Le contrôle a posteriori de constitutionnalité des lois en France et en Italie en matière civile et aspects procéduraux. Par Elena BESSIN - PENNINI

Le contrôle a posteriori de constitutionnalité des lois est « la possibilité de tout justiciable  de soulever devant son juge » ou par lui  « la question de la constitutionnalité de la loi applicable au litige dont il est partie ».

Ce mécanisme se retrouve en France et en Italie. Si un tel contrôle a été prévu en Italie à l’origine dès la Constitution de 1948, il n’a été introduit en France que tardivement lors de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008[1], entrée en vigueur le 1er mars 2010. L’ordre juridique français disposait avant la réforme d’un seul contrôle de constitutionnalité : le contrôle a priori. Celui-ci, limité, présentait certaines carences dès lors qu’aucun autre mécanisme n’était mis en place. En effet, le contrôle de la constitutionnalité des lois avant leur promulgation n’est obligatoire que lorsqu’il s’agit d’une loi organique et les règlements des assemblées. A l’inverse, c’est au bon vouloir des organes politiques de manière individuelle, comme le Président de la République par exemple, ou de manière collective – 60 députés ou 60 sénateurs – qu’est saisi le Conseil constitutionnel pour décider de la conformité de la loi non encore promulguée à la Constitution. Il s’avère alors que des dispositions législatives pouvant être entachées d’incompatibilité constitutionnelle sont en vigueur dans notre ordre juridique. L’institution d’un contrôle a posteriori devenait de ce fait une nécessité, à laquelle le législateur répondit en s’inspirant notamment du droit italien tout en l’adaptant à sa propre culture juridique.

Une confrontation de l’article 1er de la loi constitutionnelle n°1 de 1948[2]  qui met en œuvre l’art. 134 de la Constitution italienne et de l’art. 61-1 de la Constitution française de 1958 nous permet de réaliser une première vue d’ensemble des deux contrôles.

Le premier dispose que «  la question de constitutionnalité d’une loi ou d’un acte ayant force de loi de la République relevée d’office ou soulevée par l’une des parties au cours d’un procès, et non considérée par le juge comme manifestement infondée, est renvoyée à la Cour constitutionnelle afin qu’elle puisse la trancher.[3] », tandis que le second nous dit : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »

On relève une première similitude. Les deux ordres juridiques mettent en place ce mécanisme par le biais d’un recours indirect : la question de constitutionnalité doit être soulevée au cours d’un procès. D’où le terme italien de « procès incident de constitutionnalité ».

Des premières différences apparaissent en revanche quant à la fonction, au rôle du juge et à la délimitation de la question de constitutionnalité.

La première différence se constate au regard du juge qui peut renvoyer ou non la question au juge constitutionnel : en Italie, il apparaît que tout juge peut la renvoyer, quel que soit le degré d’instance et aucun régime différent n'est prévu suivant qu'il s'agisse du juge du fond ou du juge du droit. En revanche, l’art. 61-1 de la Constitution française annonce un double filtre : le premier se situe au niveau de la juridiction devant laquelle l’instance est en cours et le second, dans le cas où le juge du fond décide de renvoyer ladite question, est effectué par les Hautes juridictions (Conseil d'Etat ou Cour de cassation) selon la nature du litige. On se concentrera, ici, sur le filtre exercé par la Cour de Cassation lors de notre étude.

