L'egalite des remunerations, une comparaison franco-americaine par Claire Génot

En 2004, on estimait qu’une femme aux Etats Unis gagnait 75,5% de ce que gagnait un homme (selon le US Census Bureau), contre 81% en France (selon l’INSEE). Ces chiffres illustrent à la fois l’actualité du problème de l’inégalité salariale hommes – femmes dans ces deux pays, et l’interêt d’étudier les instruments juridiques mis en place de part et d’autre de l’Atlantique pour tenter d’introduire, en matière de rémunération, un équilibre entre les hommes et les femmes répondant aux exigences de non discrimination et d’égalité.

Aux Etats Unis, le 6 février 2007, la cour d’appel fédérale de San Francisco en Californie autorisait la transformation d’une action intentée en 2001 par six femmes contre Wal-Mart en « class action » (forme de procédure collective). Les demanderesses, dans l’arrêt Dukes v. Wal-Mart Stores, Inc., 22 F.D.R. 137 (N.D.Cal. 2004), prétendaient que, depuis 1998, les employées femmes avaient été payées moins que les employés hommes pour des postes comparables, et que la société donnait systématiquement les promotions et avancements aux employés hommes. Toutes les salariées et ex-salariées ayant travaillé pour le groupe entre décembre 1998, date de départ de la plainte, et 2004 peuvent désormais s'associer à l’action si elles estiment avoir subi des discriminations de la part du premier employeur privé des Etats-Unis (sur cette action, v. E. Leser, Le Monde, 2 février 2007). En France, le Parlement adoptait le 23 mars 2006 la Loi n° 2006-340 relative à l’Egalité salariale entre les hommes et les femmes. Le 11 octobre 2006, Catherine Vautrin, ministre délégué à la cohésion sociale et à la Parité, remettait le label « Egalité » à François Pierson, directeur de la société AXA France: la société AXA France avait passé en mars 2006 un accord avec ses partenaires sociaux pour débloquer 750 000 euros sur trois ans pour supprimer les écarts de salaires entre les hommes et les femmes. Ces quelques exemples récents témoignent de l’actualité et de l’intérêt porté à la question de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.

Aux Etats Unis une loi dite « Equal Pay Act » (EPA) a été adoptée en 1963 pour remédier à un problème récurrent de discrimination professionnelle dans le secteur privé : comme la Cour Suprême le décrivait dans l’arrêt Corning Glass Works v. Brennan (417 U.S. 188, 1974), la structure de répartition des salaires de « nombreuses branches de l’industrie américaine était fondée sur une croyance ancienne et démodée selon laquelle l’homme, en vertu de son rôle dans la société, devrait être payé davantage qu’une femme, même si ses obligations sont les mêmes ». L’Equal Pay Act, codifié à l’article 29 U.S.C.A. § 206(d)(1) prévoit : « Un employeur ayant des employés assujettis aux provisions de cet article ne peut pas prendre des mesures discriminatoires à l’encontre des employés sur le fondement de leur sexe, dans aucun des établissements dans lesquels ces employés sont employés, en payant aux employés dans de tels établissements un salaire moindre que celui qu’il paie aux employés de l’autre sexe dans un tel établissement pour un travail équivalent dans un emploi dont l’accomplissement requiert les mêmes compétences, le même effort, les mêmes responsabilités, et qui sont effectués dans des conditions similaires ; sauf si ce paiement est fondé sur (i) un système d’ancienneté, (ii) un système fondé sur le mérite, (iii) un système qui mesure les salaires en fonction de la quantité ou de la qualité de la production, ou (iv) un système fondé sur tout facteur autre que l’identité sexuelle. Un employeur qui paie les salaires de ses employés en violation du présent article ne doit , pour se conformer aux dispositions du présent article, réduire le salaire d’aucun employé. »

(No employer having employees subject to any provisions of this section shall discriminate, within any establishment in which such employees are employed, between employees on the basis of sex by paying wages to employees in such establishment at a rate less than the rate at which he pays wages to employees of the opposite sex in such establishment for equal work on jobs the performance of which requires equal skill, effort, and responsibility, and which are performed under similar working conditions, except where such payment is made pursuant to (i) a seniority system; (ii) a merit system; (iii) a system which measures earnings by quantity or quality of production; or (iv) a differential based on any other factor other than sex: Provided, That an employer who is paying a wage rate differential in violation of this subsection shall not, in order to comply with the provisions of this subsection, reduce the wage rate of any employee.)

