Le parasitisme en ligne, une notion à la française, vue et encadrée différemment en Allemagne par la loi contre de la concurrence déloyale (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb - UWG), par Agathe Vandewalle.
Le titulaire d’une marque européenne “ROGUE FITNESS”, qui commercialise des équipements de fitness et de musculation, exploite le site internet “roguefitness.com” et utilise le signe sur plusieurs réseaux sociaux, a engagé une action devant le tribunal régional de Düsseldorf (LG Düsseldorf (8. Kammer))[1]. Celle-ci repose principalement sur la loi contre la concurrence déloyale (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb - UWG) contre un défendeur. Celui-ci ayant enregistré un nom de domaine “roguefitness.de” et l’a placé sur un site de parking pour les noms de domaines afin de les revendre au meilleur prix. Le défendeur n’exploite pas le nom de domaine.
En France, une Université ayant mis en valeur un projet, appelé « expérimentation navettes autonomes » (ENA) par l’exploitation d’un site internet dédié sous le nom de domaine « www.experimentations-navettes-autonomes.fr » a découvert que ce nom de domaine a été racheté par un entrepreneur individuel qui exploite le site internet en sus des éléments du projet ENA tel que le logo, une image et des textes du site web de l’Université sur sa page d’accueil. De plus, l’auto-entrepreneur diffuserait des informations trompeuses et revendiquerait la paternité du projet ENA.
L’Université a donc mis en demeure l’auto-entrepreneur et l’hébergeur du site afin d’obtenir le retrait des contenus et le transfert du nom de domaine, invoquant notamment des actes de contrefaçon et de parasitisme. C’est la suite de cette procédure qui est relatée dans la décision du Tribunal judiciaire de Paris du 9 janvier 2025[2].
Ces deux décisions serviront de point de comparaison entre les systèmes juridiques français et allemand. En tout état de cause, ces deux cas de concurrence déloyale en ligne ne seront pas traités de la même manière dans les systèmes juridiques des deux pays, ce qui nous poussera à nous interroger sur les modalités de mise en œuvre, le régime développé, ainsi que leurs implications pour les cas en l’espèce.
Les comportements déloyaux et parasitaires se développent en ligne à grande vitesse. Un exemple serait la pratique du cybersquat, qui est le fait d’enregistrer un nom de domaine correspondant à une marque, avec l’intention de le revendre à l’ayant droit au prix fort ; de profiter de sa notoriété ; ou encore d’altérer la visibilité de la marque. Il existe aussi le spamdexing, qui est, selon une décision du tribunal judiciaire de Marseille, le fait de « tromper les moteurs de recherche sur la qualité d’une page ou d’un site afin d’obtenir, pour un mot-clef donné, un bon classement dans les résultats des moteurs[3]. Cette pratique est largement utilisée pour déréférencer le site internet d’un concurrent afin de profiter de sa notoriété et d’en tirer du profit.
Et enfin, parmi les pratiques déloyales les plus connues, il existe le typosquat. C’est une forme de cybersquattage. Cette technique consiste en l’utilisation des noms de domaines mal orthographiés se rapprochant du nom de domaine de marque connue, afin d’attirer des visiteurs peu méfiants vers d'autres sites Web. Ce type d’acte de concurrence déloyale est souvent utilisé à des fins d'hameçonnage ou d’arnaques diverses telles que méprendre les consommateurs sur la qualité, ou l’origine d’un produit, entraver l’activité de la victime du typosquat, ou encore obtenir des données personnelles[4][5].
En France, pour remonter à l’origine de cette pratique, il faut s’intéresser aux théories doctrinales de Y. Saint-Gal et consacrée par la jurisprudence[6]. Une définition en est ressortie : le parasitisme économique consiste, « pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis »[7][8]. Le parasitisme découle du droit commun de la responsabilité et se base donc sur les articles 1240 et 1241 du code civil en l’absence de dispositions légales spécifiques [9].
Outre-Rhin, le terme parasitisme n’existe pas en lui-même : cette action est entièrement intégrée à la concurrence déloyale (unlauteren Wettbewerb) allemande régie par le (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb - UWG) et notamment dans son article § 4 Nr. 3 UWG. Des actions similaires au parasitisme à la française y sont énumérées, telles que l’utilisation déloyale de la renommée d’autrui (unlautere Ausnutzung der Wertschätzung) ou encore la confusion sur l’origine d’un produit (vermeidbare Herkunftstäuschung).