Une autre différence apparaît quant à l’office du juge : le droit italien permet au juge de soulever la question de constitutionnalité d’office, (art. 23 de la loi du 11 mars 1953). En revanche l’emploi du terme « soutenu[4]» dans l’art. 61-1 de la constitution, traduit cette impossibilité en droit français. Elle est affirmée à l’art. 23-1 al. 1er ord. 58- 1067[5], confirmée par la décision du CC, 3 décembre 2009, 2009-595 DC, JO, 11 déc. 2009, p. 21381 cons.n°9. C’est une différence majeure notamment quant au rôle que l’on souhaite accorder à la question de constitutionnalité. La question de constitutionnalité en droit italien apparaît comme un « moyen d’ordre public »[6], le juge doutant de la légitimité constitutionnelle d’une disposition, tout comme la partie à l’instance, pouvant transmettre leur interrogation au juge constitutionnel. En droit français, cette possibilité ne s’adresse qu’au justiciable, et l’on ne peut dans un sens que le regretter si l’on estime que la conformité d’une loi à la Constitution est dans l’intérêt de chacun. En effet, une partie à l’instance pourrait ne pas soulever ce moyen pour différentes raisons, sans remède possible pour le juge. Pour reprendre une analyse de Franck Lafaille : « Il faut sans doute voir dans cette conception restrictive de l’office du juge la volonté de ne pas porter atteinte au monopole d’appréciation de la Constitution par le Conseil Constitutionnel ». Cependant, ce n’est pas à nos yeux qu’une simple possibilité d’émettre un doute sur la constitutionnalité d’une loi, dont il n’appartiendra qu’au Conseil d’en apprécier la conformité.

En outre, le droit italien ne semble pas se limiter, contrairement au droit français, aux seules atteintes aux droits et libertés que la Constitution garantit. Tant l’art. 1er de la loi constitutionnelle n°1 de 1948 que l’art. 134 de la Constitution italienne se réfèrent aux « questions de constitutionnalité » et aux « questions relatives à la légitimité constitutionnelle ».  Il s’ensuit que le droit italien n’entend pas délimiter la question de constitutionnalité dans un objet particulier. Si ceci nous semble judicieux en l’absence d’un autre contrôle, on peut en revanche s’interroger sur l’engorgement de la Cour Constitutionnelle italienne et plus largement sur le souci de l’ordre juridique italien de respecter le principe du délai raisonnable.

Cette première approche nous a permis de mettre en exergue les différences fondamentales de ces deux mécanismes. Il convient désormais d’observer l’organisation d’un tel contrôle en droit français et en droit italien dans le procès civil, en insérant dans cette analyse des aspects procéduraux.

Dans un premier temps, nous observerons les conditions d’admissibilité et de recevabilité de la question face aux différents juges auxquels la question est soumise, et dans un second temps les différentes décisions des juges et leur impact sur le procès en cours et sur l’ordre juridique de manière générale.

 

Les conditions de soumission de la question de constitutionnalité aux juges

 

Les conditions de recevabilité des questions de constitutionnalité sont plus spécifiquement posées en droit français à l’art. 23-2 de l’ord. 58-1067 pour celles concernant la juridiction ordinaire (une des conditions étant différente concernant le contrôle des juridictions suprêmes) et à l’art. 23 al. 2 de la loi 87 de 1953 en droit italien. Ces textes ne renferment pas les conditions, pourtant existantes, relatives à la juridiction et à la nature de la disposition objet de la question de constitutionnalité.

 

Juridiction, nature de la disposition objet de la question  et délimitation de l’objet auquel elle doit être confrontée.

Une première question se pose : quel juge peut renvoyer au juge constitutionnel la question de constitutionnalité d’une loi ?

La Cour constitutionnelle italienne doit vérifier si celui qui a rendu l’ordonnance de renvoi a un « pouvoir légitime », une « légitimité à agir », pour soulever une question de constitutionnalité. La liste des juridictions pouvant poser une question de constitutionnalité est plus   extensive en droit italien qu’en droit français. L’art. 1er de la loi const. de 1948 mentionne le « juge », et l’art. 23 de la loi n°87 de 1953 « toute autorité juridictionnelle ». Le droit français limite la possibilité de poser la question devant les seules « juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ». (art. 23-1 de la loi org. du 10 déc. 2009[7], à la suite de l’art. 61-1.) Ainsi, tant le tribunal des Conflits, la Cour supérieure d’arbitrage, les Autorités Administratives Indépendantes (AAI) exclues. Les Cours d’assises le sont également. A l’inverse, le droit italien ne semble pas imposer de restriction quant aux juridictions pouvant poser la question de constitutionnalité.  Dans deux arrêts[8] il a défini ce qu’il entendait par « autorités juridictionnelles » et a admis que des commissions et autorités équivalentes aux AAI, ou encore les tribunaux arbitraux puissent soulever une question de constitutionnalité par une procédure incidente.

