L’affaire de l’usine “MOX” ou comment pallier le forum shopping en droit international de l’environnement par Julien DE CRUZ

Le récent arrêt Commission c. Irlande a été l’occasion pour la CJCE de réaffirmer son monopole juridictionnel en ce qui concerne le droit communautaire et les accords mixtes signés par l’Union et les Etats membres. Cependant, l’affaire impliquant des questions de droit international de l’environnement, la doctrine française et anglo-saxonne a eu l’occasion de s’interroger sur l’opportunité d’un tel concept qui met aussi en lumière le plus large débat de la fragmentation du droit international. Commission c. Irlande Affaire C-459/03 du 30 mai 2006 rec. 2006 p. I-04635

A l’occasion de l’arrêt Commission c. Irlande (Commission c. Irlande Affaire C-459/03 du 30 mai 2006 rec. 2006 p. I-04635), de nombreuses interrogations sont apparues quant aux relations entre le droit international de l’environnement et le droit communautaire. En réaffirmant son monopole juridictionnel, la CJCE a contrarié une procédure d’arbitrage mise en place par l’Irlande à l’encontre du Royaume Uni dans le contexte de contamination marine produite par l’usine de recyclage des déchets nucléaires MOX dans le nord de l’Angleterre. Cet arrêt constitue le dernier épisode d’une “odyssée juridictionnelle” (selon l’expression de Joanne Blennerhasset dans « the MOX plant case a jurisdictional odysset » Environmental Liability ; issue 4 2006) concernant cette usine très controversée, véritable bête noire des ONG environnementalistes et des autorités publiques irlandaises en raison des conséquences écologiques de ses activités de retraitement du plutonium. (un compte rendu très complet des préjudices répétés subis par l’Irlande peut être consulté sur http://www.ecolo.org/documents/documents_in_english/Ireland-PETER-BRAZEL...) Sous des dehors techniques, la décision a intéressé autant les spécialistes du droit institutionnel de l’Union Européenne que les environnementalistes. L’Irlande s’est basée sur deux conventions internationales (la Convention OSPAR et la Convention de Montego Bay sur le droit de la Mer) et a introduit des instances devant les juridictions ad hoc prévues par celles-ci. La Commission Européenne considéra que le droit communautaire avait été méconnu car ces instances auraient dû être introduites devant la CJCE. Donnant presque entièrement raison à la Commission, la Cour de Justice affirme par un raisonnement complexe sa compétence exclusive dans les domaines de droit de l’environnement contenus dans la Convention sur le droit de la Mer. De plus, selon son interprétation, les domaines couverts par celle-ci appartiennent au droit communautaire ; l’Irlande a donc méconnu son devoir de coopération loyale. Par cette décision, la Cour deJustice pose un arrêt de principe. Elle affirme que sa compétence exclusive jouant en matière d’accords mixtes, elle a prééminence sur les juridictions ad-hoc prévues par les clauses compromissoires contenues dans ce type de conventions. Ainsi, la Cour de Justice réaffirme et élargit le principe de sa compétence exclusive aux dépens des procédures d’arbitrage. Les commentateurs français ont eu l’occasion d’analyser la technicité et le caractère presque tatillon de l’interprétation de la Cour pour fonder l’extension de sa compétence. De l’autre côté de la Manche, on s’interroge plutôt quant aux conséquences que la décision pourrait avoir sur l’effectivité du droit de l’environnement. Est-elle à saluer car limitant les tentatives de forum shopping ou consacre-t-elle la toute puissance de la Cour Européenne dans un domaine où le dialogue des juridictions et une approche flexible de la justice devrait avoir cours ? A l’heure où la protection de l’environnement devient un enjeu politique majeur pour les Etats Membres mais aussi pour l’Union Européenne, l’étude de la décision Commission c. Irlande permet de réfléchir à nouveau à la question de la question de la compétence de la Cour sous l’angle nouveau de l’efficacité du droit de l’environnement.
Après un résumé des différentes instances introduites par l’Irlande dans le contexte de l’affaire MOX (A), seront analysées les justifications apportées par la Cour de Justice pour réaffirmer sa compétence exclusive dans l’application du droit communautaire et de la Convention de Montego Bay et son monopole dans les cas de concurrence avec des systèmes d’arbitrage prévus par d’autres traités signés par les Etats Membres (B) La compétence exclusive ainsi réaffirmée, l’Irlande n’en a pas moins mis en lumière le fait que le mécanisme arbitral se trouve court-circuité par le droit communautaire. Les risques de forum shopping néanmoins sont réduits(C) Existe-t-il des alternatives plus souples à cette vision hermétique de la concurrence entre les juridictions?(D)

