L'admission de la preuve électronique dans le droit français et le droit chinois - par Peihao Yuan
Dans cet article nous verrons l’enjeu de la preuve électronique dans le droit de la preuve. Le problème de l’admission de la preuve électronique dans le procès, est-ce qu’elle aura la même force probante que la preuve traditionnelle –la preuve écrite sur papier–, et le problème de la manipulation et de la falsification des preuves électroniques dans la sûreté de la justice. Le commentaire sur l’admission et la force probante de la preuve écrite électronique dans le droit français et le droit chinois va commencer par l’analyse d’un arrêt de la Cour suprême chinoise du 1erAvril 2002. Puis nous essaierons de présenter la situation juridique dans les deux pays, et finalement nous conclurons sur les avantages et les inconvénients de chaque système.
Introduction :
Tout au long de l'histoire, chaque révolution technologique va tout d’abord pousser le développement des forces productives, mais elle va également poser de nouveaux défis à la pratique juridique et à la théorie juridique. Un nombre croissant d'opérations sont réalisées actuellement à l'aide de moyens électroniques, et il devient important de reconnaitre de leur existence dans la pratique juridique pour pouvoir revendiquer les droits légaux s'y rattachant.
Le terme de la preuve électronique est déjà accepté dans la législation de nombreux pays et la pratique judiciaire. Tels que : le Canada, « Loi uniforme sur la preuve électronique 1998 » ; Les Philippines, « Les règlements de la preuve électronique » ; Les États-Unis, « la Loi uniforme sur les transactions électroniques » ; L’Inde, « Loi technologie de l'information 1999 » et « la Loi sur la preuve 1872 » ; ainsi que les Nations Unies, « La Loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique ». En droit Français, ce terme de preuve électronique peut se retrouver dans « Code de procédure pénale », le « Code civil » ainsi que dans la « loi du 13 mars 2000 sur la modification de la preuve littérale », et en droit Chinois, le droit concernant la preuve électronique est relativement limité, on ne peut retrouver ses effets juridiques que dans la « Loi sur la signature électronique ».
Par rapport à la preuve papier traditionnelle, la preuve électronique a des caractéristiques très distinctes, telles que : intangible (la preuve électronique a besoin du support informatique pour être lisible et vue par l’homme, donc le juge craint parfois que les données numériques puissent être modifiées lorsque la intervention du support informatique), virtuelle (bien évidemment, la preuve électronique est un produit de la technique informatique, donc comme tous les autres produits informatiques, elle n'existe que dans le monde d’informatique. C'est la plus grande différence avec la preuve traditionnelle), prolifique (les preuves électroniques peuvent être reproduites facilement, et la copie ou la duplication peut présenter exactement le même contenu que l'original. Donc, la preuve électronique est relativement facile à présenter devant la cour par les parties et à conserver par la cour.), omniprésente (Surtout dans le commerce électronique, la preuve électronique est la preuve principale, et l'on peut la retrouver à presque toutes les étapes du commerce électronique. Donc, la reconnaissance et l’admission de la preuve électronique va conditionner la prospérité du commerce électronique), et persistante (contrairement au papier, la preuve électronique ne va pas être abîmée, se décomposer, moisir avec le temps. Finalement, elle a vraiment plus d’avantage du point de vue de la conservation de la preuve). Ces caractéristiques non seulement soulignent ses avantages, mais aussi exposent ses lacunes. Le grand débat entre les juristes sur la valeur que doit avoir l’écrit électronique en tant que preuve n’est pas encore clos. La preuve électronique peut être rapportée devant toutes les juridictions sous réserve de son authenticité et de l'appréciation du juge.
Le 11 décembre 2001, la Chine populaire est devenue membre de l’OMC. Et pour remplir la promesse faite par la Chine durant les négociations en vue de l’adhésion à l’OMC qui ont 15 ans, promesse qui est relative à la protection des droits intellectuels, un arrêt de 2002 de la Cour populaire suprême chinoise (équivalent de la Cour de cassation en France), « l’arrêt sur certains règlements relatifs à la preuve civile» (Traduction de l’auteur. La version en chinois est : 最高人民法院(la Cour populaire suprême) « 关于民事诉讼证据的若干规定 »), reconnaît la recevabilité de la preuve électronique et regarde la preuve électronique comme une preuve sur support audiovisuel, mais sous des conditions relativement strictes. Le 6 novembre 2001, le tribunal de grande instance de Pékin a estimé qu’un nom de domaine dont la dénomination renvoie uniquement à l’exploitation d’un site web et non à celle d’une marque n’est pas constitutif de contrefaçon d’une marque tierce. Dans cette affaire, la société Pekin Guowang a ouvert le site www. Ikea.com.cn qui fonctionne comme une place virtuelle de boutiques, dont les articles sont payables sur Pekin Guowang.cn. La société IKEA, propriétaire de la marque et du site éponymes, avait attaqué Pekin Guowang pour contrefaçon. En appel au niveau de la Cour populaire suprême, le juge a finalement approuvé cette demande.