Une deuxième question concerne la nature de la disposition en cause.  Le droit français utilise les termes de « disposition législative » et le droit italien de « lois et actes ayant force de loi de l’État et des régions ». De premier abord, les deux ordres juridiques n’affichent pas de différence. De façon plus approfondie, en revanche, on constate que le spectre des normes pouvant être contestées est plus large. Le droit français comprend les lois ordinaires, les  ordonnances ratifiées et les lois du pays de Nouvelle- Calédonie. A l’inverse, tant les lois organiques que les lois référendaires sont soumises au contrôle a priori et le législateur a estimé qu’un doute de constitutionnalité ne pouvait être soulevé dès lors que préalablement à leur application elles avaient déjà bénéficié d’un contrôle. Le droit italien est encore une fois moins restreint. Toutes les lois peuvent faire l’objet d’une question de constitutionnalité, qu’elles soient ordinaires, référendaires ou organiques. La Cour Constitutionnelle en vérifie la procédure d’adoption si celle-ci est remise en cause mais leur matérialité également.

La troisième question se pose au regard de l’objet auquel doit  porter atteinte la norme sur lequel pèse le doute de constitutionnalité. A nouveau, on note une restriction en droit français : seules peuvent être soumises à question les dispositions, ou l’interprétation jurisprudentielle de celles-ci, « portant atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit »,. Le droit italien n’établit pas une telle limite, et il semble alors que toute question portant sur la constitutionnalité d’une loi puisse être posée tant sur la procédure à laquelle elle a été soumise que son atteinte aux droits et garanties.

Ces deux dernières questions traduisent la réticence historique française de soumettre au Conseil Constitutionnel les lois lui permettant de remettre en cause ce qui a été voté au Parlement. A l’inverse le droit italien n’hésite pas ,et nous le verrons notamment lorsque nous aborderons le déroulement du « procès constitutionnel »

Ces précisions préalablement définies, nous pouvons poursuivre notre étude en nous intéressant au filtre que le juge est tenu d’exercer.

 

Le caractère déterminant de la question sur le procès en cours

C’est le « lien logique qui unit le procès constitutionnel au procès au cours duquel est née la question »[9].

En Italie, la condition de la rilevanza se déduit de l’art. 23 de la loi du 11 mars 1953 n°87 « le procès ne peut être tranché indépendamment de la résolution de la question de légitimité constitutionnelle ». Le droit français exige, lui, que  la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, ou qu’elle constitue le fondement des poursuites.  Ici les deux conditions sont semblables et montrent bien le rapport entre la question posée et le procès en cours.

 

Le caractère sérieux de la disposition

On lui attribue le rôle de « filtre ».  Le but étant de ne pas engorger le Conseil constitutionnel ou la Cour constitutionnelle de questions inutiles, « fantaisistes et dilatoires »[10]. En droit italien, on parle de non manifesta infondatezza  de la question : elle ne doit pas être manifestement infondée. Elle doit d’apparence être pertinente. La vérification des conditions par le juge italien se limite à celles-ci. Si elles sont remplies, il doit, indépendamment de l’accord des parties, renvoyer la question à la Cour constitutionnelle.

En France, le juge ordinaire vérifie si la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux. La circulaire du 24 février 2010[11]  précise, cependant, la simple appréciation que doit en faire le juge, sans que celui-ci se lance dans un jugement de pré-constitutionnalité qui ne lui appartiendrait pas. Cette condition « impose une analyse sommaire de la compatibilité de cette disposition avec les droits et libertés que la Constitution garantit » (p.23 de la circulaire).

