Commentaire de l’étude de Jean-Luc Piotraut : An Author’s Rights-Cased Copyright Law : The Fairness And Morality Of French And American Law Compared par Benjamin GOLDENBERG

L’étude de M. Piotraut analyse sous un angle comparatif, le droit américain et le droit français en ce qui concerne la moralité et la « justice » du droit d’auteur. Les thèmes abordés sont la justification du droit d’auteur, l’accès aux protections et l’étendue de ces protections. Le but de l’auteur est de prouver que contrairement aux idées reçues, le droit français n’est pas si juste que l’on croit et inversement pour le droit américain, qu’il n’est pas si injuste. Mon commentaire s’attache à analyser les arguments mis en avant par M. Piotraut. Jean-Luc Piotraut, An authors’ right-based copyright law : The fairness and morality of French and American Law compared, Cardozo Arts and Entertainment Law Journal, 2006, 24 Cardozo Arts & Ent. L.J. 549.

Introduction

Le thème de l’article, la comparaison du droit d’auteur, est un sujet d’une relative importance. À l’heure où le cinéma français s’exporte de mieux en mieux à Hollywood et où des best-sellers français sont adaptés sur grand écran outre-Atlantique, la comparaison semble relativement à propos. L’enjeu principal est non pas de déterminer quel droit est le plus juste mais de combattre la perception négative dont souffre le droit d’auteur américain aux yeux de la doctrine française. Le plus souvent M. Piotraut arrive à faire passer son message, et il semble que parfois il ait un a priori favorable envers le droit américain. Certaines de ses justifications ont plus ou moins de force persuasive. Il est cependant assez intéressant de mettre en comparaison ces deux systèmes car les différences qui ressortent dépassent souvent le cadre juridique et trouvent des justifications culturelles. Enfin, les deux pays sont les principaux moteurs artistiques de leur continent respectif et il est pertinent d’analyser les conséquences juridiques des deux régimes sur la création et l’engouement artistiques.

