Le droit de la fin de vie en Italie : l’histoire d’un long processus juridique inachevé par Bouvier Marguerite, Bussola Alessia, Rialland Bertille,Yameogo Winnie

Ces dernières années, on observe une augmentation de la mention de l’euthanasie sur la scène publique dans plusieurs pays européens dont l’Espagne, où cette pratique a été légalisée en 2021, mais également en France et en Italie.

Qu’entend-t-on réellement par « euthanasie » ? Selon le dictionnaire Le Robert, l’euthanasie est l’« usage des procédés qui permettent de hâter ou de provoquer la mort de malades incurables qui souffrent et souhaitent mourir ». Dans cette définition, on retient trois éléments cruciaux : l’individu est atteint d’une maladie incurable, il est en souffrance, et il souhaite mourir. Ces trois éléments sont repris par la législation en matière d’euthanasie dans les États qui l’autorisent. En effet, la loi belge du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie (mise à jour le 23 mars 2020), donne une définition de l’euthanasie[1], puis pose les conditions qui ouvrent ce droit en son article 3. Parmi ces conditions, il est dit que « le patient, majeur ou mineur émancipé, se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d'une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable ». On note que que l'on retrouve dans la loi les trois éléments qui caractérisent l’euthanasie, selon la définition donnée par Le Robert.

Par ailleurs, on distingue "l’euthanasie active" de "l'euthanasie passive". La première désigne le fait de « mettre volontairement et immédiatement fin aux jours du patient par un moyen quelconque »[2], soit la pratique à laquelle on fait généralement référence lorsque l’on parle d’euthanasie. En revanche, quand on parle d’euthanasie "passive" on se réfère à la « pratique médicale qui consiste à ne plus soigner sans, pour autant, relayer par des soins palliatifs » [3]. Cependant, ces soins palliatifs peuvent être demandés par le patient pour le soulager. On peut également désigner cette pratique par le terme « arrêt des soins ». Celle-ci est devenue légale dans de nombreux pays, notamment dans le cadre de l’interdiction de l’acharnement thérapeutique et du droit de refuser un traitement[4]. L’euthanasie passive est à distinguer du suicide assisté qui revêt un caractère bien différent. En effet, si de nombreux États, dont la France, ont dépénalisé le suicide, l’interdiction de porter atteinte à la vie d’autrui demeure, même sous forme d’aide au suicide.

Il faut également distinguer la cessation de traitement. Celle-ci « correspond au fait, pour un médecin ou pour une équipe médicale, d’arrêter de chercher à guérir un malade en raison de son état »[5]. Elle se distingue de l’euthanasie passive en ce qu’elle « est généralement suivie d’une seconde phase de soins qui consiste en des soins palliatifs, c’est-à-dire en un transfert de soins actifs cherchant à soulager la souffrance et à accompagner la personne en fin de vie »[6].

Enfin, la sédation ne s’apparente pas réellement à l’euthanasie mais elle y est étroitement liée. En effet, elle « correspond à des soins qui visent à placer temporairement le malade dans un état inconscient pour l’aider à moins souffrir »[7] et accompagne ainsi les différents processus de fin de vie évoqués ci-avant.

Pour reprendre les mots de Marie-France Callu, ces « mots de fin de vie mettent en exergue des conflits (apparents) de Droit », notamment entre le droit au respect de la vie et le droit de ne pas souffrir. Ces conflits sont la cause de l'indécision des législateurs nationaux en ce qui concerne la légalisation de l’euthanasie puisqu’un choix nécessiterait de prioriser un droit au détriment d’un autre. Ainsi, la légalisation de l’euthanasie est un sujet qui divise.

Comme évoqué précédemment, le questionnement autour de la légalisation de l'euthanasie n’a cessé de prendre de l’ampleur au cours de ces dernières années, notamment en Europe. Cette émergence de la question du droit à l’euthanasie est présente dans les débats politiques mais également au niveau juridique. En effet, en France, Emmanuel Macron a relancé le débat sur ce sujet, des plus controversés, dès septembre 2022, en annonçant le lancement d’une « convention citoyenne » sur la fin de vie, dont l’objectif serait la possible élaboration d’un nouveau cadre légal fin 2023. L’avenir de l’euthanasie est tout aussi incertain, en Italie. En effet, bien que l’opinion publique se soit emparée, à plusieurs reprises, d’affaires concernant l’euthanasie, une certaine inertie du législateur demeure.

Ainsi,il convient de se demander quel est le panorama juridique actuel en matière de fin de vie médicalement assistée en Italie: comment cette pratique a été reconnue comme un droit, malgré l'inertie du législateur?

Afin de répondre à cette question, il convient d’analyser les avancées que l’Italie a connues en la matière ces dernières années. Nous observerons donc une approche chronologique de la situation. Dans un premier temps nous nous intéresserons à la loi 219/2017 sur le testamento biologico qui a légalisé l’euthanasie passive (« testament biologique » [traduction libre]). Dans un second temps nous étudierons la décision Cappato, avec notamment la prise de position de la Cour constitutionnelle italienne en ce qui concerne le suicide assisté et les conséquences qui en ont découlé. Ensuite, nous discuterons de la volonté du peuple qu’il y ait une reconnaissance du droit à l’euthanasie, avec la proposition de loi de 2013 ainsi que le référendum abrogatif de 2022, tous deux d’initiative populaire. Ensuite nous nous intéresserons à la portée que donne l’absence de législation sur l’euthanasie à la décision Cappato, en étudiant une nouvelle décision rendue par le tribunal ordinaire d'Ancone le 9 juin 2021 en application de la jurisprudence Cappato. En conclusion, nous évoquerons les dernières élections législatives italiennes et les conséquences de leur résultat sur la possibilité de reconnaissance de l’euthanasie.

1.Les prémices d’un droit ou la légalisation de l’euthanasie passive

Dans les années 2000, la possibilité d’interrompre les soins d’une personne en état végétatif n’était pas concevable en Italie, même dans le cas où l’état de la personne serait irréversible, et que celle-ci aurait consenti à l’arrêt des soins. Au cours de cette période, les condamnations d’individus ayant aidé un proche à mourir sont nombreuses. On peut notamment citer l'arrêt du 23 mai 2000 qui condamne un individu à 4 ans d’emprisonnement pour avoir aidé son ami gravement malade à mettre fin à ses jours. La même année, un homme a été condamné en première instance à 6 ans d’emprisonnement pour avoir débranché le respirateur de sa femme. Il a cependant été acquitté en appel[8]. La Cour d’appel a considéré, au vue des conditions de santé de la victime, que son mari n'a pas causé directement sa mort. Cet arrêt, bien que contenant une ouverture vers la prise en compte de l’existence d’un droit de mourir dignement, demeure une affaire isolée et ne donne pas lieu à un changement de mentalité du législateur vis à vis de l’euthanasie passive.