A. Les différentes instances introduites dans le contexte de l’affaire de l’usine MOX

L’usine MOX a été construite à Sellafield en 1995 par la société britannique publique British Nuclear Fuels. L’Irlande reprochait au Royaume Uni de ne pas lui avoir fourni certaines informations en rapport avec l’impact environnemental de l’usine. Elle se basa pour ce faire sur deux conventions, celle pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est signée le 22 septembre 1992 et la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer signée le 10 décembre 1982. L’Irlande a d’abord transmis en 2001 au Royaume Uni une demande de constitution d’un tribunal arbitral en application de l’article 32 de la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est. Il fut mis en place à la fin de la même année et rendit sa décision finale le 2 juin 2003. L’Irlande avait invoqué l’article 9 de la Convention relatif à l’obligation incombant aux Etats Parties de se communiquer les informations à propos de “mesures susceptibles d’affecter l'état de la zone maritime.” Statuant sur le fond sans examiner le bien fondé de sa compétence, le tribunal arbitral rejeta la demande de l’Irlande. L’Irlande a aussi fait jouer le mécanisme d’arbitrage prévu par la partie VII de la convention de Montego Bay en introduisant une demande de constitution de tribunal arbitral le 25 octobre 2001. Elle a également introduit le 9 novembre 2001 une demande de mesures conservatoires devant le tribunal international du droit de la mer pour obtenir que l’autorisation de mise en service de l’usine MOX soit suspendue. Le Royaume Uni ayant soulevé une exception d’incompétence du tribunal estimant la CJCE compétente, le tribunal a notifié la Commission et suspendu l’instance dans l’attente d’informations plus précises concernant la compétence de la CJCE. La Commission avait également en parallèle demandé à l’Irlande de suspendre l’instance introduite devant le tribunal arbitral le 8 octobre 2001. Convoquant ensuite une réunion, la Commission a demandé à l’Irlande de lui transmettre ses mémoires de défenses déposés devant toutes les juridictions qu’elle avait saisies. L’Irlande n’ayant pas accédé à cette requête en ce qui concerne le mémoire déposé devant le tribunal arbitral de la Convention de Montego Bay, la Commission après une mise en demeure et un avis notifié introduisit un recours en constatation de manquement selon la procédure prévue par l’article 226 du Traité CE le 30 octobre 2003. C’est de ce recours dont est issue la décision commentée ici.

