La lutte contre le terrorisme en Allemagne
Cet article a pour objet de répondre à trois interrogations relatives à la lutte allemande contre le terrorisme.
1. Quelles sont les principales lois adoptées depuis 1970 en Allemagne pour lutter contre le terrorisme?
2. Quels sont les principaux engagements internationaux depuis 1970 de l'Allemagne pour lutter contre le terrorisme?
3. Présenter les principales décisions juridictionnelles nationales ou Européennes sur les pratiques liées à la lutte contre le terrorisme concernant l’Allemagne qui auraient mis en cause des droits et libertés.
Table des matières
Introduction
1. Les principales sources législatives allemandes de la lutte antiterroriste
2. Les engagements internationaux de l’Allemagne
3. Un domaine source de nombreux contentieux
A) Décisions allemandes
B) Décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme sur l’Allemagne
Conclusion
Sources
Introduction
Le 13 Novembre 2015, les attaques terroristes de Paris n’ont fait que rappeler le danger que représente le terrorisme contre lequel tant de pays luttent. Le fait que le match Allemagne - Pays-Bas ait dû être annulé mardi 17 novembre 2015 à Hanovre en raison de menaces concrètes d’attentat pesant sur la rencontre ne fait que confirmer le fait que le terrorisme est définitivement d’actualité dans ce pays.[1]
Il sera ici question des mécanismes mis en place en Allemagne pour lutter contre ce problème qu'il convient, dans un premier temps, de définir. Il est primordial d’insister sur le fait qu'il n'existe pas de consensus international sur la définition du terrorisme. Nous avons donc retenu la définition qu'en donnent, Alex Schmid, Michaël Dantinne et Vincent Seron (experts en terrorisme) :
« Le terrorisme est une méthode d’actions violentes répétées, engendrant l’anxiété, employée par des individus (semi-) clandestins, des groupes ou des acteurs étatiques, pour des raisons criminelles ou politiques, par laquelle – au contraire de l’assassinat – les cibles directes de la violence ne sont pas les cibles principales. Les victimes humaines immédiates de la violence sont généralement choisies au hasard (cibles d’opportunité) ou de façon sélective (cibles symboliques ou représentatives) au sein d’une population ciblée et, servent de générateur de message. Les processus de communication fondés sur la menace et la violence entre les organisations terroristes, les victimes et les cibles principales sont utilisés pour manipuler la cible principale, la transformant en une cible de terreur»[2].
Pour le combattre, de nombreux moyens pratiques ont été mis en place. Considéré comme l’initiateur des arsenaux anti-terroristes de ces dernières décennies, le "Patriot Act" américain a été une source d’inspiration pour les législateurs européens.[3] La France, suite à l'attentat contre l’hebdomadaire "Charlie Hebdo", consolide en ce sens un peu plus son dispositif sécuritaire qui avait été déjà initié depuis les années 1980[4] Toutefois nombreux sont ceux qui se méfient de l'exemple américain, à l’instar de l'ancien Premier ministre français Dominique de Villepin. Dans une tribune publiée le jeudi 8 janvier 2015, au lendemain de l'attaque sanglante il déclarait :
« L’expérience nous l’enseigne, les attaques terroristes favorisent le renoncement aux valeurs démocratiques, le souci de notre sécurité nous disposant à sacrifier les libertés de tiers, chez nous ou à l’étranger. La spirale de défiance créée aux Etats-Unis par le « Patriot Act » et la légitimation durable de la torture ou des détentions illégales a aujourd’hui plongé ce pays dans la perte de repères moraux »[5].
Les valeurs démocratiques ici désignées font référence à l'expression « droits et libertés fondamentaux » dont la source peut être trouvée en Allemagne. En effet, après la seconde guerre mondiale, la Constitution fédérale issue de la loi fondamentale du 23 mai 1949 a consacré la notion de « droits et libertés fondamentaux », en prévoyant que les droits et libertés dits fondamentaux de rang constitutionnel ne pourraient être modifiés par le législateur allemand.[6] C’est alors quant à sa difficile cohabitation avec les droit et libertés fondamentaux que la lutte contre le terrorisme pose question.
