Commentaire de l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes SEVIC Systems AG (C-411/03) du 13 décembre 2005 par Etienne CHASSAING
Faisant suite aux arrêts Centros, Überseering et Inspire Art, cet arrêt pose le principe selon lequel une différence de traitement des fusions transfrontalières, si elle ne répond pas à un objectif légitime compatible avec le TCE et qu’elle n’est pas justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, est contraire aux articles 43 et 48 CE. Cette jurisprudence illustre au travers du droit des sociétés la problématique plus vaste des rapports entre droit communautaire et conflits de lois.
C-411/03 SEVIC Systems Aktiengesellschaft 2005 Rec. p. I-10805.
INTRODUCTION
L’impérialisme sous-jacent du droit communautaire, qui fait actuellement en France l’objet d’un vif débat doctrinal entre d’éminents spécialistes du droit international privé et du droit communautaire (Ancel et al., « L’Union Européenne, la démocratie et l’État de Droit : lettre ouverte au Président de la République de quarante juristes universitaires », disponible sur http://bruxelles.blogs.liberation.fr/lettre.htm; Alexandre et al., « Observations sur une lettre ouverte au Président de la République », http://bruxelles.blogs.liberation.fr/reponse.htm), doit puiser dans les ressources d’autres disciplines afin de renforcer son autorité. La récente affaire SEVIC, portant sur une fusion transfrontalière, a donné l’occasion à la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE ou la Cour) de confirmer implicitement l’approche du droit communautaire au conflit de lois en matière de droit des sociétés. Dans cette affaire, la société SEVIC Systems AG, établie à Neuwied (Allemagne), souhaitait faire inscrire au registre national du commerce sa fusion avec la société Security Vision Concept SA, établie au Luxembourg. L’Amtsgericht Neuwied a rejeté cette demande au motif que le droit allemand relatif aux transformations de sociétés ne prévoyait la fusion qu’entre des sociétés ayant leur siège en Allemagne. Suite à un recours de SEVIC, le Landgericht Koblenz a posé une question préjudicielle à la CJCE, par laquelle elle souhaitait savoir si la règle précitée était conforme aux articles 43 et 48 CE. La Cour, après avoir souligné l’importance des fusions transfrontalières dans l’établissement du marché intérieur (§19), a estimé qu’elles entraient dans le champ d’application de l’article 43 CE. L’absence de réglementation allemande sur les fusions transfrontalières a été interprétée comme une exclusion de celles-ci des règles nationales prévues pour les fusions entre sociétés établies en Allemagne (§20), ce qui constitue une restriction à la liberté d’établissement (§23). La Cour s’est ensuite penchée sur l’existence d’une éventuelle justification à cette restriction. Les gouvernements allemand et néerlandais (intervenant en soutien de l’Allemagne) soutenaient que l’exclusion des fusions transfrontalières des règles applicables aux fusions internes était justifiée par la protection des intérêts des créanciers, des actionnaires minoritaires et des salariés, ainsi que par l’efficacité des contrôles fiscaux et la loyauté des transactions commerciales, et que des mesures d’harmonisation seraient nécessaires pour traiter la question des fusions transfrontalières (§24). Les Pays-Bas mentionnaient la préparation de ce qui allait devenir la directive 2005/56/CE sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux. La Cour a répondu que, ainsi qu’elle en avait jugé dans l’affaire Bachmann (arrêt du 28 janvier 1992, Bachmann, C 204/90, Rec. p. I 249, point 11) la nécessité de mesures d’harmonisation ne rendait pas l’existence préalable de celles-ci nécessaire pour la mise en œuvre de la liberté d’établissement (§26). Bien entendu, des « raisons impérieuses d’intérêt général », au nombre desquelles celles mentionnées par les gouvernements allemand et néerlandais, pouvaient justifier une mesure apportant une restriction à la liberté d‘établissement. Le Cour a cité à cet effet les arrêts Überseering (arrêt du 5 novembre 2002, Überseering, C-208/00, Rec. p. I-9919) et Inspire Art (arrêt du 30 septembre 2003, Inspire Art, C-167/01, Rec. p. I 10155 ) (§28). Pour autant, la mesure en cause en l’espèce allait au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre les objectifs visant à protéger les intérêts susmentionnés. La Cour a conclu à l’incompatibilité du régime allemand en cause à la liberté d’établissement prévue aux articles 43 et 48 CE.