B. Réaffirmation du principe de monopole juridictionnel de la Cour par un raisonnement complexe

La Commission soulève trois griefs à l’encontre de l’Irlande (voir pt59) et la Cour va faire droit à chacun d’entre eux suivant un raisonnement complexe et par étapes. Premièrement la Commission considère que la Cour a compétence exclusive dans l’interprétation de la Convention de Montego Bay. La Cour donne raison à cet argument. En procédant par étapes, elle rappelle d’abord que les accords mixtes en droit communautaire ont le même statut dans l’ordre juridique communautaire que les accords purement communautaires et en déduit que l’Irlande a assumé dans l’ordre communautaire une obligation de bonne exécution de l’accord envers la communauté (pt 84 et 85 citant une affaire Commission c. Irlande précédente 2002 C 13/00, Rec. p. I 2943 pt14). Ensuite, elle rappelle que les dispositions invoquées par l’Irlande font bien l’objet d’une compétence communautaire. Celles-ci sont couvertes par les articles 174 et 175 du traité CE qui traitent de la protection de l’environnement. La Cour confirme aussi que l’adoption ou non d’actes dérivés précisant les dispositions générales du traité n’a pas d’effet sur l’existence d’une compétence communautaire (elle se réfère pour cela à la jurisprudence AETR au pt 94). Elle ne s’attache pas non plus comme le note Flavien Mariatte à déterminer si la compétence de la Communauté est ici exclusive ou partagée considérant que ce qui est déterminant est “l’existence même d’une compétence et non sa nature exclusive ou partagée” (pt 93 de l’arrêt et voir Mariatte, Flavien: Accords mixtes et arbitrage: première sanction du "devoir de loyauté au système judiciaire" communautaire, Europe 2006 Juillet Comm. nº 207 p.13-16 ). La compétence exclusive de la Cour est donc entendue de façon large, elle existe tant qu’un point de contact assez général existe entre la question soulevée et les compétences communautaires générales, ici une compétence externe prévue par les articles 174 et 175 du traité. La Cour s’attache ensuite à déterminer si la Communauté a cherché à exercer cette compétence externe en devenant partie à la Convention (pt96). Constatant en référence à la décision 98/392 portant sur l’adoption par la Communauté de la Convention de Montego Bay, elle constate que tel est le cas et rejette un complexe argument de l’Irlande selon lequel ces compétences ne sauraient être transférées qu’en vertu d’un effet d’affectation. Elle considère ce moyen non avenu du moment qu’il existe des actes communautaires “réglementant très largement les dispositions de la Convention invoquées par l’Irlande devant le Tribunal arbitral”. Concernant donc l’exercice de compétences par la Communauté, la Cour adopte encore une vision relativement large tout en reconnaissant que pour déterminer qu’un tel exercice a bien lieu il faut que des actes dérivés existent. (pt108) Pour achever son appréciation concernant ce moyen, la Cour détermine enfin le caractère exclusif de sa compétence dans l’appréciation du respect de la Convention. Elle rappelle la position qu’elle avait adopté à l’occasion des jurisprudences portant sur l’Espace économique européen et l’espace aérien européen commun (avis 1/91, du 14 décembre 1991, Rec. p. I‑6079, point 35, et 1/00, du 18 avril 2002, Rec. p. I-3493, points 11 et 12)selon laquelle les accords internationaux ne sauraient porter atteinte à « l’ordre des compétences fixé par le traité par les articles 220 et 292 du traité CE. » Le monopole juridictionnel joue de toute façon ici tout son rôle puisque la Cour a prouvé plus haut que les dispositions de la convention de Montego Bay font bien partie de l’ordre juridique communautaire en sa qualité d’accord mixte. Le deuxième moyen avancé par la Commission est presque similaire, puisqu’elle avance que le même article 292 ainsi que