En France, une loi du 13 juillet 1983 n° 83-635 consacrait le devoir pour l’employeur d’assurer l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Cette loi a été codifiée à l’article L140-2 du code du travail, sour le « chapitre préliminaire » intitulé : « Egalité de rémunération entre les hommes et les femmes ». Ce texte est une expression de l’influence communautaire sur le droit français : le principe d’égalité des rémunérations pour un même travail figure depuis 1957 dans le Traité de Rome instituant la Communauté Européenne (article 141(1)) ; principe dont la portée était précisée en 1975 par la directive communautaire 75/117/CEE. L’article L140-2 du code du travail dispose : Al 1 - « Tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ». Al 3 – « Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salarié un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ».

Il semble ainsi que l’égalité salariale soit consacrée par la loi dans les deux pays. Il est intéressant toutefois d’identifier les différences dans la formulation des lois américaine et française, mais aussi dans le rôle de la jurisprudence dans l’interprétation et l’application de ces lois, puisqu’elles donnent naissance à des différences dans le traitement des disparités salariales entre hommes et femmes. De façon plus précise, là où les deux systèmes juridiques reconnaissent le même principe d’égalité salariale, les droits français et américain diffèrent dans leur application de ce principe, notamment pour deux raisons : d’une part ces deux systèmes juridiques disposent de standards différents pour évaluer le caractère suffisamment « égal » du travail de l’employé homme et de celui de l’employée femme pour admettre une plainte fondée sur une inégalité salariale ; et d’autre part ils retiennent des exceptions différentes au principe d’égalité salariale.

L’EEOC, organisme chargé de l’application de l’EPA L’application de l’EPA est confiée à un organisme fédéral, la « Commission pour l’égalité des chances en matière d’emploi » (EEOC, Equal Employment Opportunities Commission), qui a la possibilité de se porter partie à un litige opposant un employeur et un employé. Cet organisme a été vivement critiqué ces dernières années pour son manque de dynamisme dans l’exécution de cette tâche. En effet, comme le fait remarquer un commentateur, l’EEOC s’était portée partie à 79 affaires en 1980, mais ne s’est porté partie à aucune en 1990 (Elizabeth J. Wyman, « The Current Legal Framework of Sex/Gender Discrimination Law », 55 Me. L. Rev. 23 (2003); citant Kimberley J. Houghton, « The Equal Pay Act of 1963 : Where did we go wrong ? », 15 LAB. LAW 155, 159. Les femmes en sont ainsi réduites le plus souvent à intenter leurs actions seules, tâche d’autant plus ardue que les tribunaux fédéraux ont interprété l’EPA de façon restrictive.

Mise en oeuvre d’une action sur le fondement de l’EPA

Deux difficultés surviennent notamment :

Premièrement, le demandeur doit établir une violation « prima facie » (c’est à dire « a priori ») de l’EPA, en montrant qu’il effectue le même travail que celui d’un collègue masculin qui reçoit un salaire plus élevé. Le Code des Régulations Fédérales, qui explique et éclaircit le sens de l’EPA aux articles 29 CFR 1620 et suivants, indique que les deux emplois n’ont pas à être identiques, mais qu’ils doivent être « substantiellement équivalents » (29 CFR 1620.13(a)). Cependant ce même Code donne peu d’indications sur la signification du standard « substantiellement équivalent ». Pour éviter de tomber sous le coup de la qualification de « substantiellement équivalent », l’employeur peut, par exemple, montrer que l’employé masculin a davantage d’employés sous son autorité, est responsable d’un budget plus important ou d’une part de marché plus importante, Noel v. Medtronic Electronics, (973 F. Supp. 1206, D. Colo. 1997). En revanche, le fait pour une employée d’avoir recours à un expert pour démontrer que son emploi en tant qu’ingénieur informatique était substantiellement équivalent à celui de 4 de ses collègues et que ses responsabilités excèdent celles de 6 employés ayant le même titre qu’elle au sein de l’entreprise a permis la qualification d’une violation « prima facie »(Garner v. Motorola, 95 F. Supp. 2d 1069, D. Ariz. 2000). De même une employée peut utiliser le descriptif interne des emplois des dirigeants du département pour établir l’identité de responsabilités avec d’autres employés (McMillan v. Massachusetts Society for the Prevention of Cruelty to Animals, 880 F. Supp. 900, D. Mass. 1995).