C’est en 2007, avec les affaires Welby[9] et Englaro[10] que l’euthanasie passive commence à être vue comme une possibilité aux yeux du juge. L’affaire Welby concerne le cas d’un homme atteint de dystrophie musculaire l’ayant paralysé. Cette personne réclame son droit de se donner la mort. Il commence par présenter sa requête au Président de la République, qui invite le Parlement à discuter du sujet, sans succès. Il décide donc de saisir le juge, qui reconnaît l’existence d’un droit subjectif garanti par l’article 32 de la Constitution italienne, mais qui malgré cela déclare irrecevable sa demande. Giorgio Welby s’adresse alors à un médecin qui, après s’être assuré de son consentement à de nombreuses reprises, accepte de débrancher son respirateur. C’est là que la décision des juges à surpris puisque, contrairement aux décisions précédentes, ils ont déclaré l’acquittement du médecin.

La seconde affaire, communément appelée affaire Englaro, concerne une jeune fille restée inconsciente et paralysée à la suite d’un accident de la route survenu en 1992. Depuis l’accident, son père se bat pour mettre fin à ses souffrances, en avançant que c’est ce que sa fille aurait voulu si elle avait été consciente. Finalement la Cour de cassation a statué en 2007[11], en affirmant que l’interruption du traitement peut être autorisée lorsque le patient se trouve dans un état végétatif irréversible et si le malade a exprimé son consentement ou bien si ce dernier peut être déduit au moyen d’une analyse de la personnalité du malade, de son style de vie et de ses croyances, lorsque celle-ci est incapable d’exprimer son consentement.

Suite à ces affaires, d’autres juges se sont prononcés en faveur d'un « droit à l’interruption des traitements et de bénéficier d’une sédation pour ne pas ressentir d’anxiété ou de douleur »[12], mais il faudra attendre la loi du 22 décembre 2017 n. 219, pour que l’euthanasie passive soit reconnue et encadrée légalement. Depuis cette loi, « toute personne capable d’agir » a le droit de refuser ou d’interrompre quelconque traitement sanitaire, même lorsque celui-ci est nécessaire à sa survie, y compris les traitements d’hydratation et nutrition artificielle[13]. Le médecin est « tenu de respecter la volonté expresse du patient de refuser le traitement sanitaire ou de renoncer à celui-ci » sans que des conséquences civiles ou pénales soient possibles[14].

Cette loi intègre celle du 15 mars 2010 n. 38 (« Disposizioni per garantire l’accesso alle cure palliative e alla terapia del dolore »), garantissant l’accès aux soins palliatifs et à la thérapie de la douleur “qui correspond au niveau essentiel d’assistance”[15]. La loi 219/2017 prévoit expressément que la demande de suspendre les traitements sanitaires puisse être associée à une demande de bénéficier de soins palliatifs, visant à soulager le patient. L’article 2 de la loi précise aussi la possibilité de la sédation profonde, associée avec la « thérapie de la douleur », avec le consentement du patient, pour faire face aux souffrances réfractaires aux traitements sanitaires[16].

Si l’euthanasie passive est donc possible en Italie depuis 2017, il en va autrement pour l’euthanasie active et le suicide assisté. Il convient maintenant de se pencher sur le suicide assisté.

2.L’ordonnance Cappato 207/2018 : la Cour constitutionnelle italienne demande au Parlement de légiférer pour libéraliser le suicide assisté

En Italie, l’affaire Cappato a relancé le débat public sur l'existence d'un droit de choisir les circonstances de sa mort dans les cas particuliers où l’individu est atteint d’une maladie incurable et subit des souffrances atroces et permanentes. Cette affaire a entraîné d’importants changements dans la jurisprudence italienne et ses répercussions continuent de se manifester de nos jours.

En l'espèce, un homme connu sous le nom de Dj Fabo, se retrouve tétraplégique, aveugle, incapable de respirer et de se nourrir seul à la suite d’un accident. Par ailleurs, il souffre aussi de spasmes lui causant une souffrance aiguë. Malgré tout cela, il a conservé toutes ses facultés intellectuelles. Il considère la possibilité de l’euthanasie passive, légalisée en Italie par la loi n. 219/2017, comme contraire au respect de sa dignité et de celle de sa famille puisque suite à l’interruption des soins, il aurait dû attendre plusieurs jours avant d’être débranché, attente qu’il jugeait insoutenable. C’est pourquoi il a décidé de se rendre en Suisse où le suicide assisté est une pratique légale. Il y est accompagné par sa famille ainsi que par l’homme politique radical Marco Cappato, que l’on sait en faveur de l’euthanasie et du suicide assité.

Après la mort de Dj Fabo, le politicien Marco Cappato s’auto-dénonce aux autorités italiennes, dans le but de faire parler de cette affaire dans les médias. Il est alors accusé devant la Cour d’assises de Milan pour le délit[17] d’ « incitation ou aide au suicide », infraction réprimée par l’article 580 du Code pénal italien[18]. Le juge saisit la Cour Constitutionnelle[19] car le délit d’ « incitation ou aide au suicide » peut être caractérisé aussi bien dans le cas où une personne a effectivement contribué à déterminer ou renforcer la volonté d’une autre à se donner la mort, que lorsque la personne d’une manière ou l’autre aide à l’accomplissement de l’acte mais sans jamais influencer le choix de la personne souhaitant se suicider. Cela, pour les juges du fond italiens serait contraire aux articles 2[20], 13 alinéas 1[21] et 117[22] de la Constitution italienne.

Le juge doute aussi de la légitimité constitutionnelle de la disposition en question (article 580 du code pénal italien) car aucune distinction n’est faite entre ces deux agissements, autrement dit, aucune distinction de sanction n’est faite lorsque la personne influence ou non le choix de se suicider d’une autre personne, ce qui serait contraire au principe d’égalité qui, en Italie, repose sur l’article 3 de la Constitution de 1947.

