L’œuvre critique et le fair use américain : commentaire de l’arrêt Mattel Inc. v. Walking Mt. Prods. rendu le 29 décembre 2003 par la Cour d'appel pour le 9e circuit fédéral, par François Vinzia.

Une série de photographies représente les poupées Barbie nues, associées à des appareils ménagers et mises en situation périlleuse. La Cour d’appel pour le neuvième circuit fédéral a examiné successivement la question de la violation des droits (appartenant à la société fabricant les poupées) d’auteur, de marque et sur l’habillage commercial, ainsi que celle de la dilution de la marque et de l’habillage commercial. La Cour confirme le jugement en référé rendu en faveur du photographe sur toutes ces questions. Elle a notamment examiné les faits à la lumière d’éléments permettant de retenir la qualification de « fair use ». Ce système d’exceptions au droit d’auteur, prévu à la section 107 du Copyright Act (« fair use »), est de nature différente du système français (article L122-5 du Code de la Propriete Intellectuelle) mais aboutit en pratique à des solutions assez similaires.

Le contexte de l’affaire

La société Mattel fabrique et vend la poupée Barbie. La poupée Barbie est protégée par des droits d’auteur et de marque, ainsi que par un droit sur l’habillage commercial. Thomas Forsythe (qui représente Walking Mt. Prods) est quant à lui un artiste-photographe américain. Une série de photographies intitulée « Food Chain Barbie » représente les poupées Barbie nues, associées à des appareils ménagers anciens et mises en situation périlleuse. Forsythe a affirmé vouloir critiquer l’objectivation de la femme associée à la poupée Barbie, et fustiger le mythe de la beauté conventionnelle ainsi que les concepts de société d’idéal féminin et de femme-objet. Il considère que son message est sérieux mais conserve un caractère humoristique. La série « Food Chain Barbie » a connu un succès plutôt limité aux États-Unis. Forsythe a fait la promotion de ses photographies par le biais de cartes postales, cartes de visite, et d’un site internet.

La procédure

Mattel a assigné l’artiste Thomas Forsythe devant une Cour de district de Californie en soutenant que la série de photographies « Food Chain Barbie » violait ses droits d’auteur, de marque, et sur l’habillage commercial, et qu’elle constituait aussi une dilution de la marque et de l’habillage commercial. Le photographe a fait une demande de référé devant la Cour de district, qui lui a accordé. La Cour de district a retenu que l’usage de la poupée Barbie, certes protégée par le droit d’auteur, constituait un « fair use » ; que l’usage de la marque et de l’habillage commercial ne pouvait aucunement laisser croire au soutien de la société Mattel envers le projet artistique ; et qu’il n’y avait pas dilution de la marque dans la mesure où son usage n’était pas de nature commerciale. Mattel a fait appel de cette décision devant la Cour d’appel pour le neuvième circuit fédéral, et c’est cet arrêt qui va nous intéresser. Dans une optique comparative entre le droit américain et le droit français, il convient dans un premier temps d’étudier l’application du « fair use » dans le cadre de la violation du droit d’auteur (A), avant d’examiner le traitement des questions relatives à la violation du droit de marque et du droit sur l’habillage commercial, et à la dilution de la marque et de l’habillage commercial.

 

A, La violation du droit d’auteur

Aux États-Unis, les exceptions au droit d’auteur sont consacrées par la section 107 du Copyright Act avec le « fair use ». En France, ces exceptions sont consacrées par l’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle. Selon le professeur Lucas, « alors que le Droit d’auteur se présente généralement comme un système ouvert quant à la définition des prérogatives et fermé quant à la définition des exceptions, le Copyright se présente plutôt comme un système fermé quant aux prérogatives et ouvert quant aux exceptions, envisagées plus comme des limitations ou des exemptions de sorte qu’il n’y a plus abus a parler de droit des utilisateurs ».

En l’espèce, Mattel a soutenu que la série de photographies ne relevait pas de la parodie, que Forsythe avait fait usage du produit protégé entièrement lorsque ce n’était pas justifié écartant ainsi la qualification de « fair use », et que la série de photographies pouvait avoir un impact de marché en diminuant la valeur de la poupée Barbie, de ses produits dérivés, ainsi que de ses licences. La Cour d’appel pour le neuvième circuit fédéral a examiné les faits à la lumière des 4 éléments fournis par la section 107 du Copyright Act, qui permettent de retenir la qualification de « fair use ».