1) Justification du droit d’auteur

Un droit américain capitaliste mais juste. Le droit d’auteur américain est basé sur un système économique d’incitation à la création. On incite la création artistique de l’auteur en lui offrant l’opportunité de pouvoir en échange, percevoir le fruit son investissement. En France cependant, le droit d’auteur, centré autour de la personne de l’auteur, met plus en avant les principes de droit naturel. (W. Michael Reisman & Aaron M. Schreiber, Jurisprudence : Understanding and Shaping Law 170 (1983)). Le droit d’auteur français vise à protéger d’un côté les intérêts pécuniaires et d’exploitation et d’un autre côté les intérêts intellectuels et moraux. (Russell J. DaSilva, Droit Moral and the Amoral Copyright : A comparison of Artists’ Rights in France and the United States, page 257). Aux Etats-Unis, le principal intérêt protégé juridiquement est pécuniaire. (FN27 : Rudolf Monta, The Concept of Copyright Versus the Droit d’auteur, 32 S. Cal. L. Rev. 177. (1959)). C’est pour cette raison qu’une partie de la doctrine critique le droit d’auteur américain et le qualifie de simple outil du capitalisme (Philippe Gaudrat, Droits des Auteurs. 1210 Juris-Classeur propriété littéraire et artistique 4 (2001)). C’est cette vision que l’auteur de l’article souhaite réfuter. Selon lui, les principes économiques du droit américain ne l’empêchent pas d’être basé sur une idée de justice visant à obtenir des résultats justes et moraux. Des bases différentes pour un résultat quasi-similaire. Aux Etats-Unis, le développement du droit d’auteur s’est appuyé sur le droit naturel ainsi que sur des motivations économiques. (The Federalist Paper No. 43, 279 James Madison). Le droit français s’est quant à lui développé autour de la personnalité de l’auteur et ce, à la fin du 19ème siècle. Bien que différents, il n’y pas de véritable antagonisme entre les deux héritages juridiques. Les deux systèmes ont été mis en place pour motiver la création artistique. (Ginsburg, Tale of Two Copyrights, 64 Tul. L. Rev. 996). Cet argument d’incitation à la création par le droit , que l’on retrouve souvent en droit des brevets américains, apparaît selon moi surfaite car l’auteur pense rarement aux protections qu’il va recevoir quand il entame son processus créatif. L’importance de l’auteur en France. Le droit d’auteur, qu’il soit incité par des motivations économiques en amont ou qu’il récompense l’effort de l’auteur en aval, a pour cœur l’auteur. (Jane C. Ginsburg, The Concept of Authorship in Comparative Copyright Law, 52 DePaul L. Rev. 1063). Que ce soit le droit américain, français ou mêmes plus largement les membres de la Convention de Berne de 1886, dont la France et les USA font partis, ils reconnaissent tous la centralité de l’auteur. Cette idée selon laquelle l’auteur est le centre de ce droit est encore plus flagrante en France où, contrairement aux Etats-Unis, « droit d’auteur » fait une référence sémantique plus que directe à l’auteur. À mes yeux cela s’expliquerait plus culturellement que juridiquement. En effet, la culture américaine semble percevoir l’auteur plus comme un agent économique créateur de richesse que comme un artiste, père de l’œuvre créée. Cependant la différence linguistique ne saurait nous permettre de tirer des conclusions car il apparaît que l’auteur, bien que perçu différemment, tienne aussi une place importante dans le système américain. L’importance de l’auteur aux Etats-Unis. Bien que le droit américain soit plus matériel, les auteurs tiennent cependant un rôle tout aussi central. (André Bertrand, Le droit d’auteur et les droits voisins 52 (2ed. 1999)). La constitution américaine elle-même donne pouvoir au congrès de veiller à la sauvegarde du droit exclusif de l’auteur sur ses écrits pour une période de temps déterminé. La loi de 1976 sur les droits d’auteur prévoit que le droit d’auteur appartient en premier lieu à l’auteur ou aux auteurs de l’œuvre. Aux Etats-Unis aussi donc le droit d’auteur ne cherche pas seulement la dissémination de l’œuvre au public mais aussi à inciter l’auteur à créer. Selon l’auteur, cette incitation à la création prend nécessairement en compte la personnalité de l’auteur dans une optique de justice et de moralité. Le concept même d’auteur. Bien que le terme d’auteur soit reconnu et employé juridiquement, il n’existe pas de définition claire. (Ginsburg, Authorship in Comparative Copyright Law). La question de savoir qui est un auteur, surtout dans le cas d’une œuvre collective, peut faire l’objet de litige. Quand une cour américaine ou française décide qui est, ou surtout qui n’est pas un auteur, la valeur morale de cette décision peut être parfois critiquée (Ginsburg, Authorship in Comparative Copyright Law). Généralement, les cours des deux pays donnent une définition relativement similaire de l’auteur. La cour Suprême des Etats-Unis a défini l’auteur comme « he to whom anything owes its origin » et celui qui achève une œuvre. (Burrow-Giles Lithographic Co. v. Sarony, 111 U.S. 53, 58 (1884)). De même, la cour de cassation définit l’auteur comme celui qui a personnellement créé l’œuvre. (Civ. I 17 oct. 2000, Juris-Data N° 006400). D’après moi, le droit d’auteur français semble soucieux de respecter la personne de l’auteur qui est plus un agent artistique qu’un agent économique. Cependant en pratique, il apparaît que l’auteur est traité de la même façon dans les deux pays. Il crée une œuvre qui sera avant tout une source de revenue et une valeur marchande.

