ALLEMAGNE - Commentaire du paragraphe 767 du Bürgerliches Gesetzbuch relatif à l’étendue de la responsabilité de la caution dans un contrat de cautionnement. - Par Cédric DANDEVILLE

Résumé

Le paragraphe 767 du BGB fait dépendre l’étendue de l’obligation de la caution de l’étendue de l’obligation principale, que celle-ci diminue ou se prolonge. Néanmoins, le caractère accessoire du cautionnement ainsi exprimé se heurte à certaines exceptions. Les solutions issues du § 767 BGB sont souvent similaires à celles du droit français.

Le cautionnement est une des sûretés les plus utilisées en Allemagne, comme en France. Pourtant la caution, personne qui s’engage envers un créancier à régler la dette (dette ou obligation principale) d’un débiteur (débiteur principal) dans l’hypothèse où celui-ci ne le ferait pas lui-même, n’est pas toujours consciente de l’étendue de sa responsabilité. Le paragraphe 767 du Bürgerliches Gesetzbuch (§ 767 BGB) détermine l’étendue de l’obligation de la caution (Umfang der Bürgschaftsschuld) dans un contrat de cautionnement. Ce paragraphe est situé au livre 2, relatif au droit des obligations, titre 20, relatif au cautionnement (Bürgschaft), du BGB. Le § 767 dispose : « (I) 1L’étendue de l’obligation de la caution dépend de l’étendue de l’obligation principale. 2Ceci vaut en particulier pour les modifications de l’obligation principale (Hauptverbindlichkeit) dus à la faute (Verschulden) ou au retard (Verzug) du débiteur principal (Hauptschuldner). 3Une obligation contractée par le débiteur principal postérieurement au cautionnement ne prolonge pas l’obligation de la caution. (II) La caution répond des frais de rupture du contrat principal et des frais de justice que le débiteur principal doit rembourser au créancier. » Le § 767 BGB pose le principe du caractère accessoire du cautionnement quant à son étendue. L’étendue de l’obligation de la caution est ainsi dépendante de l’étendue de l’obligation principale. Pour la caution, ce principe a des répercussions décisives sur sa responsabilité, c’est-à-dire sur son obligation de répondre de la défaillance du débiteur principal. Le § 767 BGB vise à préciser et à limiter le risque supporté par la caution et, dans le même temps, à ménager la fonction de garantie du contrat de cautionnement. En ce sens, cette disposition se trouve au centre de la problématique générale du contrat de cautionnement, qui le fait balancer entre protection de la caution et protection du créancier. Dans quelle mesure la caution est-elle tenue de répondre des modifications de l’obligation principale ultérieures à la conclusion du contrat de cautionnement? Un commentaire du § 767 BGB doit permettre de répondre à cette question. De plus, une comparaison de ce paragraphe avec les règles posées par le droit français en matière de cautionnement doit mettre en avant les points communs et différences existant entre les deux systèmes juridiques. Le commentaire du § 767 BGB appelle une définition du principe du caractère accessoire du cautionnement et son influence sur la responsabilité de la caution (I). Il s’agit ensuite d’analyser l’application de ce caractère accessoire et ses répercussions sur la responsabilité de la caution, dans les cas où l’obligation principale diminue (II) ou, au contraire, se prolonge (III).

I) Caractère accessoire du cautionnement et responsabilité de la caution (§ 767 I BGB)

Le § 767 BGB exprime le principe du caractère accessoire du cautionnement (A), principe qui s’applique en cas de réduction comme en cas de prolongement de l’obligation principale (B).