Les juges des lois, avec l’ordonnance 207/2018, excluent que l’infraction de l’aide au suicide soit per se contraire à la Constitution. En effet, en Italie le suicide n’est pas réprimé, même dans les cas où il le pourrait, (comme la tentative de suicide), mais le système juridique italien protège la personne qui veut se donner la mort, notamment en incriminant le comportement d’un tiers qui l’aide à mourir. Cette incrimination n'est pas contraire à l’article 2 de la Constitution, qui prévoit des droits fondamentaux comme le droit à la vie mais ne comprend pas le droit de choisir sa mort. Ce raisonnement vaut aussi pour l’article 2 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (ci-après « CESDH ») et donc l’article 580 du code pénal italien n’est pas contraire à l’article 117 de la Constitution, qui impose le respect des obligations internationales, tel que le respect de la CESDH. On arrive à la même solution, même si on analyse la compatibilité d’un article qui incrimine l’aide au suicide avec l’article 8 de la CESDH. En effet, cet article comporte, à la lumière de la jurisprudence de la Cour EDH[23], la liberté de choisir comment et quand mourir, pour une personne apte à prendre une telle décision et d’agir en conformité avec cette décision.

L’existence d’une disposition qui incrimine l’aide au suicide ne serait pas non plus contraire au droit à l’autodétermination, en vertu des articles 2 et 13 de la Constitution italienne, car elle permettrait de sauvegarder le droit à la vie des personnes vulnérables.

En revanche, selon la Cour[24], lorsque la personne qui souhaite mourir est sujette à une pathologie irréversible (a), source de souffrances physiques ou psychologiques qu’elle juge intolérables (b), et si la personne est tenue en vie grâce à des traitements (c) mais qu’elle est apte à prendre des décisions libres (d), la solution devrait être différente.

En effet, ces personnes peuvent, en application de la loi 219/2017, refuser tout soin, même lorsque l’arrêt des soins requiert une action du médecin[25]. En revanche, la Cour Constitutionnelle prend conscience que puisque l’article 580 du code pénal italien punit toute aide au suicide, il n’existe pas de méthode plus rapide que l’euthanasie passive (arrêt des soins). C’est donc la répression absolue de toute aide au suicide qui est contraire au droit à la dignité et à la libre autodétermination de la personne humaine, issues des articles 2, 13 et 32[26] de la Constitution.

La Cour fait néanmoins part du fait que la responsabilité de la création d’un cadre légal de procédure médicalisée de suicide assisté revient au Parlement. En général, lorsqu’elle veut exhorter le Parlement à se prononcer sur un argument donné, la Cour Constitutionnelle déclare l’inadmissibilité de la question qui lui est posée. Cette question pourra alors être soulevée successivement en l’absence de l’intervention du représentant du peuple. Cette solution n’est toutefois pas opportune dans l’affaire portée à l’examen de la Cour. En effet, en application de la disposition objet de la décision, des personnes, telles que Marco Cappato, pourraient se voir condamnées pénalement. La Cour[27] sursoit alors à statuer et renvoie l’audience au 24 septembre 2019, soit un an plus tard, pour laisser le temps au législateur de donner une réponse légale. L’affaire Cappato, à l'instar de tous les jugements similaires, est alors suspendue.

Cette méthode de décision est une nouveauté d’origine prétorienne, qui renforce le dialogue entre le juge des lois et le Parlement. A priori, la Cour Constitutionnelle ne peut se prononcer que sur la constitutionnalité d’une loi ou sur l’inadmissibilité de la question qui lui est posée. La possibilité de différer les effets de la décision n'existe pas non plus, tandis que c’est le cas en France en application de l’art. 62 de la Constitution de 1958[28]. Au regard de ces éléments, il reste surprenant que la Cour ait choisi d’adopter ce mode de décision inédit, surtout dans le cadre d'une affaire si délicate.

3. L’inertie du législateur et la prise de position de la Cour constitutionnelle italienne dans l’affaire Cappato

Malgré l’inertie législative, la Cour est intervenue, comme prévu, le 24 septembre 2019 avec l’arrêt 242/2019, pour déclarer l’inconstitutionnalité de l’article 580 du code pénal italien « dans la partie qui n’exclut pas l’incrimination de la personne qui [...] facilite l’exécution du suicide, dont la volonté s’est formée librement et de manière autonome, d’une personne tenue en vie par le biais de traitements, qui est affectée par une pathologie irréversible, source de souffrances physiques ou psychologique, qu’elle juge intolérables, lorsque la personne est pleinement apte à décider sciemment et librement »[29].

Dans l’arrêt Cappato, la Cour dresse aussi les modalités du suicide assisté. Tout d’abord « les modalités sont celles prévues par les articles 1 et 2 de la loi du 22 décembre 2017 n. 219 » (voir supra partie 1). Pour les affaires antérieures à la décision de la Cour Constitutionnelle 242/2019, il convient de vérifier si les modalités pour accompagner le malade à la mort peuvent être considérées équivalentes à celles de la loi 219/2017. Il incombe au juge de s’assurer que l’existence des conditions d’irréversibilité de la maladie, de souffrance physique ou psychologique du patient et sa dépendance aux traitements ait été médicalement vérifiée. Mais aussi que le patient ait manifesté de manière claire et univoque sa volonté de mourir et que le patient ait été informé aussi bien de ces conditions que des possibles solutions alternatives, c’est-à-dire l’accès aux soins palliatifs et la sédation profonde continue. Or, ces conditions ont été respectées dans le cadre de l’affaire Cappato.

Ensuite il est nécessaire que les conditions dictées par la Cour et « les modalités d’exécution aient été vérifiées par une structure publique du service sanitaire national, après l’avis préalable du comité d’éthique territorialement compétent[30]»[31].

Étant donné que la Cour doit se limiter à émettre une décision d’inconstitutionnalité, elle ne peut pas imposer aux médecins de procéder à l’aide au suicide lorsque celle-ci est demandée par le patient. Ce qui signifie que la volonté du patient est respectée si, et seulement si le médecin accepte d’effectuer cette procédure.

De ce qui précède on observe que le juge des lois légalise, dans certaines circonstances, la pratique du suicide assisté. En effet, les circonstances font que la Cour ne peut plus s’abstenir d’intervenir sur le sujet, car en l’absence d’une décision de sa part, une disposition non respectueuse de la dignité humaine et de l’égalité serait appliquée. Ainsi, la Cour prend conscience qu’ « après l’écoulement d’une période de temps raisonnable, l’exigence de garantir la légalité constitutionnelle doit, en tout état de cause, prévaloir sur celle de laisser la place à l’appréciation du législateur pour une réglementation pleine de la matière, qui est prioritaire »[32], c’est ce raisonnement qui l’amène à statuer.

