La durée du temps de travail en France et en Allemagne

La durée du temps de travail en France et en Allemagne

 

 

Le droit de la durée du travail est d’une grande importance en droit du travail car c’est un des outils de la protection physique du salarié. En droit allemand, il existe même l’ArbeitsZeitGesetz (loi sur la durée du temps de travail) dans le Code du travail et c’est là tout un livret consacré exclusivement à ce domaine dans lequel nous nous intéresserons ici plus particulièrement à l’article 3 qui concerne le temps de travail du salarié.

 

Alors que de nos jours la durée du travail est un point fondamental sur lequel les politiques tergiversent beaucoup, en réalité ce n’est que depuis l’avènement du salariat, que le temps de travail a été pris en considération. Le travail salarié a perdu les caractéristiques de l’artisanat où le « producteur » reste maître de son temps. Les rapports entre le travailleur et la société n’ont alors plus été centrés sur l’objet produit dont il faut assurer la bonne qualité, mais sur la relation salariale qui prend la double dimension du contrôle du temps travaillé et de celui de l’intensité du travail. D’un travail qui était la réalisation d’une tâche, on est historiquement passé à un travail contraint, réglé par le temps de l’embauche et du débauchage. Le temps s’est transformé en objet de mesure, l’histoire est devenue celle d’une progressive réduction du temps de travail, et en un peu plus d’un siècle et demi celui-ci aura été divisé par deux.[1]

La tendance dominante en ce domaine a été, pendant des années, d’assurer aux salariés une réduction collective de la durée du travail. Sans être totalement linéaire, ce mouvement de réduction du temps de travail a cherché tout d’abord à mettre fin à des abus manifestes et à protéger la santé des salariés les plus jeunes, puis des femmes, enfin de l’ensemble des travailleurs. On a aujourd’hui quelques difficultés à imaginer ce que furent les conditions de travail au début de la révolution industrielle. Semaines de plus de 80 heures, conditions de vie effroyables qui suffisent à expliquer, en France comme en Allemagne, la nécessité d’une réglementation. En Allemagne avant la réforme du 6 juin 1994, c’était l’ordonnance sur la durée du temps de travail de 1938 qui valait et qui indiquait la durée maximale de travail.[2]

En France les lois du 22 mars 1841 sur le travail des enfants employés dans les manufactures, usines et ateliers, du 2 novembre 1892 limitant à 11 heures par jour le travail des femmes et des enfants de 16 à 18 ans, du 13 juillet 1906 sur le repos hebdomadaire, du 23 avril 1919 sur la journée de 8 heures sont de cette facture. Déjà les lois des 20 et 21 juin 1936 fixant la durée légale hebdomadaire à 40 heures et instaurant les congés payés répondaient à une autre finalité: l’objectif de protection de la santé était certes, toujours présent mais le législateur tentait également d’opérer un partage du travail dans une période économique difficile.

La réglementation de la durée du travail a donc fait l’objet de la première loi du travail en France, en Allemagne, et de la première convention de l’OIT (Convention n°1 en 1919) mais aujourd’hui, compte tenu des difficultés rencontrées pour résorber le chômage, elle est à nouveau une préoccupation majeure des gouvernements.[3] Alors qu’en droit français l’article L. 3121-10 du Code du travail fait mention d’une durée de travail hebdomadaire de 35 heures, en droit allemand l’article 3 de l’ArbeitsZeitGesetz énonce: « La durée de travail des employés lors des jours ouvrables ne peut pas dépasser huit heures. Elle peut être prolongée jusqu’à dix heures seulement si, la moyenne effectuée au cours de six mois de calendrier ou de 24 semaines, ne dépasse pas les huit heures quotidiennes autorisées ».[4]

Dans les deux pays, la durée du travail reste l’une des premières revendications des salariés et les partenaires sociaux œuvrent dans le sens de l’aménagement et du partage du temps de travail par conséquent il existe aujourd’hui différentes manières de calculer le temps de travail, à la journée, à la semaine, au mois et, de plus en plus, à l’année.