A. Le principe du caractère accessoire du cautionnement (Akzessorietätsgrundsatz)

Le § 767 I 1 BGB est l’expression du principe du caractère accessoire de l’obligation de la caution. Ceci signifie que l’étendue de l’obligation de la caution dépend de l’étendue de l’obligation principale. En principe, la caution est donc tenue de répondre de l’ensemble de la dette du débiteur principal, ni plus, ni moins. Le caractère accessoire du cautionnement est également affirmé par le code civil français, dès l’article 2288 C.civ. Le cautionnement, comme toute autre sûreté fournie par un tiers, n’a de sens que par référence à une obligation principale dont il a pour objet d’assurer l’exécution. La forte dépendance existant entre l’obligation de la caution et l’obligation principale s’explique par le fait que c'est la dette même du débiteur principal que la caution s'oblige à payer. L’obligation principale et l’obligation de la caution sont bien deux obligations distinctes, mais la dette est la même. Par conséquent, toutes les affectations de cette dette se répercutent inévitablement sur l’obligation de la caution. Ainsi, le caractère accessoire du cautionnement résulte de la nature même du contrat de cautionnement. Ce caractère accessoire permet ainsi de distinguer le cautionnement d’autres sûretés. S’il fait défaut, alors la garantie ne pourra être qualifiée de cautionnement, et à l’inverse, il faudra qualifier de cautionnement la garantie qui présente ce caractère accessoire. En d’autres termes, l’accessoriété du cautionnement présente, en droit français comme en droit allemand, un caractère impératif. Le § 767 BGB en est l’expression, ainsi que les articles 2289 al. 1 et 2290 al. 1 C.Civ. Les parties à un engagement ne peuvent vouloir conclure un contrat de cautionnement en excluant son caractère accessoire. Si les parties l’écartent purement et simplement, ou si elles prévoient que la caution est tenue au-delà de l’obligation principale, alors l’engagement sera qualifié de garantie autonome. Néanmoins, s’il ressort des termes du contrat que les parties ont bien voulu conclure un contrat de cautionnement, alors le montant excessif mis à la charge de la caution sera réduit. Cette solution découle du § 767 BGB, et de l’article 2290 al. 3 C.Civ. Le cautionnement est ainsi inextricablement lié à son caractère accessoire. Les évolutions de l’obligation principale sont donc déterminantes pour la détermination de l’obligation de la caution.

B. Modifications possibles de l’obligation principale et obligation de la caution

L’obligation principale peut évoluer de trois manières. Par évolution de l’obligation principale, on entend ici toutes les modifications, en montant ou en durée, que celle-ci connaît postérieurement à la naissance du cautionnement. L’obligation principale peut tout d’abord restée égale à elle-même, c’est-à-dire rester identique à ce qu’elle était au moment de la conclusion du contrat de cautionnement. L’obligation principale peut encore être réduite, et ainsi venir diminuer les obligations du débiteur principal. Enfin, l’obligation principale peut être prolongée, en montant ou en durée. Le caractère accessoire du cautionnement, et donc la dépendance entre obligation principale et obligation de la caution, a pour conséquence logique de modifier l’obligation de la caution en même temps que l’obligation principale évolue. Si l’obligation principale se maintient, l’obligation de la caution se maintient également ; si la première diminue ou augmente, la seconde diminue ou augmente. Cette affirmation fait néanmoins abstraction des différentes limites fixées au caractère accessoire en droits allemand et français. En effet, si le caractère accessoire est la règle, il existe des exceptions qui ont, du point de vue de la caution et de sa responsabilité, des conséquences importantes. Ainsi, une diminution de l’obligation principale, apparemment favorable à la caution, ne l’est pas nécessairement. De la même manière, un prolongement de l’obligation principale n’entraîne pas nécessairement le prolongement de l’obligation de la caution.

II) Responsabilité de la caution en cas de réduction de l’obligation principale

La caution bénéficie en principe de la réduction de l’obligation principale (A), mais le droit des entreprises en difficulté fait exception à ce principe (B).

A. Principe de réduction de l’obligation de la caution en cas de réduction de l’obligation principale (§ 767 I BGB)

Le § 767 BGB ne fait pas expressément mention de « réduction » de l’obligation principale. Cependant, il convient d’évoquer ce cas de figure, dans la mesure où il a des répercussions sur l’obligation de la caution. La réduction de l’obligation principale peut prendre deux formes. L’obligation principale peut être réduite à tel point qu’elle s’éteint complètement : on parle alors d’extinction totale de l’obligation principale. Celle-ci peut tout aussi bien ne s’éteindre qu’en partie : on parle d’extinction partielle de l’obligation principale.

1) Conformément au principe du caractère accessoire du cautionnement déjà évoqué, et exprimé par le § 767 I 1 BGB, si l’obligation principale s’éteint, l’obligation de la caution s’éteint pareillement. Plusieurs causes peuvent conduire à l’extinction de l’obligation principale. On a l’habitude de distinguer entre les causes d’extinction par satisfaction du créancier et les causes d’extinction sans satisfaction du créancier. Les unes comme les autres ont pour conséquence de faire disparaître l’obligation de la caution, en faisant s’éteindre l’obligation principale. On retrouve en droit allemand des causes d’extinctions similaires à celles du droit français. Le paiement (Erfüllung) de sa dette par le débiteur principal est le mode normal d’extinction de l’obligation principale. La caution, qui s’était engagé envers le créancier à payer la dette dans le cas où le débiteur principal ne le ferait pas lui-même, se voit libérer de son obligation. Parmi les autres causes d’extinction de l’obligation principale par satisfaction du créancier, le droit allemand, comme le droit français, connaît la dation en paiement (Leistung an Erfüllungs Statt) et la compensation (Aufrechnung). Les causes d’extinction de l’obligation principale sans satisfaction du créancier sont, par exemples, la novation (Novation), la confusion (Konfusion), la remise de dette (Erlass) ou encore le décès du débiteur (Wegfall des Schuldners). Ces différentes causes permettent à la caution, puisque l’obligation principale disparaît, de se libérer totalement de son obligation.