l’article 193 Euratom ont été méconnus car l’Irlande aurait soumis des instruments de droit communautaire au Tribunal arbitral. En effet en plus des dispositions incluses dans la convention de Montego Bay, l’Irlande avait invoqué des directives CE et des directives Euratom. La Cour justifia ces manquements en exposant que de telles pratiques pouvaient porter préjudice à l’autonomie de l’ordre juridique communautaire et “au devoir de loyauté au système judiciaire” reprenant l’expression de l’avocat général Poiares Maduro (conclusions de l’avocat général Poiares Maduro présentée le 18 janvier 2006). Ici, la Cour applique à ses relations extérieures le principe « séminal » de l’autonomie de l’ordre juridique communautaire développé depuis l’arrêt Van Gend en Loos (Affaire 26-62 du 5 février 1963 rec 1963 p.3) (voir Lavranos, Nikolaos: Protecting its Exclusive Jurisdiction: the Mox Plant-Judgment of the ECJ, The Law and Practice of International Courts and Tribunals 2006 p.479-493) Les commentateurs français et anglo-saxons ont eu l’occasion d’insister sur le fait que la Cour est peu bavarde ici en ce qui concerne les justifications qu’elle donne quant à l’existence d’un risque porté à l’autonomie de l’ordre juridique communautaire ainsi que sur le fait que l’arrêt est en contradiction avec une sentence arbitrale rendue le 24 mai 2005 dite affaire du Rhin de Fer (consultable sur www.pca-cpa.org). Le tribunal arbitral sous les auspices de la Cour permanente d’arbitrage avait en effet considéré qu’il avait compétence pour interpréter des actes communautaires (voir article de Mariatte précité ainsi que Kerbrat, Yann ; Maddalon, Philippe: Affaire de l'Usine MOX: la CJCE rejette l'arbitrage pour le règlement des différends entre Etats membres, Revue trimestrielle de droit européen 2007 p.165-182 et Mariatte, Flavien « Le tribunal arbitral a-t-il déraillé ? A propos de lq sentence rendue le 24 mai 2005 dans l’affaire du Rhin de Fer » Europe 2005 Août alerte n67). Il est aussi à noter que dans l’affaire MOX, le recours que l’Irlande a porté devant le tribunal de la Convention pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est a été accueilli par celui-ci qui a statué sur le fond, adoptant donc la même approche que le tribunal arbitral de l’affaire Rhin de fer. Le troisième moyen accueilli par la Cour concerne l’obligation incombant aux Etats membres et méconnue par l’Irlande de consulter les institutions communautaires avant d’engager une procédure arbitrale dans des domaines couverts par le droit communautaire. L’Irlande violait donc les articles 10 CE et 192 EA qui définissent des obligations générales de devoir de coopération des Etats membres avec les institutions européennes. La Cour précise qu’en accueillant ce recours elle se prémunit de risque “qu’une juridiction autre que la Cour se prononce sur la portée d’obligations s’imposant aux Etats membres en vertu du droit communautaire.” (pt 177) En d’autres termes elle veut éviter que des décisions potentiellement conflictuelles soient rendues pour le même litige. (la même approche avait été suivie dans les affaires jointes Dior et Dior et autres C-300/98 et C392/98) La Cour réaffirme par cet arrêt son monopole juridictionnel pour l'interprétation et l’application des accords mixtes, du droit communautaire et rappelle le devoir de coopération incombant aux Etats membres dans le cas où ceux-ci engageraient des procédures d’arbitrage devant d’autres fora. Le raisonnement suivi est subtil et presque tatillon mais est aussi la conséquence de l’utilisation par l’Irlande d’arguments essayant à tout prix d’éviter le monopole juridictionnel de la Cour. Si l’on observe que ce monopole s’est un peu élargi par cet arrêt, on remarque aussi qu’il semble être vécu comme un douloureux obstacle par l’Etat Irlandais. Quelles peuvent être les raisons d’une telle tension?