En France les fameuses 35 heures soulèvent beaucoup de questions et sont souvent comparées notamment au régime légal allemand qui est à 40 heures par semaine. Alors que certains s’interrogent sur la pertinence de ce régime « léger », il est important de remarquer que dans les faits c’est une durée de temps de travail de référence de laquelle on peut s’écarter des deux côtés du Rhin. Ainsi dans un premier temps il sera intéressant de voir quelle a été l’évolution de la durée du temps de travail et quelle est la situation actuelle concernant la durée légale (I), pour ensuite relever la possibilité d’alternatives à cette référence des 35h en France et 40h par semaine en Allemagne et leur régime (II).

 

 

I. Evolution et régime légal actuel de la durée du temps de travail

 

A/ Evolution de la durée du temps de travail

 

Domaine clef à l’origine du droit du travail, le droit de la durée du travail a connu de profondes évolutions au plan national, et l’influence internationale et surtout communautaire n’y est pas étrangère. Sur le plan international et communautaire dès le traité de Versailles, future constitution de l’OIT, le préambule de celle-ci a insisté sur la nécessité de fixer une durée maximale journalière et hebdomadaire de travail. L’une des premières conventions de l’OIT a ainsi établi une norme de travail de 8 heures par jour et de 48 heures par semaine. Elle a influencé de manière durable de nombreux codes du travail. Plus tard, les conventions adoptées ont eu une autre finalité: lutter contre le chômage par la réduction de la durée du travail. Enfin, l’OIT a pris conscience de la nécessaire conciliation entre vie au travail et vie familiale et adopté convention et recommandation en ce sens. Durée du travail, travail de nuit, temps de congés ont ainsi donné lieu à des normes de l’OIT dont certaines ont été vigoureusement critiquées. Au plan communautaire, c’est la directive 93/104, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail qui fixe des normes générales dans un souci de protection de la santé du salarié, cette directive a pour partie été intégrée en droit français par les lois Aubry.[5] En Allemagne, cette directive 93/104 a été intégrée en droit allemand avec la loi sur la durée du temps de travail du 6 juin 1994.[6] Là-bas aussi, le temps de travail a une importance particulière pour l’employé car, de sa durée dépend ce qu’il peut faire pendant sa vie privée, combien de temps il a à sa disposition pour sa formation continue, son temps de détente ou son action dans les affaires publiques. Au début du 20ème siècle encore,  des semaines de 60 heures de travail n’y étaient pas rares mais avec l’augmentation de la productivité en particulier dans le secteur industriel, la durée régulière hebdomadaire du temps de travail de l’employé s’est raccourcie et s’est combinée avec une prolongation des congés grâce à des règlementations octroyant des jours libres supplémentaires.[7] En France l’évolution est double, tout d’abord le droit de la durée du travail a substitué progressivement à une approche quantitative et collective du temps du travail, une démarche plus qualitative et individualisée. Ensuite, ce droit fortement légal et réglementaire a fait une part de plus en plus grande aux sources conventionnelles.

 

En France et en Allemagne, le rythme à temps plein est encore celui de l’immense majorité des salariés. En France le texte fondamental en la matière était jusqu’alors l’ordonnance du 16 janvier 1982 qui avait modifié la législation sur la semaine de 40 heures. Le principe, tout au moins jusqu’au 1er janvier 2000, était que la durée légale du travail était fixée à 39 heures par semaine civile. Rapportée au mois, la durée légale hebdomadaire correspondait à une moyenne mensualisée sur l’année de 169 heures. Les choses ont changé depuis l’adoption de mesures destinées à aménager et à réduire le temps de travail avec les lois Aubry. La première loi Aubry du 13 juin 1998[8], « loi d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail », avait fixé comme objectif de réduire la durée légale hebdomadaire du travail à 35 heures au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés, et au 1er janvier 2002 pour les autres. La seconde loi Aubry sur les 35 heures « relative à la réduction négociée du temps de travail » a pour date le 19 janvier 2000[9] et est entrée en vigueur le 1er février 2000. Elle aborde effectivement dans les moindres détails les conséquences et les répercussions pratiques du passage programmé à la nouvelle durée légale hebdomadaire de 35 heures. L’objectif premier de la loi est de favoriser la flexibilité, donc la négociation et la conclusion d’accords collectifs. Elle favorise ainsi l’action normative des partenaires sociaux.[10] Les lois Aubry  avaient aussi pour but d’obliger à embaucher, car les 35h se voulaient créatrices d’emploi pour les outsiders et pas seulement de RTT pour les insiders, et n’ont laissé que de faibles marges de manœuvre aux entreprises. Les lois du 17 janvier 2003, du 4 mai 2004, du 31 mars et du 2 août 2005, celles de 2007 puis les deux de 2008 ont largement démantibulé mais n’ont pas fait disparaître cette très idéologique durée légale. Mais leur logique est opposée à celle de leurs prédécesseurs voulant, pour des raisons évolutives (santé, lutte contre le chômage, vie personnelle…), abaisser la durée du travail. A défaut de pouvoir abroger officiellement les 35 heures, tous les gouvernements à compter de 2002 ont cherché à les détricoter et après la loi du 20 août 2008[11], il n’en reste en pratique pas grand-chose, et pour pas grand-monde.[12]