L’intérêt de cet arrêt, au-delà de la question spécifique des fusions transfrontalières (voir, pour un commentaire exhaustif de l’arrêt, P. Behrens, “Casenote on case C-411-03 SEVIC Systems AG, Judgment of Grand Chamber of the European Court of Justice of 13 December 2005, 2005 ECR I-10805”, 43 CMLRev. 1669-1688), réside en son inscription dans une ligne de jurisprudence qui tend à ancrer le principe de reconnaissance mutuelle dans le droit européen des sociétés. Notre propos visera donc à démontrer en quoi, au-delà de la querelle opposant les deux disciplines, l’application de ce principe aux fusions transfrontalières contribue à la formation de règles de conflit de lois communautaires.
I. La « doctrine Centros » étendue aux fusions transfrontalières
Si le jugement rendu dans SEVIC s’inscrit dans une ligne de jurisprudence bien établie concernant la liberté d’établissement (A), il peut également être lu comme contribuant à l’élaboration de règles de conflit de lois communautaires en ce domaine (B).
A) De Centros à SEVIC
L’arrêt SEVIC s’inscrit dans la lignée des arrêts Centros (arrêt du 9 mars 1999, Centros Ltd c. Erhvervs- og Selskabsstyrelsen, C-212/97, Rec. I-01459), Überseering, et Inspire Art, dans lesquels la CJCE a eu à opérer un choix entre la mobilité des entreprises et les intérêts que les Etats membres souhaitaient promouvoir en matière de droit des sociétés.
Dans l’Union européenne coexistent deux, voire trois théories de la loi applicable aux sociétés en fonction de leur siège social. Il est permis de distinguer grossièrement les systèmes britannique, irlandais et néerlandais, qui privilégient le critère du siège statutaire, de la plupart des systèmes continentaux qui privilégient le critère du siège effectif. Un troisième modèle est offert par le système nordique, et emprunte des éléments aux deux systèmes précités. Le choix d’un modèle ou d’un autre est révélateur d’options politiques sous-jacentes : ainsi, les pays optant pour le critère du siège effectif entendent encadrer la liberté des entreprises de s’incorporer dans un autre Etat membre dans le simple but d’échapper à ses obligations, puis de concentrer son activité économique sur leur pays « d’origine ». Ainsi que l’a exprimé un auteur, « ce qui, aux yeux des Français, constitue un dumping social hautement néfaste, représente aux yeux des Anglais un investissement de l’intérieur, qui doit être encouragé » (C. Barnard, “Social Dumping and the Race to the Bottom : Some Lessons to the European Union from Delaware”, 25(1) ELRev. 57-78).
Dans Centros, une société avait été créée par deux ressortissants danois résidant au Danemark, dans le but de bénéficier des dispositions du droit anglais, qui n’exigeait aucun capital social minimum, tandis que la législation danoise requérait la souscription d’un capital minimum de 100 000 couronnes danoises. Centros n’exerçait aucune activité économique au Royaume-Uni. Les deux ressortissants danois souhaitaient ouvrir une filiale au Danemark et se sont heurtés à la législation danoise, qui prévoyait que les sociétés basées à l’étranger sans qu’elles n’y exercent aucune activité économique devaient souscrire un capital minimum de 200 000 couronnes danoises pour ouvrir une filiale au Danemark. La CJCE, saisie d’un recours préjudiciel par une juridiction danoise, a jugé que la règle danoise en cause était contraire aux articles 43 et 48 CE. Dans l’arrêt Überseering la Cour, sur la base du même principe de fond, a jugé que pour exercer ses droits en vertu de l’article 43 CE, une société n’avait besoin d’être constituée que dans un Etat membre de l’UE, et devait avoir le siège central de son administration dans l’UE, sans que ce siège central soit nécessairement situé sur le territoire de l’État membre dans lequel elle était constituée. Enfin, l’arrêt Inspire Art a donné à la Cour l’occasion de confirmer ce principe, en affirmant que la création d’une société dans un autre Etat membre dans le seul but de bénéficier d’une législation plus favorable ne constituait pas un comportement abusif, même si ladite société n’exerçait aucune activité économique dans son Etat membre d’incorporation.
Il ressort de ces trois arrêts (repris notamment par D. Chalmers et al, European Union Law, Oxford University Press, 2006, 1ère ed., pp.737-739) que la Cour semble avoir consacré le principe du siège statutaire, ce qui revient à désigner la loi du pays d’origine, c’est-à-dire celle du pays dans lequel la société a été incorporée. Cela implique, en principe, de ne pas rechercher les raisons du choix du pays d’incorporation. Si la Cour apporte un tempérament, en précisant que des raisons impérieuses d’intérêt général peuvent justifier l’application de leur loi nationale par les Etats membres, elle n’a pas, dans ces quatre arrêts, écarté l’application de la loi du pays d’origine au profit d’une autre loi. L’arrêt SEVIC confirme cette tendance de la Cour, en ce que la Cour considère implicitement que la société luxembourgeoise a été légalement constituée, c’est-à-dire conformément à la loi de son pays d’origine. La tendance dégagée par ces arrêts amène à envisager la question d’une éventuelle émergence de règles communautaires de conflit de lois.
