Rose Valland : la réhabilitation d'une figure féminine de la Résistance

Si vous vous rendez au musée du Jeu de Paume, vous apercevrez peut-être sur la façade sud du bâtiment une plaque commémorative en l’honneur de Rose Valland.  C’est personnellement comme cela que j’ai découvert cette femme incroyable, dont l’histoire m’a tellement plu que j’ai décidé de vous en parler. Figure encore trop méconnue de la Résistance, Rose Valland était une amoureuse des arts, qui a œuvré pour la restitution de milliers d’œuvres, spoliées durant la Seconde Guerre Mondiale. L’histoire de Rose Valland, c’est l’histoire de l’art durant la guerre, mais c’est également l’histoire d’un travail de mémoire.

 

Une résistante passionnée d’art

A une époque où la France est en passe d’être occupée par l’Allemagne, Rose Valland travaille en tant qu’attachée de conservation au musée du Jeu de Paume de Paris. En 1940, le musée, qui était à l’époque dédié aux école étrangères, est récupéré par les Nazis pour devenir un espace de stockage d’œuvres. En son sein transitent en effet une quantité immense de tableaux et sculptures spoliés, arrachés à des familles juives ou à des lieux tels que les musées et les églises. En réussissant à garder son poste au musée, Rose Valland décide d’entreprendre un travail d’inventaire phénoménal : elle consigne dans des carnets les références de toutes les œuvres qui passent par le musée, leur lieu de provenance, ainsi que leur lieu d’expédition. Un grand nombre d'entre elles sont destinées au projet du Führermuseum ou aux collections personnelles des chefs nazis. Véritable travail d’espionnage, ce projet représente un risque pour elle, mais c’est le seul moyen de garder des traces de ce qu’il se passe dans le Jeu de Paume.

A la Libération, les notes qu’elle a prises dans ses carnets sont utilisées pour retrouver les œuvres spoliées. On réalise alors la valeur inestimable de son travail, sans lequel la restitution des œuvres serait quasi-impossible. Rose Valland refuse d’ailleurs que son combat pour l’art prenne fin, et elle obtient un contrat de l’armée pour se rendre en Allemagne et veiller à la bonne restitution des œuvres volées par le Troisième Reich. Cet engagement lui octroie le grade de « Capitaine Beaux-Arts ». Grâce à ses notes et son travail sur le terrain, plus de 45 000 œuvres d’art sont restituées. La quantité d’œuvres volées étant d’une importance phénoménale, elle passe le reste de sa vie dévouée à la cause de la restitution, même à son retour d’Allemagne. En 1961, elle publie Le front de l'art : défense des collections françaises, 1939-1945, dans lequel elle raconte son combat. Ses notes sont toujours utilisées de nos jours pour faire avancer le processus de restitution des œuvres.

 

La mémoire de Rose Valland

Si Rose Valland fut admirée et décorée de nombreuses fois juste après la guerre, son nom finit par être oublié. Médaillée de différents titres honorifiques (notamment celui de la Légion d’Honneur) en France, mais également en Allemagne et aux Etats-Unis, elle n’en reste pas moins une figure de l’ombre de la Résistance, probablement car la spoliation des œuvres d’art n’est pas l’aspect de la Guerre le plus connu du grand public. Aujourd’hui, son histoire fait l’objet d’un travail de mémoire, qui vise à faire connaître son incroyable action.

Une grande partie de ce combat est mené par l’association "La mémoire de Rose Valland". En lien avec la Fondation pour la mémoire de Shoah, cette association souhaite faire connaître l’histoire de Rose Valland pour sensibiliser à son combat contre le totalitarisme. Courageuse, déterminée, passionnée : Rose Valland représente un modèle pour les générations futures, qui plus est, un modèle féminin, que l’Histoire a tendance à mettre de côté. L’association a œuvré pour monter des expositions relatant sa vie, donner son nom à des rues et établissements ainsi qu’apposer des plaques commémoratives sur le Jeu de Paume et ses lieux de vie.

Le travail de mémoire sur Rose Valland s’effectue aussi via la publication croissante d’ouvrages la concernant. Un des combats du féminisme d’aujourd’hui est de mettre en lumière des personnalités mises dans l’ombre à cause de leur genre, et cela se fait par le biais de travaux de recherches et de vulgarisations de ces recherches. Ainsi, on trouve aujourd’hui des livres d’histoire, des bandes dessinés et un nombre important de post instagram (un medium souvent utilisé par les milieux militants) relatant son histoire. La communauté lgbtqia+ s’intéresse également au travail de mémoire sur Rose Valland, car elle était homosexuelle, ce qui fait d’elle une figure représentative des femmes lesbiennes, souvent invisibilisées dans l’Histoire.

Bien que son travail d’espionnage au Jeu de Paume commence à être de plus en plus réputé, la seconde partie de ses actions directes pour la restitution des œuvres spoliées reste plus méconnue. Pourtant, Rose Valland dédia sa vie entière à ce combat. Le film Monuments Men, sorti en 2014 et réalisé par Georges Clooney, relate l’histoire d’un bastion de l’armée américaine, assignée à la récupération et à la protection des œuvres spoliées par les Nazis. Le personnage de Claire Simone y est directement inspiré de Rose Valland, mais là encore, on la voit uniquement travailler depuis la France pour la restitution des œuvres. Ce personnage est d’ailleurs au centre d’une romance avec le soldat James Granger, ce qui invisibilise l’homosexualité de Rose Valland. Certains aspects de la vie de cette incroyable femme qu’était Rose Valland méritent donc d’être plus valorisés pour que son histoire soit mieux connue.