1. Les principales sources législatives allemandes de la lutte antiterroriste
L'Allemagne a des raisons historiques de craindre la restriction des droits et libertés fondamentaux sous couverture de lutte contre le terrorisme. En effet, en 1933, le « Reichstagsbrandverordnung » (décret de l'incendie du Reichstag)[7] supprima la plupart des libertés civiles et politiques établies par la Constitution et ouvrit la voie à l’installation de la dictature. Dans l’année qui suivit la proclamation du décret, la loi des pleins pouvoirs fut adoptée.[8] Les dérives sécuritaires ont donc déjà dramatiquement été expérimentées en Allemagne.
Années 1970
Au cours des années 1970, l'Allemagne fut confrontée au problème du terrorisme notamment par les actions et attentats de la fraction armée rouge (Rote Armee Fraktion).[9] Le 28 janvier 1972 a alors été adopté le décret sur les extrémistes connu en Allemagne fédérale sous la dénomination de « Radikalenerlass ». Il y est question essentiellement d’une disposition relative au statut des fonctionnaires antérieure à 1972, qui fait obligation aux agents de l’Etat de « s’engager à tout moment en faveur de l’ordre démocratique fondamental ». Le décret introduit la notion d’ »hostilité à la Constitution », le « Verfassungsschutz ».
Il en résulte que les candidats à la fonction publique devaient faire l'objet d'une vérification de leurs convictions.[10] On imagine facilement la difficile cohabitation de ce contrôle avec la notion de respect de vie privée.
A la suite, entre 1974 et 1978, quatre lois ont été adoptées ayant pour objet principal la lutte contre le terrorisme.[11] : La loi additionnelle à la première loi de réforme de la procédure pénale (Ergänzungsgesetz zum ersten Strafverfahrensreformgesetz) de 1974 qui permet entre autres, l’exclusion de l’avocat lors d’une procédure pénale; la loi de lutte contre le terrorisme (Anti-Terrorismusgesetz) de 1976[12][13], la loi sur la suspension des contacts (Kontaktsperregesetz) de 1977[14] et la loi portant modification du Code de procédure pénale (Gesetz zur Änderung der Strafprozessordnung) de 1978.[15]
Années 2000
A la suite des attaques terroristes du 11 Septembre, les Etats unis adoptaient une "Loi pour unir et renforcer l'Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme", dite "Patriot Act".[16] Dans cette lignée, des mesures législatives et administratives ont été adoptées par le législateur allemand afin de renforcer la sécurité. Deux « Dispositifs de sécurité » ont été créés dans le but de combattre les activités terroristes. Le dispositif de sécurité « I » avait pour but d’élargir aux organisations idéologiques extrémistes les mesures d’interdiction prévues par la loi sur les associations. Ces organisations se voient dès lors interdites si leurs activités ont pour objectif de commettre des infractions pénales ou si elles sont contraires à l’ordre constitutionnel.[17] Ces organisations terroristes sont spécifiquement visées aux articles 129a et 129b du Code pénal allemand « Strafgesetzbuch ».[18]
Le second volet de ce dispositif est entré en vigueur le 1er janvier 2002 (Loi sur la lutte contre le terrorisme international - Gesetz zur Bekämpfung des internationalen Terrorismus)[19]. Cette loi autorise les services de renseignement à demander des informations aux banques, aux entreprises de télécommunication, aux compagnies aériennes, entre autres. En outre, l’article 6a de la loi sur les activités bancaires, entrée en vigueur en novembre 2003, permet au ministère fédéral des finances de geler par décret administratif les avoirs des personnes soupçonnées d’être liées à des activités terroristes.[20]
En 2004 est également crée une institution spécialement dédié à la lutte contre le terrorisme le “Gemeinsame Terrorismusabwehrzentrum“ chargée d’améliorer la coopération dans ce domaine entre les différentes régions et l’Etat. Ce centre a essuyé de nombreuses critiques mettant en cause l’opacité du contrôle de l’utilisation de ces données de la part de l’association „Humanistische Union“ qui lutte pour la défense des droits des citoyens.[21]
La loi sur la sécurité aérienne « Luftsicherheitsgesetz » entrée en vigueur le 1 janvier 2005 a quant à elle connu ses derniers changements en septembre 2015. L’article 627 du règlement (Verordnung) du 31 aout 2015 a notamment été source de nombreuses discussions en Allemagne. (cf 3eme partie) [22]
Ces 5 dernières années, la menace terroriste a connu un renouveau, notamment avec l’apparition de nouveaux groupes terroristes comme celui de l’Etat islamique.