1. Le but et le caractère de l’usage

Dans les notions de but et de caractère de l’usage sont inclus les doubles concepts d’usage à caractère commercial et non commercial, et d’usage privé et public. Comme la dynamique du « fair use » implique des facteurs interdépendants plutôt que déterminants, si une Cour reconnaît qu’un usage est non commercial ou privé, il n’est pas de facto un « fair use ».

Il convenait d’abord de déterminer si l’œuvre de Forsythe transformait le produit original, si l’œuvre de Forsythe avait une autre fonction que le produit de Mattel et ainsi ne compromettait pas ses attentes. Cette existence de transformations peut peser en faveur du « fair use », jusqu’à éclipser même d’autres indices. Mattel avait fait procéder à un sondage auprès du public, et seules quelques personnes avaient perçu la série de photographies comme une parodie. Mattel a donc soutenu qu’un jury parviendrait ainsi raisonnablement à la conclusion que l’œuvre ne constitue pas une parodie. Mais la Cour d’appel retient que Mattel a fait de la poupée Barbie le « symbole de la féminité américaine » et qu’elle représente pour beaucoup « la femme américaine idéale ». Hors, à travers ses mises en scène, la série de photographies « renverse littéralement cette image sur elle même ». Les photographies font découvrir au public une série de valeurs et de mises en situation nouvelles pour la poupée Barbie. En détournant les symboles qui lui sont traditionnellement associés, Forsythe s’engage dans une critique sociale et une démarche parodique, protégées par la Constitution et permises en vertu du Copyright Act. Le Premier Amendement qui protège la liberté d’expression, ainsi que la critique et la parodie qui lui sont associés, est un fondement juridique important. Il est même envisageable de l’invoquer comme un moyen de défense alternatif à celui de la section 107 du Copyright Act. Toutefois, l’exception du « fair use » ouvre une voie suffisante afin d’exercer cette liberté. La Cour d’appel a ici une approche classique en défendant la liberté de création.

En France aussi, les exceptions au droit d’auteur sont justifiées par la nécessité de sauvegarder des droits et libertés fondamentaux, tels que la liberté d’expression. C’est le cas de la parodie. Dans un arrêt rendu le 28 février 1995, la Cour d’Appel de Paris a indiqué que cette exception est « un des aspects du principe à valeur constitutionnelle de la liberté d’expression ». Dès lors qu’elle est conforme à deux « lois du genre », l’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle soustrait au monopole de l’auteur la parodie. La première  « loi du genre » concerne la finalité de la parodie : elle doit faire rire gentiment ou méchamment, ce qui comprend la dérision, l’ironie et le sarcasme. La deuxième « loi du genre » concerne l’absence de risque de confusion. La parodie n’est licite que si, à égard du public, elle n’entraine aucune confusion avec l’œuvre parodiée. Le public doit savoir avec certitude, qu’il est en présence d’une parodie. Cette condition est fondamentale car, si elle n’était pas respectée, le public aurait le sentiment d’être en relation avec l’œuvre parodiée, alors que, en réalité, il ne serait en contact qu’avec une version modifiée, ce qui porterait atteinte au droit moral de l’auteur. En l’espèce, la Cour d’appel a conclu que l’aspect « transformation » du produit original profitait largement au photographe. 

Il convenait ensuite de déterminer si la série de photographies avait un but lucratif ou non. Bien que Forsythe puisse avoir des attentes commerciales au sujet de son art, la Cour retient plutôt le caractère hautement parodique de l’œuvre qui transforme le produit original. Il n’est donc pas nécessaire, pour ce premier critère, que l’œuvre originale et la contrefaçon soient sur le même support ou aient des points communs ; le défaut de cette approche peut toutefois venir d’une lecture large de la fonction de l’œuvre originale, aboutissant à disqualifier trop facilement le « fair use ».

2. La nature de l’œuvre protégée par le droit d’auteur

La nature inédite d’une œuvre la protège contre le « fair use », tandis qu’en France l’article L111-2 du Code de Propriété Intellectuelle protège « l’œuvre indépendamment de toute divulgation publique du seul fait de la réalisation, même inachevée » et la nature inédite de l’œuvre n’a pas de conséquences directes sur le régime des exceptions. Le droit français protège de manière égale les œuvres esthétiques et utilitaires, tandis que la nature de l’œuvre est déterminante en droit américain. Aux États-Unis, une œuvre composée d’une part importante d’informations sera moins protégée car elle a une nature plus pratique ou utilitaire et sera sans doute plus souvent utilisée. La Cour d’appel admet que Barbie est une œuvre créative, et que les œuvres à dimension créative méritent une plus grande protection que les œuvres au caractère fonctionnel et informationnel. Les juges américains émettent ici un jugement sur le mérite et adoptent une approche économique du droit. La Cour d’appel retient cependant que les œuvres créatives font souvent l’objet de parodies qui relèvent du « fair use ». Le critère de la nature de l’œuvre protégée par le droit d’auteur pourrait ainsi peser en défaveur du « fair use », mais la Cour indique que cet élément n’est pas si important pour retenir une telle qualification.

