La convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, par Hortense Moulonguet Doléris

La Convention de la Haye de 1993 sur l’adoption internationale pose principalement des règles matérielles comme les conditions de fond que doivent remplir les candidats à l’adoption. L’apport principal de cette Convention est institutionnel: tous les Etats contractants doivent créer une autorité Centrale en charge de l’adoption et du contrôle des conditions d’adoption. La France a incorporé cette convention par les réformes de 1996 et 2001. Aux Etats Unis, il a fallu attendre l’Intercountry Adoption Act (2000) pour que les mécanismes de la Convention soient mis en place.

Quand on parle d’adoption internationale, il est difficile de ne pas avoir à l’esprit les méthodes très controversées et un peu surréalistes des stars Hollywoodiennes, qui partent dans un pays d’Afrique ou d’Asie et en reviennent comme par magie avec un enfant « adopté » dans leur valise. Ces méthodes sont très loin de la réalité juridique que doivent affronter les parents qui cherchent à adopter un enfant né dans un pays différent de celui où ils habitent. Cette réalité juridique a été unifiée par une Convention de la Haye. La Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (ci-dessous : « la Convention de la Haye») est entrée ou vigueur ou va entrer en vigueur dans environ 80 Etats. Cette Convention cherche à mettre fin aux enlèvements, traites ou ventes d’enfants qui sont souvent associés aux situations désespérées dans lesquelles se trouvent aussi bien les parents que les enfants adoptifs. Les Etats Unis sont le premier pays d’accueil en matière d’adoption internationale avec en moyenne près de 12 000 enfants accueillis par an. La France se situe au deuxième rang avec environ 3 000 familles ou célibataires adoptant par an. Les enfants adoptés aux Etats-Unis viennent majoritairement de Chine et de Russie. Les enfants adoptés en France viennent pour deux tiers du Brésil, de Colombie, de Pologne et du Sri Lanka. Lorsque les enfants adoptés sont nés dans des pays différents de ceux où vivent les parents adoptifs, de nombreux problèmes de droit international privé se posent. Quelles lois doivent être appliquées au cours de la procédure d’adoption ? Quelles lois désignent les conditions d’adoptabilité des enfants et les conditions que doivent remplir les parents pour être considérés « aptes » à adopter ? Quels effets produit l’adoption, une fois prononcée, à l’étranger ? La Convention de la Haye tente de répondre à ses questions en gardant toujours en ligne de mire « l’intérêt supérieur de l’enfant. » (Article 1 alinéa a de la Convention). Cette Convention met en pratique les principes établis par la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989. La Convention de la Haye a été signée par la France le 29 mai 1993 et par les Etats Unis en mars 1994. Cette convention a deux buts principaux. Elle cherche à établir un système de coopération judiciaire, administrative et institutionnelle entre les Etats Contractants. Cette coopération est établie pour prévenir les dérives que peut créer l’adoption internationale comme l’enlèvement, la traite ou la vente d’enfants (article 1 alinéa b de la Convention) et passe en premier lieu par la mise en place d’Autorités Centrales dans chaque Etat. L’autre apport principal de cette Convention est la reconnaissance automatique et de plein droit par les Etats à la Convention d’une décision prononçant une adoption dans un autre pays signataire de la Convention. La Convention de la Haye, bien que n’établissant pas des règles de conflit pour déterminer le juge compétent et la loi applicable aux procédures et au prononcé de l’adoption, établit des règles matérielles qui mettent en place un système unifié de coopération entre les autorités du pays d’accueil et du pays d’origine des enfants.

Aujourd’hui, la Convention compte 78 Etats Contractants. En France, la Convention est entrée en vigueur le 1er octobre 1998. La Convention a été prise en compte dans les réformes de l’adoption du 5 juillet 1996 et du 6 juillet 2001. Aux Etats-Unis, la ratification de la Convention a été plus tardive. Aucun effort ne fut fait dans le sens d’une ratification entre la signature en mars 1994 et 1998. Il a fallu attendre l’impulsion du Président Clinton qui demanda au Sénat en 1998 de ratifier la Convention. Le Président Clinton signa la loi sur l’adoption Internationale (Intercountry Adoption Act, ci-dessous IAA) le 6 octobre 2000. Cette loi transpose la Convention en droit fédéral américain. Le mécanisme principal mis en place par la Convention est la création d’une Autorité Centrale dont chaque Etat partie à la Convention doit se doter. Cette Autorité Centrale est au cœur du mécanisme de coopération établie par la Convention de La Haye. La création de l’Autorité Centrale est la clé de voute dans la poursuite de l’objectif de « moralisation de l’adoption internationale » (Bruno Sturlèse, J.C.P. 1993 I. 3710 p 428). Toutes les étapes de la procédure d’adoption doivent passer par cette Autorité Centrale permettant ainsi aux Etats de veiller à la conformité des adoptions et au respect des règles matérielles imposées par la Convention. Cette Autorité centrale désignée par l’Etat qui l’héberge coordonne les actions administratives et judiciaires entreprises dans le pays d’origine de l’enfant et dans le pays d’accueil. Les deux fonctions principales des Autorités centrales sont selon les termes de la Convention de « (a) rassembler, conserver et échanger des informations relatives à la situation de l’enfant et des futurs parents adoptifs , (b) faciliter et suivre la procédure de l’adoption  » (Article 9 de la Convention). L’Autorité Centrale a un rôle très vaste et la Convention l’autorise à déléguer à des organismes agréés (article 10 de la Convention de la Haye). Ces organismes agréés doivent remplir des conditions prévues par la Convention à l’article 11. Elles doivent poursuivre des buts non lucratifs, elles doivent sélectionner des personnes qualifiées par leur intégrité morale et leur expérience dans le domaine de l’adoption internationale et elles sont soumises à la surveillance d’autorités compétentes sur la composition, le fonctionnement et la situation financière des organismes agréés.

