L’ORIGINE DU WHISTLEBLOWING : LE SARBANES OXLEY ACT DE 2002

 

Les scandales financiers des années 2001 et 2002 aux Etats-Unis ont donné naissance au Sarbanes Oxley Act de 2002. Les dirigeants de nombreuses sociétés, telle que Enron ou Worldcom, ont pris de très mauvaises décisions quant à la gestion de leur société, sans même consulter les actionnaires ou les employés, entraînant la faillite de leur société. Après coup, les autorités américaines se sont rendues comptes que les faillites auraient pu être éviter. En effet, certains employés étaient au courant des problèmes que traversait leur société et que des opérations frauduleuses avaient été commises mais ils n’ont rien dit car ils avaient peur de se faire licencier s’ils parlaient, le risque de licenciement étant bien plus élevé aux Etats-Unis. L’emploi est gouverné par le système de l’employment at will selon lequel un employeur peut licencier un salarié sans cause. Il aurait donc été facile pour les dirigeants d’une société de licencier le salarié émettant des doutes quant à leur gestion de l’entreprise. Le Parlement américain souhaitant ne plus avoir à faire face à de tels scandales financiers a donc voulu mettre en place un système d’alerte grâce auquel un salarié puisse rapporter les erreurs commises par les dirigeants de sa société, et garantissant une protection au salarié lançant l’alerte. Ce mécanisme s’appelle le whistleblowing aux Etats-Unis et le salarié lançant l’alerte est un whistleblower

L’origine du mot whistleblower vient du « whistle », le sifflet, que l’arbitre utilise pour signaler une faute ou un hors-jeu. Cette expression a été utilisée pour la première fois au début des années 70, cette dernière ayant une meilleure connotation que les termes de snitch (mouchard) ou informer (dénonciateur). La traduction littérale du terme whistleblower en français est « celui qui souffle dans le sifflet ». En France, on l’a appelé le lanceur d’alerte. Le Sarbanes Oxley Act est la première loi majeure traitant du whistleblowing, appelé l’alerte professionnelle en France. Selon cette loi, chaque société doit adopter un code d’éthique et un mécanisme de protection pour les lanceurs d’alerte. Les employés qui au cours de l’exercice de leur travail sont informés d’une faute commise par les dirigeants de leur société doivent avoir la possibilité d’informer une autorité interne ou externe qui mènera alors une enquête et si cela est nécessaire, prendra des mesures disciplinaires à l’encontre de la ou des personnes qui ont commis une faute. Le Sarbanes Oxley Act s’adresse aux internal whistleblowers, aux salariés qui reportent une faute commise par un membre de sa propre société. L’enjeu de l’efficacité du système d’alerte professionnelle tient dans sa force obligatoire, son champ d’application, son respect de l’anonymat et sa protection du lanceur d’alerte.

 

 

La mise en place d’un dispositif d’alerte professionnelle est-elle obligatoire ? 

Sont soumises au Sarbanes Oxley Act les sociétés américaines, les sociétés cotées à la bourse de New York et leurs filiales. Cette loi a donc eu une forte publicité aux Etats-Unis mais également à l’étranger. En 2002 est donc né un débat en France quant à l’adoption d’un équivalent du Sarbanes Oxley Act en France, certaines sociétés françaises étant soumises à cette loi et se doivant d’adopter un mécanisme d’alerte professionnelle. Aucun équivalent n’a été adopté jusqu’à présent en France. Certaines sociétés françaises soumises au Sarbanes Oxley Act restent obligées d’adopter un mécanisme d’alerte professionnel alors que selon la législation française elles n’ont aucunement l’obligation d’adopter un tel mécanisme. En effet, en France, compte tenu de la multiplicité des voies d'alertes déjà disponibles dans les entreprises (voie hiérarchique, commissaires aux comptes, fonctions de l'audit ou de la conformité interne, représentants du personnel, inspection du travail, etc.), le dispositif d’alerte professionnelle ne semble pas impératif et est donc facultatif. Aux Etats-Unis, les voies d’alerte étant moins nombreuses (il n’y a pas de commissaire aux comptes, l’audit n’est pas obligatoire dans toutes les sociétés, il n’y a pas de représentant du personnel etc.), le mécanisme de l’alerte professionnelle est donc bien plus développé et important qu’en France. 

 

Quels types de problèmes peuvent être signalés ?

Le Sarbanes Oxley Act ne limite pas son champ d’application. Le salarié peut dénoncer à l’autorité compétente toute faute commise par un membre de sa société pouvant sérieusement affecter l’entreprise. La faute ou la mauvaise gestion dénoncée peut concerner la violation d’une disposition légale ou réglementaire, une menace directe ou indirecte à l’intérêt général, un acte de corruption, une opération frauduleuse ou encore un non-respect des mesures d’hygiène et de sécurité. Cependant, les sociétés françaises devant adopter un mécanisme d’alerte professionnelle ne peuvent pas adopter un champ d’application aussi large que celui-ci. En 2002, la Commission Nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a dans un premier temps déclaré la pratique du système d’alerte illégale considérant que la seule autorité compétente devait être le juge. Finalement, en 2005, le CNIL a reconnu la légalité du dispositif d’alerte professionnelle en adoptant une autorisation unique relative à ces dispositifs. Selon cette autorisation unique, le champ d’application dispositif d'alerte professionnelle doit se limiter aux seuls domaines comptables, financiers, et de lutte contre la corruption. Toute société souhaitant adopter un dispositifs avec un champ d’application plus large doit obtenir l’autorisation préalable du CNIL. De nombreuses sociétés ayant demandé l’autorisation du CNIL pour élargir le champ d’application de leur au manquement au droit de la concurrence, en 2010, le CNIL a ajouté ce domaine au champ d’application autorisé par son autorisation unique.