B) L’émergence de règles communautaires de conflit de lois en droit des sociétés ?
Cette série d’arrêts, au-delà de leur impact sur les droits « subjectifs » des sociétés au regard de leur liberté d’établissement, a été interprétée comme une consécration du principe de la reconnaissance mutuelle en matière de liberté d’établissement, à tel point que d’aucuns ont pu parler de « Cassis de Dijon du droit des sociétés » (M. Benedetelli, “Corporate Mobility : Can the Company Move Elsewhere in Europe”, conférence délivrée au European Forum for In-house Counsel, à la Europäische Recht Akademie de Trêves, les 4-5 mai 2006.), en référence au fameux arrêt de 1979 (arrêt du 20 février 1979, Rewe Zentrale c. Bundesmonopolverwaltung für Branntwein, 120/78, Rec. 649) considéré comme la pierre angulaire du marché intérieur. L’article 48 CE est souvent considéré, bien qu’il y ait débat en la matière, comme contenant une règle implicite de conflit de lois, en ce qu’il énonce les conditions d’applicabilité de dispositions matérielle de droit communautaire. Il implique que l’État d’accueil est en principe tenu d’accepter comme valide la constitution d’une société en vertu des lois d’un autre Etat membre. Cela est nécessaire afin d’éviter qu’une société se retrouve, par l’application de critères différents, se retrouve privée de sa personnalité morale et ne puisse donc pas exercer sa liberté d’établissement. C’est ainsi que, dans SEVIC, les règles allemandes en cause ne permettaient pas à la société luxembourgeoise d’être reconnue comme pouvant faire l’objet d’une fusion. Le droit luxembourgeois a donc été pris en compte par la Cour. Il est intéressant de relever que la Cour, dans ses arrêts successifs, n’a jamais évoqué l’existence des différentes théories du siège, évitant de donner l’impression qu’elle pourrait favoriser tel système juridique par rapport à tel autre.
Au vu de cette série d’arrêts, le droit communautaire peut avoir pour effet de limiter le champ d’application des règles de conflit de lois classiques, au profit d’une application, dans certaines situations, de la loi du pays d’origine, c’est-à-dire du pays d’incorporation. Ainsi, le résultat produit par la substane de la loi désignée par la règle de conflit se trouve invalidé du fait qu’il reviendrait à imposer une double charge sur la société. Ainsi que nous entendons le démontrer, le droit communautaire, bien qu’il se soit construit de manière autonome, n’en reste pas moins marqué par des constructions de droit international privé.
II. Marché intérieur et droit international privé
L’antagonisme apparent des buts et présupposés sur lesquels se fondent droit communautaire et droit international privé (A) se trouve en réalité contredit par l’émergence d’une « exception de reconnaissance mutuelle » (B).
A) Le droit communautaire contre le droit international privé ?
