L'Expo Peyo

Pour tous les amoureux de la bande dessinée, vous allez schtroumpher cette exposition ! Les petits êtres bleus ont envahi le centre Wallonie-Bruxelles à Paris jusqu'au 28 octobre. C'est l'occasion de connaître un peu mieux leur créateur, Peyo, inventeur de génie, qui est devenu l'une des plus grandes figures de la bande dessinée humoristique européenne. Vous pourrez admirer des planches originales jamais exposées, mais aussi des affiches, des story board, des figurines et des textes inédits. Une exposition à ne rater sous aucun prétexte !

 

Vous ne l'avez peut être pas remarqué cette toute petite baie vitrée, cachée dans l'ombre du colossal Centre Pompidou et encerclée par des boutiques de souvenirs, . Pourtant quelque chose retient notre attention : des petits lutins bleus ont monopolisé ce petit coin discret surmonté de l'enseigne Centre Wallonie Bruxelles. Oui, ce sont bien les Schtroumpfs que vous voyez, alors n'ayez pas peur de rentrer, pour une fois, dans ce petit lieu, car de grandes choses y sont exposées.

En effet, pour fêter les 60 ans de ces « petits êtres bleus », une rétrospective du travail de Peyo est présentée dans cette exposition généreuse, rassemblant de nombreuses planches originales, ainsi que des couvertures, des croquis et autres trésors. Suivez donc les empreintes de ces lutins sur le sol et laissez-vous bercer par la beauté des œuvres que vous allez rencontrer. Tout le monde y trouvera son compte car tout le monde connaît le travail de Peyo d'une manière ou d'une autre : si votre enfance n'a pas été bercée par les Schtroumpfs, le nom de Johan et Pirlouit vous dira peut-être quelque chose. Mais nous pouvons aussi nous interroger sur l'artiste lui-même car, si nous connaissons les personnages, le créateur reste discret : le projet de cette exposition est donc là : raconter l'histoire de cet homme à la vie trépidante et à l'imagination débordante.

Pierre Culliford, alias Peyo, vient d'une petite famille bourgeoise du Nord-Est de Bruxelles, son enfance sera mise à l'épreuve par la guerre et la mort de son père alors qu'il n'a que sept ans. À quinze ans il enchaîne les petits boulots mais il ne laisse pas tomber ses projets: tous les soirs, le jeune Pierre met ses idées sur papier. C'est à dix huit ans que le pseudonyme « Peyo » est utilisé pour la première fois par l'artiste.

Au fil des originaux présentés, on découvre ses premières histoires publiées comme Pied-Tendre, le petit indien, aux traits un peu trop semblables à la patte de Walt Disney, influenceur de sa jeunesse. On aura aussi la chance de voir des projets inachevés comme Capitain Coky , une histoire de pirates où transparaît toute la détermination de Peyo pour améliorer ses planches. Ce dernier est pointilleux, ses dessins trahissent sa volonté de perfection : on y découvre de nombreux traits de crayon, laissant apparaître une idée effacée, mais aussi des collages pour modifier un élément d'une planche sans la refaire entièrement, même s'il n'hésitait pas à les refaire plusieurs fois quand elles ne lui convenaient pas. L'artiste est avant tout un scénariste qui apprend à dessiner pour raconter ses histoires. On voit ensuite les progrès du jeune artiste de planche en planche, la maturité qu'il gagne au fil des années et qui se trahit par un ancrage mieux maîtrisé, des formes plus précises. C'est l'heure de gloire de la bande dessinée Johan et Pirlouit, l'intrépide écuyer et le nain maladroit vivant des aventures dans un Moyen-Âge fantaisiste. En 1951, Peyo retrouve son ami Franquin : ce dernier va l'introduire dans la famille du journal Spirou.

Nous trouvons ensuite, dans un angle de l'exposition, une drôle de flûte : c'est bien l'instrument qui anime l'album La Flûte aux six Schtroumpfs, première apparition des nains bleus dans les aventures de Johan et Pirlouit. On arrive donc devant les premiers croquis du personnage qui fera basculer la carrière (ou la vie) de l'artiste : le Schtroumpf. Un Schtroumpf, ce n'est qu'une succession de rondeurs, de formes rassurantes et de couleur bleue que Peyo justifie ainsi : « Le rose, le brun et le jaune étaient exclus, car il fallait le différencier des humains. En vert, ils se seraient confondus avec les feuillages....restait le bleu ! ». Le personnage du Schtroumpf deviendra rapidement le centre des créations de Peyo car il est largement apprécié par tous les lecteurs, ce qui va pousser le bédéiste vers d'autres domaines.