Deuxièmement, une fois qu’est établie la violation « prima facie », il reste au demandeur à passer à travers les mailles des quatre exceptions de l’article 29 U.S.C.A § 206(d)(1). Les trois premières sont rarement mises en cause en pratique, dans la mesure où il est peu probable qu’une femme conteste son salaire dans les cas où ses collaborateurs, dont le travail est « substantiellement équivalent », ont plus d’ancienneté, ont été mieux classés lors d’un test de mérite interne ou sont plus productifs. En revanche la quatrième exception « fourre-tout », qui vise « tout facteur autre que l’identité sexuelle » a fait l’objet d’importants débats en jurisprudence.

La quatrième exception de l’article 29 U.S.C.A § 206(d)(1) La quatrième exception a fait l’objet d’interprétations divergentes : là ou certains tribunaux ont une lecture littérale de l’expression « tout facteur autre que l’identité sexuelle », d’autres ont opté pour une interprétation plus nuancée, prenant en considération la « raisonnabilité » du facteur avancé (William E. Doyle Jr., « Implications of Smith v. City of Jackson on EPA claims and sex based pay discrimination claims under title VII », 21 The Labor Law. 183, Fall 2005). Ces derniers, accompagnés de l’EEOC, ont ainsi opté pour la solution selon laquelle seuls les facteurs autres que l’identité sexuelle qui sont raisonnablement liés à un intérêt commercial légitime peuvent entrer dans le champ d’application de la quatrième exception, Steger v. Gen. Elec. Co., 318 F.3d 1066 (11th Cir. 2003) et Belfi v. Prendergast, 191 F.3d 129, 136 (2d Cir. 1999) : « pour établir avec succès le « facteur autre que l’identité sexuelle », un employeur doit aussi démontrer qu’il avait une raison commerciale légitime (...) ». Mais que faut-il entendre alors par « commerciale » ? Le Manuel de Conformité de l’EEOC, dans sa directive No. 915.003 du 5 décembre 2000, à la référence § 10-IV.F.2. & nn.65-66 fournit quelques indications : « Un employeur se prévalant de l’exception du « facteur autre que l’identité sexuelle » doit aussi montrer que le facteur est lié aux caractéristiques de l’emploi ou qu’il est favorable à l’activité de l’employeur. De plus, le facteur doit être utilisé raisonnablement, à la lumière de l’activité officielle de l’employeur aussi bien que de toutes ses autres activités ». Les tribunaux ayant opté pour une interprétation littérale considèrent pour leur part qu’il ne leur appartient pas de juger de la « raisonnabilité » de l’argument soulevé par l’employeur pour sa défense, leur rôle se limitant à vérifier que cet argument est bien fondé sur un facteur autre que l’identité sexuelle (en ce sens, Dey v. Colt Constr. & Dev. Co., 28 F.3d 1446, 1462, 7th Cir. 1994 et Fallon v. State of Illinois, 882 F.2d 1206, 1208, 7th Cir. 1989).

Un arrêt récent de la Cour Suprême (Smith v. City of Jackson, 125 S. Ct 1536,2005) a semé le trouble dans cette jurisprudence opposant clairement les deux camps. L’affaire ne concernait pas directement une revendication sur le fondement de l’EPA, mais la Cour indique néanmoins dans une note que : « Dans l’EPA de 1963, 29 U.S.C. § 206 (d)(1), le Congrès a eu l’intention d’interdire la compensation pour une différence de salaire fondée sur « tout facteur autre – raisonnable ou déraisonnable - que l’identité sexuelle » ». Cette note rédigée en termes extrêmement curieux semble indiquer que la quatrième exception pourrait être satisfaite par une justification déraisonnable, ce qui suscite d’emblée certaines interrogations, notamment sur le sens à donner au terme « déraisonnable ». Cependant deux tribunaux de niveau inférieur, dans des arrêts postérieurs à Smith, réaffirment leur attachement à leur jurisprudence antérieure sans tenir compte de l’arrêt Smith v. City of Jackson (cf. Wernsing v. Department of Human Servs., 427 F.3d 466, 470, 6th Cir. 2005, dans son interprétation littérale de la quatrième exception et Balmer v. HCA, Inc., 423 F.3d 606, 612, 6th Cir. 2005, dans son interprétation extensive de la quatrième exception). Il est par conséquent difficile de connaître le véritable impact de la décision Smith sur l’interprétation de la quatrième exception à l’EPA, et de considérer la possibilité d’une unification de la jurisprudence, que l’arrêt Smith semblait pourtant annoncer.