Nous nous intéresserons donc à la question de la recevabilité de la preuve électronique devant les tribunaux chinois et français. Nous verrons donc ce qu'est une preuve électronique et la règle générale de la preuve dans le droit français et le droit chinois (Chapitre 1). Pour finir, nous ferons la comparaison des statuts de la preuve électronique en France et en Chine (Chapitre 2).
I- La définition de la preuve électronique dans le droit français et le droit chinois
§ 1 : La situation du droit chinois
Le succès d’une action dépend de la manifestation de la validité de ses prétentions. Et cette manifestation de la validité est actuellement la présentation de la preuve dans une procédure. Donc, la règle de la preuve est essentiellement importante en procédure civile.
« La loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique » rédigée par les Nations Unies définit le terme “message de données” comme désignant « l’information créée, envoyée, reçue ou conservée par des moyens électroniques ou optiques ou des moyens analogues, notamment, mais non exclusivement, l’échange de données informatisées (EDI), la messagerie électronique, le télégraphe, le télex et la télécopie ».
Dans la « loi sur la signature électronique » chinoise du 28 août 2004, on retrouve presque la même définition que celle de la CNUDCI. Elledispose que : « Le “message de données” se réfère à des informations créées, envoyées, reçues ou conservées par les moyens électroniques, optiques, magnétiques ou des moyens analogues » ( Voir l’article 2 de la « loi sur la signature électronique » .《电子签名法》第二条,该条规定:“本法所称的数据电文,是指以电子、光学、磁或者类似手段生成、发送、接收或者储存的信息。”Traduction en français par l'auteur), définition selon laquelle le concept d'un message de données contient deux significations : d'abord, le message de données comprend toutes les données en utilisant des moyens électroniques, optiques, magnétiques ou d'autres moyens avec des fonctions similaires ; Deuxièmement, l'essence du message de données est l’information sous toutes les formes.
Ainsi, la « loi sur la signature électronique » chinoise de 2004 fournit une base juridique claire pour la reconnaissance des messages de données comme constituant un élément de preuve. L’article 7 de cette loi dispose que : « Le message de données ne doit pas être rejeté comme preuve, seulement parce qu'il est créé, envoyé, reçu ou conservé par des moyens électroniques, optiques, magnétiques ou des moyens analogues ». Donc, la recevabilité de la preuve électronique dans le droit chinois est bien réglée par cette loi.
La question qui est restée en droit chinois est celle de la force probante de la preuve électronique. Récemment, « l’arrêt sur certains règlements relatifs à la preuve civile » rendu par la Cour populaire suprême du 1eravril 2002 reconnaît le message de données et le classe parmi la preuve sur support audiovisuel. Donc, qu'est ce qu'une preuve sur support audiovisuel ? Ce classement n’existe pas en droit français.
L’article 63 du « Code de procédure civile » chinois distingue sept types des preuves, telles que : Les preuves matérielles, les preuves documentaires, les preuves sur support audiovisuel, des déclarations faites par les parties, témoins, experts, conclusions et du rapport de police. Par rapport au droit français, il y a cinq types de preuve expressément désignées en droit français (« Théorie de la preuve » sur le site : http://www.lerecouvrement.com/preuve.html) : La preuve écrite (l’acte authentique et l’acte sous seing privé), le témoignage, les présomptions du fait de l’homme ou les indices, l’aveu et le serment. De plus, dans la procédure civile française, le juge peut désigner quelqu’un (ou juger lui-même) pour enquêter sur les faits. De notre point de vue, la preuve écrite et le témoignage en droit français équivalent aux preuves documentaires ; et l’aveu et le serment équivalent aux déclarations faites par les parties en droit chinois. La preuve sur support audiovisuel en droit chinois est une preuve créée par la technologie électronique, l'exemple typique de la preuve sur support audiovisuel est l’enregistrement sonore et vidéo.
En fait, beaucoup de juristes chinois critiquent le classement de la Cour populaire suprême qui place la preuve électronique dans la catégorie de la preuve sur support audiovisuel.