3. La substance utilisée

Plus la substance tirée de l’œuvre originale est importante, plus l’usage risque d’être qualifié de violation du droit d’auteur, encore faut-il tenter de définir le seuil au-delà duquel un usage passe du « fair use » à la violation du droit d’auteur. Ce seuil est évalué par des critères qualitatifs et quantitatifs. Par ailleurs, la substance est mesurée quant à l’œuvre originale et non par rapport à la contrefaçon. Selon Mattel, le photographe ne mérite pas la protection du fair use dès lors qu’il a fait usage de l’intégralité du produit original, alors qu’il aurait pu se limiter au visage du personnage de la poupée Barbie. La Cour d’appel ne va cependant pas être convaincu par cet argument. Elle retient que Forsythe ne copie pas littéralement le produit, certaines parties de la poupée Barbie sont obscurcies ou n’apparaissent pas du tout sur les photographies. Ensuite, elle observe que l’œuvre protégée est un objet unitaire, que l’on ne peut séparer en plusieurs parties. À défaut de pouvoir découper la poupée, l’artiste doit y ajouter quelque chose en créant un contexte et en reproduisant ce contexte dans une photographie. Des éléments de la poupée Barbie sont certes incorporés dans l’œuvre nouvelle, mais le résultat final prend une nouvelle dimension. Le critère de la substance utilisée profite donc à Forsythe, car en droit américain, il est acquis qu’une parodie ne doit pas forcément faire un usage minimum de l’œuvre protégée. En l’espèce, l’étendue de la copie du personnage de Barbie est justifiée à la lumière du caractère parodique et du moyen d’expression utilisé.

En France, il est tout aussi fondamental que certaines œuvres puissent être utilisées librement, afin de nourrir de nouvelles créations. La citation est incontestablement liée à la liberté d’expression et de création. Mais le droit d’auteur n’est pas entièrement sacrifié car, selon l’article L. 122-5, 3, a) du Code de la propriété intellectuelle, la citation doit être courte, et justifiée par la caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information dans l’œuvre à laquelle elle est incorporée. Il s’agit en réalité d’éviter que la citation se substitue, aux yeux du public, à l’œuvre citée et dispense de s’y référer, ce qui perturberait son exploitation. La citation est souvent utilisée en matière littéraire et la jurisprudence a pu la cantonner exclusivement dans ce domaine. La citation d’œuvres plastiques et graphiques a quant à elle été refusée à cause de l’exigence de brièveté. Dans un arrêt rendu le 5 novembre 1993, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé que « la représentation intégrale d’une œuvre, quelques soient sa forme et sa durée, ne peut s’analyser comme une courte citation ». La directive DAVDSI contredit la jurisprudence en admettant des reproductions qui ont l’apparence de citations. Sans exiger la brièveté, la directive dispose seulement que les reproductions doivent être faites dans la mesure justifiée par le but poursuivi et conformément aux usages. Il n’est donc pas certain qu’elle interdise la reproduction intégrale d’une œuvre si celle-ci ne sert qu’à illustrer une seconde œuvre. La citation en droit français va certainement, tôt ou tard, se rapprocher du « fair use », avec la prise en compte des buts de l’utilisation et notamment l’élément intentionnel.

4. L’impact de l’usage sur le marché

L’impact de l’usage sur le marché traduit l’approche économique du droit américain, qui contraste avec le droit français. Il est sans doute l’élément est le plus important. Il est aussi le plus délicat à manier car il suppose qu’une Cour constate que l’usage a un impact économique, et qu’il y a violation des droits de l’auteur. Selon Mattel, la série de photographies « Food Chain Barbie » pourrait avoir un impact de marché en affaiblissant la valeur de la poupée Barbie, celle de ses produits dérivés, et celle de ses licences d’utilisation. La Cour d’appel a cependant rejeté l’argument de Mattel car l’œuvre en question est une parodie, et qu’il est peu probable que de telles photographies se substituent aux produits de Mattel. La série de photographies représente des personnages nus, et ces œuvres ne pourraient se substituer qu’à des photographies de Barbie pour adulte, ce qui constitue un marché bien différent. Hors, il est peu probable que Mattel entre sur un tel marché, ou même que Mattel accorde des licences pour la critique de ses propres produits. Enfin, s’il est admis qu’une œuvre critique peut avoir un impact sur le marché d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, la Section 107 du Copyright Act ne consacre pas la perte de valeur qui résulterait d’une critique.