C. Une remise en cause du mécanisme arbitral mais aussi un outil pour éviter le forum shopping

Le monopole de la CJCE entendu ainsi dans la décision MOX réduit considérablement la possibilité des Etats membres de recourir à l’arbitrage. Comme le note Nikolaos Lavranos, ceci n’est pas sans conséquences quant à l’utilité du mécanisme arbitral. Le rôle des Cours ad hoc se trouve considérablement affaibli d’autant plus qu’une partie de la doctrine avance que la CJCE considère que ses jugements ont prééminence sur ceux rendus par les tribunaux arbitraux. L’auteur déplore le caractère unilatéral de cette approche et plaide pour plus de dialogue entre les juridictions.(Lavranos p491) à l’image du modèle du principe d’équivalence développé par la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans l’affaire Bosphorus commentée par Clémence Hardy dans un article précédent de ce blog (rq : c’est très bien de signaler le travail d’un de vos camarades). L’Irlande argumenta également que le recours à l’arbitrage présentait pour elle des avantages notamment compte tenu de l’urgence de la situation et de la possibilité pour elle d’obtenir par le mécanisme prévu par la Convention de Montego Bay des mesures conservatoires. La Cour évacue très vite cet argument au motif qu’elle peut elle aussi prendre des mesures conservatoires (pt 138). Qu’en-est-il donc vraiment des supposés avantages de la méthode arbitrale? En France, on a insisté sur le fait que la CJCE ne peut pas statuer quant à la responsabilité des Etats et pour décider d’une réparation. Ainsi on comprend mieux que l’Irlande, qui cherchait plutôt à faire cesser les activités britanniques qu’à démontrer un manquement au droit communautaire, n’ait pas porté devant la CJCE une nouvelle instance portant sur le fond de l’affaire MOX. Non seulement son intérêt pratique est limité mais en plus la Commission avait déjà auparavant autorisé la mise en service de l’usine MOX ce qui augurait mal d’une solution de la CJCE reconnaissant des torts au Royaume Uni.(voir note de Yann Kerbrat précitée). En Grande Bretagne, il a été souligné par Joanne Blennerhasset qu’un tribunal arbitral peut rendre une décision beaucoup plus rapidement que la CJCE, la résolution du litige pourrait même intervenir dans un laps de temps divisé par deux. Cela se comprend aisément quand on considère que le tribunal du droit de la mer est beaucoup moins sollicité que la CJCE. De plus les mécanismes de mise en place de tribunaux ad hoc sont également plus rapides que la et plus souples que machine communautaire puisque les parties ont leur mot à dire quant à la désignation des arbitres. On peut aussi avancer que ces juridictions étant spécifiques aux traités par lesquelles elles ont été instituées ont une expertise plus grande dans les domaines de protection de l’environnement, la CJCE étant un organe traitant d’affaires bien plus diverses. Dans le même ordre d’idées, en étant dessaisies d’un certain nombre d’affaires, les juridictions instituées par des traités ont moins d’occasions pour développer un corpus de jurisprudence et leur rôle d’architectes du droit s’appauvrit. Se pose aussi selon l’auteur la question de la fragmentation du droit international, la Cour de justice s’emparant du problème et délégitimant les décisions rendues par les juridictions internationales en matière d’environnement. Cet argument pourtant est tout à fait utilisable pour défendre la thèse opposée du débat large et fourni concernant la fragmentation du droit international (voir à ce titre Y.Shany « The first MOX plant award : the need to harmonise competing environmental regimes and dispute settlement procedures » Leiden Journal of International Law (2004) 17). L’article 292 CE est en effet un outil très efficace pour lutter contre le forum shopping au niveau communautaire. En échappant ainsi au risque de décisions contradictoires rendues par de multiples juridictions, on évite la fragmentation du droit international de l’environnement puisqu’il devient ainsi une prérogative exclusive de l’échelon régional. Cette vision permet de résoudre la question en en consacrant une approche très communautaire. En d’autres termes, la Cour de Justice s’affirme par la décision Commission c. Irlande comme un forum unique pour les questions environnementales à l’échelon communautaire. Bien que la solution retenue soit compréhensible d’un point de vue communautaire au nom du sacro-saint principe d’autonomie de l’ordre juridique communautaire, on peut se poser la question suivante. Existe-t-il encore un espace pour la discussion et des solutions alternatives au sujet de l’échelon judiciaire idéal à choisir pour la protection de l’environnement, domaine nécessitant rapidité et expertise poussée s’il en est?