Avec cette popularité grandissante, l'industrie du dessin animé ne pouvait pas passer à côté de ça. Le dessin animé est le format qui s'adaptait le mieux pour ces petits personnages : ce sont les studios TVA, créés par Charles Dupuis en 1959 qui se chargeront de l'affaire. On trouve alors, au fond de la salle d'exposition, quelques illustrations utilisées pour ces projets. La réalisation du dessin animé reste sommaire, elle utilise des silhouettes en papier pour l'animation. Mais cette modeste création aura un franc succès, découlant ainsi sur un long métrage d'animation par les studios Belvision : La Flûte à six Schtroumpfs. Peyo s'attaque donc aux story board, ces illustrations détaillant scène par scène, plan par plan, les mouvements et les actions des personnages que l'on peut admirer avec délectation à travers une vitrine remplie de croquis. Il réalisera en tout pas moins de 1200 croquis et l'on sera impressionné par une photo où l'artiste, posant devant ses dessins, semble bien petit face à ce travail de colosse. Et nous ne serons pas moins surpris lorsque, sur le mur, derrière nous, nous verrons toutes les planches en format « mini-récit » de l'album Les Schtroumpfs Noirs. L'aventure du dessin animé se poursuit ensuite avec les studio Hanna-Barbera qui produiront plus de 300 épisodes de dessin animé, diffusés encore de nos jours à la télévision, qui seront à l'origine de la « Smurfmania» dans les années 80.

 

On voit donc une autre facette de Peyo : si l'on ne le qualifie pas d'homme d'affaires (où l'on s'imaginerait un homme en costard-cravate trimballant ces petits hommes bleus dans une mallette fermée à double tours), Peyo n'en est pas moins un homme qui maîtrise l'art de la diffusion de ses idées. Si les Schtroumpfs sont aussi connus dans le monde entier, c'est parce que leur créateur les a envoyés aux quatre coins de notre planète dans des boîtes en carton. Mais pas n'importe quelle boîte en carton : des boîtes de céréales. Quand aujourd'hui nous trouvons des toupies, dans les années 70, nous pouvions avoir la bonne surprise de trouver une de ces belles petites figurines dont les enfants raffolent. Une histoire de marketing ? Pas seulement car certaines personnes, ayant flairé la bonne affaire, ont aussi essayé de mettre leur personnage en figurine dans des paquets de céréales, mais aucun n'eut le succès des Schtroumpfs. Ces petites figurines, c'est ce qui attire notre attention, collées à un des murs de cette grande salle : on regarde avec des yeux d'enfants les petits personnages bleus, se disant que, quand même, cela devait être chouette d'en trouver un le matin dans son bol de céréales.

 

 

Après ce petit moment de nostalgie, on retourne à la réalité : celle du travail acharné, des planches à rendre à une date précise et du scénario le plus efficace possible à trouver. Peyo doit laisser sa série favorite Johan et Pirlouit et, ne pouvant répondre à toutes les demandes, il s'entoure d'assistants : Walthéry, Gos et Derib entre autres et met en place son « studio Peyo ». Ses albums passent du petit format de « mini-récit » au grand format. Plusieurs albums voient le jour, ainsi qu'un nouveau personnage qui fera couler beaucoup d'encre : la Schtroumpfette. En effet, si la formule de Gargamelle pour créer cette charmante créature est «  un brin de coquetterie....une solide couche de parti-pris... trois larmes de crocodile....une cervelle de linotte...etc.» autant dire que Peyo prenait un risque quant à la réaction de la gent féminine. Sa femme en fut la première concernée : Walthéry raconte « quand elle a découvert cette description de la femme, son épouse Nine ne lui a plus parlé pendant quinze jours ! ». Il était comme ça Peyo, un tantinet taquin, et l'on retrouve d'ailleurs cette malice dans les planches sélectionnées, montrant la fameuse demoiselle face à tous ces messieurs aux bonnets blancs.

 

Ainsi, devant ces innombrables planches originales jamais exposées, ces prototypes de couvertures, de textes inédits, les témoignages que nous pouvons écouter lors d'un reportage diffusé dans une petite salle à part, mais aussi tous les éléments de la conception d'un dessin animé, on comprend que Peyo n'était pas que le créateur des petits hommes bleus, il était aussi un inventeur de génie, un passionné de la bande dessinée et aussi un homme d'affaires mais avant tout un artiste qui posa les jalons de la bande dessinée humoristique européenne. Une exposition à ne pas rater alors schtroumphez-vous, elle se termine le 28 octobre !

 

Pour plus de renseignements : https://www.cwb.fr/agenda/expo-peyo