Court pour le Middle District of Florida résume qu’une “relation insignifiante ne crée pas l’apparence de l’irrégularité nécessaire à caractériser une violation de la Section 10(b); il doit exister une relation substantielle entre l’arbitre et une partie pour caractériser une telle “partialité évidente”. (…) Celle-ci existe lorsqu’une personne raisonnable doit parvenir à la conclusion qu’un arbitre a été partial envers une partie à l’arbitrage; une simple “apparence de prévention” ne suffit pas à annuler une sentence arbitrale (…)” (Austin South 1, Ltd. v. Barton-Malow Co., 799 F. Supp. 1135 (1992)).
Enfin, en 1999, la Court of Appeals pour le Fourth Circuit a dégagé quatre facteurs cumulatifs pour caractériser la “partialité évidente” au sens de la Section 10(b)(2) du FAA: le juge doit d’abord considérer l’étendue et le caractère des intérêts personnels de l’arbitre, la nature directe de la relation entre l’arbitre et la partie prétendument favorisée, le lien entre cette relation et l’arbitrage, et la proximité dans le temps entre cette relation et la procédure arbitrale (ANR Coal Co. Inc. v. Cogentrix of North Carolina, 173 F.3d 493 (1999)).
Ce panorama témoigne du libéralisme du droit américain en matière d’impartialité. Ce trait n’est pas partagé par le droit français, où l’exigence d’impartialité et d’indépendance revêt un caractère plus contraignant. Par exemple, la notion d’arbitre “non-neutre” n’as pas droit de cité, et l’on ne distingue pas entre les arbitres désignés par les parties et ceux, présidant le panel arbitral, désignés par les premiers (Civ. 2ème, 13 avril 1972, Consorts Ury c/ S.A. des Galeries Lafayette, Revue de l’Arbitrage 1975, p. 235, note E. Loquin).
L’arrêt AIMCOR c/ Ovalar au fond
L’arrêt de la Court of Appeals évoque nécessairement les caractères de l’impartialité, et confirme l’interprétation restrictive qui est faite de la notion. Citant sa propre jurisprudence, la Cour rappelle qu’ “à la différence d’un juge, qui peut être récusé ‘dans toute procédure dans laquelle son impartialité pourrait raisonnablement être mise en doute’ (Apple v. Jewish Hospital and Medical Center, 829 F.2d 326 (1987)), un arbitre n’est recusé que lorsqu’une personne raisonnable, prenant en compte toutes les circonstances, ‘ne pourrait que conclure’ à la partialité de l’arbitre envers une partie (Morelite Construction Corp. v. New York City District Council Carpenters Benefit Funds, 748 F.2d 79 (1984))”.
Si, comme en droit français, ces solutions empruntent à la fois à une conception objective et subjective de l’impartialité (c’est-à-dire, les “circonstances” objectives de l’espèce et la projection subjective qu’en fait une “personne raisonnable”), elles se détachent du droit français du point de vue de cette conception subjective. Le droit français se fonde précisément sur le critère (néanmoins flexible) de “risque certain de prévention à l’égard de l’une des parties”, ou encore de “doute raisonnable sur l’indépendance” de l’arbitre dans l’esprit des parties.
Plus précisément, la Cour d’Appel de Paris retient que les circonstances invoquée à l’appui d’une action en annulation “doivent caractériser, par l’existence de liens matériels ou intellectuels avec l’une des parties en litige, une situation de nature à affecter le jugement de cet arbitre et constituant un risque certain de prévention à l’égard de l’une des parties à l’arbitrage” (CA Paris, 9 avril 1992, Sté Annahold BV et D. Frydman c. L’Oréal, deuxième décision, Revue de l’Arbitrage 1996, p. 483; CA Paris, 28 octobre et 30 novembre 1999, Revue de l’Arbitrage 2000, p. 299, note P. Grandjean; CA Paris, 28 novembre 2002, Voith Turbo GmbH AG et Co c/ Société Nationale des Chemins de Fer Tunisiens (SNCFT), Revue de l’Arbitrage 2003, p. 445, note C. Belloc). Quant à la Cour de Cassation, elle retient comme pertinente “toute circonstance de nature à affecter le jugement de l’arbitre et à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable sur ces qualités” d’indépendance et d’impartialité (Civ. 1ère, 16 mars 1999, Etat du Qatar c/ Société Creighton, Recueil Dalloz 1999, jurisprudence, p.497, note P. Courbe). La question des nominations multiples d’arbitres semble, par exemple, être traitées de manière “de plus en plus rigoureuse” par la jurisprudence française (Droit du Commerce International, ouvrage collectif dirigé par J. Béguin et M. Menjucq, §2592, p. 976) (voir en ce sens les arrêts de la CA Paris, 16 mai 2002, et 2 avril 2003, Revue de l’Arbitrage, p. 123, note E. Gaillard; voir également la note de M. Henry dans Revue de l’Arbitrage 2005, p. 719).
