Financial Services and Markets Act (2000) - 2000 Chapter c.8 par Eric du Peloux
Le milieu bancaire anglais est ébranlé par différentes crises au cours des années 90, notamment le dépôt de bilan du plus ancien établissement bancaire britannique, la banque Barings en 1995. L’inefficacité et la passivité de la Banque d’Angleterre en tant qu’organe en charge de la régulation bancaire sont mises en lumière à cette occasion. L’Autorité des Services Financiers (Financial Services Authority, FSA) est donc instituée par la ‘Bank of England Act’ de 1998 et surtout la ‘Financial Services and Markets Act’ de 2000 afin de se substituer à la Banque d’Angleterre en tant qu’institution en charge de la régulation et du contrôle du système bancaire et financier britannique. L’Autorité des Marchés Financiers (AMF), équivalent français de la FSA, est construite sur le même modèle mais sa particularité est qu’elle ne dispose d’aucune compétence en matière bancaire.
Le rôle de la Banque d’Angleterre et plus précisément du Comité des Sûretés et des Investissements (Securities and Investment Board, SIB), en tant qu’autorité en charge du contrôle des marchés financiers a évolué au fil des différentes crises affectant le milieu bancaire britannique. La ‘Banking Act’ de 1987, qui augmente les prérogatives de la Banque d’Angleterre, est ainsi une réponse au scandale de la banque Johnson Matthey en 1984. Mais les scandales de la BCCI en 1991 et de la banque Barings en 1995 ont montré les faiblesses de la Banque d’Angleterre en tant qu’organe en charge de la régulation bancaire. Son inefficacité pour prévenir de telles crises a encouragé le législateur à limiter le rôle de la Banque d’Angleterre à la politique monétaire et à créer un organe indépendant en charge de superviser le secteur bancaire et financier. L’Autorité des Services Financiers (Financial Services Authority, FSA) fut créée par la ‘Bank of England Act’ de 1998 (1998, c.11) et la ‘Financial Services and Markets Act’ de 2000 (2000, c.8). Le FSA devient ainsi l’unique autorité de surveillance des services financiers en Angleterre et centralise ainsi les différentes autorités qui étaient en charge de la régulation d’un secteur précis comme les assurances ou les investissements. La création d’une telle institution pose la question de son fonctionnement. Étudier son efficacité est d’autant plus important que l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) en France est construite sur le modèle de la FSA, même si des différences existent.
Le regroupement des autorités de contrôle en matière financière
La ‘Financial Services and Markets Act’ du 14 juin 2000 et entrée en vigueur le 1er décembre 2001 a pour principal objectif de simplifier la régulation financière en Angleterre. Ladite loi se substitue ainsi à six différentes lois qui régissaient chacune un secteur précis des services financiers comme le secteur bancaire ou les assurances. Le législateur a adopté une législation unique capable de répondre plus rapidement et de manière plus efficace à l’évolution des services financiers. Le FSA devient l’unique régulateur de l’industrie des services financiers en regroupant les différents organes de contrôle préexistants comme le Securities & Futures Authority (SFA), le Investment Management Regulatory Organisation (IMRO) ou le Personal Investment Authority (PIA). La FSA était déjà en charge de la régulation bancaire depuis la ‘Bank of England Act’ de 1998. La FSA a compétence en matière de régulation du secteur des assurances depuis le Règlement du 14 juin 2005 (Statutory Instrument 2003 No. 1473), transposition en droit anglais de la directive 2002/92/CE sur l'intermédiation en assurance. La FSA dispose ainsi d’un pouvoir de contrôle sur ces differents organes et peut mettre fin à leur fonction si nécessaire. La volonté du législateur britannique de centraliser la régulation bancaire et financière en une seule autorité est à mettre en parallèle avec la régulation financière en France. Le législateur français a ainsi instauré une autorité unique en charge du contrôle des marchés financiers. L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a été instaurée par la loi n°2003-706 dite de sécurité financière du 1er août 2003 complétée par le décret n°2003-1109 du 21 novembre 2003. La création de l’AMF est la conséquence de la fusion de trois autorités des marchés financiers: la Commission des Opérations de Bourse (COB), le Conseil des Marchés Financiers (CMF) et le Conseil de Discipline de la Gestion des Portefeuilles (CDGP). La centralisation des différentes autorités répond à une volonté de simplifier et clarifier le contrôle des marchés financiers en France. Il est cependant important de noter que le champ d’action de l’AMF se limite au domaine financier au contraire de la FSA qui a en charge également la régulation du secteur bancaire et des assurances. Le regroupement des autorités de contrôle dans le domaine de la régulation financière est une évolution européenne. En Allemagne, l’équivalent de l’Autorité des Services Financiers allemand (Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht - BAFIN) a été institué par une loi du 1er mai 2002 et regroupe ainsi en un seul régulateur différentes autorités qui n’étaient en charge que d’un seul secteur comme le secteur bancaire ou les assurances. Faisant suite au scandale de l'affaire Parmalat, le ministre italien des finances avait annoncé le 5 janvier 2004 le projet de créer une autorité italienne de régulation unique, se substituant à la Commission des opérations de bourse (CONSOB), l'autorité de contrôle des assurances (ISVAP), le régulateur des fonds de pension (COVIP) ainsi qu'à la Banque d'Italie. La fusion des autorités de contrôle a finalement été abandonnée, tout en procédant à un renforcement des moyens et des pouvoirs de contrôle de la CONSOB, compétente en principe sur l'ensemble des produits financiers. La volonté de certains Etats européens de regrouper la régulation bancaire et financière en une unique autorité s’inscrit dans un contexte de rapprochement des entreprises de marchés en Europe avec la création du groupe Euronext qui rassemble les marchés français, belge, néerlandais, portugais et le marché de produits dérivés britanniques. La création par une décision de la Commission Européenne en date du 6 juin 2001 (Décision 2001/527/EC) du Comité européen des Régulateurs de Marchés de Valeurs Mobilières (CESR) qui a pour fonction de renforcer la coordination des régulateurs de marchés de valeurs mobilières européens encourage également ce regroupement des autorités de régulation au sein de chaque Etat-membre.