Les limites du « fair use » sont difficiles à cerner car il est déterminé par une politique de notion large plutôt que par une définition légale ou de Common law stricte. Le « fair use » apparaît comme une règle de raison, et chaque affaire est décidée au vu de ses propres faits. L’œuvre de Forsythe est donc une parodie qui transforme de manière importante la poupée Barbie. La substance de la poupée Barbie utilisée par le photographe dans son œuvre est permise et pour la Cour, l’utilisation de l’image de Barbie sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur n’a eu aucun impact de marché. Enfin, l’intérêt public à voir l’expression artistique et critique, permise et même encouragée, est important. Autoriser l’usage de Forsythe sert les objectifs du Copyright Act dans la mesure où cela encourage une créativité et une critique protégées par le texte. La Cour d’appel conclue que l’usage de la poupée Barbie par Forsythe relève du « fair use » quant à la violation du droit d’auteur.

B. La violation du droit de marque, du droit sur l’habillage commercial, et la dilution de la marque et de l’habillage commercial

Mattel a soutenu par ailleurs que Forsythe aurait violé sa marque, et que le photographe détournait l’habillage commercial de la poupée Barbie, contredisant ainsi l’esprit du Lanham Act. La société reprochait également à la Cour de district d’avoir, en première instance, rejeté l’hypothèse de dilution en retenant que l’usage de la marque et de l’habillage commercial était non commercial mais parodique.

1. Le droit de marque

Il convient d’abord de déterminer si l’usage de la marque peut provoquer la confusion du public ou l’induire en l’erreur, ou encore tromper ce dernier quant au rapport entre la poupée Barbie et la série de photographies. La Cour d’appel a retenu que l’usage de la poupée Barbie par Forsythe relevait indiscutablement d’une expression artistique : il était tout à fait approprié que la marque Barbie soit utilisée par le photographe dans le titre des photographies et sur le site Internet puisque Barbie est précisément le sujet des œuvres, qui représentent la poupée et la ciblent de manière critique. Par ailleurs, le titre des photographies n’induisait pas en erreur le public, qui ne pouvait croire à la participation de Mattel au projet artistique. La Cour d’appel a ainsi conclu que l’intérêt public dans la libre expression artistique dépassait largement l’intérêt de Mattel en ce qui concerne l’éventuelle erreur du public quant à la participation de la société au projet artistique. La Cour d’appel conclut qu’il n’y a pas eu violation du droit de marque.

En France, il existe une exception jurisprudentielle de parodie en droit des marques. Dans une affaire célèbre, l’association Greenpeace avait diffusé sur son site Internet des parodies et des caricatures de la marque Areva. Dans un arrêt du 8 avril 2008, La Cour de cassation a exclu toute contrefaçon dans la parodie par Greenpeace du logo du groupe Areva. Ainsi se trouve consacré le droit de parodier une marque dès lors que la critique s’inscrit dans une démarche d’intérêt général et de santé publique, et que les moyens de cette critique sont proportionnés au but poursuivi.

