L’OMC confrontée à la question de la commercialisation des OGM à l’occasion du conflit opposant les Etats-Unis, l’Argentine et la Canada à l’Union Européenne par Audrey FRANCE

Le 29 Septembre 2006, l’Organisation Mondiale du Commerce a rendu sa décision finale concernant le différend opposant les Etats-Unis, le Canada et l’Argentine à l’Union européenne. Les plaignants reprochaient à l’Union européenne d’appliquer un moratoire communautaire et des mesures de sauvegarde affectant l’approbation et la commercialisation des produits biotechnologiques. Il ressort du rapport du 29 septembre que l’OMC n’interdit pas aux Etats de prendre des mesures à titre de précaution contre les OGM. Mais elle limite cette possibilité aux situations dans lesquelles il n’existe pas de preuves scientifiques suffisantes permettant de prendre une décision définitive, et seulement si ces mesures sont levées dans un délai raisonnable. Les règles de l’OMC rendent donc difficile l’adoption par les Etats de mesures limitant la commercialisation des OGM. OMC Doc. WT/DS291/92/93

Depuis des années, le dossier des OGM est une pomme de discorde entre l’Union européenne et les Etats-Unis. En mai 2003, les Etats-Unis, avec le Canada, et l’Argentine, les trois plus grands producteurs d’organismes génétiquement modifiés (OGM), décident d’utiliser la manière forte : un recours devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et la menace de lourdes sanctions financières. L’organisme de règlement des différends de l’OMC est alors confronté à la problématique soulevée par la commercialisation des OGM, et la porte est ouverte, ou rouverte, à des questions fondamentales telles que la question du danger des OGM pour la santé et l’environnement, celle de l’autonomie réglementaire des Etats quant aux normes sanitaires et environnementales, celle de l’application du principe de précaution, ou encore celle de la valeur des accords de l’ONU par rapport aux règles de l’OMC. Même si le Groupe spécial a jugé que l’Union européenne avait contrevenu à certaines règles en ne respectant pas les délais du processus d’approbation, la majorité des prétentions des Etats-Unis, du Canada et de l’Argentine n’ont pas été retenues. Les opposants aux OGM, notamment les ONG Greenpeace et Friends of the Earth, s’attendaient à une décision plus stricte contre les mesures destinées à entraver le commerce international des OGM prises par l’Union européenne et ses Etats membres, mais le Groupe spécial s’est abstenu de répondre à beaucoup de questions issues du conflit Etats-Unis/Europe concernant les OGM, laissant ainsi planer un flou juridique. Suite au rapport rendu par l’ORD le 29 Septembre 2006, des questions se posent quant à la manière dont l’OMC traite le sujet des OGM. On se demande en effet jusqu’à quel point son rôle de promoteur du principe du libre-échange lui permet de régir les politiques environnementales et sanitaires des autres Etats, en l’espèce de l’Union européenne. Nous étudierons successivement la valeur que l’OMC accorde au droit international puis au droit communautaire et national des Etats membres. Nous nous demanderons également si l’OMC est l’organisation la plus compétente pour régler de tels conflits commerciaux ayant un impact sur la santé et l’environnement. Enfin, nous verrons quel a été l’impact de la décision de l’OMC dans l’Union Européenne et en France.

1. Règles de l’OMC v. Règles de droit international

La compatibilité des mesures de sauvegarde avec l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS)