Le contrôle du caractère sérieux de la question par le juge suprême est une condition alternative à une troisième condition qui vient s’ajouter face à lui et qui est une particularité française.

 

Une particularité française : le caractère « nouveau » de la question posée

Le juge français vérifie que « la question est nouvelle ou qu’elle présente un caractère sérieux ». La condition est alternative. En ce qui concerne la question nouvelle, elle ne doit pas déjà avoir « été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ». Cette condition de la « question nouvelle » est source de contraintes, les avocats et les juges devant désormais connaître la jurisprudence constitutionnelle. Elle requiert une analyse précise des décisions du juge constitutionnel. On verra, qu’à l’inverse, le juge italien peut soulever une question de constitutionnalité à la Cour constitutionnelle quand bien même celle-ci s’est  déjà prononcée sur la disposition en question.  Le législateur a voulu rendre alternative la condition du caractère sérieux et de la question sérieuse afin que « les juges judiciaires (…) ne tranchent eux-mêmes des questions non résolues par le Conseil constitutionnel sous prétexte que la difficulté n’est pas assez sérieuse pour qu’ils ne puissent la résoudre eux-mêmes en écartant la question ».[12] C’est une manière d’affirmer la fonction interprétative du Conseil Constitutionnel.

 

Après avoir vérifié l’existence de ces conditions, le juge ordinaire et/ou suprême dans le cas français, devra décider de transmettre, ou non, la question. Ces décisions des différents juges sont soumises à des procédures particulières et produisent différents effets.

 

Les décisions des juges : impacts sur le procès en cours et l’ordre juridique

Les décisions de renvoi et de non-renvoi au juge constitutionnel

En France, on a vu que la question de constitutionnalité faisait, en principe, l’objet de deux « filtrages », sauf lorsqu’elle est posée directement à l’occasion d’un pourvoi en cassation, auquel cas elle sera le seul intermédiaire. Les décisions de renvoi ou de non-renvoi appartiennent tant au juge de la juridiction ordinaire qu’à la Cour de cassation. Quelle que soit la finalité de la décision, négative ou positive, celle-ci doit être motivée. 

Le juge ordinaire adresse sa décision dans un délai de 8 jours à la Cour de cassation (on notera que le délai est le même pour la transmission du juge de droit au juge constitutionnel), à qui il transmettra les mémoires et conclusions des parties, afin que le juge suprême puisse avoir un aperçu du procès en cours. Les parties sont mises au courant par notification et disposent d’un délai d’un mois pour présenter leurs observations (art. 126-7). S’il décide de ne pas transmettre la décision, il devra motiver ce refus. 

Dans l’hypothèse où le juge suprême ou constitutionnel est déjà saisi de la même question sur les mêmes dispositifs, il peut surseoir à statuer, en attendant la décision au fond (art. 126-5 CPC), sauf en cas d’urgence. On précise qu’aucun recours n’est possible contre les décisions de transmission (art. 23-2 Ord.58-1067[13]). À l’inverse, les parties peuvent former un recours contre celles la refusant.

Afin d’éviter tout blocage de la part du juge suprême, et de donner une certaine rapidité au procès,  la Cour de cassation doit statuer dans un délai de 3 mois, à défaut la transmission au Conseil constitutionnelle est automatique.  

En Italie, si le juge a quo renvoie la question devant la Cour constitutionnelle, lorsque l’ordonnance de renvoi parvient au président de la Cour, celui-ci doit la publier et en vérifier la régularité (il s’ensuivra peut-être un arrêt d’irrecevabilité). Les parties  disposent d’un délai de 20 jours pour se constituer, mais ceci est facultatif (art. 23 de la loi du 11 mars 1987). La Cour devra se prononcer dans tous les cas.