Certains, comme Maitre Xu, considèrent que la preuve électronique doit être reconnue comme les preuves matérielles puisque parfois la preuve électronique doit être examinée par l’expert ingénieur pour vérifier et enquêter sur l'authenticité de la preuve électronique. En revanche, d’autres, comme le Professeur Li, considèrent que la preuve électronique doit être rangée dans la catégorie de la preuve documentaire (comme la preuve écrite en droit français) parce que c’est une position qui est partagée par la majorité des pays, surtout après que la « Loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique »a reconnu la preuve électronique comme une preuve écrite du point de vue des Nations Unis.
La raison pour laquelle on discute du classement de la preuve électronique en droit chinois est que la force probante de chaque type de preuve n’est pas la même. En droit chinois, la force probante de la preuve sur support audiovisuel estmoindre par rapport à la preuve écrite.Le paragraphe 22 de « l’arrêt sur certains règlements relatifs à la preuve civile » de la Cour populaire suprême déclare que les « données informatiques, enregistrements sonores, films et autres supports audiovisuels, recueillis par les enquêteurs, l'enquête devraient être tenus de fournir les informations du support original. S’il y a des difficultés pour fournir les originaux, l’enquêté peut fournir des copies. Pour le cas où l’enquêté fournit une copie, les enquêteurs doivent décrire la source et la procédure de reproduction dans les dossiers d'enquête»(Traduction par l'auteur. Version chinoise : « 调查人员调查收集计算机数据或者录音、录像等视听资料的,应当要求被调查人提供有关资料的原始载体。提供原始载体确有困难的,可以提供复制件。提供复制件的,调查人员应当在调查笔录中说明其来源和制作经过。 »). Donc, ce paragraphereconnaît la preuve électronique comme la preuve sur support audiovisuel, et une seule preuve sur support audiovisuel ne peut pas être apportée au soutien d'une prétention en Chine. Cette méthode de classification réduit largement la force probante de la preuve électronique, et ce n'est pas propice à un grand nombre d'activités du commerce électronique.
Il y a aussi une contradiction en droit chinois concernant la force probante de la preuve électronique. Avant « l’arrêt sur certains règlements relatifs à la preuve civile » de la Cour populaire suprême rendu en 2002, « le Code des contrats 1999» considérait les données informatiques comme une forme écrite du contrat. L’article 11 du « Code des contrats 1999 » chinois dispose : « La forme écrite est le contrat conclu par écrit, la correspondance et des messages de données (y compris le télégramme, télex, fax, échange électronique de données informatiques et e-mail) et toutes les autres formes qui peuvent afficher le contenu tangible» (Traduction par l'auteur. Version chinoise : «书面形式是指合同书、信件和数据电文(包括电报、电传、传真、电子数据交换和电子邮件)等可以有形地表现所载内容的形式 »).
Donc, au niveau du conflit contractuel, en droit chinois la preuve électronique est reconnue comme la preuve écrite. La force probante de la preuve électronique est relativement meilleure que dans le reste du contentieux civil.
§ 2 : La situation en droit français
Le système de la preuve en droit français comprend deux types de preuves : a) la preuve libre ou morale ; b) la preuve légale. En général, la preuve libre ou morale est présentée librement par les parties dans le litige, sous tous les moyens de preuves sans exigence de forme spéciale. Par contre, la preuve légale est souvent la preuve par écrit sous une forme spéciale réglée par la loi. Dans le droit français, il y a certains domaines qui sont réservés pour la preuve libre ou morale, tels que : Pour les contrats passés entre commerçants (Article L. 110-3 du Code de commerce) ; pour les engagements d’un montant inférieur à 1 500 € (Article 1341 du Code civil, Décret du 20 août 2004) ; Quand il existe un commencement de preuve par écrit (Article 1347 du Code civil), quand il y a des circonstances exceptionnelles interdisant de pré-constituer une preuve ou de rappeler un original (Article 1348 al 1 du Code civil).
Dans le droit chinois, on n’arrive pas à trouver une règle spécifique comme en droit français qui établisse dans quel cas on peut appliquer la preuve libre et morale. En revanche, le principe de la liberté de la preuve est largement utilisé dans la pratique juridique. De nombreuses jurisprudences chinoises reconnaissent la preuve libre et morale. En général, l'acceptation d'une preuve est prise par le juge, et ce dernier va considérer surtout trois caractères de la preuve : 1. Méthode légitime 2. Objectivité 3. Pertinence.