Le moratoire communautaire et les mesures de sauvegarde visant à interdire l’importation, l’utilisation et la commercialisation de produits biotechnologiques ont comme effet direct d’entraver le commerce international, et sont de ce fait contraires à la politique de libre-échange de l’OMC. Cette dernière a donc établi des conditions auxquelles les mesures doivent répondre pour être valides. Ces conditions figurent à l’article 5 :1 de l’Accord SPS, un des principaux accords de l’OMC. Cet article dispose : « Les Membres feront en sorte que leurs mesures sanitaires ou phytosanitaires soient établies sur la base d'une évaluation, selon qu'il sera approprié en fonction des circonstances, des risques pour la santé et la vie des personnes et des animaux ou pour la préservation des végétaux, compte tenu des techniques d'évaluation des risques élaborées par les organisations internationales compétentes ». Il ressort de cet article que l’OMC exige que les mesures SPS soient fondées sur des preuves scientifiques. Pour cela, les produits en cause doivent être soumis à une évaluation des risques. Cette condition existe aussi en droit communautaire, mais elle a impact moindre dans la mesure où l’Union européenne reconnaît le principe de précaution (cf. paragraphes ci-dessous). Le groupe spécial a premièrement été chargé de déterminer si le moratoire et les mesures de sauvegarde sont considérés comme des mesures SPS au sens de l’Accord SPS et donc soumises aux conditions de cet accord. L’article 2 :2 dispose : « Les Membres feront en sorte qu'une mesure sanitaire ou phytosanitaire ne soit appliquée que dans la mesure nécessaire pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, qu'elle soit fondée sur des principes scientifiques et qu'elle ne soit pas maintenue sans preuves scientifiques suffisantes, exception faite de ce qui est prévu au paragraphe 7 de l'article 5 ». Ainsi, une mesure est considérée sanitaire ou phytosanitaire (SPS) si elle est nécessaire pour protéger la santé et l’environnement, et si elle est basée sur des preuves scientifiques suffisantes. Dans son rapport, le groupe spécial a conclu que le moratoire n’est pas une mesure SPS et n’est donc pas soumis aux exigences de l’Accord SPS Le Groupe spécial considère en effet que le système d’approbation constitue la mesure SPS, et que le moratoire retardant le processus d’approbation constitue seulement l’application de cette mesure SPS. Concernant les mesures de sauvegarde visant à interdire neufs produits qui avaient été approuvés au niveau communautaire, la Commission, après avoir reçu notification de la volonté des Etats d’adopter ces mesures, a fait appel à nouveau au Comité chargé de l’évaluation des risques qui a confirmé la nature sécuritaire des produits pour la santé et l’environnement. Le groupe spécial en a déduit que les mesures SPS prises par les CE ne sont pas compatibles avec l’Accord SPS. Elles ne reposent pas sur des preuves scientifiques suffisantes, mais seulement sur des doutes émis par des scientifiques mais non soutenus par des principes scientifiques.

Le principe de précaution au sein de l’Accord SPS

Le droit communautaire, et notamment la Directive du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement, reconnaît un principe de précaution qui permet aux membres de l’Union européenne de prendre des mesures de sauvegarde lorsque des doutes existent quant à l’impact de produits sur la santé et l’environnement. Il n’existe pas de définition universelle du principe de précaution. Il est reconnu en France depuis la loi Barnier de 1995 qui stipule que « l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ». Les CE ont vu dans l’article 5 :7 de l’Accord SPS une esquisse du principe de précaution. Cet article autorise en effet les membres de l’OMC à prendre des mesures à titre de précaution s’il n’y a pas de preuves scientifiques suffisantes permettant de prendre une décision définitive quant à la nature sécuritaire d’un produit. En contrepartie, l’Etat doit lever l’incertitude qui motive ses précautions dans un délai raisonnable : « Dans les cas où les preuves scientifiques pertinentes seront insuffisantes, un Membre pourra provisoirement adopter des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des organisations internationales compétentes ainsi que ceux qui découlent des mesures sanitaires ou phytosanitaires appliquées par d'autres Membres. (…) » Les CE souhaitaient que la compatibilité des mesures soit examinée au regard de cet article. Mais le Groupe spécial a affirmé que la première condition de cet article n’était pas remplie dans la mesure où les preuves scientifiques ne sont pas insuffisantes dans cette affaire. Selon le Groupe spécial, une évaluation des risques a été réalisée conformément à l’article 5 :1, et confirmée par le Comité, et il ressort de cette évaluation que la nature sécuritaire des produits en cause n’est pas remise en question. Les mesures prises par les CE ne sont pas justifiées tant que les CE n’ont pas apporté la preuve de la dangerosité des OGM. Selon le Groupe spécial, les Etats ne peuvent pas prendre des mesures de sauvegarde et entraver le commerce sur la base de simples doutes émis par des scientifiques, et tant que la nature dangereuse des OGM n’est pas certaine. Les seuls doutes ne justifient pas de telles entraves. En se prononçant ainsi, le Groupe spécial rejette totalement l’idée de mesures prises pour pallier les incertitudes scientifiques, et par là même, l’idée de « précaution » qui est pourtant une notion reconnue internationalement.

Le principe international de précaution

Le Protocole Biosécurité de Carthagène est un accord international qui autorise les Etats à utiliser le principe de précaution et leur donne le droit d’interdire les OGM s’il y a des motifs d’inquiétude quant à leurs impacts sur la santé et l’environnement. Cet accord est reconnu internationalement depuis le 13 Juin 2003. Le fait que ce protocole soit devenu un accord international n’est cependant pas une réponse au conflit existant entre les Etats-Unis et l’Union Européenne devant l’OMC. En effet, le Groupe spécial, au regard de la Convention de Vienne sur le droit des traités, a déduit que « les règles de droit international dont il faut tenir compte pour interpréter les Accords de l’OMC en cause en l’espèce sont celles qui sont applicables dans les relations entre les Membres de l’OMC ». Cela implique que les seules règles dont l’OMC tiendra compte sont celles signées par tous les Membres de l’OMC. Cela exclut donc les accords internationaux non signés par tous les Membres de l’OMC. Les Etats-Unis n’ayant pas signé le Protocole, celui-ci ne s’appliquera pas.