Dans le cas où le juge a quo décide de ne pas renvoyer la question, en cas notamment de manifeste manque de bien fondé, le juge a quo  devra rendre sa décision au fond dans le cas où l’instance n’est pas éteinte. Cette décision doit être motivée et ne sera pas renvoyée devant la Cour constitutionnelle. Dans l’hypothèse où le juge a quo décide de la renvoyer mais que le juge constitutionnel estime que la question n’est pas fondée, il doit motiver cette décision et le juge a quo devra poursuivre son jugement au fond.

On assiste dans les deux ordres juridiques au respect du principe du contradictoire et à la nécessité de motiver ces décisions afin que les parties puissent y répondre.. Il nous semble en effet nécessaire que le doute ne s’installe pas et qu’il permette une reprise rapide de l’affaire au fond.

La publication des ordonnances de renvoi permet, tant pour les acteurs juridiques – les juges doivent faire preuve de prudence s’ils sont amenés à appliquer la disposition en cause dès lors qu’elle fait l’objet d’un procès constitutionnel  – , que le pouvoir législatif et exécutif d’être informés de l’étude de la conformité d’une disposition à la Constitution. Notamment en Italie où le Gouvernement et le Parlement peuvent après avoir pris connaissance des motivations de l’ordonnance de renvoi prendre des mesures pour modifier le droit positif avant que soit rendue la décision de la Cour. Cette possibilité pourrait laisser penser qu’elle instaure une instabilité. Mais on ne peut que se satisfaire de la possibilité pour le législateur d’intervenir sur une loi du fait qu’un doute existe sur sa constitutionnalité afin de la préciser ou de la modifier selon les critiques exposées dans l’ordonnance de renvoi. Cette possibilité met en exergue un dynamisme entre législateur et juge constitutionnel.

A partir du moment où le juge constitutionnel est saisi de la question, dans les deux ordres juridiques, son office est indépendant du procès en cours. En France (art. 23-9 Ord. 58-1067) et en Italie, (art. 22 l. 11 mars 1953 n°87)[14]l’extinction de l’instance sous laquelle la question a été posée n’a pas d’incidence sur l’examen de la question par le juge constitutionnel.

 

Les décisions de fond : décision de constitutionnalité ou d’inconstitutionnalité de la question

Les décisions de la Cour constitutionnelle italienne n’ont pas autorité de la chose jugée, celles-ci peuvent être soulevées plusieurs fois. .Ceci traduit le fait que la constitutionnalité d’une loi s’exprime à travers son application, à travers le fait. Le droit est ainsi mouvant en fonction de la situation. Tandis qu’en France, la condition de « la question nouvelle » traduit le fait que les décisions du Conseil constitutionnel ont pour effet « l ‘équivalent de l’autorité absolue de la chose jugée »[15] sur le fondement de l’art. 62 al. 2 de la Constitution.[16] Seul le « changement de circonstances » laisse une possibilité de soulever à nouveau la question devant le Conseil constitutionnel.

 

En droit italien, dès lors que la question est parvenue au président de la Cour, celui-ci doit la publier afin d’informer les magistrats, les citoyens, qu’une question se pose quant à la constitutionnalité d’une disposition.

En France, le juge constitutionnel doit informer le Président de la République, le Premier ministre et les présidents des deux chambres afin que ces derniers puissent émettre des observations.  Le Conseil constitutionnel statue dans un délai de 3 mois. L’audience est en principe publique, comme en Italie. Les décisions des juges constitutionnels sont notifiées aux parties et motivées. On rappelle le caractère contradictoire du procès constitutionnel en cas de présence des parties qui sont libres ou non de se constituer en France comme en Italie. Le procès constitutionnel en France comme en Italie est marqué par cette indépendance.