Le droit français applicable aux preuves électroniques est : Articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil, article 1347 du Code civil, article 287 du Code de procédure pénale, et le Décret n°2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l'application de l'article 1316-4 du Code civil et relatif à la signature électronique qui est venu poser les conditions techniques de fiabilité d'une signature électronique.
La loi la plus importante est la loi du 13 mars 2000 qui modifie l’article 1316 du Code civil, qui dispose que la preuve par écrit est constituée « d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission ». Donc, le droit français reconnaît la preuve électronique comme une preuve écrite. De plus, l’article 1316-3 du Code civil indique que « l'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier ». Lorsque il y a des conflits de preuve dans la procédure, l’article 1316-2 du Code civil précise qu’il appartient au juge d’apprécier souverainement, au regard des circonstances de l’espèce, quelle est la preuve littérale la plus vraisemblable.
La loi du 13 mars 2000 n'est pas le point de départ de la preuve électronique en France. Auparavant, la preuve électronique était déjà admise dans les relations commerciales. En matière civile, elle est reconnue pour les engagements inférieurs à 800 euros, mais faut bien respecter la formalité de l’article 1341 du Code civil pour les choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret. La loi de finances pour 1990 affirme que « les factures transmises par voie télématique constituent des documents tenant lieu de facture d'origine ». La loi de finances rectificative pour 1999 donne obligation aux entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 15 millions d'euros hors taxes de faire leurs déclarations d'impôts et de TVA par voie électronique. Cependant, avant la loi du 13 mars 2000, l’administration d’une preuve électronique ne pouvait être retenue chaque fois que la loi demandait le formalisme de l’écrit, soit comme condition de preuve de l’acte (ad probationem), soit comme condition de validité de l’acte (ad validitatem). Il résulte que ces dispositions étaient incompatibles avec le commerce électronique.
On peut donc dire que la loi du 13 mars 2000 élargit le champ d’application de la preuve électronique, mais sous la réserve que la preuve permette d’identifier son auteur et que le support soit « établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ». Donc, le droit français reconnaît aussi la signature électronique dans ces conditions.
L’étape suivante est un arrêt sur une déclaration de créance rendu par la Cour de cassation le 4 octobre 2005 : Le juge admet qu'un « écrit électronique non sécurisé constitue une preuve dès lors que la preuve est libre et que la sincérité du détenteur de l'écrit ne peut pas être suspectée ». Aussi, pour compléter la loi de 2000, la loi du 21 juin 2004 (OCEN) considérait que « les écrits exigés pour la validité d'un acte juridique peuvent être établis et conservés sous forme électronique. »
L'arrêt le plus récent en date du 30 septembre 2010 confirme que seul l'email avec une signature électronique sécurisée est présumé comme fiable. Dans cette affaire, un litige opposait un locataire à son bailleur sur le point de départ du préavis de résiliation d'un bail d'habitation et sur l'établissement de l'état des lieux de sortie qui se fondait sur les emails échangés entre les parties. Le bailleur contestait l’authenticité des emails produits à son encontre par le locataire. La cour d'appel de Dijon a reconnu la valeur probatoire aux emails émanant du bailleur. En revanche, la cour de cassation a reproché à la cour d’appel de Dijon de ne pas avoir vérifié, en présence d’une contestation sur l’authenticité d’un e-mail par son auteur présumé, si les exigences d’identification de l’auteur et de garantie d’intégrité de son contenu étaient remplies. Généralement, lorsqu’il y a contestation entre les parties, le juge doit rappeler les articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil, et s’appuyer sur une autre preuve incontestable, puis se faire son propre avis sur quelle preuve est la plus valable. Ce dernier arrêt du 30 septembre 2010 a donc rappelé certaines conditions pour valider la preuve électronique quand il y a une contestation.
II- Appréciation et mise en perspective des différences entre le droit français et le droit chinois
Par rapport au droit français qui considère la preuve électronique comme une preuve écrite, le droit chinois reconnaît la preuve électronique comme la preuve sur support audiovisuel.
Le raisonnement du législateur chinois est relativement conservateur. Pour le législateur chinois, l'électronique fait encore peur, principalement à cause de son manque de lisibilité directe : Il suffit de se pencher sur le papier pour en saisir la portée, alors que l'électronique ne peut souvent être comprise qu'à l'aide d'un appareillage adéquat (lecteur, ordinateur, etc.). En outre, on cache plus facilement des éléments dans un document électronique que sur du papier. Et pour résoudre cette crainte, en droit français, l'article 1316-2 du Code civil ramène à l'importance du rôle du juge dans le litige. De notre point de vue, la raison pour laquelle le législateur chinois se méfie du rôle du juge est peut-être due au comportement du juge en Chine.