Droit communautaire et droit des conflits de lois sont, au premier abord, respectivement basés sur des présupposés divergents voire antinomiques (voir par exemple V. Heuzé et P. Mayer, Droit international privé, Montchrestien, 2004, 8ème ed., pp.21-22). En effet, alors que le droit communautaire tend vers la construction d’un marché intérieur, c’est-à-dire vers une finalité « politique », le droit des conflits de lois a pour but de déterminer l’application du droit étranger par le juge saisi, selon des critères fixés par chaque droit national. Le conflit de lois ne part dès lors pas nécessairement d’un présupposé quant au droit national à appliquer de préférence. L’extension par la Cour du principe de reconnaissance mutuelle et de ses limites à l’ensemble des libertés du marché intérieur (voir sur ce point D. Chalmers et al., op.cit., p.833) tend au contraire à privilégier la loi du pays d’origine, sauf raisons impérieuses d’intérêt général. On serait tenté de résumer cet apparent antagonisme en opposant un droit international privé respectueux des sensibilités nationales à un droit communautaire qui, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine, viendrait bousculer le subtil agencement des systèmes juridiques nationaux entre eux. Il est ainsi courant, chez certains auteurs spécialistes du droit international privé, de critiquer le droit communautaire, perçu comme une menace à la souveraineté juridique des Etats membres (voir Ancel et al., op.cit.), ou comme un droit désintégrateur, en ce qu’il pousserait à la concurrence normative (V. Heuzé, « De la compétence de la loi du pays d’origine en matière contractuelle ou l’anti-droit européen », in Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde : le droit international privé, esprit et méthodes, Dalloz, 2005, pp. 393-416). Le reproche inverse peut être fait aux spécialistes du droit communautaire, qui encourent parfois la critique de manquer de recul critique face à l’« unilatéralisme moderne » (S. Francq, L’applicabilité du droit communautaire dérivé au regard des méthodes du droit international privé, Bruxelles, Paris, Bruylant, LGDJ, 2005., p.551) qui caractérise ce droit. Le danger inhérent à la démarche communautaire, dans le cadre du droit des sociétés, est que cette prééminence accordée au droit de l’État d’incorporation des sociétés pourrait inciter les sociétés à aller s’incorporer dans l’État membre qui leur offre le régime supposé le plus favorable en matière de fiscalité et de règles relatives au capital minimum de souscription. Sur un plan plus politique, des craintes de « dumping social » se sont fait jour lors des débats français précédant le référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005 (voir en ce sens V. Heuzé, « L’Europe désenchantée », La Semaine Juridique Edition Générale, n°30, 27 juillet 2005, I 157). En ce sens, l’exemple américain aide à percevoir les risques que présenterait une trop grande latitude offerte aux sociétés pour choisir le droit qui leur est applicable. Le droit américain offre en effet la possibilité pour les sociétés de choisir leur Etat d’incorporation. Il en résulte que 40% des sociétés cotées au New York Stock Exchange sont incorporées dans l’État du Delaware (voir M. Siems, “Convergence, Competition, Centros and Conflicts of Law : European Company Law in the 21st Century”, 27(1) ELRev., p.47). Il convient toutefois de nuancer le propos. L’exemple américain, aux dires de plusieurs auteurs (Barnard,op.cit., p.67 ; M. Siems, op.cit.., p.54) ne serait pas transposable au contexte européen. Cela tient notamment au fait que le droit des conflits de lois n’est pas uniforme dans l’UE, et qu’en tout état de cause les entreprises, lorsqu’elles choisissent de se soumettre aux lois de tel Etat membre ou tel autre, ne prennent pas uniquement en compte des paramètres juridiques (M. Siems, op.cit., p.53). Des barrières linguistiques et culturelles, ou la mauvaise connaissance des systèmes juridiques étrangers, constituent autant d’obstacles supplémentaires à la mobilité des entreprises au sein du marché commun. Les craintes suscitées par la jurisprudence communautaire depuis Centros, confirmée dans SEVIC, ne sont guère susceptibles d’être apaisées par une hypothétique prise en compte par la Cour des exigences impératives de la législation de l’État incriminé : en effet, dans aucun des quatre arrêts de la série la Cour a-t-elle donné prééminence à ces exigences impératives mentionnées dans l’arrêt Cassis de Dijon.
Au-delà du contexte socio-économique dans lequel évoluent les sociétés, il apparaît en réalité que, sur le plan juridique, le droit communautaire n’est nullement antinomique au droit international privé, mais au contraire qu’il le complète et l’enrichit.
B) Une exception de reconnaissance mutuelle
Afin de s’extraire du débat qui agite la doctrine sur le sujet, il convient de repenser les fondements de chacune de ces matières. Cela implique que le droit international privé s’ouvre aux mécanismes et à la logique du droit communautaire, mais également que les communautaristes ne négligent pas le fait que le droit communautaire implique des mécanismes de droit international privé. La construction d’une « communauté de lois » est à ce prix (voir par exemple J.-S. Bergé, “Le droit d’une “communauté de lois” : le front européen”, in Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde : le droit international privé, esprit et méthodes, Dalloz, 2005, pp.113-136.)