 

Le champ d’application du Sarbanes Oxley Act est-il limité lorsqu’il s’applique à une société française ?

Une société devant se conformer aux exigences du Sarbanes Oxley Act se doit donc de respecter les limites imposées par la CNIL. La société Dassault Systèmes, dans le cadre de cette loi, a mis en place un code d’éthique instaurant un dispositif d’alerte professionnelle. Il a été reproché à la société Dassault Système de ne pas respecter le champ d’application de l’autorisation unique. À l’occasion du contentieux né de ce système d’alerte, la chambre sociale de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 8 décembre 2009, a rappelé que les dispositifs d’alerte professionnelle autorisé par la CNIL dans le cadre de l’autorisation unique doivent avoir un champ d’application restreint. En effet, le dispositif d’alerte de Dassault Systèmes avait une portée générale visant le respect de l’ensemble des dispositions législatives ou réglementaires, notamment celles relatives au harcèlement sexuel et à la discrimination. Le harcèlement et la discrimination ne rentrent pas dans le cadre de l’alerte professionnelle en France, alors qu’ils le sont aux Etats-Unis, puisque qu’il existe déjà des autorités compétentes pour traiter de la violation des règles applicables à ces derniers. On ne peut pas intégrer des questions d’intégrité physique et morale car seules les questions économiques doivent être prises en compte. 

 

L’alerte professionnelle est-elle anonyme ?

Le Sarbanes Oxley Act n’a pas de disposition exigeant que l’anonymat du lanceur d’alerte soit gardé. C’est à cause de l’absence d’une telle disposition que la CNIL était réticente quant à rendre licite le dispositif d’alerte professionnelle en 2002. Les Etats-Unis ont considéré que l’anonymat n’était pas nécessaire puisque le Sarbanes Oxley Act interdit les représailles de la part de l’entreprise à l’encontre du lanceur d’alerte et prévoit des sanctions en cas de représailles non autorisées. En France, la CNIL est revenue sur la nécessité de l’anonymat du lanceur d’alerte car elle s’est rendue compte que l’identification de l’auteur de l’alerte permettait de responsabiliser les utilisateurs du dispositif et de limiter les risques de délation et de dénonciation calomnieuse, de faciliter la protection de l’auteur de l’alerte contre d’éventuelles représailles mais aussi permettait un meilleur traitement de l’alerte en ouvrant la possibilité de demander à son auteur des précisions complémentaires. En France, le salarié lançant une alerte doit s’identifier auprès de l’organisme chargé de la gestion des alertes mais ce dernier devra conserver l’identité du salarié confidentielle. 

 

Les droits du lanceur d’alerte

C’est la section 806 du Sarbanes Oxley Act qui énonce les protections apportées aux employés auteurs d’alerte. Si ces derniers, suite à leur alerte, sont licenciés, selon les dispositions de la loi, ils auront le droit d’être réintégrés au même poste, au salaire qui aurait du leur être versé durant la période pendant laquelle ils ont été licenciés ainsi qu’à des dommages et intérêts résultant du licenciement, notamment les frais de justice, le coût d’expert et les frais d’avocat.  En France, c’est le droit du licenciement qui sera applicable ce dernier protégeant les employés du licenciement sans cause. C’est parce que c’est le système de l’empoyment at will qui est applicable aux Etats-Unis, que le Sarbanes Oxley Act introduit une protection des auteurs d’alerte. 

 

 

Bibliographie :

 

Manuels :

 

Lois :

  • Sarbanes Oxley Act 2002 

 

Jurisprudence :

  • Arrêt n° 2524 du 8 décembre 2009 (08-17.191) - Cour de cassation - Chambre sociale

 

 

Sites Internet :

  • Site du CNIL :

    o http://www.cnil.fr/en-savoir-plus/fiches-pratiques/fiche/article/les-alertes-professionnelles-enquestions/

    o http://www.cnil.fr/la-cnil/actualite/article/article/alertes-professionnelles-la-cour-de-cassation-se-prononce-en-faveur-dun-champ-dapplication-red/

    o http://www.cnil.fr/la-cnil/actualite/article/article/alertes-professionn...

 

  • Wikipédia :

    o http://fr.wikipedia.org/wiki/Lanceur_d%27alerte#Protection_juridique_des_lanceurs_d.27alerte

    o http://en.wikipedia.org/wiki/Sarbanes–Oxley_Act