A l’automne 2014, le gouvernement allemand a annoncé le renforcement de la loi contre la propagande islamiste et, à cet effet, a décidé que toute activité de soutien de recrutement et de propagande en faveur de l'organisation Etat islamique est interdite. Tous les signes et symboles faisant référence à ce groupe sont bannis dans les rassemblements publics. Cette interdiction trouve sa source dans l’article 3-1 en relation avec l’article 15- 1 de la loi relative aux associations « Vereinsgesetz » en raison du trouble à l’ordre public que l’organisation Etat islamique génère.[23] [24]
Par ailleurs, en s’appuyant sur les recommandations de la résolution 2178 de l’Onu « Foreign Terrorist Fighters », une loi permettant de confisquer non seulement les passeports, mais aussi les cartes d'identité des candidats au djihad est également entrée en vigueur fin juin 2015 («Gesetz zur Änderung des Personalausweisgesetzes zur Einführung eines Ersatz-Personalausweises und zur Änderung des Passgesetzes»[25] [26].
Il est intéressant de noter que la loi n’interdit non pas un seulement fait, mais une intention. Pour être caractérisée une infraction peut aussi avoir pour origine un acte ou une omission. Là se trouve la difficulté principale de la lutte contre ce phénomène dans la mesure où il s’agit en grande partie de prévenir le terrorisme. Or ce régime préventif est dérogatoire au droit commun et susceptible de mettre à mal plusieurs droits, en particulier le principe de présomption d’innocence.
Enfin, le 16 octobre 2015, le Bundestag a approuvé le projet de loi concernant le temps de conservation des données informatiques, technique hautement utilisée dans la lutte contre le terrorisme. Cette loi doit encore être approuvée par le Bundesrat avant d’entrer en vigueur.[27] [28]
Le terrorisme ne connaissant pas de frontière, les réponses doivent être internationales.
C’est la raison pour laquelle l’Allemagne s’engage également sur le plan international pour lutter contre le terrorisme.
2. Les engagements internationaux de l’Allemagne
L’Allemagne est engagée dans la lutte contre le terrorisme et, dans cette même optique, elle intervient en tant que membre de nombreuses organisations internationales poursuivant cet objectif. L’Allemagne a signé la Convention européenne pour la répression du terrorisme de 1977 qui vise spécifiquement à faciliter l’extradition des auteurs d’actes de terrorisme.[29] L’Allemagne a signé et ratifié les treize conventions des Nations Unies relatives au terrorisme ; elle soutient également l’action du Conseil de sécurité de l’ONU et respecte les obligations découlant des résolutions adoptées par celui-ci comme l’a montré sa loi relative aux passeports des futurs djihadistes. L’Allemagne soutient aussi l’action du Comité contre le terrorisme (CCT) du Conseil de sécurité des Nations Unies, organe chargé d’étudier la mise en œuvre des sanctions dans les États membres de l’ONU.