Il convient de se pencher sur la notion d’exception de reconnaissance mutuelle, développée par plusieurs auteurs (M. Fallon et J. Meeusen, “Private International Law in the European Union and the Exception of Mutual Recognition” (2002) YPIL 4 pp.37-66 ; M. Audit, « Régulation du marché intérieur et libre circulation des lois », JDI 2006 volume 4 pp.1333-1364.), et qui consiste à considérer la reconnaissance mutuelle comme une exception d’ordre public communautaire. Une fois la loi applicable désignée par la règle de conflit de lois, le juge national serait tenu de vérifier que la reconnaissance mutuelle ne fait pas obstacle au résultat auquel le raisonnement a abouti. La reconnaissance mutuelle imposerait de vérifier que l’application de la loi désignée par la règle de conflit ne revient pas à imposer une double charge aux opérateurs économiques. Il s’agirait, en quelque sorte, d’une exception d’ordre public fonctionnant « à l’envers » : alors qu’une exception d’ordre public « classique » impose au juge du for d’écarter l’application d’une loi étrangère au nom de principes d’ordre public de l’ordre juridique du for, une exception de reconnaissance mutuelle revient à imposer au juge du for d’écarter l’application de son droit national au profit d’une loi étrangère, au nom de principes d’ordre public communautaire. L’exception d’ordre public elle-même peut, selon ce mécanisme, tomber sous le coup de l’exception de reconnaissance mutuelle. Appliqué aux faits de SEVIC, ce mécanisme aboutit à écarter l’application de la loi allemande, qui n’est pas remplacée par une autre loi, mais simplement écartée, au profit d’une solution permettant que la société puisse exercer sa liberté d’établissement. Ce concept permet de comprendre comment, tout en appliquant des constructions intellectuelles héritées du droit international privé, le droit communautaire parvient à assurer le respect des objectifs qu’il estime impérieux. Les mécanismes d’une discipline seraient par là mis au service des finalités d’une autre, dans une logique constructive, loin du dialogue de sourds auquel l’Europe n’a que trop été habituée ces derniers temps.
Bibliographie
Textes législatifs
Traité instituant la Communauté européenne, version consolidée, JO C 321 E du 29.12.2006.
Directive 2005/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux, JO L 310 du 25.11.05.
Jurisprudence
120/78, Rewe Zentrale v Bundesmonopolverwaltung für Branntwein 1979 Rec. 649.
C-204-90, Hans-Martin Bachmann c. Belgique 1992 Rec. p. I-249.
C-212/97 Centros c. Ehrvers-og Selska bsstyrelsen 1999 Rec. p. I-1459.
C-208/00 Überseering BV c. Nordic Construction Company Baumanagement GmbH 2002, Rec. p. I-9919.
C-167/01 Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Amsterdam v Inspire Art 2003, Rec. p. I-10195.
C-411/03 SEVIC Systems Aktiengesellschaft 2005 Rec. p. I-10805.
Ouvrages juridiques
D. Chalmers et al, European Union Law, Oxford University Press, 2006, 1ère ed.
V. Heuzé et P. Mayer, Droit international privé, Montchrestien, 2004, 8ème ed.
Etudes, articles
Alexandre et al., « Observations sur une lettre ouverte au Président de la République », http://bruxelles.blogs.liberation.fr/reponse.htm
Ancel et al., « L’Union Européenne, la démocratie et l’État de Droit : lettre ouverte au Président de la République de quarante juristes universitaires », disponible sur http://bruxelles.blogs.liberation.fr/lettre.htm
M. Audit, « Régulation du marché intérieur et libre circulation des lois », Journal du Droit International 2006 volume 4 pp.1333-1364.
C. Barnard, “Social Dumping and the Race to the Bottom : Some Lessons to the European Union from Delaware”, 25(1) European Law Review 57-78.
P. Behrens, “Casenote on case C-411-03 SEVIC Systems AG, Judgment of Grand Chamber of the European Court of Justice of 13 December 2005, 2005 ECR I-10805”, 43 Common Market Law Review 1669-1688.
M. Benedetelli, “Corporate Mobility : Can the Company Move Elsewhere in Europe”, conférence délivrée au European Forum for In-house Counsel, à la Europäische Recht Akademie de Trêves, les 4-5 mai 2006.
J.-S. Bergé, “Le droit d’une “communauté de lois” : le front européen”, in Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde : le droit international privé, esprit et méthodes, Dalloz, 2005, pp.113-136.
M. Fallon et Meeusen, “Private International Law in the European Union and the Exception of Mutual Recognition” (2002) Yearbook of Private International Law 4 pp.37-66.
S. Francq, L’applicabilité du droit communautaire dérivé au regard des méthodes du droit international privé, Bruxelles, Paris, Bruylant, LGDJ, 2005.
V. Heuzé, « De la compétence de la loi du pays d’origine en matière contractuelle ou l’anti-droit européen », in Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde : le droit international privé, esprit et méthodes, Dalloz, 2005, pp. 393-416.
V. Heuzé, « L’Europe désenchantée », La Semaine Juridique Edition Générale, n°30, 27 juillet 2005, I 157.
M. Siems, “Convergence, Competition, Centros and Conflicts of Law : European Company Law in the 21st Century”, 27(1) European Law Review 47-59.