2. Le droit sur l’habillage commercial

Il convient ensuite de déterminer si Forsythe a détourné l’habillage commercial de la poupée Barbie, en violation de la section 43 du Lanham Act qui interdit un tel détournement afin d’empêcher le consommateur d’acheter un produit qui en imiterait un autre. En France, s’il n’existe pas de véritable protection de l’habillage commercial, il est toutefois possible de l’envisager grâce à la protection de la marque (article L711-1 c) du Code de Propriété Intellectuelle), celle des dessins (article L511-1), ou celle du droit d’auteur (article L111-1). En l’espèce, Mattel a soutenu posséder un droit sur l’habillage commercial de la poupée Barbie, quant à sa tête et son apparence générale. La Cour d’appel a retenu que Forsythe avait fait usage de la tête et du corps de la poupée Barbie dans ses photographies pour évoquer Mattel, mais aussi pour identifier ses propres œuvres, qui sont une critique et une parodie de la poupée Barbie. Il est intéressant de noter que la Cour d’appel a examiné trois éléments nouveaux afin d’appliquer le « fair use » dans le contexte de la violation du droit sur l’habillage commercial. La Cour d’appel s’est d’abord demandé si les œuvres de Forsythe auraient été facilement identifiables sans l’habillage commercial. Il semble évident qu’il aurait été extrêmement difficile pour Forsythe de réaliser une photographie qui parodie le personnage de Barbie sans utiliser concrètement la poupée. La Cour s’est ensuite demandé si la substance de la poupée Barbie qui avait été utilisée dans la série de photographies était raisonnablement nécessaire pour identifier l’œuvre de Forsythe. Compte tenu du fait que le mode d’expression utilisé était celui de la photographie, et que le photographe souhaitait traduire les implications sociales de la poupée Barbie quant à la sexualité et l’image du corps, l’usage de la tête et du corps de la poupée est apparu raisonnable et nécessaire. Enfin la Cour s’est demandé si le photographe avait fait quoique ce soit qui puisse, en concomitance avec l’usage de la poupée Barbie, suggérer la participation de Mattel au projet artistique. Mattel a soutenu que Forsythe suggérait une telle participation lorsqu’il affirmait à ses acheteurs potentiels que ses photographies étaient « accrochées au mur dans le bureau du responsable de la production chez Mattel, que Forsythe appelait d’ailleurs « Joe Mattel » ». La Cour d’appel a retenu l’argument du photographe, selon lequel il n’avait eu aucune intention de suggérer la participation de Mattel au projet artistique et que sa déclaration n’était qu’une blague. À la lumière des trois éléments nouveaux, la Cour d’appel conclue que l’usage de la poupée Barbie par Forsythe relève du « fair use » quant à l’habillage commercial.

3. La dilution de la marque et de l’habillage commercial

La Cour d’appel pour le neuvième circuit fédéral retient qu’une action en dilution ne s’applique qu’à un message commercial. En l’espèce, la Cour retient que la parodie de Forsythe est l’expression de sa vision sociale, une forme d’expression qui n’est pas commerciale car elle va au-delà de la simple recherche de profits pour le photographe. Il n’y a donc pas dilution de la marque et de l’habillage commercial.

 

Conclusion

Sur la question de la violation du droit d’auteur, après avoir examiné les faits à la lumière des 4 éléments fournis par la section 107 du Copyright Act, la Cour d’appel pour le neuvième circuit fédéral juge que la série de photographies « Food Chain Barbie » permet de retenir la qualification de « fair use ». La Cour retient également qu’il n’y a pas violation du droit de marque. Sur la question de la violation du droit sur l’habillage commercial, après avoir examiné les faits à la lumière de 3 éléments nouveaux, la Cour juge que l’usage du photographe permet de retenir la qualification de « fair use ». Enfin, la Cour retient qu’il n’y a pas dilution de la marque et de l’habillage commercial. Ainsi, la Cour d’appel pour le neuvième circuit fédéral confirme le jugement en référé rendu par la Cour de district de Californie en faveur de Forsythe, au sujet de la violation du droit d’auteur et de marque, du droit sur l’habillage commercial, et de la dilution de la marque et de l’habillage commercial.

Les systèmes d’exceptions au droit d’auteur de la section 107 du Copyright Act (« fair use ») et de l’article L122-5 du Code de la Propriete Intellectuelle sont on l'a vu, de nature et de structure très différente. Le droit américain a une vocation fortement économique, il tente de satisfaire les auteurs et les utilisateurs. Les exceptions au droit d’auteur y sont un droit. Le système du « fair use » est large et plus facilement adaptable car il donne une liste critères a défaut de fournir une exception générale. Le droit français, quant à lui, apparaît comme plus protecteur de l’auteur et il ne vise qu’accessoirement à satisfaire les besoins du public. Les exceptions au droit d’auteur y sont une tolérance, et il n’en existe qu’une liste limitative. Toutefois, ces différences structurelles conduisent parfois à des solutions semblables, notamment en matière de parodie ou de citation.

 

Bibliographie

Droit d’auteur et droits voisins, Christophe Caron, Litec, 2ème édition, 2009

Traité de la propriété littéraire et artistique, A et H-J. Lucas, éd. Litec, 2001

Copyright Law, Joyce et al, 8th edition, 2010

 

Textes législatifs

17 U.S.C. § 107

Article L122-5 du Code de propriété intellectuelle

Article L711-1 c) du Code de propriété intellectuelle

Article L511 du Code de propriété intellectuelle

Article L111-1 du Code de propriété intellectuelle

The United States Constitution

 

Jurisprudence

CA Paris, 28 févr 1995

Cass. ass. plén., 5 nov. 1993

Cass. 1ere civ., 8 avr. 2008

 

Site Internet

http://www.droit-tic.com/pdf/fair_use.pdf