2) L’accès à la protection

Certaines œuvres se trouvent à l’extérieur du cercle de protection. Sous l’empire de la loi de 1976 sur les droits d’auteur, amendée de nombreuses fois, notamment par le VARA (Visual Artists Rights Act) et le DMCA (Digital Millenium Copyright Act), les œuvres susceptibles de protection aux Etats-Unis sont appelées des « œuvres originales ». Cependant tous les écrits ne sont pas susceptibles de protection. En France, toutes les œuvres ne sont pas non plus certaines de recevoir protection, bien que des différences subsistent entre les deux systèmes. Par exemple, que l’on se trouve en France ou de l’autre côte de l’Atlantique, le droit d’auteur ne protège pas les slogans, les courtes citations, les recettes, les étiquettes ou les formules. Certaines œuvres sont par ailleurs protégées par le système français et non par le système américain. Plus particulièrement on peut citer les œuvres typographiques (article L112-2 du CPI), les dessins et modèles industriels et les titres d’œuvre (article L1112-4 du CPI). Cela est expliqué par l’auteur par l’existence de droit voisin dans le droit américain qui palie à ces carences. Des autres droits au secours du droit d’auteur américain. Bien que les œuvres précédemment citées ne reçoivent pas de protection sous le droit d’auteur américain, elles sont tout de même protégées par des droits voisins. Ce qui pour M. Piotraut démontre que la supériorité morale du droit français n’existe qu’en apparence puisque d’autres modes de protections existent pour l’auteur américain. Le droit de la concurrence déloyale prévoit des dispositions pour certaines de ces catégories, selon une théorie (« passing off) » proche de la contrefaçon en droit des marques. ( Kirkland, 425 Supp. At 1114). D’un autre côté, les dessins et modèles industriels sont souvent protégés par les brevets de modèles. (US Patent Act, 35 U.S.C. § 171 (2006)). Serait-il intéressant de proposer une uniformisation du droit d’auteur américain, en incluant ces droits voisins dans la loi sur les droits d’auteur de 1976, sur la base du droit français ? Les conditions d’obtention de brevets ainsi que le droit de la concurrence déloyale étant différents dans les deux pays, le droit français servirait difficilement de point de départ pour le droit d’auteur américain. En effet, ce qui peut être jugé comme une œuvre en France ne l’est pas obligatoirement aux Etats-Unis, à l’instar des dessins industriels. Les conditions d’accès au droit d’auteur. Aux Etats-Unis, selon la loi de 1976 sur les droits d’auteur, l’œuvre doit être originale et fixée sous une forme tangible. En France, seule la condition prétorienne d’originalité est requise. On distingue sous les deux droits, la notion d’originalité et celle de nouveauté. (Batlin & Son v. Snyer aux Etats-Unis ; Civ. I, 11 février 1997, JCP, 1997, 22973 en France). Les deux systèmes semblent interpréter cette notion de façon similaire. En France, l’originalité est définie comme l’empreinte de la personnalité de l’auteur (Civ. I 30 juin 1988), alors qu’aux Etats-Unis, l’originalité veut dire que l’œuvre tient sa création de l’auteur, et que l’œuvre ne consiste pas d’une copie. En pratique, il apparaît que les tribunaux français appliquent le principe américain d’originalité qui requiert seulement une création indépendante et un minimum de créativité. Par conséquent, les décisions relatives au droit d’auteur sont très similaires dans les deux pays. Cela met en exergue la moralité et la justice des deux droits qui tentent de mettre de côté des jugements de valeur artistique de l’œuvre. L’exigence d’une fixation aux Etats-Unis. La loi de 1976 impose que l’œuvre soit fixée sous une forme tangible. Une œuvre est fixée quand elle est incorporée dans une copie ou un enregistrement, par l’auteur ou sous son autorité, suffisamment stable ou permanente pour être perçue, reproduite ou communiquée pour une période plus que transitoire. (17 U.S.C. §101 (2006)). Le droit français n’exige aucune fixation, car l’auteur jouit d’un droit de propriété sur son œuvre « du seul fait de sa création ». (Article L-111-1 du CPI). Par conséquent, des travaux oraux comme des discours, des cours magistraux, des sermons ou des plaidoiries reçoivent protection en France et non aux Etats-Unis. Selon M. Piotraut, il ne faut pas tirer de conclusions hâtives sur ces petites différences car dans d’autres circonstances comme pour un spectacle de marionnette ou de cirque, la fixation est requise. De plus, les autres catégories d’œuvres tels les livres, les tableaux, les dessins ou les photographies sont par essence fixés. M. Piotraut n’explique cependant pas comment la première catégorie d’œuvres serait susceptible d’être protégés aux Etats-Unis. Enfin, l’auteur finit par affirmer, d’un jugement de valeur assez douteux, que les œuvres qu’il appelle « immorales », comme les films pornographiques, sont traitées de la même façon et reçoivent protection. (Mitchell Bros. v. Cinema Adult Theater aux Etats-Unis & Civ. I 6 mai 1986 en France). L’absence de formalité quant à la jouissance du droit d’auteur. L’article 5 paragraphe 2 de la Convention de Berne, dont les deux pays sont membres, prévoit que la protection n’est subordonnée à l’accomplissement d’aucune formalité. Le droit américain prévoyait une notification obligatoire qui est devenue facultative après l’adhésion à la convention. Bien que cette notification n’ait d’effet légal aux Etats-Unis qu’en cas de litige ou qu’elle n’en ait aucun en France, elle continue de figurer sur la plupart des livres ou des enregistrements publiés des deux côtés de l’Atlantique. (Gorman & Ginsburg, Copyright 383 (6th Ed. 2002) page 406). De plus, le droit américain prévoyait aussi le dépôt ou l’enregistrement de l’œuvre. Cela avait pour but l’enrichissement de la bibliothèque du Congrès et cela permettait de dresser une liste exhaustive des demandes d’accès au droit d’auteur. (Gorman & Ginsburg page 407). Cet enregistrement reste une condition nécessaire si l’auteur souhaite porter un litige en justice. Selon M. Piotraut, si l’on met de côté les stipulations de la convention de Berne, cet enregistrement n’est ni injuste ni immoral dès lors qu’il n’est ni cher, ni compliqué. Encore faut-il ignorer la convention… Le titulaire du droit d’auteur. Contrairement aux Etats-Unis où les parties peuvent expressément prévoir par écrit qui sera le propriétaire des droits d’auteur (17 U.S.C. §201(b)), en France, le droit d’auteur appartient par principe à l’auteur de l’œuvre. Selon l’alinéa 3 de l’article L.111-1 du CPI, l'existence ou la conclusion d'un contrat n'emporte aucune dérogation à la jouissance du droit reconnut par l’alinéa 1er du même article. Cependant, il existe dans plusieurs domaines certaines exceptions. L’article L.113-9 du CPI prévoit que les droits patrimoniaux sur les logiciels créés par un ou plusieurs employés dans l'exercice de leurs fonctions sont dévolus à l'employeur. L’article L.113-5 prévoit une autre exception pour les œuvres collectives et l’article L.132-24 prévoit une présomption de cession des droits d’exploitations en faveur du producteur pour les œuvres audiovisuelles et publicitaires. Enfin, mis à part ces exceptions, les auteurs cèdent généralement leurs droits à leur employeur, producteur ou éditeur par le biais de contrat. (Xavier Linant de Bellefonds, Droits d’auteur et droits voisins (2002) page 112-117). Il convient là de rejoindre l’argumentation de M. Piotraut car il est vrai qu’en pratique, le droit d’auteur apparaît parfois comme une valeur marchande. Ce n’est cependant pas de l’avis du professeur Ginsburg qui voit l’auteur comme le cœur du droit d’auteur. Elle développe certaines idées pour justifier une approche plus morale du droit d’auteur. (Jane C. Ginsburg, The Concept of Authorship in Comparative Copyright Law). Selon elle la personne qui conceptualise et dirige le développement de l’œuvre est l’auteur et non un exécutant qui ne fait que suivre des ordres pour réaliser l’œuvre. Elle réfute l’idée, d’un « droit d’auteur sans auteur ». Sans nier le rôle économique que joue le droit d’auteur, elle défend un régime où la raison d’être reste la créativité humaine.