Dans quelle mesure les systèmes juridiques français et allemand traitent-ils des actes de concurrence déloyale s’apparentant au régime du parasitisme français ?
Comme énoncé, en France, la notion de parasitisme est une conception prétorienne reprise par la jurisprudence tandis qu’en Allemagne, il n’y a pas d’équivalent direct. En effet, les actions qui s’apparentent au parasitisme à la française sont traitées par le droit de la concurrence déloyale encadré par la loi allemande éponyme (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb - UWG). Cela induit de fortes différences entre les systèmes français et allemand. La première porte sur la qualification même du « parasitisme » en ligne (I.). La seconde porte sur le traitement par les tribunaux français et allemand de la question du cybersquattage (II.). Enfin, la troisième différence concerne l’articulation avec les droits de propriété intellectuelle (III.)
- Les critères pour qualifier le « parasitisme » en ligne dans les systèmes juridiques français et allemands.
En France, la théorie du parasitisme étant prétorienne, elle est bien plus souple et répond à des problématiques au cas par cas, tandis qu’en Allemagne, les conditions sont plus clairement définies car ils sont strictement codifiés par l’UWG. Cela assure une plus grande sécurité juridique mais moins de souplesse pour s’adapter à la pratique.
Selon une décision du Tribunal judiciaire de Paris du 9 janvier 2025, le parasitisme économique est « une forme de déloyauté, constitutive d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis » [10].
Selon cette même jurisprudence, il appartient à celui qui se prétend victime d'actes de parasitisme d'identifier la valeur économique individualisée qu'il invoque, ainsi que la volonté d'un tiers de se placer dans son sillage. Certaines conditions sont nécessaires pour reconnaître une situation de parasitisme en ligne.
En effet, il faut tout d’abord une faute caractérisée par un comportement déloyal. Un préjudice impactant la valeur économique identifiée et individualisée est également nécessaire, ainsi qu’un lien de causalité entre les deux. Cela suit la logique de l’article 1240 code civil qui encadre la responsabilité délictuelle et qui sert de base à la théorie du parasitisme. La notion de valeur économique identifiée et individualisée est encadrée par la jurisprudence. Par exemple, selon une jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 5 juillet 2016[11] et une décision de la première chambre civile de la même cour du 22 juin 2017 [12], « le savoir-faire et les efforts humains et financiers propres à caractériser une valeur économique identifiée et individualisée ne peuvent se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation du produit et, les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en œuvre par un concurrent ne constitue pas, en soi, un acte de parasitisme[13] ».
De plus, le parasite doit se mettre dans le sillage du parasité, utiliser sa notoriété ou ses investissements pour son propre profit.
Le parasitisme en ligne a été précisé par la jurisprudence française : « le fait par des liens commerciaux, des techniques de référencement ou l'utilisation de mots-clés de détourner l'internaute et de s'approprier la renommée d'une entreprise constitue une manœuvre parasitaire dès lors que cet usage est susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque, à savoir les fonctions d'origine, de publicité et d'investissement. »[14]
En Allemagne, l’article §4 Nr. 3 UWG s’intitulant Mitbewerberschutz, que l’on peut librement traduire par “protection des concurrents” dispose que « Quiconque agit injustement [...] en proposant des biens ou des services qui sont une imitation des biens ou des services d'un concurrent, s'il (a) provoque une tromperie évitable des clients quant à l’origine de l’entreprise, (b) exploite ou porte atteinte indûment à la réputation des biens ou services contrefaits, ou (c) a obtenu les connaissances ou les documents nécessaires à l’imitation de manière malhonnête… »[15]. Cet article décrit trois cas se rapprochant du comportement parasitaire français. Le développement de ces syllogismes juridiques est très rigoureux car chacune des conditions doit être remplie.
Ainsi avant d’expliciter ces trois types de concurrence déloyale s’apparentant à du parasitisme, trois conditions sont nécessaires afin de caractériser un acte commercial déloyal :
Le premier critère qui est repris dans la décision du tribunal régional de Düsseldorf (LG Düsseldorf (8. Kammer))[16], est que l’action en concurrence déloyale en Allemagne ne peut être poursuivie qu’entre concurrents. Ainsi le premier critère est la nécessité de la situation de concurrence entre celui qui commet l’acte de concurrence déloyale et celui qui en est victime.