La possibilité d’arguer d’une défense « déraisonnable » en vertu de la quatrième exception : la légitimisation d’un simple prétexte invoqué par l’employeur ? Même pour les tribunaux ayant choisi l’interprétation littérale du « facteur autre que l’identité sexuelle », le facteur de « raisonnabilité » de l’argument de défense d’un employeur peut avoir son importance. En effet, si l’employeur a réussi a établir que la différence de salaire était liée à un « facteur autre que l’identité sexuelle », alors le demandeur a la possibilité d’arguer de ce que la justification de l’employeur est un prétexte pour maintenir une politique discriminatoire (cf. Strecker v. Grand Forks County Soc. Serv. Bd., 640 F.2d 96, 101 n.2, 8th Cir. 1981). L’un des moyens de prouver qu’il s’agit d’un prétexte est de démontrer que le facteur est déraisonnable dans les circonstances de l’espèce : c’est ce qu’explique la cour dans l’arrêt Kouba v. Allstate Ins. Co., 691 F.2d 873, (9th Cir. 1982) en énonçant que « le standard pragmatique, qui protège des abus tout en permettant à l’employeur de conserver son choix discrétionnaire, est celui de l’usage raisonnable par l’employeur du « facteur autre que l’identité sexuelle », à la lumière de son activité professionnelle officielle, comme de ses autres activités ». Mais avec l’arrêt Smith, si la justification de la discrimination par le biais de la quatrième exception peut être utilisée par l’employeur de façon déraisonnable, la défense du prétexte ne pourrait plus être invoquée par l’employé, ce qui élargirait encore le champ d’application de la quatrième exception, vidant de son sens l’EPA lui-même. Ces conséquences apocalyptiques sont toutefois à nuancer, dans la mesure où la décision Smith ne concernait pas directement l’application de l’EPA. L’importance de la note sur la possibilité d’utiliser le facteur de façon déraisonnable doit par conséquent être atténuée et cette décision est trop récente encore pour que soit mesuré son véritable impact.

Le pendant français de 29 U.S.C.A § 206(d)(1), l’article L140-2 du Code du Travail – voir l’article cité plus haut

Le mode général de formulation des 2 textes : interdiction versus obligation Un certain nombre de différences entre l’EPA et l’article L140-2 peuvent être observées de façon superficielle : tout d’abord, la formulation générale, qui veut qu’en droit français l’employeur « soit tenu d’assurer » l’égalité de rémunération, à la différence du droit américain où la disposition se décline sur le mode de l’interdiction de la discrimination de la part de l’employeur. Ceci semble a priori indiquer que le droit français va plus loin dans sa lutte contre la discrimination, en donnant à l’employeur une obligation positive d’assurer l’égalité, la responsabilité d’instaurer cette égalité.

La neutralité sexuelle de la loi américaine Il est intéressant de noter l’absence totale de désignation des sexes dans le texte de la loi américaine. En effet, là où la loi française s’intitule « loi pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes », la loi américaine ne s’exprime qu’en termes neutres, en visant les identités sexuelles les unes par rapport aux autres. Refus d’accepter un fait de société, ou volonté d’obtenir des lois « neutres » (gender neutral, en anglais) ? Quoique cette entreprise soit noble, est-il raisonnable de vouloir à ce point gommer les différences entre les sexes en ne prenant en compte que la « personne » et non l’homme ou la femme, sans jamais reconnaître juridiquement les différences qui les distinguent ?