En ratifiant la Convention en 1998, la France a confié les attributions de l’Autorité Centrale Française à la Mission d’Adoption Internationale (MAI). En 2005, la création de l’Agence Française de l’Adoption (AFA) a permis une redistribution des fonctions en matière d’adoption. L’Autorité Centrale Française est maintenant l’AFA qui a reçu la mission générale d’information et de conseil des adoptants précédemment confiée à la MAI. L’AFA peut intervenir dans tous les pays d’origine des enfants en collaboration avec les Autorités Centrales étrangères. En France, l’Autorité Centrale délègue ses fonctions sur tout le territoire aux Organismes Autorisés pour l’Adoption (O.A.A.). Ces personnes morales de droit privé doivent être autorisées par les Conseils généraux des Départements dans lesquels elles vont intervenir (Décret n° 2002-575 du 18 avril 2002 relatif aux organismes autorisés et habilités pour l’adoption). Les O.A.A. doivent être habilités par la Mission de l’adoption Internationale au sein du Ministère des Affaires étrangères français mais ils doivent aussi être accrédités par les autorités du pays d’origine des enfants. Aux Etats Unis, le Secretary of State (le Ministre des Affaires Etrangères) joue le rôle d’Autorité Centrale en charge de déterminer les entités habilitées. L’IAA codifié dans le United States Codes aux articles 42 U.S.C. §14922 et suivants prévoit le mécanisme de désignation des entités habilitées. Les entités sont des autorités de droit privé ou de droit public, comme par exemple une agence ayant la responsabilité de nommer des agences pour l’adoption. Ces entités qu’elles soient de droit privé ou de droit public doivent avoir une expertise dans le développement et l’administration de standards pour les entités de service à l’enfance et doivent répondre à d’autres critères établis par le Ministère des Affaires étrangères par arrêté (« regulation »). L’intervention du Quai d’Orsay et du Secretary of State permet de fournir des réponses plus facilement aux questions de droit international, principalement public, posées par l’adoption internationale. Ces Ministères peuvent également apporter des solutions diplomatiques lorsque les autorités des différents pays concernés ne peuvent se mettre d’accord ou lorsque les entités habilitées violent le droit international comme ce fut le cas en octobre 2007 lors de l’affaire de l’Arche de Zoé. Cette répartition des tâches entre autorité centrale et entités habilitées a permis dans les deux pays une efficacité plus proche des familles cherchant à adopter et des familles ou orphelinats cherchant à faire adopter.

L’Autorité centrale de l’Etat d’accueil et l’autorité centrale de l’Etat d’origine doivent coopérer pour déterminer si l’enfant est « adoptable » et si les parents cherchant à adopter sont « qualifiés et aptes » à adopter. Tout projet d’adoption dans les pays ayant ratifié la Convention de la Haye doivent passer par les Autorités Centrales. Cette Convention met fin à toute initiative individuelle d’adoption et impose les conditions de fond que doivent remplir les parents cherchant à adopter et l’enfant adoptable pour que l’adoption puisse avoir lieu avec l’appui des Autorités Centrales de chaque Etat. Comme la Convention ne fournit pas de règle de conflit, elle instaure un mécanisme de coopération entre les différents acteurs de l’adoption en établissant les conditions qui doivent être remplies pour que l’adoption puisse être conclue. L’article 5 de la Convention établit les conditions que doivent contrôler les autorités de l’Etat d’Accueil. Les conditions touchent à la personne des adoptants et à la permanence du séjour de l’enfant dans l’Etat d’accueil. L’article 5 (a) renvoie à la loi applicable dans l’Etat d’accueil qui est chargé de déterminer les conditions que doivent remplir les futurs parents adoptifs. En France, les parents adoptifs doivent obtenir un agrément délivré par les services départementaux d’aide à l’enfance (article 100-3 du Code de la Famille et de l’Aide Sociale). Mais la qualification juridique des parents ne sera déterminée qu’au moment du prononcé de l’adoption par la juridiction compétente. L’article 5 (c) demande aux Autorités centrales de s’assurer que l’enfant pourra séjourner de façon permanente dans l’Etat d’accueil. En France, la Mission interministérielle de l’adoption délivre un visa d’établissement assurant ainsi un droit de séjour permanent à l’enfant adopté. Bien que les frais d’adoption internationale soient élevés (coût du séjour dans le pays d’origine de l’enfant et frais de justice pour obtenir le jugement d’adoption), les parents français cherchant à adopter ne doivent pas fournir expressément de preuve de revenus suffisants pour élever un enfant dans la demande d’agrément. Aux Etats Unis, les questions portant sur le droit de l’enfant à immigrer sont plus complexes. Les parents doivent faire une demande au Service de l’Immigration et de la Naturalisation avant même de savoir qui est l’enfant qu’ils vont adopter. Le Service de l’Immigration et de la Naturalisation est chargé de contrôler que les parents adoptifs remplissent les conditions d’accueil comme offrant à l’enfant une maison appropriée et des parents prêts à accueillir l’enfant. Les parents doivent néanmoins prouver que leurs revenus est 125% du seuil de pauvreté fixé par le Gouvernement fédéral. Une fois que les conditions fédérales ont été remplies et que l’enfant a obtenu un passeport, l’ambassade ou le consulat des Etats-Unis dans le pays d’origine de l’enfant fournira un visa qui permettra à l’enfant d’entrer sur le territoire américain en tant que « resident alien » et de recevoir une carte verte après son entrée sur le territoire. L’article 4 énonce les conditions que sont chargées de contrôler les autorités du pays d’origine de l’enfant. L’adoptabilité de l’enfant est déterminée par la loi applicable dans l’Etat d’origine de l’enfant. Dans le but de mettre fin aux pratiques de traite et d’enlèvement d’enfants, l’autorité centrale ou l’entité dûment habilitée doit veiller à ce que les consentements requis aient été donnés sans aucune pression et que les souhaits de l’enfant ont été pris en considération.