En France, à contrario, la doctrine a retenu deux comportements parasitaires distincts, en fonction de la relation entre le parasité et le parasite : les agissements parasitaires qui ne nécessitent pas que les opérateurs soient en situation de concurrence et la concurrence parasitaire, lorsque l’auteur et sa victime sont en situation de concurrence. Un plus grand nombre de cas peut donc être entendu et indemnisé sur le fondement du parasitisme, puisque la notion française s’applique plus largement. Cependant, ces deux catégories sont très artificielles, ainsi le juge français ne s’y réfère que très rarement dans ses décisions.
La seconde condition est que l’acte doit s’inscrire dans le cadre d’une transaction commerciale et plus précisément, cela doit être une imitation de bien ou de services proposés par un concurrent.
En troisième et dernière condition, l’acte de concurrence déloyale doit être compris dans l’une des trois catégories listées à l’article § 4 Nr. 3 lit. a-c UWG :
Le premier type de concurrence déloyale allemande selon §4 Nr. 3 lit. a est le fait de provoquer « une tromperie évitable des clients quant à l’origine de l’entreprise ». En tout état de cause, le parasitisme français, concurrentiel ou non, peut créer une forme de confusion dans l’esprit des clients sur l’origine du produit. C’est sur cela que le parasite compte pour exploiter les efforts investis par le parasité.
Le second type de concurrence déloyale en Allemagne est le fait d’exploiter ou de porter « atteinte indûment à la réputation des biens ou services contrefaits » selon §4 Nr. 3 lit. b. Le parasitisme français traite également de ceci : en effet, l’atteinte à la renommée du concurrent ou du nom concurrent afin d’en tirer un bénéfice est une expression du parasitisme.
Et le troisième cas de figure est l’obtention de « connaissances ou de documents nécessaires à l’imitation de manière malhonnête… » selon §4 Nr. 3 lit. c.. Ce troisième cas se rapprochant moins des deux premiers de la notion de parasitisme à la française, il ne sera pas traité dans cet article.
Ainsi l’acte de concurrence déloyale en Allemagne s’apparentant au parasitisme à la française est bien plus limité que la conception jurisprudentielle française. En effet, en France, toute action fautive « par le fait de se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consenti » est un acte de parasitisme. En Allemagne, cela se limite aux actes de concurrence déloyale énumérés dans l’article §4 Nr. 3 UWG qui ne prévoit de protection que contre la copie. Nous sommes très loin de la pluralité et de l’étendue de la protection offerte par la jurisprudence française.
- Le cas particulier du « Cybersquattage ».
Comme défini dans l’introduction, le cybersquat ou cybersquattage est une forme de parasitisme en ligne. La première jurisprudence rendue à ce sujet du Tribunal de Grande Instance de Paris par Ordonnance de référé du 25 avril 1997, Framatome / Association Internaute[17] énonce que ces faits sont caractéristiques d’un racket organisé et d’une opération parasitaire.
Dans les faits, la société Framatome, titulaire d’une marque à l’échelle internationale, avait assigné l’association internaute et d’autres personnes physiques pour avoir enregistré un nom de domaine « http://www.framatome.com » similaire à la marque qu’elle exploite, qu’ils n’exploitaient pas et qu’ils voulaient céder à bon prix. La jurisprudence a progressivement étendu la théorie du parasitisme à toute conduite consistant à se placer dans le sillage économique d’un opérateur afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou des investissements réalisés, ce qui est le cas ici lorsque le parasité cède, à un prix supérieur à la normale, un élément susceptible d’affecter l’activité commerciale du parasité, tel qu’un nom de domaine reprenant son signe distinctif.
On pourrait penser qu’en Allemagne, l’acte de cybersquating serait également reconnu comme une forme de concurrence déloyale parasitaire ; il en est tout autre.