 

En Allemagne, le but de la protection de la durée du temps de travail est principalement la protection de la santé  et la protection de la personnalité pour l’employé. L’employé doit être préservé des dangers du surmenage physique et psychique, il doit avoir suffisamment de temps libre et exécuter son travail dans un rythme raisonnable. Ce n’est donc pas un hasard si les règlementations de la durée du temps de travail se trouvent historiquement dès le début de la protection du droit du travail. Dans le droit du travail moderne, la protection de la durée du temps de travail est seulement une partie  du droit de la durée du temps de travail en général. Avec la loi de 1994 sur la durée du temps de travail, le droit du travail a pris une réforme qui dans certaines parties manque encore de la nécessaire flexibilité.[13]

 

 

B/ Approche quantitative de la durée légale actuelle du temps de travail

 

La quête d’une réduction de la durée du travail a fortement influencé pendant de nombreuses années l’approche du temps de travail, son contenu et son régime. En effet, il s’est agi pendant longtemps, du seul décompte du temps travaillé. Une telle démarche induisait et induit toujours plusieurs questions: Quel temps compter? Comment opérer ce décompte et par quel procédé? Faut-il fixer une durée limite non dérogeable ou simplement adopter une durée de référence?

Des notions en apparence aussi simples que le temps de travail ou le temps de repos font l’objet d’une définition juridique en droit français comme en droit allemand car il n’existe pas une, mais des durées du travail: durée légale, maximale, effective.[14] La loi institue une durée légale et des durées maximales du travail. Elles s’appliquent, sauf dispositions particulières, aux employeurs de droit privé ainsi qu’à leurs salariés et sont également applicables aux établissements publics à caractère industriel et commercial.[15]

La loi institue une durée légale du travail et en France l’article L. 3221-10 du Code du travail la fixe à 35 heures par semaine tandis qu’en Allemagne, l’article 3 du ArbeitsZeitGesetz la fixe à 40 heures par semaine. Cette durée légale n’est pas impérative. Il est possible de travailler au-delà de cette limite en recourant aux heures supplémentaires ou aux heures de récupération. Il est également possible d’adopter une durée effective du travail fixée en dessous du référent légal dans le cadre du travail à temps partiel. La durée légale n’est dès lors qu’une durée de référence au regard de laquelle il faudra appliquer, soit le régime général de la durée du travail, soit le régime spécifique des heures supplémentaires, soit celui du travail à temps partiel. Cette durée légale s’applique au temps de travail effectif tel que défini par l’article L.3121-1 du Code du travail et non au temps rémunéré comme temps de travail ou au temps assimilé à du temps de travail. En France la question de l’abrogation de la durée légale du travail est régulièrement posée et à la veille de l’adoption de la loi du 20 août 2008, le débat a été relancé. Pour des raisons à la fois techniques et politiques, le gouvernement ne s’y est pas résolu mais la controverse est périodiquement réactivée.[16]