Pour conclure sur ce point, la principale raison pour laquelle l’OMC et l’UE ne traitent pas le sort des OGM de la même manière est la conception différente qu’ils ont du principe de précaution. L’OMC considère que si l’évaluation des risques conclut qu’il n’y a pas de danger, alors pas il n’y a pas de mesures de précaution possible. Ces mesures sont prises uniquement si les preuves scientifiques sont insuffisantes pour prendre une décision définitive. Autrement, l’évaluation des risques lève les doutes. L’UE considère quant à elle que s’il n’est pas établi de façon certaine que les produits ne présentent pas de risques, des mesures doivent être prises par précaution. Cela est encore plus vrai depuis la crise de la vache folle.

A l’issue du rapport de l’ORD on se demande si les gouvernements nationaux oseront placer un accord de l’ONU au-dessus des règles de l’OMC. Christian Berdot, des Amis de la Terre France, a déclaré au cours de la campagne contre les OGM : « La décision de l’OMC ne nous étonne pas vraiment. Par contre les responsables politiques français et européens devront nous montrer très clairement quel droit prévaut pour eux. Est-ce le droit des Nations Unis et des peuples qui reconnaît avec le protocole de Biosécurité le principe de précaution, ou est-ce le droit du commerce qui avec l’OMC veut dominer toute autre considération sociale ou environnementale ? » L’Union européenne est attachée au principe de libre-échange et est bien décidée à respecter les échanges de l’OMC. Mais elle est également attachée à la protection de l’environnement et de la santé des citoyens européens. Un exemple flagrant de l’importance du principe de précaution dans l’Union européenne est celui de la France. Celle-ci a en effet durci la notion de précaution en 1995 et le Parlement français a introduit la Charte de l’environnement dans la Constitution, élevant ainsi le principe de précaution au plus haut niveau de la hiérarchie des normes. Soucieuse de respecter à la fois les accords de l’OMC et les accords internationaux, la Commission européenne doit trouver un compromis, et forcer les Etats membres à s’y conformer. C’est ainsi qu’elle a défini des lignes directrices dans sa commission sur le recours au principe de précaution le 2 février 2000. Elle consacre l’utilisation du principe de précaution mais la limite à l’hypothèse d’un risque potentiel, dépendant de l’étendue de l’incertitude scientifique, et devant reposer sur une évaluation scientifique aussi complète que possible. Il est donc probable que la Commission restera dans le même état d’esprit à la suite du rapport de l’ORD et continuera à chercher un compromis satisfaisant à la fois aux principes de l’OMC et de l’ONU.

2. Autonomie réglementaire des Etats

L’Union Européenne est une organisation internationale intergouvernementale où règne le principe d’autonomie, laissant à ses Etats membres plus d’indépendance qu’une organisation fédérale. Mais l’UE dispose d’un rôle politique et d’un pouvoir de contrainte sur ses membres plus important que les autres organisations internationales. Les Etats transfèrent en effet partiellement leur souveraineté aux institutions communautaires. Leurs lois doivent être en conformité avec le droit européen. Ainsi, lorsqu’un État veut prendre une mesure de précaution, il doit en notifier la Commission européenne. Celle-ci décide alors soit de modifier la réglementation à l’échelle communautaire, soit de supprimer la mesure. Une organisation internationale telle que l’OMC a beaucoup moins de pouvoir sur ses Etats membres. Ses pouvoirs se limitent à ceux décrits dans les accords internationaux. L’OMC s’occupe des règles régissant le commerce entre les pays membres. Les gouvernements s’y rendent pour résoudre les problèmes commerciaux et doivent se conformer à ses décisions. La question qui se pose à la suite de cette affaire est celle de la compétence de l’OMC pour régler les problèmes concernant le commerce ayant un impact sur la santé et l’environnement. Les Etats membres ont signé l’Accord SPS et doivent donc s’y conformer, mais ils n’ont probablement pas envisagé les effets de la libéralisation des échanges sur leur capacité à exercer leur libre choix en matière alimentaire. Dans la campagne OGM conduite par les ONG Greenpeace et Friends of the Earth décidés à ne pas céder aux pressions venant du continent américain, les citoyens européens aussi bien qu’américains demandent à l’OMC de ne pas saper le droit de chaque pays de prendre les mesures qu’il juge appropriées pour protéger son agriculture, son environnement et ses citoyens face aux risques posés par les cultures et aliments OGM. Ils revendiquent un « droit à la différence alimentaire dans le commerce international », pour reprendre l’expression de la juriste et chercheur au CNRS, Christine Noiville. Le principal argument de l’Union européenne dans cette affaire est en effet le droit de chaque État de décider lui-même du niveau de protection qu’il souhaite établir ; notamment concernant la santé et l’environnement, domaines qui ne concernent pas vraiment l’OMC. Malgré le principe de libéralisation des échanges, le pouvoir de décision devrait revenir aux Etats lorsqu’il s’agit de l’environnement et de la santé de leurs citoyens. L’OMC reconnaît à ses membres le droit de fixer eux-mêmes les limites du commerce international en prenant des mesures SPS, mais elle ne leur accorde pas le bénéfice du doute. Une fois qu’une évaluation des risques a été effectuée, le doute n’existe plus, et un État ne peut la remettre en cause sans preuve scientifique suffisante.