En Allemagne, le cybersquat est davantage connu sous le nom de « Domainname-Grabbing ». Comme le relate la jurisprudence du tribunal régional de Düsseldorf (LG Düsseldorf (8. Kammer))[18], une action peut être, dans ce cas, intentée sur le fondement de la concurrence déloyale. Cependant, l’article §4 Nr. 3 UWG ne va pas être utilisé, mais plutôt l’article §4 Nr. 4 du UWG, qui énonce que quiconque agit injustement en entravant de manière ciblée les concurrents commet un acte déloyal. Les conditions pour caractériser cet acte sont très proches des conditions posées à l’article §4 Nr. 3 UWG. En effet, comme le juge le fait dans la décision rendue à Düsseldorf, il vérifie la relation de concurrence entre les parties, ce qui était le cas en l’espèce. L’acte doit s’inscrire dans le cadre d’une transaction commerciale, critère relevé dans la décision du tribunal régional de Düsseldorf : « Le comportement reproché – l'enregistrement du domaine et le maintien de l'enregistrement à des fins d'utilisation commerciale du domaine – doit être considéré comme une activité commerciale »[19].
La décision rappelle également que l’intention doit être abusive, ce qui se vérifie dans la volonté d’enregistrer un nom de domaine dans le but de le faire acquérir par le titulaire de la marque éponyme à un prix anormal[20]. L’action doit avoir, de plus, un effet entravant sur la concurrence pour être reconnue comme un acte de concurrence déloyale selon l’article 4 Nr. 4 du UWG. Par exemple dans la décision du tribunal régional de Düsseldorf, le maintien sans exploitation du nom de domaine « roguefitness.de » aurait bloqué l’accès aux concurrents[21]. En France, le parasitisme ne considère pas ce critère d’entrave à la concurrence car comme expliqué dans la première partie ; ce qui est sanctionné est la perte de valeur économique identifiée et individualisée. Cette atteinte à la valeur découle d’un comportement parasitaire consistant à se placer dans le sillage d’un concurrent sans contrepartie ni autorisation.
On voit par cet exemple qu’une même situation de fait n’est pas appréhendée de la même manière par les juges français et allemand. Cela tient en grande partie à la structuration cloisonnée du droit allemand, laquelle limite les marges d’interprétation jurisprudentielle au strict cadre fixé par les textes. Ce qu’offre le droit français peut cependant lui coûter en sécurité juridique.
- L’articulation avec le droit de la propriété intellectuelle : le parasitisme, un fondement supplétif ou concurrent ?
Les actions à l’encontre de pratiques s’apparentant à de la concurrence déloyale et au parasitisme en Allemagne et les actions en parasitisme en France sont souvent couplées à une action sur un fondement différent : le droit de propriété intellectuelle. Ce droit privatif peut aussi bien porter sur une marque que sur une création intellectuelle.
En France, le cumul de l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale telle que le parasitisme est théoriquement admis, cependant en pratique la jurisprudence exige « un fait distinctif » entre les deux actions, c’est-à-dire que les deux actions doivent reposer sur des faits différents. Selon une décision inédite de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation du 31 mars 2004, « le cumul d'une action en contrefaçon et d'une action en concurrence déloyale n'est possible que si, aux faits de contrefaçon spécialement condamnés par la loi, viennent s'ajouter d'autres faits dont le caractère abusif ou excessif résulte des principes généraux du droit ou des usages fondés sur des règles de probité commerciale ; qu'il s'ensuit qu'un tel cumul d'actions implique qu'existent des faits distincts de contrefaçon d'une part et de concurrence déloyale de l'autre, une action en concurrence déloyale ne pouvant compléter une action en contrefaçon que si l'acte déloyal n'est pas l'accessoire de celui de contrefaçon mais en est détachable »[22]. Malgré quelques phases d’interprétation plus souple, la jurisprudence est globalement stable. En pratique, le cumul des actions est accepté si les faits de parasitisme vont au-delà de la simple contrefaçon, et est refusé si les faits sont intégralement couverts par les faits de contrefaçon[23].
Outre-Rhin, le cumul de ces deux actions est possible pour de mêmes faits, à condition que chaque action vise la protection d’intérêts juridiques distincts. A chaque intérêt juridique, un texte de loi spécifique. On retrouve ici, pour la protection des droits de propriété intellectuelle : la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins (Gesetz über Urheberrecht und verwandte Schutzrechte – UrhG), le droit privatif attaché aux marques est régi par la loi sur les marques (Markengesetz - MarkenG) tout comme l’UWG, qui sanctionne les comportements déloyaux.
La nuance est qu’en France, ce qui ne relève pas du droit de la propriété intellectuelle est en théorie traité dans le cadre des notions de concurrence déloyale et de parasitisme. Cela rend l’action en parasitisme très large. Tandis qu’en Allemagne, les actions de concurrence déloyale sont traitées séparément des actions pour violation d’un droit d’auteur.