 

En Italie, les décisions de rejet de la question déclarent la question « non fondée » ou « manifestement infondée ». Elles ne sont pas publiées, mais le Journal Officiel donne « des nouvelles « sommaires » »[17]de ces arrêts. En droit français, le Conseil constitutionnel déclarant la disposition conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit. Les arrêts de rejet ou de constitutionnalité, ont pour effet de « renforcer la valeur légale » de la disposition mise en cause et lui donner « un fondement constitutionnel »[18].

 

Les arrêts d’inconstitutionnalité en Italie ont une certaine efficacité, à défaut d’autorité de chose jugée. Non seulement elles ont un effet erga omnes, mais encore, selon l’art. 136 de la Constitution[19], la disposition déclarée inconstitutionnelle cesse de produire des effets dès sa publication, que ce soit pour l’avenir, mais aussi pour les rapports en cours. A la lecture de l’art. 30 de loi n°87 de 1953, les arrêts ont aussi un effet rétroactif.  En France, l’art. 62 de la Constitution prévoit que la décision est abrogée (à compter de la publication ou à une date ultérieure). Il « détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ». Le conseil peut prévoir l’interprétation que doit avoir telle ou telle disposition.

Les juges constitutionnels peuvent rendre des arrêts d’admission partielle, en ce que seulement une partie de la disposition ou de l’interprétation de la disposition est considérée inconstitutionnelle. Une typologie de différents types d’arrêts a pu être déterminée[20]. Il tient une différence cependant entre le droit français et le droit italien. Le droit français, pour remédier à l’insécurité juridique que peut poser la déclaration d’inconstitutionnalité d’une loi, permet au Conseil constitutionnel de différer les conséquences de cette déclaration, en « déterminant les conditions et limites dans lesquels les effets que la disposition a produit sont susceptibles d’êtres remis en cause ».

Le droit français s’est ainsi imprégné du système italien en l’adaptant à son propre droit et à ses institutions afin de combler une carence importante. Le justiciable est désormais partie active à l'application Constitution.

 

Bibliographie

Textes :

Droit français :

  • Art. 61-1 de la Constitution
  • Art. 29 de la Loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008, publiée au JORF du 24 juillet 2008, p. 11890
  • Loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, publiée au JOFR n°287 du 11 décembre 2009, p.21379
  • Circulaire du 24 février 2010, CIV/04/2010, présentant la question prioritaire de constitutionnalité
  • Ordonnance no 58­ 1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de la loi constitutionnelle no 2008­724 du 23 juillet 2008
  • Art. 126-1 à -13 du Code de Procédure civile.

Droit italien :

  • Loi n° 87 du 11 mars 1953 relative aux dispositions sur la Constitution et sur le fonctionnement de la Cour constitutionnelle (Gazzetta ufficiale, 14 mars 1953 n°62) 
  • Art. 134, 136, de la Constitution italienne

Manuels :

  • S. Guinchard et alii, Droit Processuel – Droit fondamentaux du procès,, Dalloz, Précis, 8e édition, 2015.
  • J. Héron et T. Le Bars, Droit judiciaire privé, LGDJ, 6° ed. 2015 §1005.

Articles de Revues :

  • H. Croze, « La question prioritaire de constitutionnalité. Aspects procéduraux », JCP G 2010, p. 490
  • G. Deharo, « Question prioritaire de constitutionnalité – QPC », Rep. pr. civ.
  • M. Guillaume,« La question prioritaire de constitutionnalité », www.conseil-constitutionnel.fr,
  • F. Lafaille, « Hic sunt leones La question prioritaire de constitutionnalité en France (à la lumière de quelques comparaisons tirées du droit italien », Rivista dell’Associazione Italiana dei Costituzionalisti, 02.07.2010, http://www.rivistaaic.it/hic-sunt-leones-la-question-prioritaire-de-constitutionnalit-en-france.html
  • B. Mathieu, « La question prioritaire de constitutionnalité : une nouvelle voie de droit – A propos de la loi organique du 10 décembre 2009 et de la et de la décision du Conseil Constitutionnel n° 2009-595 DC », JCP G, 2009 ,, n°52, p.54-69.
  • J-J. Pardini, « Question prioritaire de constitutionnalité et question incidente de constitutionnalité italienne : ab origine fidelis », Pouvoirs  2011/2 (n°137), p.101-122. DOI 10.3917/pouv.137.0101J.-B. Perrier, « La Cour de cassation et la question prioritaire de constitutionnalité : de la réticence à la diligence », Revue française de droit constitutionnel, 2010/4 (n°84), p. 783-809
  • Pizzorusso, « Cour constitutionnelle italienne. » Revue internationale de droit comparé. Vol. 33 N°2, Avril-juin 1981. Pp 395-416
  • D. Rousseau, « Vive la QPC ! La quoi ? », Gaz. Pal. 24-26 janvier 2010, p.14