Les missions de la FSA et de l’AMF
L’article 2 de la ‘Financial Services and Markets Act’ précise les objectifs de l’Autorité des Services Financiers britannique. Lesdits objectifs sont au nombre de quatre: le maintien de la confiance dans le système financier, l’information du public, la protection des épargnants et la lutte contre le « crime financier », c’est-à-dire le blanchiment d'argent et les tentatives de manipulation des marchés et les délits d'initiés. Les objectifs de la FSA doivent être poursuivis à la lumière de differents « Principes de bonne régulation ». Ainsi, l’efficacité des mesures et leur coût financier doivent être pris en compte sous le contrôle du Ministère des Finances. Les mesures prises par la FSA doivent être proportionnelles au regard des objectifs poursuivis et en prenant en compte les intérêts des entreprises concernées et des utilisateurs des services financiers. La FSA ne doit pas prendre de mesures qui auraient pour but de ralentir l’innovation en matière de création de nouveaux services et produits financiers. Enfin, l’importance de la coopération internationale entre les différentes autorités de régulation financière et le maintien de la concurrence doivent être pris en compte par la FSA dans ses prises de décision. Les missions assignées à l’AMF sont proches des objectifs de la FSA. Lesdites missions sont définies à l’Article L 621-1 du Code Monétaire et Financier. Ainsi, l’AMF doit veiller à la protection des épargnants dans le cadre des entreprises faisant Appel Public à l'Epargne ou dans le cadre d'introduction d'Instruments Financiers sur les marchés financiers. Elle veille à la régularité de l’information donnée aux investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers. L’AMF apporte également son concours à la régulation des marchés européens, notamment au niveau du CESR. Les missions de la FSA et de l’AMF sont donc très similaires.
La nature et le fonctionnement de la FSA et de l’AMF
La FSA est une autorité publique indépendante. L’autorité est financée par les entreprises cotées sur les marchés financiers britanniques par le biais de cotisations ou quand celles-ci sont condamnées à payer des amendes. La FSA est dotée d’un Conseil de surveillance (Board) nommé par le Ministère des Finances qui comprend quatorze membres dont un représentant de la Banque d’Angleterre. Les « affaires courantes » sont à la charge du Directeur Général, membre du Comité de surveillance et nommé par le Ministre des Finances. Le FSA est responsable devant le Ministre des Finances et devant le Parlement. Les parties à un litige peuvent faire appel d’une décision de la FSA devant le Tribunal des Marchés et Services Financiers (Financial Services and Markets Tribunal), juridiction d’exception instaurée par l’Article 132 de la ‘Financial and Services Act’ de 2000. La nature et le fonctionnement de l’AMF sont assez similaires avec la FSA. L’AMF est une autorité publique indépendante et est dotée de la personnalité morale ce qui lui permet d’ester en justice (Article L621-1). L’AMF est composée d’un Président nommé par le Président de la République, d’un Commissaire du Gouvernement nommé par le Ministère de l’Economie et des Finances. Les décisions sont prises au sein d’un collège de 16 membres dont un représentant de la Banque de France et les sanctions prises par la Commission des Sanctions. La Commission est une innovation de la loi de sécurité financière afin de respecter l’Article 6 de la CEDH concernant les règles du procès équitable qui impose une distinction entre la personne qui instruit, en l’espèce le Collège, et celle qui juge, la Commission des Sanctions. Au contraire de la FSA, l’appel contre les décisions de l’AMF est interjeté devant les juridictions de droit commun, le Conseil d’Etat ou la Cour d’Appel de Paris selon la nature de la sanction.