Ainsi, l’articulation entre les droits de propriété intellectuelle et la protection contre les actes de concurrence déloyaux est différente dans les deux systèmes, et posent divers problèmes propres à chaque régime.
Il faut déjà considérer que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté de commerce[24]. Les droits privatifs tels que les droits de propriété intellectuelle sont déjà, en principe, une entrave à la concurrence. L’Allemagne et la France ont une vision différente de la liberté de concurrence dans ce domaine. En effet, l’Allemagne favorise dans ses rapports concurrentiels, la liberté de copie, tandis qu’en France, la jurisprudence a tendance à s’étendre et à vouloir protéger des créations en ligne qui ne sont, à la base pas protégées par un droit de propriété intellectuelle.
Cette direction donnée par la jurisprudence française fait l’objet de vifs débats au sein de la doctrine, sans qu’un consensus n’ait encore été trouvé. Monsieur Huillier a par exemple écrit « Le parasitisme parasite-t-il la propriété intellectuelle ? » Et Monsieur Passa, « Propos dissidents sur la sanction du parasitisme économique » sur ce sujet[25].
Une vigilance accrue a été demandée au juge français quant à la mobilisation des précédents jurisprudentiels, afin d’en garantir une application cohérente et rigoureuse[26]. A titre d’exemple, il a été rappelé que « la reprise d'un thème [en l'espèce celui de l'enfant et du ballon] n'est pas de nature à caractériser un acte de parasitisme » selon une décision de la Cour de cassation de 2013.[27]
Le droit allemand consacre la liberté de copie comme principe fondamental, soumis aux seules limites posées par la législation en vigueur, au premier rang desquelles figure le §4 n°3 UWG prohibant certaines formes d’imitation concurrentielle.
Le parasitisme en droit français se heurte à une insécurité juridique latente, liée à l’absence de codification, et ne trouve donc de limites que dans la rigueur de l’interprétation jurisprudentielle et sur le pouvoir d’appréciation du juge. Sa souplesse à contrario permettra d’élever cette forme d’action pour de nouveaux procédés techniques qui ne manqueront pas d’arriver. Cela, risque, a contrario, de poser un problème à l’Allemagne, qui dispose d’un droit sûr mais peu évolutif.
[1] LG Düsseldorf (8. Kammer), Versäumnisurteil vom 10.02.2025 – 38 O 162/24
[2] Tribunal judiciaire de Paris - 3ème chambre 1ère section 9 janvier 2025 / n° 24/10696
[3] Tribunal judiciaire de Marseille - 1ère Chambre Cab1, 6 février 2025 / n° 24/00637
[4] Tribunal judiciaire de Paris - 3ème chambre 3ème section, 9 octobre 2024 / n° 23/15973
[5] MALAURIE -VIGNAL M., Droit de la concurrence interne et européen, col. Université, ed. Sirey, N° 8 - Janvier 2020, pp. 194
[6] PICOD Yves et DORANDEU Nicolas, « Concurrence déloyale - Art. 2 - Comportements parasites », Répertoire IP/IT et Communication, Dalloz, avril 2022 (actualisation avril 2025).
[7] Com. 10 juill. 2018, no 16‑23694, publié au Bulletin.
[8] FRISON-ROCHE M. A. et RODA J.C.; Droit de la concurrence ; Précis Dalloz ; ed. n°2 ; avril 2022, pp 725 à 727 et pp. 759 à 762.
[9] « Parasitisme économique », Fiche d’orientation, Dalloz, juillet 2023
[10] Tribunal judiciaire de Paris - 3ème chambre 1ère section 9 janvier 2025 / n° 24/10696
[11] Com. 5 juill. 2016, n° 14-10.108, Bull. civ. IV, n° 101 ; D. 2016. 1556
[12] Civ. 1re, 22 juin 2017, n° 14-20.310, Bull. civ. I, n° 152 ; D. 2017. 1359
[13] « Parasitisme économique : valeur économique identifiée et individualisée, Recueil Dalloz, 26-06-2024, p.1228
[14] « Parasitisme économique », Fiche d’orientation, Dalloz, juillet 2023
[15] Article 4 intitulé « protection des concurrent » (Mitbewerberschutz) de la loi contre la concurrence déloyale (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb - UWG)
[16] LG Düsseldorf (8. Kammer), Versäumnisurteil vom 10.02.2025 – 38 O 162/24
[17] Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé du 25 avril 1997, Framatome / Association Internaute, Jérôme D., Olivier L., Xavier B.