Aujourd’hui, en Italie, il est possible de choisir l’euthanasie passive en application de la loi 219/2017. En revanche, l’euthanasie active demeure proscrite. Quant au suicide assisté, il est dépénalisé depuis 2019, dans les conditions posées par l’arrêt Cappato. Malgré l'issue de cette décision, la Cour avait exhorté le législateur à intervenir[33], dans l’espoir de provoquer un effet similaire à celui des décisions rendues dans le cadre des affaires Welby et Englaro, qui ont mené à l’adoption de la loi sur l’euthanasie passive. Cependant, à l’heure actuelle, il n’existe toujours aucune loi qui permette d’encadrer la pratique du suicide assisté.

Une loi serait nécessaire d’une part pour une question de meilleur accès à la pratique du suicide assisté qui n’a pu trouver application que dans la deuxième moitié de l’année 2022, comme on pourra le voir ci-après, et d’autre part car il est nécessaire de fixer des conditions claires concernant le suicide assisté. C’est pourquoi les Italiens ont tenté de faire entendre leur voix.

4. La proposition de loi d’initiative populaire de 2013 sur la question de l’euthanasie

Une proposition de loi sur l’euthanasie a été déposée devant la chambre des députés le 23 septembre 2013. Cette proposition de loi avait pour objectif d’ouvrir le débat sur la possibilité d’un encadrement juridique légale pour l’euthanasie active et passive, un sujet particulièrement sensible en Italie. Elle naît dans un contexte où 58,9% des citoyens italiens semblent favorables à cette pratique, selon un rapport Italia 2014 d’Eurispes[34].

La proposition de loi « Refus de traitement médical et licéité de l’euthanasie »[35], déposée par l’association Luca Coscioni, est une d’initiative populaire. C’est un pouvoir d’initiative législative du peuple italien inscrit dans la Constitution italienne à l’article 71. Cet article prévoit que le peuple italien peut exercer une initiative, au moyen d’une proposition rédigée en articles, en réunissant au moins 50 000 électeurs signataires. Et c’est ce même article qui a permis au peuple italien d’exercer son pouvoir en 2013 grâce à la collecte de plus de 67 000 signatures de citoyens italiens. Selon Matteo Mainardi, coordinateur de cette campagne, le nombre de ces signatures aurait même doublé dans l’année qui a suivi le dépôt de la proposition.

Cette proposition de loi a une structure très simple, elle est composée de quatre articles. Le premier prévoit que « Tout citoyen peut refuser le commencement ou la poursuite d'un traitement médical, ainsi que tout type de traitement de maintien en vie ou de thérapie nutritionnelle »[36]. Ainsi, selon la suite de l’article « le personnels médical et soignant est tenu de respecter le souhait du patient »[37] si trois conditions sont respectées. Et dans ce cas, si le personnel médical et soignant ne respecte pas la volonté manifestée par le patient, il sera tenu « outre les autres conséquences pénales ou civiles qui peuvent être constatées dans les faits, de réparer le préjudice, tant moral que matériel, causé par son comportement »[38].

 Il s’agit ici d’une proposition de légalisation de l’euthanasie pour une personne majeure, capable juridiquement, qui manifeste sa volonté sans équivoque ou, en cas d'incapacité, manifeste sa volonté par le biais d’une personne préalablement désignée, au moyen d’un écrit avec signature authentifiée de l'officier d'état civil. Et cette demande est justifiée seulement si le patient est atteint d'une maladie incurable mettant sa vie en danger ou, d'une maladie dont le pronostic défavorable est inférieur à dix-huit mois[39]. De plus, il est nécessaire que le patient ait été dûment et adéquatement informé de son état et de toutes les alternatives thérapeutiques possibles[40].

Si la demande d'euthanasie respecte ces conditions et que le traitement euthanasique respecte la dignité du patient et ne lui cause pas de souffrance physique, le personnel médical ne commettra pas de crime, alors que jusque-là il risquait jusqu'à quinze ans de réclusion criminelle.

À la suite de cette proposition de loi, une lettre fut envoyée par un groupe de 57 parlementaires afin de réclamer le calendrier d’étude de cette proposition. Toutefois, l’Italie étant certes une démocratie, elle reste une démocratie parlementaire représentative. La volonté du peuple est donc totalement dépendante de la volonté de ses représentants. Ainsi, cette proposition de loi est restée en débat pendant de nombreuses années avant d’être finalement modifiée et approuvée le 10 mars 2022 par la Chambre des députés italienne.

Cependant, il faut noter que le Parlement italien a procédé à des modifications avant de transmettre cette loi au Sénat. Il a notamment ajouté la mention « Dispositions relatives à la mort volontaire médicalement assistée »[41]. Il ne s’agit donc plus d’euthanasie active, mais de mort volontaire médicalement assistée, pratique autrement appelée suicide assisté. Après révision, la Chambre des députés l’a transmise au Sénat, et la Commission parlementaire du Sénat ne l’a toujours pas approuvée depuis. Bien que le peuple italien dispose d’un pouvoir d’initiative législative, on remarque que ce n’est pas suffisant pour dépénaliser l’euthanasie en Italie, une pratique bloquée aussi bien par l’église que par les représentants du peuple. Mais ce n’est pas le seul pouvoir dont dispose le peuple pour se faire entendre.

5. En 2022, une seconde initiative populaire : le référendum sur la légalisation de l’euthanasie

Il a été dit que les actes euthanasiques en Italie peuvent être punis soit en application de l’article 580 du code pénal italien, si une tierce personne a aidé le malade à se suicider. Cependant, cet acte n’est plus punissable, dans certaines conditions, du fait de l’arrêt Cappato puisque celui-ci a dépénalisé cette pratique. Malgré cela, dans le cas où une tierce personne a matériellement causé la mort d’une personne malade avec le consentement de cette dernière, l’acte pourra être puni en application de l’article 579 du code pénal italien. Cet article punit moins sévèrement le meurtre avec consentement de la victime[42], par rapport au meurtre tout court[43], sauf si la victime se trouve dans l’un des états de vulnérabilité listés par l’alinéa 3 de l’article 579 du code pénal italien, dans ce cas, c’est la disposition sur le meurtre « classique » qui s’applique.

Il a également été mis en lumière qu’aucune loi n’a jusqu’à présent été adoptée en matière de fin de vie, nonobstant la libéralisation du suicide assisté par l’arrêt Cappato et nonobstant la proposition de loi provenant du peuple. C’est justement pour pallier cette inertie, tout en obligeant son représentant à intervenir, qu’une proposition de référendum d’initiative populaire a été présentée à la Cour Constitutionnelle, visant à l’abrogation partielle de l’article 579 du Code pénal italien.