 


[1] Art. 29 de la loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions  de la V° République, publiée au JORF du 24 juillet 2008, p. 11890

[2] Loi constitutionnelle n° 1 du 9 février 1948 relative aux dispositions sur les procès de constitutionnalité et sur les garanties d’indépendance de la Cour constitutionnelle, Gazzetta ufficiale, 20 février 1948, n° 43.

[3]  Traduction de J.-J. Pardini « Question prioritaire de constitutionnalité et question incidente de constitutionnalité : ab origine fidelis », Pouvoirs, 2011/2 (n°137, p. 102

[4] Voir en ce sens J.-J. Pardini, op. cit., p. 107.

[5] Ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel.

[6] F. Lafaille, « Hic sunt leones, La question prioritaire de constitutionnalité en France  (à la lumière de quelques comparaisons tirées du droit italien)., Rivista dell’Associazione Italiana dei Costituzionalisti,  N.00 du 02.07. 2010.

[7] Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, publiée au  JORF n°0287 du 11 décembre 2009, p. 21379.

[8] Cour. const., sent. n°83 du 15 juin 1966, Giur. cost., 1966, p. 1074 sq.  et sent. n°376 du 22 novembre 2001, Giur. Cost., 2001, p.3735 sq.

[9] A. Pizzorusso, « Cour constitutionnelle italienne. » In : Revue internationale de droit comparé. Vol. 33 N°2, Avril-juin 1981, p.404.

[10] B. Mathieu, « La question prioritaire de constitutionnalité : une nouvelle voie de droit », La Semaine juridique, n°52, 2009, p.54-69.

[11] Circulaire du 24 février 2010, CIV/04/2010, présentant la question prioritaire de constitutionnalité

[12] M. GUILLAUME,,« La question prioritaire de constitutionnalité », www.conseil-constitutionnel.fr, p. 22-23.

[13] Ordonnance no 58­ 1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de la loi constitutionnelle no 2008­724 du 23 juillet 2008 .

 

[14] Legge 11 marzo 1953, n. 87 "Norme sulla costituzione e sul funzionamento della Corte costituzionale.", publiée à la Gazzetta Ufficiale n. 62 del 14-3-1953

 

[15] S. Guinchard et alii, Droit Processuel – Droit fondamentaux du procès, , Dalloz, Précis, 8e édition, 2015, §182, p.139

[16] art. 62 al. 2 : « une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’art. 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause » 

[17] A. Pizzorusso, « Cour constitutionnelle italienne. » In : Revue internationale de droit comparé. Vol. 33 N°2, Avril-juin 1981, p.407.

[18] G. Deharo, « Question prioritaire de constitionnalité – QPC », Rep. pr. civ.

[19] art. 136 C. it : «  Lorsque la Cour déclare l’illégitimité constitutionnelle d’une disposition de loi ou d’un acte ayant force de loi, la disposition cesse d’être efficace à compter du jour suivant la publication de la décision ».

[20] Voir en ce sens A. Pizzorusso, « Cour constitutionnelle italienne. » In : Revue internationale de droit comparé. Vol. 33 N°2, Avril-juin 1981, p.408-411.