[18] LG Düsseldorf (8. Kammer), Versäumnisurteil vom 10.02.2025 – 38 O 162/24
[19] LG Düsseldorf (8. Kammer), Versäumnisurteil vom 10.02.2025 – 38 O 162/24
[20] ibid
[21] LG Düsseldorf (8. Kammer), Versäumnisurteil vom 10.02.2025 – 38 O 162/24
[22] Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 31 mars 2004, 02-14.902, Inédit
[23] PICOD Yves et DORANDEU Nicolas, « Exercice cumulatif », Répertoire de droit commercial / Concurrence déloyale Com., Dalloz, avril 2025
[24] FAJGENBAUM Fabienne et LACHCINSKI Thibault, « Concurrence déloyale, parasitisme et contrefaçon », Concurrence déloyales, AJCA, Dalloz, Juillet 2014, pp 158 -159
[25]CLEMENT-FONTAINE Mélanie, « Les grands arrêts de la propriété intellectuelle », dans PRINCIPES FONDAMENTAUX ET QUESTIONS TRANSVERSALES, Dalloz, 2020
[26] ibid
[27] Civ. 1re, 16 janv. 2013 no 12-13027, voir aussi Civ. 1re, 22 juin 2017, CCE sept. 2017. Repères 8, obs. Caron
Bibliographie :
Ouvrages généraux
- CLEMENT-FONTAINE Mélanie, Les grands arrêts de la propriété intellectuelle, dans Principes fondamentaux et questions transversales, Dalloz, 2020.
- FRISON-ROCHE M. A. et RODA J.C., Droit de la concurrence, Précis Dalloz, 2e éd., avril 2022, pp. 725-727 et 759-762.
- MALAURIE-VIGNAL M., Droit de la concurrence interne et européen, coll. Université, Sirey, n° 8, janvier 2020, p. 194.
Revues et doctrines juridiques
- FAJGENBAUM Fabienne et LACHCINSKI Thibault, « Concurrence déloyale, parasitisme et contrefaçon », AJCA, Dalloz, juillet 2014, pp. 158-159.
- PICOD Yves et DORANDEU Nicolas, « Concurrence déloyale - Art. 2 - Comportements parasites », Répertoire IP/IT et Communication, Dalloz, avril 2022 (actualisation avril 2025).
- PICOD Yves et DORANDEU Nicolas, « Exercice cumulatif », Répertoire de droit commercial / Concurrence déloyale Com., Dalloz, avril 2025.
- Parasitisme économique, Fiche d’orientation, Dalloz, juillet 2023.
- Parasitisme économique : valeur économique identifiée et individualisée, Recueil Dalloz, 26 juin 2024, p. 1228.
Textes législatifs
- Article 1240 du Code civil (responsabilité civile délictuelle).
- Article 4 intitulé « protection des concurrents » (Mitbewerberschutz), Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb (UWG) – Loi allemande contre la concurrence déloyale.
Décisions juridiques
- Civ. 1re, 16 janv. 2013, n° 12-13027.
- Civ. 1re, 22 juin 2017, n° 14-20.310, Bull. civ. I, n° 152 ; D. 2017.1359.
- Com. 5 juill. 2016, n° 14-10.108, Bull. civ. IV, n° 101 ; D. 2016.1556.
- Com. 10 juill. 2018, n° 16‑23694, publié au Bulletin.
- Cour de cassation, chambre commerciale, 31 mars 2004, n° 02-14.902, inédit.
- LG Düsseldorf (8. Kammer), Versäumnisurteil vom 10.02.2025 – 38 O 162/24.
- Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance de référé du 25 avril 1997, Framatome / Association Internaute, Jérôme D., Olivier L., Xavier B.
- Tribunal judiciaire de Marseille - 1ère Chambre Cab1, 6 février 2025, n° 24/00637.
- Tribunal judiciaire de Paris - 3ème chambre 1ère section, 9 janvier 2025, n° 24/10696.
- Tribunal judiciaire de Paris - 3ème chambre 3ème section, 9 octobre 2024, n° 23/15973.