Parallèlement, le droit français fait référence à la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail de chaque salarié. La première ne peut excéder 10 heures de travail effectif par jour. C’est une durée impérative qui fait cependant l’objet d’aménagements légaux et conventionnels. Le dépassement de cette durée maximale peut être autorisé par l’inspecteur du travail lorsque s’impose un surcroît temporaire d’activité. L’instauration de conventions de forfait en heures sur l’année permet également d’opter conventionnellement pour une autre durée maximale. La seconde impose un double plafond hebdomadaire: une durée maximale de 48 heures par semaine, heures supplémentaires comprises, une durée moyenne hebdomadaire de 44 heures calculée sur une période de 12 semaines consécutives. Elle connaît des dérogations réglementaires ou conventionnelles, mais sans que ce dépassement puisse porter la durée du travail à plus de 60 heures par semaine. L’instauration de cette double durée maximale de travail n’a pas du tout la même finalité que l’adoption d’une durée légale du travail. Il ne s’agit plus simplement d’établir un référent permettant d’articuler régime légal et heures supplémentaires. Le but est d’adopter une norme impérative maximale dans l’intention de préserver la sécurité et la santé des salariés.[17]

Tel est également l’objectif des normes communautaires imposées en ce domaine. La durée du travail ne doit pas excéder 48 heures hebdomadaires mais la période de référence est différente et la directive du 4 novembre 2003 ouvre la porte aux dérogations des Etats membres par le biais notamment de la clause « d’opt out ».

Le droit communautaire décrit le temps de travail comme « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ».

Au plan interne, c’est la jurisprudence qui, pendant longtemps, a fixé le cadre de la notion du temps de travail effectif. Le fil conducteur de la Cour de cassation était celui de la mise à disposition du salarié à l’égard de son employeur.

S’en inspirant, l’article L.3121-1 du Code du travail issu de la loi du 13 juin 1998 définit la durée du travail effectif comme «le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » cela pose le délicat problème de la distinction entre la vie privée et la vie professionnelle du salarié puisqu’il faut tenir compte de la notion nouvelle « d’occupations personnelles ». A priori, seules les périodes de travail effectif sont rémunérées et entrent dans le champ d’application de la réduction du temps de travail.[18]

En Allemagne, le temps de travail d’après la définition légale donnée par l’article 2 I du ArbeitsZeitGesetz est „le temps du début jusqu’à la fin du travail sans les pauses“.[19]

 

En droit allemand, la durée du temps de travail de l’employé lors des jours ouvrables ne doit pas dépasser huit heures (art.3 ArbZG). Sont des jours ouvrables tous les jours du calendrier qui ne sont pas des dimanches ou des jours fériés. De ça résulte une durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures, en sachant que la plupart des contrats sont faits sur la base de huit heures par jour sur cinq jours ouvrables, donc 40 heures par semaine. Il est possible de convenir d’une durée de travail de 10 heures quotidienne et ce sans raison particulière, si on ne dépasse pas en moyenne huit heures par jour sur six mois ou pendant 24 semaines (art.3 ArbZG). Un employé ne peut alors pas travailler plus de 1152 heures au cours d’une période de 24 semaines (6 jours/semaine X 8 heures X 24 semaines).[20] En Allemagne, la durée de temps de travail dû résulte généralement soit du contrat de travail soit d’une convention collective et si la convention collective règle ce point, le contrat de travail ne peut prévaloir que si sa réglementation est plus avantageuse pour l’employé.

 

 

II. Approche qualitative : alternatives à la durée légale normale de travail et leur régime

 

A/ Répartition et annualisation du temps de travail

 

Même si la loi prévoit en France et en Allemagne une base légale de 35 et 40 heures de travail par semaine, dans les faits il est possible de répartir ce temps différemment, surtout depuis l’annualisation du temps de travail. Les salariés ont la possibilité de travailler de manière personnalisée, que ce soit par choix individuel ou en fonction de modalités d’organisation du temps de travail spécifiques à leur secteur ou à leur fonction.

 

En France comme en Allemagne, il existe de nombreux modes particuliers d’organisation du travail, notamment le travail par relais et par roulement, le travail en équipe successives, les équipes de suppléance, le travail de nuit, le travail à temps partiel, le travail intermittent, les horaires individualisés ou les conventions de forfait. Les horaires individualisés par exemple, dérogent au principe de l’horaire collectif de travail et permettent aux salariés, au-delà d’une plage fixe pendant laquelle tous doivent être présents (par exemple 10h-16h), d’arriver ou de partir au sein de plages mobiles. Cette technique connaît un grand succès, bien que les réglementations relatives aux durées maximales journalières et hebdomadaires doivent être respectées. [21]