L’apport majeur de la Convention en matière de droit international privé de l’adoption se situe dans le Chapitre V de la Convention de la Haye : « Reconnaissance et Effets de l’adoption ». L’article 23 énonce clairement le principe de ce chapitre : une adoption prononcée dans un Etat contractant sera reconnue dans les autres Etats contractants. L’Autorité centrale de l’Etat où l’adoption est prononcée émet un certificat de conformité en vertu duquel l’adoption sera reconnue automatiquement dans tous les pays signataires (article 24). Ce certificat de conformité est également le mode de preuve de la régularité de l’origine de la décision d’adoption. L’article 26 précise quels effets entraîne la reconnaissance de l’adoption : la reconnaissance du lien de filiation, de la responsabilité parentale et la rupture du lien de filiation qui existait entre l’enfant adopté et ses parents biologiques. En listant les conséquences minimales de l’adoption internationale que chaque Etat signataire de la Convention de la Haye se doit de reconnaître, l’article 26 établit des règles matérielles minimales. En effet, une uniformisation des règles de conflit n’aurait pas été suffisante pour assurer l’existence d’un statut unique pour l’enfant adopté. Cependant, l’article 26 précise que la rupture du lien préexistant de filiation ne s’effectuera que si la loi de l’Etat où l’adoption a eu lieu reconnaît cet effet de l’adoption (article 26 (1)(c)). Cet article 26 (1)(c) semble être une des rares règles de conflit de lois présente dans la Convention. L’article 26 (3) rappelle l’objectif premier de la Convention qui est le bien être et l’intérêt supérieur de l’enfant et prévoit expressément une exception d’ordre public à la reconnaissance automatique de l’adoption. Les Etats Unis ont adopté l’article 26 de la convention dans le United States Code à l’article 42 U.S.C.A. § 14951. Néanmoins, la loi américaine prévoit quelques exceptions aux mécanismes de la Convention de la Haye. L’IAA établit, en accord avec la Convention de la Haye, des procédures différentes pour faciliter l’adoption d’un enfant par des membres de sa famille. En effet, le Ministre des Affaires Etrangères peut établir par arrêté (« regulation ») des conditions spéciales pour l’adoption internationale par des membres de la famille de l’enfant adopté (42 U.S.C. §14952 (a)). La loi américaine prévoit également que le Ministre des Affaires Etrangères peut au cas par cas supprimer certaines conditions prévues par la Convention de la Haye pour protéger l’enfant de grandes souffrances physiques (42 U.S.C. 14952 (b)(1)).

Malgré les tentatives d’uniformisation des systèmes nationaux d’adoption, les obstacles administratifs auxquels doivent faire face les parents aussi bien en France qu’aux Etats Unis sont encore nombreux et souvent insurmontables.

Bibliographie

Ouvrages

- M-L Niboyet, G de Geouffre de la Pradelle, Droit International Privé, L.G.D.J., 2007.

Articles

Sturlèse B. « La Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale », Etudes, J.C.P. 1993 I. 3710.

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Monéger F. « A propos du projet de loi de ratification de la Convention de La Haye sur l’adoption internationale », J.C.P. 1998 Actualité p. 313.

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Textes

Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (Conclue le 29 mai 1993 et Entrée en vigueur le premier mai 1995)

http://adoption.state.gov/

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/adoption-internation...

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/les_francais_etranger_1296/conseils_aux...