2) Dans le cas d’une extinction partielle de l’obligation principale, la caution n’est pas totalement libérée de son obligation. Bien plus, et selon une application stricte et logique du principe de l’accessoriété du cautionnement, l’extinction partielle ne libère que partiellement la caution. L’obligation de cette dernière se trouve réduite en fonction de la diminution de l’obligation principale. Cette solution ressort directement du § 767 I 1 BGB. La jurisprudence allemande l’admet sans aucune difficulté (BGH NJW 2000, 511), de la même manière que les tribunaux français qui considèrent que le paiement partiel de sa dette par le débiteur principal ne libère la caution qu’à due concurrence (Cass. com., 29 mai 1979). Il s’agit ici d’une application évidente du caractère accessoire de l’obligation de la caution par rapport à l’obligation principale. La solution ne pose pas de difficulté dans un cautionnement illimité, c’est-à-dire qui garantit l’ensemble de la dette principale. Il en va autrement dans un cautionnement limité en montant (Höchstbetragsbürgschaft). Le paiement partiel de la dette s’impute-t-il sur la partie cautionnée ou non cautionnée de la dette ? La jurisprudence française affirme le principe de l’imputation sur la partie non cautionnée de la dette (Cass. com., 28 janv. 1997). Le droit allemand adopte une solution identique, solution qui d’ailleurs n’est pas favorable à la caution, dont l’obligation n’est pas réduite alors que l’obligation principale diminue.

B. Exception tirée du droit des entreprises en difficulté : pas de réduction de l’obligation de la caution

Le droit des entreprises en difficultés allemand pose une exception importante au principe du caractère accessoire du cautionnement. Cette exception trouve son fondement dans les § 254 II 1 et § 301 II 1 de l’équivalent allemand du Code des entreprises en difficultés français (« Insolvenzordnung »). D’après ces dispositions, les réductions de l’obligation principale accordées, par un plan destiné à sauver l’entreprise (« Insolvenzplan ») ou par une procédure de surendettement (« Restschuldbefreiung »), ne bénéficient pas à la caution : l’étendue de son obligation n’est pas réduite. En droit français, la solution doit être nuancée, dans la mesure où il existe deux procédures visant à sauver une entreprise en difficulté. L’article L626-11 C.Com dispose que les cautions peuvent se prévaloir du jugement arrêtant un plan de sauvegarde. Au contraire, la caution, aux termes de L631-20 du même Code, ne peut bénéficier des dispositions du jugement arrêtant un plan de redressement. En droit du surendettement des particuliers, la jurisprudence a décidé que les cautions ne peuvent bénéficier des délais et réductions octroyées au débiteur surendetté (Cass. 1ère civ., 3 mars 1998). Les droits allemand et français sont comparables sur ce point (à l’exception de la procédure de sauvegarde inconnue du droit allemand). L'ouverture à l'encontre du débiteur principal d'une procédure collective équivaut à constater sa défaillance. La caution ne saurait alors se prétendre déchargée. En effet, son engagement en qualité de garant doit justement garantir le créancier contre une telle éventualité. Les solutions retenues sont donc logiques.

III) Responsabilité de la caution en cas de prolongement de l’obligation principale

Conformément au principe du caractère accessoire du cautionnement, la caution est en principe tenue de répondre des prolongements de l’obligation principale (A), sauf dans le cas où ce prolongement résulte d’un nouvel accord entre débiteur principal et créancier (B).

A. Responsabilité de principe de la caution en cas de prolongement de l’obligation principale (§ 767 I 2, II BGB)

Le § 767 I 2 précise que le caractère accessoire du cautionnement vaut aussi dans le cas où l’obligation principale est prolongée. La caution voit alors son obligation prolongée proportionnellement. Deux catégories de prolongements de l’obligation principale sont à distinguer.