3. Remise en cause de la compétence de l’OMC

La compétence de l’OMC a été remise en cause dans cette affaire, notamment par les membres de Greenpeace et des Amis de la Terre, selon lesquels cette affaire n’aurait pas dû être soumise à l’OMC. Adrian Bebb, chargé de la campagne OGM des Amis de la Terre Europe a déclaré qu’il « serait temps que tout le monde reconnaisse que l’OMC avec ses préoccupations strictement commerciales, est vraiment le dernier endroit qui devrait décider de ce que nous mangeons ou comment nous protégeons notre environnement ». Le but de l’OMC est d’assurer le libre-échange, c’est la raison pour laquelle elle a été créée. Dans un conflit commercial, elle est à la fois juge et partie. Elle décide dans quelle mesure les Etats-Unis peuvent utiliser les règles de l’OMC pour bloquer les efforts d’autres pays voulant imposer un niveau de précaution plus élevé que le leur. De plus, comme l’OMC ne tient pas compte des autres lois environnementales existantes comme la Convention sur la Biodiversité et le Protocole de Biosécurité (cf. paragraphe précédent). Les Amis de la Terre proposent comme alternatives possibles à l’OMC, la Cour Internationale de Justice, la Cour Internationale d’Arbitrage, ou le Tribunal Permanent d’Arbitrage, plus compétents pour arbitrer les conflits commerciaux ayant un impact sur l’environnement, et plus transparents que l’OMC qui fonctionne dans le secret. La Cour Internationale de Justice semble la plus compétente pour juger de tels conflits dans la mesure où elle est l’institution principale des Nations Unies. Elle a la compétence nécessaire pour juger les litiges en vertu du droit international. Elle peut être saisie pour donner un avis sur une question juridique. Cet avis ne lie pas les parties à moins qu’elles ne l’aient prévu expressément. Ces décisions quant à elles sont sans appel. Elle fait preuve de transparence puisqu’elle délibère publiquement. La CIJ est également autonome dans le sens où elle ne subit pas l’influence des gouvernements ni des politiques commerciales de ces derniers. La CIJ dispose d’une Chambre environnementale, mais celle-ci n’a jamais juger une affaire ni donner d’avis donc la qualité de ses décisions n’est pas certaine. La CIJ est seulement ouverte aux organisations intergouvernementales, les ONG étant ainsi exclues de la possibilité de la saisir. Les ONG peuvent par contre saisir la Cour Internationale d’Arbitrage. Celle-ci applique comme la CIJ les accords internationaux, et les décisions de l’arbitre lient les parties. Mais les Etats sont réticents au fait de soumettre leurs litiges à la CIA principalement à cause de ses liens étroits avec les ONG et autres activistes politiques. Par conséquent, l’application de ses décisions peut poser un problème. Les ONG peuvent également saisir la Commission Permanente d’Arbitrage. L’autre point positif de cette institution est qu’elle a développé des règles spécifiques à la résolution de conflits concernant l’environnement et basées sur les règles développées par les Nations Unies. Mais malgré cela, cette institution a une expérience limitée et les parties peuvent demander à ce que la procédure reste confidentielle.