En Chine, il existe trois niveaux de juridictions : la première instance a souvent lieu au tribunal élémentaire ; le recours se fait devant la cour d’appel qui est souvent un tribunal populaire intermédiaire ; Le dernier niveau étant la Cour populaire suprême qui ne reçoit souvent aucun litige directement, sa fonction principale étant de vérifier le travail de tous les autres tribunaux chinois, de dégager des interprétations du droit, de rendre des arrêts qui vont guider le travail des autres tribunaux. La réalité est donc qu'au niveau des tribunaux élémentaires, surtout dans les régions moins développées, on manque de personnes véritablement qualifiées pour occuper la fonction de juge. Dans ces régions, le gouvernement chinois recrute ainsi des juges avec des exigences moindres que dans les régions développées comme Shanghai ou Pékin. Donc, pour le législateur, s'il accorde trop de pouvoir au juge, la corruption au niveau du tribunal élémentaire ou l'erreur dans une décision du tribunal élémentaire sont inévitables.
On pourrait donc considérer que le classement de la preuve électronique ne devrait pas conduire à la placer parmi la preuve sur support audiovisuel. Tout d’abord, le concept de « l’électronique » dans la preuve électronique est plus large qu'unsupport audiovisuel. La preuve électronique peut être sous forme de texte, image, vidéo, son. Mais un support audiovisuel ne peut pas comprendre la forme de texte électronique, certificat électronique qualifié ou même un logiciel d'ordinateur. Deuxièmement, avec la poursuite du développement des nouvelles technologies, le classement de la preuve sur support audiovisuel va devenir de plus en plus imprécis. Certaines preuves électroniques ne peuvent pas être entendues ni vues comme de l’information échangée entre les ordinateurs, sans parler de l'utilisation de l'infrarouge, de la technologie spatiale, de la télédétection, du laser et d'autres équipements de haute technologie qui peuvent créer des preuves qui reflètent les faits de la cause.
En revanche, le classement de la preuve électronique comme preuve écrite, comme c'est le cas en France, n’est pas non plus sans défaut. Comme la crainte que suscite la preuve électronique peut être la falsification et la manipulation, il est peut-être préférable de créer la preuve électronique directement dans le code comme une nouvelle preuve. Et ainsi, toute l’interprétation des définitions et des fonctions juridiques traditionnelles de la preuve écrite pour admettre la preuve électronique prendrait fin.
Aussi, les critères pour juger de la fiabilité des systèmes, l’intégrité des données et la conservation ne sont pas clairement réglés même pour le droit français. Le pouvoir discrétionnaire du juge sur ces critères est trop large. L’enjeu consiste donc à fournir : « des garanties de sécurité tout en remplissant les fonctions juridiques traditionnelles attachées au papier, mais dans un univers informatique » (Éric Caprioli, « Variations sur le thème de l’archivage dans le commerce électronique », Petites Affiches du 18 août 1999, p. 4 et du 19 août 1999 p. 7.).
On doit faire attention à une autre chose : Comme la France est plus développée que la Chine, la jurisprudence est plus importante que celle de la Chine. Si le législateur chinois veut donc réformer le « Code de procédure civile », il peut se référer à la jurisprudence française pour éviter certains risques liés à ce nouveau type de preuve et faire reconnaitre la force probante de l’email, du SMS et du E-contrat pour faciliter le commerce électronique.
Bibliographe :
- « La preuve électronique » par l'avocat de ACI, sur site : http://www.cabinetaci.com/la-preuve-electronique.html
- 最高人民法院« 关于民事诉讼证据的若干规定 »-(la source de la preuve électronique dans le droit chinois)
- « 证据法学 » 司法部2002. P. 125-156
- « La preuve écrite électronique et le droit français » par Fabien KERBOUCI, M2 NTSI – Paris Ouest Nanterre : www.e-juristes.org
- « Le code de la procédure civil », voir sur le site :http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070716&idArticle=LEGIARTI000006410328&dateTexte=20110215
- « La loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique », Voir sur le site de CNUDCI : http://www.uncitral.org/pdf/french/texts/electcom/05-89451_Ebook.pdf
- « Droit de la preuve et signature électronique », Aperçu rapide, JCP G 15 mars 2000.