D. Des alternatives à cette vision hermétique de la concurrence entre les juridictions?

L’affaire Commission c./ Irlande relance le débat sur l’efficacité des multiples juridictions internationales. Leur compétition entrave la bonne marche d’un système judiciaire global. Les auteurs Nikolaos Lavranos et Joanne Blennerhasset ont donc proposé des alternatives à l’attitude de la Cour. Certaines réaffirment l’ancien rêve d’une juridiction mondiale vraiment efficace en étendant véritablement la compétence de la CIJ ou en en faisant un organe d’appel obligatoire aux autres juridictions internationales. Plus ambitieuses encore sont les propositions faites tendant à rendre ces juridictions plus flexibles et plus coopératives entre elles. Par exemple, les auteurs imaginent l’adoption du système des questions préjudicielles disponible dans toutes les juridictions internationales (un système que le tribunal arbitral de la Convention de Montego a par ailleurs ici appliqué de son propre chef en suspendant son instance et en référant à la CJCE). Egalement une obligation inscrite au chapitre des modes de règlement des traités d’une obligation de coopération entre les juridictions éviteraient les conflits. Plus original et non dénué d’intérêt, Nikolaos Lavranos propose un tribunal des conflits international inspiré du modèle du droit administratif français. Ainsi la décision Commission c. / Irlande limite le recours à l’arbitrage entre les Etats membres spécifiquement dans le domaine sensible du droit de l’environnement. Il n’est pas sûr que par cette position un peu tatillonne, la Cour remplisse l’objectif politique de l’Union et des Etats membres d’une plus grande prise en charge des problématiques environnementales au niveau européen. Néanmoins, la doctrine et l’attitude adoptée par les juridictions concurrentes apportent des réponses intéressantes au problème de fragmentation du droit international et de concurrence des juridictions. Espérons qu’une telle ouverture caractérise une harmonisation des régimes du droit international de l’environnement mais aussi inspire global à plus de dialogue inter-juridictions en droit international général.

Bibliographie

Traités internationaux

Traité instituant la Communauté européenne, version consolidée, JO C 321 E du 29.12.2006. Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm)

Convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l’atlantique du Nord-Est (http://www.ospar.org/fr/html/convention/welcome.html)

Jurisprudence

Commission c. Irlande Affaire C-459/03 du 30 mai 2006 rec 2006 p. I-04635

Commission c. Irlande C 13/00 2002 du 19 mars 2002 Rec. p. I 2943 pt14

Articles de doctrine et notes de jurisprudence

Joanne Blennerhasset « the MOX plant case a jurisdictional odysset » Environmental Liability ; issue 4 2006

Lavranos, Nikolaos: Protecting its Exclusive Jurisdiction: the Mox Plant-Judgment of the ECJ, The Law and Practice of International Courts and Tribunals 2006 p.479-493

Lavranos, Nikolaos: The Mox Plant Ruling of the ECJ: How Exclusive is the Jurisdiction of the ECJ?, European Current Law 2006 Part 10 Focus p.xi-xv

Lavranos, Nikolaos: Freedom of member states to bring disputes before another court or tribunal: Ireland condemned for bringing the MOX plant dispute before an arbitral tribunal. Grand Chamber decision of 30 May 2006, Case C-459/03, Commission v. Ireland, European Constitutional Law Review 2006 Vol.2 p.456-469

Lavranos, Nikolaos: Concurrence of Jurisdiction between the ECJ and other International Courts and Tribunals, European Environnmental Law Review October 2005 p240

Y.Shany « The first MOX plant award : the need to harmonise competing environmental regimes and dispute settlement procedures » Leiden Journal of International Law (2004) 17

Mariatte, Flavien: Accords mixtes et arbitrage: première sanction du "devoir de loyauté au système judiciaire" communautaire, Europe 2006 Juillet Comm. nº 207 p.13-16

Kerbrat, Yann ; Maddalon, Philippe: Affaire de l'Usine MOX: la CJCE rejette l'arbitrage pour le règlement des différends entre Etats membres, Revue trimestrielle de droit européen 2007 p.165-182