Le référendum abrogatif, (prévu par l’article 75 de la constitution italiennen), est un outil qui permet au peuple (500.000 électeurs) ou aux Régions (5 Conseil Régionaux) de demander à la totalité des électeurs s’ils sont d’accord pour abroger totalement ou partiellement une loi ou un acte ayant force de loi. La proposition de référendum populaire est contrôlée tout d’abord par la Cour de cassation, qui vérifie que les conditions posées par la loi n. 352 de 1970 soient respectées. Ensuite, la Cour Constitutionnelle effectue un contrôle « d’admissibilité » de la demande référendaire. Il ne s’agit pas d’un contrôle de constitutionnalité préventif, qui à la différence du système français n’existe pas en Italie. La Cour devrait donc se limiter à contrôler que les conditions de l’article 75 de la Constitution soient respectées.

Depuis des années, la Cour a dégagé, par le biais de sa jurisprudence, lesdites « limites implicites » au référendum. Cela fait référence aux limites qui ne sont pas expressément prévues par le texte constitutionnel mais qui peuvent être déduites à la lecture de ce dernier. Elle doit donc, en plus, contrôler le respect de ces limites lors du contrôle d’admissibilité de la demande de référendum. Il s’agit des limites concernant la formulation de la demande référendaire, notamment il faut que la demande soit homogène, claire et simple, exhaustive, cohérente, apte à poursuivre la finalité recherchée et il faut respecter la nature abrogative du référendum[44]. Il s’agit aussi des limites concernant la disposition à abroger. Par exemple, l’abrogation des dispositions « à contenu constitutionnellement lié » demeure impossible, à l’instar des « dispositions constitutionnellement nécessaires » qui rendent effectif un principe ou un organe constitutionnel. A titre d’exemple, il convient de citer la loi électorale, dont l’abrogation totale par référendum pourrait rendre impossible la réélection d’un organe essentiel.

Le référendum de 2022 représentait, pour le peuple, le seul instrument permettant de modifier directement le droit actuel, une loi ayant déjà été proposée. Ce référendum visait, par sa formulation, à abroger les termes « d’un emprisonnement de 6 à 15 ans », de l’intégralité du deuxième alinéa et des termes « s’appliquent » du troisième alinéa de l’art 579 du code pénal italien[45]. Le résultat aurait été l’abrogation du délit de meurtre avec consentement de la victime, sauf pour les victimes se trouvant dans l’un des états de vulnérabilité listés par l’alinéa 3 de l’article 579 du code pénal italien.

Par cette tentative les promoteurs du référendum visaient à éliminer les inégalités demeurant entre les personnes souffrant de maladies irréversibles (conditions décrites dans l’arrêt Cappato), qui ne sont pas toutes capables physiquement de se donner la mort (par exemple en avalant un médicament), et qui, suite à l’arrêt Cappato ont la possibilité d’être assistées lors de cet acte. Il convient de préciser qu’avant l’arrêt Cappato, les malades étant dans l’impossibilité de se donner la mort pouvaient uniquement refuser les soins, en application de la loi n. 219/2017. Or comme vu lors de l’analyse de l’arrêt Cappato, cette pratique peut prendre plusieurs jours avant de conduire à la mort.

Le problème de la proposition référendaire était que, comme l’a relevé la Cour Constitutionnelle lors de son contrôle d’admissibilité de la demande (qui a donné lieu à l’arrêt n. 50/2022), l’abrogation partielle de l’article 579 du code pénal italien n’aurait pas seulement libéralisé l’euthanasie dans des conditions de maladie, mais il aurait légalisé la pratique du meurtre avec consentement de la victime tout court. Même si les promoteurs soutiennent que, suite à l’abrogation partielle de l’article 579 du code pénal italien, le meurtre avec consentement de la victime devrait se faire dans le respect des conditions posées par la loi n. 219/2017, comme la Cour l’avait envisagé dans l’arrêt Cappato. Le juge des lois relève qu’en réalité rien ne permet d’assurer l’obligation d’une telle procédure dans les hypothèses de meurtre avec consentement de la victime[46].

Pour cette raison, en l’absence de conditions qui permettraient d’encadrer le meurtre avec consentement de la victime et étant donné que des situations de vulnérabilité existent outre celles listées par l’article 579 alinéa 3 du code pénal italien, la Cour déclare inadmissible le référendum. En effet, elle qualifie l’article 579 du code pénal italien de « disposition constitutionnellement nécessaire », car son absence ne permettrait pas une protection suffisante du droit à la vie, droit constitutionnel.

Pour conclure, puisque le référendum a été déclaré inadmissible, la totalité des électeurs n’a jamais pu se prononcer directement sur l’euthanasie légale. Néanmoins cette tentative populaire a rappelé que les italiens réclament des avancées législatives en la matière.

A l’heure actuelle, l’euthanasie active demeure punissable en vertu de l’article 579 du code pénal italien. L’euthanasie passive est en revanche légale grâce à la loi n. 219/2017 qui en dicte les conditions. Quant au suicide assisté, seules les conditions posées par l’arrêt Cappato pourraient s’appliquer. Néanmoins, en l’absence de loi, les hôpitaux tendent à refuser de se livrer à une telle pratique. Ainsi il a fallu attendre l’affaire Mario pour que le droit au suicide assisté, prévu par l’arrêt Cappato, soit appliqué en Italie.

6. L’affaire Mario : une application de l’arrêt Cappato ?

L’affaire Mario (de son vrai nom Federico Carboni) est l’histoire d’un homme qui, en raison d'un grave accident de voiture, est devenu tétraplégique et souffre d'autres pathologies graves, si bien que son état est irréversible. En septembre 2020, lorsqu’il apprend que l’arrêt Cappato autorise l’aide juridique au suicide assisté sous certaines conditions il écrit à l’Autorité Sanitaire Locale (ASL) pour lui demander de reconnaître les conditions énoncées par la Cour constitutionnelle italienne dans l'arrêt Cappato concernant l'accès à l'aide à mourir en Italie.