L’Allemagne participe également au G8 où le problème du terrorisme a également été abordé. Cette conférence diplomatique s’est affirmée déterminée à lutter contre les sources de financement terrorisme (GAFI). Par ailleurs, le G8 a œuvré à plusieurs reprises à la conclusion de conventions sur l'entraide judiciaire et les extraditions afin de poursuivre et de juger, dans le respect des droits fondamentaux, les auteurs d'actes terroristes.[30]
L’Allemagne participe aussi activement à la lutte contre le terrorisme dans le cadre de l’Union Européenne notamment en appliquant les mesures énoncées dans la Déclaration du Conseil sur la lutte contre le terrorisme du 25 mars 2004 ainsi que la décision relative au mandat d’arrêt européen adoptées le 13 juin 2002 par le Conseil européen.[31] C’est par ailleurs sous l'impulsion de l'Allemagne que l'idée de la création d'un Office européen de police avait été retenue lors du Sommet européen de Luxembourg en 1991. Sa mise en place fut entérinée par le Traité de Maastricht. Cet organisme a notamment pour but de faciliter l’échange de renseignements entre polices nationales en matière de terrorisme.
Au niveau européen, le mandat d’arrêt, entré en vigueur en 2004, représente un outil indispensable de la lutte contre le terrorisme. Ce mécanisme a pour but de remplacer le système de l’extradition en imposant à chaque autorité judiciaire nationale de reconnaître la demande de remise d'une personne formulée par l'autorité judiciaire d'un autre Etat membre, dans le cadre de l'exercice de poursuites pénales ou de l'exécution d’une peine ou d’une mesure privative de liberté.[32] [33] [34]
Il reste que la lutte contre le terrorisme implique régulièrement des dangers pour les libertés fondamentales.
Dans son rapport du 31 mai 2005 708, Amnesty International critiquait les mesures européennes de lutte contre le terrorisme:
« Certains argumentent que la menace "terroriste" justifie la limitation ou la suspension des droits de l’homme. Même l’interdiction de torture (...) a été remise en question. L’argument central de ce rapport est que la sécurité est mise en danger non pas par le respect des droits de l’homme mais bien par la violation de ceux-ci. (...) Malheureusement, dans le raz de marée des initiatives antiterroristes récentes, aussi bien dans l’Union européenne qu’ailleurs, le concept des droits de l’homme ainsi que celui de la nécessité de règles de droit comme base pour une vraie sécurité ont été réduits à une pure rhétorique. Dans sa politique et sa législation sur l’antiterrorisme, l’Union européenne n’a pas réussi jusqu’à ce jour de formuler des réponses adéquates en ce qui concerne le problème des droits fondamentaux (...)»[35]
Dans leur rapport pour 2002, le réseau d'experts indépendants mis en place par la Commission européenne pointait déjà également ces insuffisances
« L'imprécision de la définition du terrorisme qui figure dans la décision-cadre du 13 juin 2002, non levée par la transposition dans les droits nationaux, contient un risque d’atteintes au principe de légalité des délits et des peines inscrit à l'article 7 de la convention
Européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales » [36] [37]
Ces imperfections sont la cause des nombreux procès dans ce domaine.
3. Un domaine source de nombreux contentieux
La lutte contre le terrorisme a donné lieu à une jurisprudence importante, tant au niveau allemand qu’européen.
A) Décisions allemandes
De nombreuses dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ont été contrôlées par les juges allemands, et nombreuses aussi ont été validées.