1) D’après le § 767 I 2 BGB, la caution doit répondre des accessoires (Sekundäransprüche) de l’obligation principale. La caution doit, en l’absence de stipulations contractuelles contraires, répondre de tous les prolongements et modifications normales de l’obligation principale (Oberlandesgericht de Düsseldorf, 2001). On retrouve une formulation similaire dans la jurisprudence française, dans laquelle sont considérées comme accessoires les obligations qui sont la conséquence normale ou prévisible de l’obligation cautionnée (Cass. req., 22 juill. 1891). Le § 767 I 2 BGB précise que la faute et le retard (Verschulden et Verzug) du débiteur dans l’exécution de ses obligations sont des causes susceptibles de prolonger l’obligation principale. Ainsi, de la même manière qu’en droit français (Cass. com., 7 nov. 1977), la caution répond en principe de tous les dommages et intérêts (Schadensersatzansprüche) dus par le débiteur principal au créancier à raison de l’inexécution ou de sa responsabilité contractuelle.

2) Le § 767 II BGB dispose que la caution doit en outre répondre d’une autre catégorie de prolongements de l’obligation principale. Les frais nés de la rupture (Kosten der Kündigung) du contrat principal prolongent l’obligation de la caution. Néanmoins, dans l’hypothèse d’un cautionnement limité, et dans le silence du contrat de cautionnement, ces frais ne modifient pas l’obligation de la caution. A l’inverse, dans un cautionnement illimité, la caution est tenue de répondre des frais de rupture du contrat principal, que celle-ci soit le fait du débiteur principal ou du créancier. En droit français, la solution adoptée par la jurisprudence est proche de celle du droit allemand : les frais nés de la rupture du contrat sont garantis par la caution. Mais les tribunaux français, de même que la doctrine, sont parfois hésitants sur la nature contractuelle ou délictuelle de ces indemnités. Si le contrat est résolu pour inexécution du débiteur principal, alors la réponse semble être évidente. L’indemnité consécutive à la résolution est de nature contractuelle et la caution doit donc garantir les frais en résultant. Dans le cas où le contrat principal est annulé suite à une faute du débiteur, l’indemnité semble de nature délictuelle. On admet alors communément que la caution ne garantit pas cette indemnité. En outre, d’après le § 767 II BGB, la caution garantit les frais de justice (Kosten der Rechtsverfolgung) engagés par le créancier pour poursuivre le débiteur principal. En droit français, l’art. 2293 C.civ. dispose que l’obligation de la caution s'étend “aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution”.

B. Exception : non responsabilité de la caution en cas de prolongement de l’obligation principale suite à un nouvel accord entre créancier et débiteur principal (§767 I 3 BGB)

L’exception majeure au principe du caractère accessoire du cautionnement trouve son fondement au § 767 I 3 BGB. Si, comme il vient d’être précisé, la caution est en principe tenue de garantir les prolongements de l’obligation principale conformément au principe du caractère accessoire du cautionnement, elle ne doit pas garantir les prolongements de l’obligation principale consécutifs à un accord postérieur (à la naissance du contrat de cautionnement) conclu entre le créancier et le débiteur principal. Cet accord serait en effet au détriment d’autrui, en l’occurrence de la caution. Or, les contrats conclus au détriment d’autrui sont prohibés par le § 328 BGB (Verbot eines Vertrages zu Lasten Dritter). Le § 767 I 3 BGB tend donc à protéger la caution. Cette disposition relève, pourrait-on dire, de l’évidence. En effet, celui qui s'est porté caution d'un débiteur à l'égard d'un créancier ne saurait être tenu sans distinction pour toute dette contractée par le premier envers le second. Le droit français connaît la même règle que celle exprimée au § 767 I 3 BGB. La caution n’est pas tenue de la prolongation de l’obligation principale résultant d’un nouveau contrat entre le créancier et le débiteur principal (Cass. com., 4 nov. 1986).

Bibliographie : - Habersack, Münchener Kommentar BGB (Schuldrecht Besonderer Teil, §§ 705-853), 5. Auflage, München : 2009. - Reinicke / Tiedtke, Kreditsicherung, 5. Auflage, Neuwied : 2006. - Simler, JurisClasseur Civil Code, Art. 2288 à 2320, Fasc. 30 : cautionnement, 2007. - Soergel, Pecher / Häuser, Kommentar BGB (Band 5/1, Schuldrecht IV/1 §§ 705-822), 12. Auflage, Stuttgart : 2007.