En France le mouvement de réduction du temps de travail s’est doublé, à partir de 1982, d’une autre approche: elle vise à favoriser l’aménagement du temps de travail. Le recours au droit conventionnel (ANI du 31 octobre 1995 notamment) a en effet permis une annualisation de la durée du travail et une variabilité dans la répartition de ce temps d’une semaine à l’autre. L’objectif poursuivi est pour le salarié l’aménagement de son temps de travail, pour l’employeur la recherche d’une plus grande flexibilité. L’organisation du temps de travail devient alors un outil de gestion de l’entreprise. Enfin, la réduction collective du temps de travail n’est plus, depuis 2003, la finalité poursuivie par le droit de la durée du travail.

Sans remettre en cause frontalement une durée légale hebdomadaire de 35 heures, les lois du 17 janvier 2003[22] et du 31 mars 2005[23] en assouplissent le régime et incitent à une individualisation des temps de travail. Ces lois ont totalement flexibilisé le droit de la durée du temps de travail, désormais conventionnel. Et surtout posé comme principe que tout est négociable, au niveau le plus bas collectivement bien sûr en élargissant les possibilités antérieures, mais désormais aussi individuellement parfois avec le « gré à gré ». La loi du 21 août 2007[24] « en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat » affaiblit également le régime légal des 35 heures car elle comporte des dispositions incitatives à l’augmentation de la durée du travail. En effet l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires est l’archétype de cette inversion de logique: au lieu de dissuader les entreprises, les alléchants allégements incitent les deux partenaires à y avoir recours, si elles sont déclarées. Enfin la loi « portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail » adoptée le 20 août 2008 opère des modifications techniques importantes et confère à l’accord collectif d’entreprise une place prédominante en ce domaine. Cette loi a banalisé les forfaits en heures sur la semaine, le mois ou l’année, banalisant les heures supplémentaires et diluant ainsi habilement la norme hebdomadaire. Et si elle réussit à simplifier l’inextricable, elle pose de délicats problèmes à des employeurs sur leurs propres accords de branche ou d’entreprise.[25]

En droit allemand, la protection de la durée du temps de travail se détermine d’après l’ArbeitsZeitGesetz. Cette loi veut garantir la sécurité et la protection de la santé des travailleurs dans l’organisation du travail, et surtout elle veut améliorer les conditions générales pour avoir des heures de travail flexibles (art.1 ArbZG).[26] Il existe notamment la Kapazitätsorientierte variable Arbeitszeit (KAPOVAZ) qui est la durée du temps de travail variable en fonction des besoins vers lesquels elle est orientée, ainsi elle sert à l’adaptation du temps de travail par rapport aux pics de besoins des employeurs.

 

B/ Régime de la durée du temps de travail légal et des alternatives

 

En droit français la durée du travail effectif est fixée à 35 heures par semaine. Pour les salariés mensualisés, cela correspond à une durée moyenne mensuelle de 151,67 heures. Une disposition conventionnelle peut prévoir une durée inférieure. Des heures supplémentaires peuvent être effectuées mais elles doivent respecter une double limite, la durée du travail sur une même semaine ne peut excéder 48 heures et la durée hebdomadaire moyenne calculée sur une période de douze semaines consécutives ne peut excéder 44 heures.[27]

En droit allemand il est possible de temporairement changer son temps de travail. Le changement est temporaire lorsqu’il est convenu que l’employé reviendra plus tard à sa durée de temps de travail normale. Lors de la prolongation temporaire comme lors de la réduction temporaire des heures de travail régulières, l’entreprise a un droit de codécision (§87Abs.1Nr.3 BetrVG). La prolongation temporaire de la durée du temps de travail convenue mène vers des heures supplémentaires, qui comme en France sont réglementées.