*Dans les années 1970, suite à la mise en place du décret sur les extrémistes, « Radikalerlass », la Cour Constitutionnelle allemande (Bundesverfassungsgericht), dans une décision 22 mai 1975, refusa de censurer ce décret.[38]
*En 1978, c’est la loi sur la suspension des contacts (Kontaktsprerregesetz) qui fut déclarée conforme au droit constitutionnel allemand dans une décision du 1er aout 1978.[39]
* Le 15 février 2006,toutefois, la Cour constitutionnelle allemande a estimé que l’article 14 -3 de la loi de sécurité aérienne « Luftsicherheitsgesetz (LuftSiG) » qui autorisait l’utilisation d’armes dans le but de détruire l’avion en cas de force majeure mettant potentiellement en danger des vies humaines allait à l’encontre des droits fondamentaux notamment l’article 2 -2 de la loi fondamentale (Liberté d’agir, liberté de la personne) et l’article 1 de cette même loi concernant la dignité de l'être humain. L’article fut en conséquence déclaré non-conforme à la Loi Fondamentale, entrainant sa nullité.[40]
* La même année, la Cour constitutionnelle allemande, rendait un autre arrêt en date du 4 avril 2006 relatif au quadrillage informatif systématique « Rasterfahndung » mis en place suite aux attaques terroristes du 11 septembre, 2001. Il s’agit d’une méthode particulière de poursuite qui utilise les données informatiques. La Cour a estimé cette méthode conforme aux droits et libertés fondamentaux, mais seulement en cas de danger concret « konkreteGefahr » tel qu’une atteinte à la sécurité du pays, d’une région ou de la vie d’une personne.[41]
*La loi entrée en vigueur en 2008 en Allemagne transposant directive 2006/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 sur « la conservation de données générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communication », a également été source de contentieux. .
L’objectif principal de cette directive était d’harmoniser les dispositions des États membres sur la conservation de certaines données générées par les fournisseurs de services de communications électroniques accessibles au public. Le but était de garantir la disponibilité de ces données à des fins de prévention, de recherche et de poursuite d’infractions graves notamment liées au terrorisme. Par un arrêt du 2 mars 2010, la Cour constitutionnelle allemande considéra que ces dispositions législatives ne prévoyaient pas assez de garanties pour protéger le secret des correspondances électroniques. En effet, pour la Cour, la proportionnalité du contrôle des données n’aurait été justifiée qu’en cas de soupçon de fautes lourdes. « Verdacht einer schweren Straftat » anticonstitutionnelles et donc nulles.[42][43]
La Cour de justice de l'Union européenne a d’ailleurs elle-même invalidé la directive 2006/24/CE le 8 avril 2014 pour violation de la Charte européenne des droits fondamentaux. La directive comportait, pour la Cour de justice de l’Union européenne, une ingérence d’une gravité particulière dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles respectivement énoncés aux articles 7 et 8 de la Charte européenne des droits fondamentaux. [44][45]
La problématique des données informatiques fut également le sujet principal de l’arrêt du 24 avril 2013 dans lequel la Cour constitutionnelle allemande considéra que l’utilisation de fichiers informatiques dans la lutte contre le terrorisme était, dans son essence même, compatible avec les droits fondamentaux «…Grundstrukturen mit dem Grundgesetz vereinbar ...» mais pas dans son interprétation ni dans certains cas de mise en oeuvre. La Cour considéra par exemple que l’inclusion illimitée de données dans la base de donnée antiterroriste viole le secret des télécommunications garanties à l’article 10 de la loi fondamentale[46]
Les mesures combattant le terrorisme ne furent pas seulement source de contentieux pour des tribunaux nationaux. L’Allemagne a également été à la source de plusieurs décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme.
B) Décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme sur l’Allemagne
Il existe peu de décisions de la Cour européennes des droits de l’homme concernant l’Allemagne sur le terrorisme au regard d’autres Etats, comme la Turquie par exemple.
* La première décision est celle du 6 septembre 1978, rendue sur la question délicate de la prévention du terrorisme (Klass et autres contre Allemagne)[47]
L’affaire concerne l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la correspondance. Des avocats contestaient la législation allemande qui permettait aux autorités de surveiller leurs correspondances et leurs communications téléphoniques.