3) L’étendue du droit d’auteur

Propos introductifs sur des similitudes. Les jurisprudences américaine et française semblent basées sur des « opinions judiciaires subjectives ». (Carine Bernault, Droit des auteurs 1267 Juris-Classeur propriété littéraire et artistique 10 (2004)). Certains tests comme les « similarités substantielles » ne sont pas appliqués uniformément sur le territoire américain. (Gorman & Ginsburg, page 463). En France, l’affaire de la bicyclette bleue démontre selon l’auteur cette inconsistance de la jurisprudence française. Ce manque d’uniformité et cette place trop importante laissée à l’arbitraire du juge sont sûrement ce que le droit d’auteur droit redouter le plus. L’étendue du droit d’auteur semble varier au bon vouloir de la jurisprudence, américaine ou française. Également, les recours en contrefaçon sont très similaires dans les deux systèmes. On retrouve la saisie contrefaçon (17 U.S.C. §502 & Article L.332-1 du CPI), la confiscation des articles (17 U.S.C. §503 & Article L.335-6 du CPI) ou les dommages-intérêts (17 U.S.C. §504 & Article 1382-3 du Code Civil).

a) Les droits économiques

Le contenu de ces droits. Les droits d’exploitation sont identiques : la reproduction, l’adaptation, la distribution et la représentation. Cependant le droit d’auteur français est plus généreux en faveur des interprètes qui eux reçoivent un droit de reproduction et de communication au public. (Article L.212-3 du CPI). Le droit français connaît aussi le principe du droit de suite qui lui est propre. (Article L.122-8 du CPI). Ce droit qui permet à l’artiste d’œuvre visuelle, qui ne bénéficie que d’une seule vente, de récupérer une part équitable sur les ventes postérieures, est étranger de la loi américaine de 1976. D’un côté, l’état de Californie a adopté une variante du droit de suite (1977 California Resale Royalties Act), d’un autre côté, l’auteur de l’article, pour aller dans le sens du droit américain, estime que le droit de suite agit comme une taxe sur le prix de vente au détriment de l’artiste. Cette argumentation m’apparaît peu convaincante : le droit de suite permet souvent de rétablir des injustices quant à la vraie valeur d’une œuvre. Les limites apportées à ces droits. Le droit américain connaît la doctrine de « fair use » (utilisation de bonne foi ou usage légitime, loyal). Cette notion prétorienne codifiée maintenant à la section 107 de la loi de 1976 est une défense qui permet au contrefacteur de légitimer sa conduite. La cour met en balance quatre facteurs : l'objectif et la nature de l'usage, la nature de l'œuvre protégée, la quantité et l'importance de la partie utilisée et les conséquences de cet usage sur le marché potentiel. On dispose dans ce sens, en France, du droit de citation, mais qui exclut les images. L’auteur voit le droit américain comme plus dynamique et plus flexible dans ce domaine, ce qui permet à ses yeux aux consommateurs de jouir d’une plus grande liberté. D’autres limites existent dans le domaine des parodies, des copies de programmes informatiques ou de la théorie de droit européen des « épuisements des droits » similaires à la « first-sale doctrine ».