En France le dépassement des maxima concernant les heures supplémentaires peut entraîner condamnation de l’employeur à des amendes pour une contravention de 4ème classe, théoriquement appliquées autant de fois que de salariés concernés par le procès-verbal dressé par l’inspecteur du travail, qu’ils soient volontaires ou non.[28]

En droit allemand, les infractions peuvent être punies par le procédé pénal ou le procédé d’amende (art. 22 et 23 de l’ArbeitsZeitGesetz). Les accords du contrat de travail qui vont à l’encontre de l’ArbeitsZeitGesetz ne sont pas valables (art. 134 du BGB) et l’employé n’a pas à obéir aux instructions illégales de l’employeur.[29]

 

En droit français, constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente. Elles se décomptent par semaine civile sauf en cas d’aménagement de la durée du travail ou de forfait annuel en heures, par exemple. Un contingent annuel d’heures supplémentaires doit être fixé par accord collectif ; à défaut il est fixé par décret et est de 220 heures. Seules les heures de travail effectif sont prises en compte pour déterminer le nombre d’heures supplémentaires imputables sur le contingent (cela exclut les périodes non travaillées, ou celles qui fut l’objet d’un repos compensateur). Les heures effectuées dans le contingent doivent donner lieu à information préalable du comité d’entreprise. Au-delà du contingent, il faut une consultation du même comité. Les heures supplémentaires effectuées à la demande de l’employeur donnent lieu à une rémunération à taux majoré, pouvant être remplacée par un repos compensateur.[30]

En ce qui concerne le régime de l’annualisation du temps de travail, la loi du 20 août 2008 a instauré un aménagement du temps de travail sur plusieurs semaines ou sur l’année, supprimant ainsi les anciens systèmes de modulation, de cycle de travail et de réduction du travail sous forme de jours de repos. Ce nouveau mode d’aménagement du temps de travail se fait soit suivant un régime conventionnel permettant d’aménager les horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année ; soit suivant un régime réglementaire supplétif permettant d’aménager les horaires sur 4 semaines au plus.[31]

La loi Aubry II a elle, apporté une innovation importante en droit du travail en définissant des catégories de cadres pour lesquels les modalités de réduction du temps de travail sont précisées en fonction de leurs responsabilités au sein de l’entreprise. La notion de cadre fait appel à deux critères: soit la loi définit directement les cadres concernés en recourant à l’énumération de critères cumulatifs (cadres dirigeants), soit elle renvoie à une définition conventionnelle (cadres occupés selon un horaire collectif ou cadres employés selon un forfait hebdomadaire, mensuel ou annuel). La définition conventionnelle peut venir de trois catégories de textes: une convention collective de branche applicable au secteur concerné, une convention collective de branche connexe ou comparable si le secteur concerné n’est pas couvert par une convention collective propre, ou enfin une convention ou un accord conclu sur le plan national en l’absence de disposition au niveau de la branche. Les accords d’entreprise ne peuvent étendre ces définitions au-delà des périmètres fixés par la branche, mais il leur appartient de préciser les catégories de salariés répondant aux critères.[32]

 

En Allemagne, le temps de travail c’est le laps de temps pendant lequel l’employé met à la disposition de l’employeur sa force de travail et reçoit en échange une rémunération. Cela n’a pas d’importance si pendant ce temps on lui donne une tâche à effectuer ou non. Le début et la fin du temps de travail sont souvent réglés par des conventions collectives ou des conventions d’entreprises. En fonction de l’accord, le temps de travail peut débuter dès l’arrivée dans l’entreprise, au passage à la pointeuse, à l’arrivée du lieu de travail ou lors de la réception du travail à faire. S’il n’y a pas d’accord on se repose sur l’arrivée sur le lieu de travail.[33] Comme vu précédemment, sauf exception on ne peut pas légalement travailler plus de huit heures par jour, et les temps de travail chez plusieurs employeurs doivent être cumulés (art. 2 al.1 ArbZG). Le temps de travail pour chaque cas particulier ne résulte pas forcément de l’ArbZG mais plutôt du contrat de travail individuel, ou d’une convention collective. Généralement cette durée de travail hebdomadaire est fixée par la convention collective et en Allemagne elle se situe entre 37,5 et 40 heures. Les heures supplémentaires  sont celles qui dépassent la durée normale du temps de travail de l’employé et elles doivent être majorées. Quant à la répartition des heures de travail hebdomadaires sur les jours ouvrables, nécessaire à la concrétisation du travail dû par l’employé, comme la détermination du début et de la fin des heures de travail quotidiennes, résultent souvent d’un accord dans le contrat de travail.[34]

 

 

 

 

 

Bibliographie:

- Arbeitsrecht, Wilhelm Dütz, 14. Auflage Verlag C.H.Beck

- Individualarbeitsrecht, Hromadka, Maschmann, 3. Auflage Springer

- Grundkurs Arbeitsrecht, Abbo Junker, Verlag C.H.Beck

- Arbeitsrecht, Zöllner, Loritz, Hergenröder, 6. Auflage C.H.Beck

- ArbeitsZeitGesetzbuch

- Droit du travail, Corinne Pizzio-Delaporte, 2ème édition Vuibert

- Droit du travail, droit vivant 2011/2012, Jean-Emmanuel Ray, Editions liaisons 20ème édition

- Droit du travail, Françoise Favennec-Héry, Pierre-Yves Verkindt, 3ème édition L.G.D.J.

- Code du Travail




[1] Droit du travail, Françoise Favennec-Héry, Pierre-Yves Verkindt, 3ème édition L.G.D.J., p.625

[2] Grundkurs Arbeitsrecht, Abbo Junker, Verlag C.H.Beck, p.128

[3] Droit du travail, Corinne Pizzio-Delaporte, 2ème édition Vuibert, p.214

[4] ArbeitsZeitGesetzbuch

[5] Droit du travail, Françoise Favennec-Héry, Pierre-Yves Verkindt, 3ème édition L.G.D.J., p.629

[6] Grundkurs Arbeitsrecht, Abbo Junker, Verlag C.H.Beck, p.128

[7] Arbeitsrecht, Zöllner, Loritz, Hergenröder, 6. Auflage C.H.Beck, p.15

[8] Loi n°98-461 du 13 juin 1998

[9] Loi n°2000-37 du 19 janvier 2000

[10] Droit du travail, Corinne Pizzio-Delaporte, 2ème édition Vuibert, p.215

[11] Loi n°2008-789 du 20 août 2008

[12] Droit du travail, droit vivant 2011/2012, Jean-Emmanuel Ray, Editions liaisons 20ème édition, p.134

[13] Arbeitsrecht, Zöllner, Loritz, Hergenröder, 6. Auflage C.H.Beck, p.330

[14] Grundkurs Arbeitsrecht, Abbo Junker, Verlag C.H.Beck, p.127

[15] Droit du travail, Françoise Favennec-Héry, Pierre-Yves Verkindt, 3ème édition L.G.D.J., p.630

[16] Droit du travail, Françoise Favennec-Héry, Pierre-Yves Verkindt, 3ème édition L.G.D.J., p.637

[17] Droit du travail, droit vivant 2011/2012, Jean-Emmanuel Ray, Editions liaisons 20ème édition, p.136

[18] Droit du travail, Corinne Pizzio-Delaporte, 2ème édition Vuibert, p.217

[19] Grundkurs Arbeitsrecht, Abbo Junker, Verlag C.H.Beck, p.128

[20] Individualarbeitsrecht, Hromadka, Maschmann, 3. Auflage Springer, p.194

[21] Droit du travail, Corinne Pizzio-Delaporte, 2ème édition Vuibert, p.222

[22] Loi n°2003-47 du 17 janvier 2003

[23] Loi n°2005-296 du 31 mars 2005

[24] Loi n°2007-1223 du 21 août 2007

[25] Droit du travail, droit vivant 2011/2012, Jean-Emmanuel Ray, Editions liaisons 20ème édition, p.134

[26] Individualarbeitsrecht, Hromadka, Maschmann, 3. Auflage Springer, p.193

[27] Droit du travail, Corinne Pizzio-Delaporte, 2ème édition Vuibert, p.215

[28] Droit du travail, droit vivant 2011/2012, Jean-Emmanuel Ray, Editions liaisons 20ème édition, p.136

[29] Grundkurs Arbeitsrecht, Abbo Junker, Verlag C.H.Beck, p.128

[30] Droit du travail, Corinne Pizzio-Delaporte, 2ème édition Vuibert, p.219

[31] Droit du travail, Corinne Pizzio-Delaporte, 2ème édition Vuibert, p.224

[32] Droit du travail, Corinne Pizzio-Delaporte, 2ème édition Vuibert, p.220

[33] Individualarbeitsrecht, Hromadka, Maschmann, 3. Auflage Springer, p.192

[34] Arbeitsrecht, Wilhelm Dütz, 14. Auflage Verlag C.H.Beck, p.87