Il demande donc à l’ASL Unique Régionale des Marches, dans laquelle il réside, de vérifier l'existence des conditions indiquées par la Cour. Dans un premier temps, en octobre 2020, l’ASL refuse sa demande, et ce, sans même appliquer les procédures indiquées par la Cour dans l’arrêt Cappato. À la suite de ce refus, Mario décide de contacter l’Association Luca Coscioni en février 2021 afin de poursuivre l'ASL en justice, pour obtenir une ordonnance visant à faire respecter la décision de la Cour constitutionnelle. Il est important de préciser qu’il s’agit ici d’une affaire civile, et non pas pénale comme c’était le cas pour l’affaire Dj Fabo, qui vise à obtenir une décision d’urgence. Cette demande se fonde sur l’article 700 du code de procédure civile italien (le respect du droit à l’exercice d’une liberté individuelle) et sur la décision Cappato afin de procéder à une aide au suicide sans encourir une sanction pénale.

Mario demande donc au juge d'ordonner à l’ASUR (Autorité Sanitaire Unique Régionale) d'effectuer les contrôles nécessaires pour pouvoir procéder à l’aide légale au suicide. Et dans un jugement rendu en mars 2021, le tribunal ordinaire d'Ancône (Tribunale ordinario di Ancona, 24 marzo 2021) refuse à Mario d'accéder à la mort assistée en Italie. En effet, il considère que la Cour en reconnaissant ce droit, n’a pas reconnu le droit d’obtenir la coopération du personnel médical dans la mise en œuvre de cette pratique. Mario a donc fait appel et, dans sa nouvelle décision, le tribunal ordinaire d' Ancône, le 9 juin 2021, ordonne à l’ASUR de vérifier si les conditions d'accès au suicide assisté sont réunies dans le cas de Mario et de s'assurer que la méthode, le moyen et le médicament choisis étaient aptes à lui garantir la mort la plus rapide, indolore et digne possible.

Après de nombreux échanges entre les autorités et l’équipe juridique de Mario, le 23 novembre 2021, il reçoit finalement l'avis du Comité d'éthique attestant de la présence des quatre conditions nécessaires. Toutefois, il précise qu'il est impossible de se prononcer sur le médicament létal car aucune vérification n'avait été faite sur la méthode, la quantité et le mode d'administration.

Pour la première fois en Italie, une personne se voit confirmer les conditions fixées par la Cour constitutionnelle qui rend licite le suicide médicalement assisté. Et le 9 février 2022, Mario reçoit la transmission du rapport sur la modalité, la méthode et le médicament choisis. La validation du choix du médicament et de la modalité, manquant jusque-là, crée enfin un précédent qui permettra à ceux qui sont et seront dans des situations similaires à celle de Mario d'obtenir une aide à la mort volontaire en Italie.

Toutefois, la bureaucratie italienne semble être l'ennemie des libertés constitutionnelles dans cette affaire et Mario, en l'absence d'une loi réglementant les rôles et les responsabilités, même dans l'exercice d'un droit constitutionnellement reconnu, doit s'occuper personnellement de trouver le médicament létal. L'État se contente donc d'autoriser cette pratique sans accompagner le patient jusqu'à la fin de sa vie. En effet, la Cour constitutionnelle, bien qu'elle soit intervenue en introduisant une procédure minimale dans la dépénalisation du délit d'aide au suicide, ne pouvait pas élaborer une discipline organique couvrant toutes les étapes du processus de fin de vie. Il s'agit d'une responsabilité du Parlement, qui continue à ignorer la question de la fin de vie au détriment de la souffrance des personnes. Le jeudi 16 juin 2022, Mario est la première personne décédée en procédant à un suicide assisté en Italie.

7. Les élections législatives de septembre 2022 en Italie : quelles conséquences sur la proposition de loi et sur le droit de la fin de vie ?

Le gouvernement italien fonctionne selon le modèle parlementaire, par conséquent, les élections législatives revêtent une importance majeure puisque c’est la majorité parlementaire qui exprime sa confiance («fiducia parlamentare») au Gouvernement, à travers un vote («voto di fiducia»). A travers ce vote, la majorité parlementaire consent ou non la prise de fonction d’un certain gouvernement, et peut également s’opposer à certains projets de lois que le gouvernement proposerait. Ainsi, la majorité parlementaire exerce un certain contrôle quant à la nomination du gouvernement.

En ce qui concerne les élections législatives du 25 septembre 2022, la coalition de centre droite, composée des partis conservateurs Fratelli d’Italia («Frères d’Italie»), Lega («Ligue») et Forza Italia («Allez l’Italie») était donnée vainqueur des élections par les sondages. Et en effet, le parti Frères d'Italie arrive en tête du scrutin, avec 26 % des suffrages, loin devant ses alliés de la Ligue (9 %) et de Forza Italia (8 %). Par ailleurs, la coalition de centre droit devançant largement la coalition de centre gauche et le Mouvement 5 étoiles, Giorgia Meloni est la personne la plus susceptible de succéder à Mario Draghi à la présidence du Conseil des ministres, soit de prendre la tête du gouvernement italien. 

Le sujet de l’euthanasie est un sujet qui touche à la libre disposition de son propre corps, les droits en la matière sont souvent contraires à certaines valeurs de la religion catholique. C’est notamment le cas de l’euthanasie, mais aussi de l’avortement. Or, les partis conservateurs, en Italie et ailleurs, sont très attachés aux valeurs du catholicisme, et puisque, selon ces valeurs, l’euthanasie, comme l’avortement, sont considérés comme des crimes, ces pratiques sont jugées immorales par les partis conservateurs qui ne les voient pas comme des droits. En effet, durant la campagne électorale législative, Giorgia Meloni, représentante du parti Fratelli d’Italia, est allée jusqu’à revendiquer un « droit de ne pas avorter ».

Ainsi, au vu des résultats des élections législatives, il est raisonnable de penser que l’Italie ne connaîtra pas de sitôt une légalisation de l’euthanasie, ni un encadrement adéquat du suicide assisté, et encore moins la protection de tels droits. Ainsi on ne peut pas dire que le droit à une fin de vie digne constitue un droit de l’Homme en Italie.

 

 

 


[1] Article 2 de la loi belge du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie (mise à jour au 23 mars 2020) : « Pour l'application de la présente loi, il y a lieu d'entendre par euthanasie l'acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci.».

[2] CALLU Marie-France, « Les mots de la fin de vie : cessation de traitement, sédation, euthanasie active et passive, en quoi ces mots heurtent-ils notre droit français ? », Gérontologie et société, 2004/1 (vol. 27 / n° 108), p. 89-96.

[3] Ibid.

[4] En France, par exemple l’euthanasie passive est possible depuis la loi Leonetti n. 2005-370 du 22 avril 2005.