b) Les droits moraux

Le contenu de ces droits. Le concept de droit moral est né en France du lien étroit qu’entretiennent l’auteur et son œuvre, et recouvre les aspects non-économiques du droit d’auteur. Selon André Bertrand, le droit moral tiendrait même une place trop importante dans le droit français. ( Bertrand, page 38). Cependant les types de prérogatives visées par le droit moral semblent peu varier d’un pays à un autre. Il existe donc le droit à la paternité de l’œuvre (right of attribution), le droit au respect de l’œuvre (right of integrity), le droit de divulgation (right of disclosure) et le droit de repentir ou de retrait (the right of modification or withdrawal). Bien que ces concepts n’aient joué qu’un rôle minime dans le développement du droit d’auteur américain, certains éléments de droit moral ont progressivement été introduits à travers la jurisprudence relative au droit d’auteur et même en droit des marques, contrats ou responsabilité civile. (DaSilva, page 39). De plus, des prérogatives supplémentaires ont été introduites dans le domaine des beaux-arts à la fois au niveau des Etats et au niveau fédéral. Il apparaît cependant que nombre d’œuvres aux Etats-Unis ne reçoivent aucune protection morale, contrairement à ce qui se fait en France. La loi VARA ne protège en effet que les auteurs d’œuvre visuelle. Les limites apportées à ces droits. Même le droit moral français semble connaître des limites. On peut citer le droit au respect de l’œuvre dans le domaine des œuvres audiovisuelles, qui doivent être achevées pour recevoir protection. (Article L.121-5 du CPI). De même, l’auteur d’un logiciel ne peut s’opposer à la modification du logiciel lorsqu'elle n'est préjudiciable ni à son honneur, ni à sa réputation. (Article L.121-7 du CPI). Aux Etats-Unis, des limites existent quant à des modifications minimes apportées à une œuvre, surtout quand celles-ci servent à présenter l’œuvre sous une autre forme. C’est dans ce sens que les juridictions américaines, ainsi que françaises, ont débouté les auteurs de roman qui alléguaient que l’adaptation cinématographique de leur œuvre dénaturait leur personnage. (Civ. I, Nov. 22 1966). La justification de ces décisions, que l’on se trouve en France ou aux Etats-Unis, dépasse largement le simple cadre juridique. Le juge fait inévitablement rentrer en ligne de compte son propre jugement artistique et ces limites apportées aux droits moraux de l’auteur sont inévitablement critiquables.


Bibliographie

- W. Michael Reisman & Aaron M. Schreiber, Jurisprudence : Understanding and Shaping Law 170 (1983) - Russell J. DaSilva, Droit Moral and the Amoral Copyright : A comparison of Artists’ Rights in France and the United States - Rudolf Monta, The Concept of Copyright Versus the Droit d’auteur, 32 S. Cal. L. Rev. 177. (1959) - Philippe Gaudrat, Droits des Auteurs. 1210 Juris-Classeur propriété littéraire et artistique 4 (2001) - Jane C. Ginsburg, Tale of Two Copyrights, 64 Tul. L. Rev. 996 - Jane C. Ginsburg, The Concept of Authorship in Comparative Copyright Law, 52 DePaul L. Rev. 1063 - André Bertrand, Le droit d’auteur et les droits voisins 52 (2ed. 1999) - Kirkland, 425 Supp. page 1114 - Gorman & Ginsburg, Copyright 383 (6ème édition 2002) - Xavier Linant de Bellefonds, Droits d’auteur et droits voisins (2002) - Carine Bernault, Droit des auteurs 1267 Juris-Classeur propriété littéraire et artistique 10 (2004)