La Cour a conclu à la non violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui proclame le droit de toute personne au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Affirmant que les sociétés démocratiques se trouvent menacées par le terrorisme, la Cour a estimé que l’existence de dispositions législatives accordant des pouvoirs de surveillance secrète était, devant une situation exceptionnelle, « nécessaire dans une société démocratique » à la sécurité nationale.
*Même s’il n’y est pas directement question de terrorisme, on peut relever l’arrêt du 26 septembre 1995 (Vogt contre Allemagne), lors duquel la Cour jugea que la révocation de Mme Vogt de ses fonctions d’enseignante au sein de la fonction publique du Land de Basse-Saxe en raison de ses activités politiques au sein du Parti communiste allemand avait violé les articles 10 (art. 10) (liberté d’expression) et 11 (art. 11) (liberté d’association) de la Convention. Ce licenciement effectué sur la base du décret contre les extrémistes « Radikalerlass » confirma la condamnation qu’en avait déjà fait la Cour constitutionnelle allemande.[48]
*En 2001, la Cour a également eu à connaître la question de la protection des correspondances. Dans l’affaire « Erdem contre Allemagne » où concernant le contrôle de la correspondance du requérant avec son avocat, la Cour a examiné la place de la disposition juridique discutée dans le système juridique allemand. Elle a conclu que la législation ayant pour source la lutte contre le terrorisme et ayant pour objectif premier d’empêcher que l’individu continue de travailler pour l’organisation terroriste dont il serait membre, une conciliation était nécessaire entre la défense de la sécurité de la société, et les garanties assurées au cours du contrôle de la correspondance. La Cour, dans un arrêt en date du 5 octobre 2001, a donc considéré que cette ingérence n’était pas disproportionnée au regard des buts légitimes poursuivis.[49]
Conclusion
Les pays démocratiques ont à faire face au danger du terrorisme. Pour éviter tout débordement sécuritaire, des instances ont pour mission de veiller à ce que les droits et liberté fondamentaux soient respectés, tant au niveau national qu'européen. Cependant, même ces institutions prévoient des limites. Le fait que la France le mercredi 24 novembre a alerté le Secrétaire général du Conseil de l’Europe du fait qu’elle risque de devoir déroger à la Convention européenne des droits de l’homme, suite à la déclaration de l’état d’urgence dans tout le pays, illustre bien les limites admises par ce système. En effet, l’article 15 de la Convention prévoit la possibilité d’une telle dérogation en cas de danger public menaçant la vie de la nation. Les pays signataires peuvent ainsi "prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure où la situation l’exige et ce uniquement en cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation"[50]. D’autres Etats membres avaient exercé ce droit de dérogation par le passé.
Il reste que comme le soulignent David Hoffman et John Rowe. « Si nous acceptons trop de restrictions à nos droits les plus élémentaires, quand bien même l’objectif raisonnable est celui de la sécurité, alors nous risquons de céder au terrorisme – de donner aux terroristes la victoire qu’ils visent en renonçant à l’essence même de notre société libre et démocratique, la véritable cible du terrorisme »[51].
Sources
Littérature:
Schulte, Philipp H.: «Terrorismus und Anti-Terrorismus-Gesetzgebung», Waxmann Verlag Münster, 2008
Schmid; Dantinne ; Seron : «Chronique de criminologie» au sein de la Revue de droit pénal et de criminologie, éd. La Charte, 2003
Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme (2002/475/JAI)
Sources internet :
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[2] Dantinne, Seron, 2003, ,pp. 840 à 875
[3] https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00730914/document
[4] http://www.gouvernement.fr/action/la-lutte-contre-le-terrorisme
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[6] http://www.bpb.de/izpb/155906/geschichte-der-grundrechte?p=all
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[8] Https://www.dhm.de/lemo/kapitel/ns-regime/etablierung-der-ns-herrschaft/reichsta...