[5] CALLU Marie-France, « Les mots de la fin de vie : cessation de traitement, sédation, euthanasie active et passive, en quoi ces mots heurtent-ils notre droit français ? », Gérontologie et société, 2004/1 (vol. 27 / n° 108), p. 89-96. 

[6] Ibid.

[7] Ibid.

[8] Cour d’appel de Milan 24 avril 2002 affaire Forzatti cité par Il foro italiano vol. 126, n. 2, (février 2003), p. 87 ss.

[9] Tribunale di Roma, GIP,  n. 2049/07

[10] Cassazione – Sezione prima civile – sentenza 16 ottobre 2007, n. 21748

[11] Ibidem

[12] Par exemple, en 2016, le juge tutélaire du tribunal de Cagliari a accepté la demande de Walter Piludu, l'ancien président de la province de Cagliari, qui souffrait de SLA et demandait une interruption de traitement. Le magistrat a jugé que «c'est un droit de refuser un traitement et de partir sans souffrir, et même de bénéficier d'une sédation pour ne pas ressentir d'anxiété ou de douleur».

[13] V. article 1 alinéa 5 de la loi n. 219/2017

[14] V. article 1 alinéa 6 loi 219/2017 cit.

[15] Arrêt 242/2019 C. Cost. du 24 septembre 2019 § 2.3

[16] Ibidem

[17] L’Italie ne connaît pas la distinction française entre crime, délit et contravention, il existe une distinction entre délits et contraventions qui n’a néanmoins pas la même prégnance que celle française. Pour approfondir sur l’argument cfr. Giovanni Fiandaca, Enzo Musco, « Diritto penale. Parte generale », 8e édition, Zanichelli 2019, p. 169. Le délit italien de l’aide au suicide ne correspond par à la notion de « délit » française, mais il s’agit d’une infraction très grave en Italie, punie de 5 à 12 ans d’emprisonnement.

[18] Article 580 du Code pénal italien « Chiunque determina altri al suicidio o rafforza l'altrui proposito di suicidio, ovvero ne agevola in qualsiasi modo l'esecuzione, è punito, se il suicidio avviene, con la reclusione da cinque a dodici anni. Se il suicidio non avviene, e' punito con la reclusione da uno a cinque anni, sempre che dal tentativo di suicidio derivi una lesione personale grave o gravissima ».

[19] L’Italie n’est pas dotée d’un Conseil Constitutionnel mais d’une Cour Constitutionnelle, cette dernière est saisi par la Cour d’assise de Milan avec ordonnance n. 43 du 14 février 2018

[20] Article qui concerne les droits fondamentaux, parmi lesquels le droit à la vie, qui selon le juge a quo comprend le droit de choisir quand et comment mourir.

[21] Article concernant la liberté d'autodétermination.

[22] Selon le juge a quo l’article 580 c.p. ne respecte pas les articles 2 (droit à la vie v. supra) et 8 (droit à la vie privée) de la Convention européenne des droits de l’Homme. Selon la Cour EDH, l’article 8 de la Convention devrait comporter le choix des modalités pour se donner la mort.

[23] Cour européenne des Droits de l’Homme (ci-après « Cour EDH »), arrêt du 20 janvier 2011, Haas c. Suisse et Cour EDH arrêt du 19 juillet 2012, Koch c. Germania; CEDH 14 mai 2013, Gross c. Svizzera.

[24] V. § 8 ss. ord. 207/2018

[25] On rappelle que le médecin est obligé de respecter la volonté du patient en vertu de l’article 1 alinéa 6 de la loi 219/2017.

[26] Ce dernier article dispose que « Nul ne peut être contraint à un traitement sanitaire déterminé, si ce n’est par une disposition de la loi ».

[27] Avec l’ordonnance de la Cour Constitutionnelle n. 207/2018 du 23 octobre 2018

[28] « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. »

[29] Traduction du dispositif de la Cour : « dichiara l’illegittimità costituzionale dell’art. 580 del codice penale, nella parte in cui non esclude la punibilità di chi, con le modalità previste dagli artt. 1 e 2 della legge 22 dicembre 2017, n. 219 (Norme in materia di consenso informato e di disposizioni anticipate di trattamento) – ovvero, quanto ai fatti anteriori alla pubblicazione della presente sentenza nella Gazzetta Ufficiale della Repubblica, con modalità equivalenti nei sensi di cui in motivazione –, agevola l’esecuzione del proposito di suicidio, autonomamente e liberamente formatosi, di una persona tenuta in vita da trattamenti di sostegno vitale e affetta da una patologia irreversibile, fonte di sofferenze fisiche o psicologiche che ella reputa intollerabili, ma pienamente capace di prendere decisioni libere e consapevoli, sempre che tali condizioni e le modalità di esecuzione siano state verificate da una struttura pubblica del servizio sanitario nazionale, previo parere del comitato etico territorialmente competente ».

[30] Il s’agit d’organes avec des fonctions consultatives en matière de protection des droits de la personne, vis-à-vis d’expérimentations médicales ou destinées à l’utilisation de la part des cliniques de dispositifs médicaux. V. Article 12 alinéa 10, lettre c d.l. n. 158/2012 et article 1 du décret du Ministre de la santé du 8 février 2013.

[31] Arrêt Cappato 242/2019 § 5.

[32] Traduction du point 4 de la décision : « Decorso un congruo periodo di tempo, l’esigenza di garantire la legalità costituzionale deve, comunque sia, prevalere su quella di lasciare spazio alla discrezionalità del legislatore per la compiuta regolazione della materia, alla quale spetta la priorità ».

[33] Au point 9 la Cour affirme « Questa Corte non può fare a meno, peraltro, di ribadire con vigore l’auspicio che la materia formi oggetto di sollecita e compiuta disciplina da parte del legislatore, conformemente ai principi precedentemente enunciati ».

[34] Rapporto Italia 2014, Eurispes

[35] Proposta di legge d’iniziativa popolare « Rifiuto di trattamenti sanitari e liceità dell’eutanasia », A.C. 2, XVIII Legislatura, presentata il settembre 2013

[36] Proposta di legge d’iniziativa popolare « Rifiuto di trattamenti sanitari e liceità dell’eutanasia », A.C. 2, XVIII Legislatura, presentata il 13 settembre 2013, Articolo 1

[37] Ibid.

[38] Proposta di legge d’iniziativa popolare « Rifiuto di trattamenti sanitari e liceità dell’eutanasia », A.C. 2, XVIII Legislatura, presentata il 13 settembre 2013, Articolo 2

[39] Proposta di legge d’iniziativa popolare « Rifiuto di trattamenti sanitari e liceità dell’eutanasia », A.C. 2, XVIII Legislatura, presentata il 13 settembre 2013, articolo 3

[40] Ibid.