L’absence d’exceptions à l’égalité des salaires à l’article L140-2 Une autre différence observable a priori entre les deux textes de loi est l’absence, à l’article L140-2, d’exceptions au principe d’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. L’EPA, quant à lui, compte 3 exceptions limitatives et 1 exception large. Ceci prête à penser qu’ici encore le droit français va plus loin dans la protection des salariées, cette absence d’exception conférant au principe d’égalité une autorité telle qu’il ne semble pas possible d’y déroger. La tendance récente en jurisprudence américaine (arrêt Smith) semble au contraire indiquer l’élargissement des exceptions possibles au principe d’égalité, et porter atteinte par la même à l’autorité du principe. Cependant la jurisprudence française de l’article L140-2 du code du travail indique que l’employeur « ne méconnait pas le principe « à travail égal salaire égal » lorsqu’il justifie par des raisons objectives et matériellement vérifiables la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale » (Chambre sociale de la Cour de Cassation, 1er décembre 2005, arrêt n°03-47197). Il existe donc bien des justifications en droit français permettant à l’employeur de rémunérer différemment des employés effectuant des travaux de valeur égale. En application de ce principe, la chambre sociale de la Cour de Cassation retenait dans un arrêt du 28 avril 2006 qu’un employeur était en droit de rémunérer différemment une employée en raison de son statut d’intermittente du spectacle. Le critère retenu par la jurisprudence française des « raisons objectives et matériellement vérifiables », à la différence de ce qui a pu être observé en droit américain (cf arrêt Smith), exclut en revanche toute justification « déraisonnable » de la part d’un employeur. Le critère jurisprudentiel français s’apparente ainsi à l’interprétation restrictive retenant un critère de « raisonnabilité » (par opposition aux tribunaux ayant opté pour une interprétation littérale) de la quatrième exception de l’article 29 U.S.C.A § 206(d)(1) de l’EPA.

Le standard de comparaison entre les emplois des employés parties au litige. De façon plus substantielle, on peut noter la différence dans le standard de comparaison entre le travail d’une femme et celui d’un homme, permettant de justifier la contestation par une employée femme de son salaire par rapport à celui d’un employé homme. En droit français, le standard de comparaison est celui du « travail de valeur égale », qui correspond selon l’explication de l’alinéa 3 de L140-2 à un ensemble comparable d’éléments. En droit américain le standard de comparaison est celui du « travail égal », ou « substantiellement équivalent », selon le Code des Régulations Fédérales. Comme vu précédemment, le sens de « substantiellement équivalent » n’est pas évident à définir. Cependant, il apparaît certain que si les tribunaux peuvent donner des interprétations variées à l’expression « substantiellement équivalent », ce standard n’est pas suffisamment large pour contenir le terme « comparable ». Comme l’explique le tribunal dans un arrêt Brennan v. City Stores, Inc., 479 F.2d 235 (5th Cir. 1973), les travaux préparatoires de la loi indiquent que le Congrès « avait substitué le terme « égal » au terme « comparable » pour montrer que les emplois des deux parties au litige devaient être pratiquement identiques ». Ainsi, là où les critères permettant d’identifier la ressemblance entre les emplois sont presque identiques en droit français et américain (compétences, effort, responsabilités, conditions de travail pour l’EPA et connaissances professionnelles, capacités découlant de l’expérience acquise, responsabilités et charge physique ou nerveuse pour l’article L140-2), le standard permettant de juger de la similitude de ces critères entre les deux emplois en jeu est différent : le standard « substantiellement équivalent » apparaît plus restrictif que son pendant français de l’« ensemble comparable » d’éléments. Cette problématique est primordiale car se pose depuis plus de 20 ans déjà aux Etats-Unis la question de transformer le standard « substantiellement équivalent » en « comparable ». Ce mouvement dit de la « doctrine de la valeur comparable » (comparable worth doctrine), soutient que la rémunération des emplois en général occupés par les femmes devrait être la même que celle des emplois en général occupés par les hommes si les emplois, bien que différents, sont considérés comme étant de même valeur. Cette doctrine n’a pourtant pas eu beaucoup de succès devant les tribunaux américains(cf. l’arrêt American Federation of State, County, and Municipal Employees (AFSCME) v. State of Washington, 770 F.2d 1401 (9th Cir. 1985) qui avait conclu qu’en l’absence d’un motif discriminatoire, la loi ne permettait pas aux tribunaux fédéraux d’intervenir dans le système de rémunération.