Le droit français raisonne donc plus en terme de risque et de suspicion d’impartialité, ce que regrette Charles Jarrosson (“Il me semble que le juge de l'annulation doit sanctionner non la simple existence d'un risque, mais sa réalisation effective”, propos tenus lors d’une rencontre Université-Cour de Cassation; débat publié sur le site de la Cour: http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_publications_documentation_2... ). Le raisonnement français est également jugé beaucoup trop sévère envers l’arbitrage par le droit américain, parce qu’ouvrant trop grandes les portes de la remise en cause judiciaire de la sentence. C’est ainsi que le droit américain refuse d’élargir la notion d’impartialité à l’ “apparence de prévention”.
Mais l’espèce est particulièrement intéressante pour son analyse de l’obligation de révélation de l’arbitre au regard des faits de l’espèce. Pour certains auteurs français, “plus que jamais, la jurisprudence française examine l’indépendance à l’aune de la seule question de la révélation” (T. Clay, Arbitrage et modes alternatifs de règlement: panorama 2005, Recueil Dalloz 2005, n°44, p. 3056). Des arrêts voient même dans l’omission de révélation une cause d’annulation de la sentence “soit à elle seule, soit rapprochée d'autres éléments de la cause”, alors même que le défaut de révélation n’ouvre pas droit à l’appel au regard de l’article 1484 du NCPC (voir l’arrêt CA Paris, 29 janvier 2004, SA Serf c/ Sté DV Construction, Recueil Dalloz 2004, p. 3182). Des auteurs se sont émus de cette évolution, comme Philippe Fouchard à propos d’un arrêt de la Cour de Cassation: “ce qui me gêne dans cet arrêt, c'est qu'il semble considérer le défaut de révélation par lui-même comme une cause d'annulation de la sentence (…). Sur ce point, il apporte peut-être quelque chose de nouveau et d'inquiétant” (intervention à propos de Cass. Civ. 2ème, 6 décembre 2001, Sté Fremarc c/ Sté ITM Entreprises, lors de la rencontre “Université-Cour de Cassation” précitée).
Dans notre arrêt américain, la question fut de savoir si l’arbitre connaissant l’existence de négociations commerciales entre son entreprise et l’acquéreur d’une société partie à l’arbitrage avait l’obligation de rechercher plus en avant les éléments de nature à entériner ou effacer les soupçons de conflit d’intérêt. En d’autres termes, pouvait-il valablement opposer la défense d’une ignorance de l’évolution de cette situation en véritable courant d’affaires, grâce à une muraille de Chine dressée à sa demande entre son entreprise et lui-même?
La réponse de la Court of Appeals prend acte, comme en droit français, de l’importance de l’obligation de révélation pour mettre en mesure les parties d’exercer leur faculté de récusation. Elle se fonde sur l’opinion concurrente du Justice White selon laquelle “les arbitres ne peuvent être automatiquement récusés (…) lorsqu’ils sont ignorants d’une relation d’affaires mais que la relation est insignifiante”. Et elle en conclut que “les arbitres doivent prendre des mesures garantissant que les parties ne sont pas amenées à croire qu’il n’existe pas de relation d’affaires entre l’une d’elles et l’arbitre. Il s’ensuit que lorsqu’un arbitre a des raisons de croire qu’un conflit d’intérêt est susceptible d’exister, il doit enquêter sur les éléments de ce conflit (…), ou révéler ses raisons de croire qu’un conflit potentiel existe et ses intentions de ne pas enquêter sur celui-ci”. Si ces obligations ne sont pas remplies alors que le cas d’espèce le requiert, ce défaut d’action constitue un indice de “partialité évidente” de l’arbitre. Dans l’arrêt commenté, l’arbitre ne pouvait donc pas se réfugier derrière son ignorance. “Comme les arrêts Commonwealth Coatings et Morelite l’ont montré, la bonne foi subjective n’est pas un critère valable”.