[9] http://www.bpb.de/geschichte/deutsche-geschichte/geschichte-der-raf/
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[11] https://www.coe.int/t/dlapil/codexter/Source/country_profiles/CODEXTER_P...
[12] http://www.1000dokumente.de/pdf/dok_0071_stg_de.pdf
[13] http://www.gesetze-im-internet.de/bundesrecht/stgbua_ndg/gesamt.pdf
[14] https://www.bundestag.de/dokumente/textarchiv/2012/40721149_kw39_kontakt...
[15] vgl. Schulte, 2008, S.142
[16] http://www.gpo.gov/fdsys/pkg/PLAW-107publ56/pdf/PLAW-107publ56.pdf
[17] https://www.coe.int/t/dlapil/codexter/Source/country_profiles/CODEXTER_P...
[18]http://www.gesetze-im-internet.de/bundesrecht/stgb/gesamt.pdf p. 81
[19] http://www.bmi.bund.de/SharedDocs/Downloads/DE/Gesetzestexte/Terrorismus...
[20]http://www.bafin.de/SharedDocs/Downloads/DE/Jahresbericht/dl_jb_2003_a.p...
p. 72 du rapport annuel du ministère des finances, dernier paragraphe
[21]http://www.humanistische-union.de/publikationen/mitteilungen/beitraege/j...
[22] http://www.gesetze-im-internet.de/bundesrecht/luftsig/gesamt.pdf
[23] https://www.bundesregierung.de/Content/DE/Artikel/2014/09/2014-09-12-is-...
[24] http://www.bmi.bund.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2014/09/verbot-i...
[25] https://www.bundestag.de/presse/hib/2015_03/-/363456
[26] http://dipbt.bundestag.de/extrakt/ba/WP18/647/64797.html
[27] https://www.bundestag.de/dokumente/textarchiv/2015/kw42_ak_vorratsdatens...
[28] https://www.bundestag.de/dokumente/textarchiv/2015/kw42_de_vorratsdatens...
[29] http://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/rms/090000...
[30] http://www.fatf-gafi.org/fr/aproposdugafi/
[31] Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme (2002/475/JAI)
[32] https://www.europol.europa.eu/content/page/about-us
[33] http://www.auswaertiges-amt.de/DE/Aussenpolitik/GlobaleFragen/Terrorismu...
[34] http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:l33167
[35] http://www.amnesty.eu/static/documents/2005/counterterrorism_report_fina...
[36] http://www.senat.fr/rap/r08-246/r08-2461.html
[37]https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00730914/document
[38] https://www.jurion.de/Urteile/BVerfG/1975-05-22/2-BvL-13_73
[39] http://www.servat.unibe.ch/dfr/bv049024.html
[40] BVerfG, Urteil des Ersten Senats vom 15. Februar 2006 - 1 BvR 357/05 - Rn. (1-156)
[41] BVerfG, Beschluss des Ersten Senats vom 04. April 2006 - 1 BvR 518/02 - Rn. (1-184)
[42] http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/?uri=CELEX:32006L0024
[43]http://www.bundesverfassungsgericht.de/entscheidungen/rs20100302_1bvr025...
[44] http://www.cnil.fr/linstitution/actualite/article/article/la-directive-2...
[45] http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=150642&doclang=FR
[46]BVerfG Urteil vom 24. April 2013 - 1 BvR 1215/07
[47]http://hudoc.echr.coe.int/eng#{%22fulltext%22:[%22klass%20allemagne%22],%22documentcollectionid2%22:[%22GRANDCHAMBER%22,%22CHAMBER%22],%22itemid%22:[%22001-62068%22]}
[48] http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-62559#{%22itemid%22:[%22001-62559%22]}
[49] http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:SmWLi6K8pqQJ:https:...
[50]Site du conseil de l‘Europe (Sources internet)
[51] http://blogs.u-paris10.fr/content/propos-des-d%C3%A9rogations-%C3%A0-la-...