[41] Proposta di legge n°2 d’iniziativa popolare « Rifiuto di trattamenti sanitari e liceità dell’eutanasia », TESTO UNIFICATO DELLE COMMISSIONI, A.C. 2-1418-1586-1655-1875-1888-2982-3101-A, XVIII Legislatura, presentata l’undici febbraio 2019,

[42] « Quiconque cause la mort d'un homme, avec son consentement, est puni d'un emprisonnement de six à quinze ans. Les circonstances aggravantes indiquées à l'article 61 ne sont pas applicables. Les dispositions relatives au meurtre sont applicables si l'acte est commis : 1) contre une personne âgée de moins de dix-huit ans ;2) contre une personne aliénée, ou en état de déficience mentale, en raison d'une autre infirmité ou de l'abus de substances alcooliques ou narcotiques ; 3) contre une personne dont le consentement a été extorqué par l'auteur de l'infraction par la violence, la menace ou la suggestion, ou obtenu par tromperie ».

[43] Art 575 c.p. italien qui dispose « Quiconque cause la mort d'un homme sera puni d'une peine d'emprisonnement d'au moins vingt et un ans »

 

[44]« Per costante giurisprudenza di questa Corte, il giudizio di ammissibilità della richiesta di referendum abrogativo si propone di «verificare che non sussistano eventuali ragioni di inammissibilità sia indicate, o rilevabili in via sistematica, dall’art. 75, secondo comma, della Costituzione, attinenti alle disposizioni oggetto del quesito referendario; sia relative ai requisiti concernenti la formulazione del quesito referendario, come desumibili dall’interpretazione logico-sistematica della Costituzione (sentenze n. 174 del 2011, n. 137 del 1993, n. 48 del 1981 e n. 70 del 1978): omogeneità, chiarezza e semplicità, completezza, coerenza, idoneità a conseguire il fine perseguito, rispetto della natura ablativa dell’operazione referendaria» (sentenza n. 17 del 2016) » cit. arrêt 50/2022 § 3

[45] On reproduit ci-dessus le résultat en italien suite à l’abrogation partielle envisagée : “Chiunque cagiona la morte di un uomo, col consenso di lui, è punito con la reclusione da sei a quindici anni. Non si applicano le aggravanti indicate nell’articolo 61. Si applicano le disposizioni relative all’omicidio se il fatto è commesso : 1) Contro una persona minore degli anni diciotto; 2) Contro una persona inferma di mente, o che si trova in condizioni di deficienza psichica, per un’altra infermità o per l’abuso di sostanze alcooliche o stupefacenti; 3) Contro una persona il cui consenso sia stato dal colpevole estorto con violenza, minaccia o suggestione, ovvero carpito con inganno.”

 

[46]V. arrêt 50/2022 §3.3 “nulla autorizzerebbe a ritenere che l’esenzione da responsabilità resti subordinata al rispetto della “procedura medicalizzata” prefigurata dalla legge n. 219 del 2017 per l’espressione (o la revoca) del consenso a un trattamento terapeutico (o del rifiuto di esso).”

 

 

Références bibliographiques :

 

Ouvrages généraux :

  • Giovanni Fiandaca, Enzo Musco, « Diritto penale. Parte generale », 8e édition, Zanichelli 2019

Décisions jurisprudentielles :

Cour Constitutionnelle :

  • C. Cost. n. e n. 70 del 1978
  • C. Cost. n. 48 del 1981
  • C. Cost. n. 137 del 1993
  • C. Cost. n. 174 del 2011
  • C. Cost. n. 17 del 2016
  • C. Cost. ord. 207/2018 audience du 23 octobre 2018
  • C. Cost. 242/2019 audience du 24 septembre 2019
  • C. Cost. 50/2022 audience 15 février 2022

Cour de Cassation italienne :

  • Cassazione – Sezione prima civile – sentenza 16 ottobre 2007, n. 21748

Juges du fond italiens :

  • Cour d’appel de Milan 24 avril 2002 affaire Forzatti cité par Il foro italiano vol. 126, n. 2, (février 2003), p. 87 ss. 2007
  • sentenza GIP n° 2049; tribunale di Roma
  •  tribunal de Cagliari affaire Walter Piludu 2016

Arrêts Cour européenne des droits de l’Homme :

  • Cour européenne des Droits de l’Homme arrêt du 20 janvier 2011, Haas c. Suisse
  • Cour EDH arrêt du 19 juillet 2012, Koch c. Germania
  • CEDH 14 mai 2013, Gross c. Svizzera

 

Textes officiels :

Constitution italienne de 1947 : articles 2, 3, 13, 32,75, 117

Code pénal italien : articles 575,579, 580,

Lois et actes ayant “force de loi” :

  • Loi n. 352/1970 du 25 mai 1970
  • Loi du 15 mars 2010 n. 38
  • Loi n. 219/2017 du 22 décembre 2017
  • d.l. n. 158/2012 (article 12 alinéa 10, lettre c)
  • Décret du Ministre de la santé du 8 fév. 2013 (article 1)

Proposition de loi d’initiative populaire :

  • Proposta di legge d’iniziativa popolare “Rifiuto di trattamenti sanitari e liceità dell’eutanasia”, A.C. 2, XVIII Legislatura, presentata il settembre 2013.
  • Proposta di legge n°2 d’iniziativa popolare « Rifiuto di trattamenti sanitari e liceità dell’eutanasia », TESTO UNIFICATO DELLE COMMISSIONI, A.C. 2-1418-1586-1655-1875-1888-2982-3101-A, XVIII Legislatura, presentata l’undici febbraio 2019.

 

Constitution française de 1958 : article 62

Droit supranational :

Convention européenne des droits de l’Homme : articles 2 et 8.

Articles :

  • “Il caso di “Mario” che chiede la morte assistita in Italia e porta in tribunale la Asl punto per punto”, Associazione Luca Coscioni.
  • “Eutanasia legale, la proposta di legge: vivere liberi di scegliere, fino alla fine”, Claudia Torrisi, 13 novembre 2015
  • « Les mots de la fin de vie : cessation de traitement, sédation, euthanasie active et passive, en quoi ces mots heurtent-ils notre droit français ? », CALLU Marie-France, Gérontologie et société, 2004/1 (vol. 27 / n° 108), p. 89-96. DOI : 10.3917/gs.108.0089.