Mais quelle est l’étendue de cette obligation d’enquête? La Court of Appeals répond en creux que cette enquête ne peut être infinie: “Nous soulignons que nous ne créons pas une obligation autonome d’enquêter ”we are not creating a free-standing duty to investigate”. Le simple défaut d’enquête n’est pas, en soi, suffisant pour annuler une sentence”. La Court of Appeals limite donc rapidement l’étendue de cette obligation, et refuse d’en faire un élément objectif permettant de conclure raisonnablement à un défaut d’impartialité. L’obligation d’investigation reste donc limitée au cas où l’éventualité d’un conflit d’intérêt est connue de l’arbitre. Mais la certitude raisonnable semble néanmoins faire place au doute raisonnable.
En celà, la solution donnée par la Court of Appeals est donc intéressante: elle se rapproche (légèrement) du régime de la révélation prévu à l’article 1452-2° du NCPC. La jurisprudence précitée Etat du Qatar c/ Société Creighton impose à l’arbitre de révéler toute circonstance de nature à affecter son jugement et provoquer, dans l’esprit des parties, un doute raisonnable” sur son indépendance et son impartialité. Cette obligation extensive est cependant tempérée: la jurisprudence n’exige pas de l’arbitre qu’il révèle a priori tout ce qui est de nature à créer un doute: “l’obligation d’information doit s’apprécier au regard à la fois de la notoriété de la situation critiquée et de son incidence raisonnablement prévisible sur le jugement de l’arbitre” (arrêt précité, CA Paris, 28 novembre 2002, Voith Turbo GmbH AG et Co c/ Société Nationale des Chemins de Fer Tunisiens (SNCFT)).
Malgré de profondes différences, le juge américain et le juge français semblent donc prendre soin de ne pas édicter d’obligation de révélation “systématique”, propre à constituer “une prime à l’obstruction” (Droit du Commerce International, ouvrage collectif dirigé par J. Béguin et M. Menjucq, ed. Litec, §2598, p. 980).
Bibliographie
Ouvrages généraux
On International Commercial Arbitration, B. Goldman, Ph. Fouchard, E. Gaillard, ed. Kluwer, 1999 -
Comparative International Commercial Arbitration, J. D.M. Lew, L. A. Mistelis, S. M. Kröll, ed. Kluwer, 2003 -
Droit du Commerce International, ouvrage collectif dirigé par J. Béguin et M. Menjucq, ed. Litec, Coll. Traités, 2005 -
The Law and Practice of Arbitration, Thomas Carbonneau, ed. Juris Publishing, 2007
Jurisprudence
Commonwealth Coatings Corp. v. Continental Casualty Co., 393 U.S. 145, (1968) -
Morelite Construction Corp. v. New York City District Council Carpenters Benefit Funds, 748 F.2d 79 (1984) - Apple v. Jewish Hospital and Medical Center, 829 F.2d 326 (1987) -
Austin South 1, Ltd. v. Barton-Malow Co., 799 F. Supp. 1135 (1992) -
Burlington Northern Railroad Co. v. TUCO, Inc., 960 S.W.2d. 629 (1997) -
ANR Coal Co. Inc. v. Cogentrix of North Carolina, 173 F.3d 493 (1999) -
Civ. 2ème, 13 avril 1972, Consorts Ury c/ S.A. des Galeries Lafayette, Revue de l’Arbitrage 1975, p. 235, note E. Loquin -
CA Paris, 9 avril 1992, Sté Annahold BV et D. Frydman c/ L’Oréal, deuxième décision, Revue de l’Arbitrage 1996, p. 483 -
Civ. 1ère, 16 mars 1999, Etat du Qatar c/ Société Creighton, Recueil Dalloz 1999, jurisprudence, p.497, note P. Courbe -
CA Paris, 28 octobre et 30 novembre 1999, Revue de l’Arbitrage 2000, p. 299, note P. Grandjean -
Cass. Civ. 2ème, 6 décembre 2001, Sté Fremarc c/ Sté ITM Entreprises -
CA Paris, 28 novembre 2002, Voith Turbo GmbH AG et Co c/ Société Nationale des Chemins de Fer Tunisiens (SNCFT), Revue de l’Arbitrage 2003, p. 445, note C. Belloc) -
CA Paris, 16 mai 2002, et 2 avril 2003, Revue de l’Arbitrage, p. 123, note E. Gaillard -
CA Paris, 29 janvier 2004, SA Serf c. Sté DV Construction, Recueil Dalloz 2004, p. 3182 -
Adde T. Clay, Arbitrage et modes alternatifs de règlement: panorama 2005, Recueil Dalloz 2005 -
M. Henry, note sous les arrêts CA Paris, 29 janvier 2004, CA Paris, 10 février 2005, CA Paris, 17 février 2005, et T. com. Paris, 6 juillet 2004, in Revue de l’Arbitrage, 2005, p. 719