Les pouvoirs de la FSA et de l’AMF___
Les pouvoirs conférés aux deux autorités de régulation des marchés financiers sont une nouvelle fois assez identiques. La FSA est investie d’un pouvoir réglementaire (Article 138), a un pouvoir d’investigation (Article 165) et peut rendre des décisions contraignantes (Article 56). L’article 64 dispose que la FSA doit fixer des principes, lignes directrices pour les professionnels exerçant dans le secteur des services financiers et doit rechercher toutes clauses abusives dans les contrats proposés aux épargnants. Si un établissement financier ne respecte pas un des principes édictés par la FSA, celle-ci peut poursuivre le contrevenant et le condamner à une amende qui peut atteindre plus d’un million de Livres et même condamner les dirigeants jusqu’à sept ans d’emprisonnement en cas de manœuvres visant à tromper un investisseur (Article 397). Si le contrevenant coopère, l’amende sera réduite. L’article 150 autorise les particuliers à obtenir des dommages et intérêts. La FSA est également l’institution qui attribue ou non les autorisations pour l’exercice d’une activité bancaire ou financière (Articles 19 et 59). La FSA est l’autorité de régulation pour près de 30,000 entreprises qui doivent se conformer aux differents principes de la FSA. Les pouvoirs conférés à l’AMF par le Code Monétaire et Financier sont dans une certaine mesure similaires à l’exception de la compétence en matière bancaire. Les Articles L621-6 à L621-21 investissent l’AMF d’un pouvoir réglementaire qui se traduit par l’adoption d’un Règlement Général Unique (RGU) qui impose certaines règles par exemple aux émetteurs d’instruments financiers ou qui fixe les conditions d’accès à la profession. L’AMF a la faculté de contrôler et d’enquêter pour vérifier la régularité des opérations effectuées sur les marchés financiers. Enfin, l’AMF est investie d’un pouvoir d’injonction en cas d’atteinte aux droits des épargnants. En cas de non-respect du RGU, les opérateurs économiques peuvent être condamnés à payer une amende à concurrence de 1,5 millions d’Euros.
Critiques émises sur le fonctionnement des deux autorités
La création de la FSA en Angleterre et de l’AMF en France a été bien accueillie par les professionnels des services financiers, mais n’en reste pas moins l’objet de critiques. Ainsi en 2005, les « Principes » édictés par la FSA ont été critiqués par le Premier Ministre anglais, Tony Blair, comme étant trop contraignants pour les entreprises et pouvant ainsi freiner leur développement. Le Premier Ministre est revenu en partie sur sa déclaration à la demande du Président de la FSA, mais la question de l’étendue des pouvoirs de la FSA a été mise en lumière. Certains professionnels ont ainsi critiqué le montant des amendes et les difficultés qu’ils rencontrent lorsqu’ils veulent se défendre en cas de mise en cause par la FSA. Par contraste, les critiques ont aussi porté sur le fait que la FSA n’impose que des principes, assez souples pour favoriser la venue de sociétés étrangères mais au détriment de la protection des consommateurs (‘a race to the bottom’). Elle a encouru des critiques sur son manque de réactivité, notamment après les scandales d'Equitable Life et d'Independent Insurance. L’AMF, bien que plus récente, n’est pas épargnée par les critiques. En novembre 2006, une enquête sur la satisfaction et les attentes des professionnels concernés par les activités de l’AMF a été rendue publique. La compétence technique de l’AMF a été reconnue tout comme sa « culture de service, de dialogue et de conseil ». Mais le souhait a été émis d’arriver à une plus grande transparence et à un ralentissement de la prolifération des textes réglementaires. L'AMF est aussi perçue comme relativement rétive aux innovations par rapport aux régulateurs étrangers. Enfin, une meilleure communication entre l’AMF et les consommateurs est souhaitée. La nature même de la FSA et de l’AMF comme régulateur des services financiers explique les critiques avancées. Sa fonction est difficile car un équilibre doit être trouvé entre les intérêts des épargnants et des fournisseurs de services financiers. La FSA reste néanmoins un exemple pour les autres autorités de régulation financière, dont l’AMF, de par ses pouvoirs et son indépendance.
Bibliographie :
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C. Briault, Revisiting the Rationale for a Single National Financial Services Regulator (2002, London : Financial Services Authority).
T. Bonneau, Droit Bancaire (6ème éd.) (2005, Paris: Montchrestien).
T. Bonneau et F. Drummond, Droit des Marchés Financiers (2ème éd.) (2005, Paris: Economica).
A.D. Merville, Droit des Marchés Financiers (2006, Paris : Gualino Editeur).