4- Les suites de l’affaire

Les CE n’ont pas fait appel à la décision de l’OMC. Lors de la réunion de l’ORD le 19 février 2008, les parties au conflit sur les OGM ont fait état de leur situation dans le cadre de la surveillance de la mise en oeuvre des décisions de l'ORD. Les Communautés Européennes ont affirmé qu’elles avaient progressé dans les discussions avec les trois plaignants. En reconnaissance des ces efforts, l’Argentine et le Canada leur ont accordé un délai supplémentaire pour se mettre en conformité avec le droit de l’OMC. Le 17 Janvier 2008, les Etats-Unis ont présenté une demande visant à être autorisés à imposer des sanctions contre les Communautés Européennes au motif que plus de quatre ans s'étaient écoulés depuis que la plainte a été déposée en 2003 à l'OMC mais que le conflit n'était toujours pas résolu. Les États-Unis ont rappelé que le délai accordé aux CE pour se mettre en conformité avait expiré le 11 janvier 2008. Le 14 janvier, les États-Unis et les CE sont parvenus à un Mémorandum d’accord sur le règlement des différends, document faisant partie intégrante de la procédure prévue par l’OMC, et dans lequel les parties se mettent d’accord sur les mesures à prendre pour régler le litige et respecter les règles de libre-échange. Dans cet accord, les deux parties convenaient de continuer les discussions visant à régler le conflit sur les OGM. Cependant, les CE ont contesté le niveau des sanctions et ont prétendu que les Etats-Unis n'avaient pas suivi les principes énoncés dans le Mémorandum d'accord. Le 8 février 2008, la question a donc été soumise à l’arbitrage. Les CE ont cependant affirmé que, conformément aux procédures convenues dans le Mémorandum, les États-Unis et elles-mêmes demandent à l'arbitre de se retirer pour leur permettre de poursuivre les discussions engagées en 2007 un peu confus tt cela…. Les Etats-Unis affirment que, malgré les progrès qui ont été réalisés au niveau des approbations depuis la date d’apparition du moratoire, de nombreuses applications sont toujours en attentes. En avril 2006, la Commission a fait un certain nombre de propositions pour traiter ces questions. Mais certaines lois sont toujours en vigueur aujourd’hui, malgré qu’elles aient été déclarées incompatibles avec l’Accord SPS. Une de ces applications concerne par exemple le MAÏS transgénique MON 810 de Monsanto. Le 8 février 2008, le Ministère de l’Agriculture français a pris un arrêté contre Monsanto. Le Conseil d’Etat français a confirmé dans une ordonnance du 19 mars 2008 la validité juridique de cet arrêté. Lors de la session du Conseil de l’Environnement européen, qui s’est tenue le 3 mars dernier à Bruxelles, la Commission a affirmé avoir lancé une étude sur les effets à long terme des OGM. Alors que la Commission se lance dans des études plus poussées sur les OGM en application des conclusions de l’ORD et afin de pouvoir enfin prendre une décision finale sur leur nature sécuritaire ou non, la France a annoncé le 7 février 2008 qu’elle souhaitait étendre l’interdiction aux seuls OGM cultivés et commercialisés dans l’UE. Le 8 février 2008, le Sénat français a adopté le Projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés. Lors du Grenelle de l’Environnement la question de la création d’une haute autorité sur les OGM ou les biotechnologies a également été abordée. Cette haute autorité est appelée le Haut conseil des biotechnologies. Elle a pour mission l’évaluation du risque, mais ses constatations ne seraient que des avis, laissant aux pouvoirs publics la décision finale. Cette loi répond aux exigences de l’OMC en ce qu’elle crée une autorité chargée d’évaluer les risques et donner un avis pour chaque demande d’autorisation. Mais le principe de précaution est également mis en œuvre par cette haute autorité qui procède à une évaluation complète de chaque OGM au cas par cas préalablement à leur autorisation, et à un suivi des incidences de la mise en culture. La loi assure également le libre choix de produire et de consommer (traçabilité, étiquetage, seuil) sans OGM. Les Amis de la Terre ont fait part cependant de leurs craintes concernant ce dernier sujet. Ils ont peur que les Etats-Unis remettent en cause les règlements européens sur l’étiquetage et la traçabilité des OGM. L’Assemblée nationale examine le projet de loi sur les OGM depuis le 1 avril 2008. L’examen devait être achevé le 3 avril mais a été prolongé au 7 avril. Pour le moment, seul un amendement a été adopté, par lequel l’Assemblée encadre strictement l’utilisation des OGM. L’amendement prévoit en effet que les plantes transgéniques devront être produites dans le respect « des structures agricoles, des écosystèmes locaux, et des filières qualifiées sans OGM, et en toute transparence. »

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