La loi générale allemande sur l’égalité de traitement dans des situations juridiques internationales par Monika Breitkopf

La loi générale allemande sur l'égalité de traitement est entrée en vigueur le 18 août 2006. Il n’y a cependant pas de clarté juridique relative à l’application de cette loi dans le cadre de situations juridiques internationales où le contrat de travail est régi par une loi différente de la loi allemande. Dans l’attente d’une prise de position des juges, les développements suivants proposent des arguments en faveur et en défaveur de l’application de la loi générale allemande sur l'égalité de traitement en dépit du choix d’une loi étrangère.

Peter Schrader et Gunnar Straube, avocats spécialisés en droit du travail, ont publié en avril 2007 un article relatif à l’application de la loi générale allemande sur l'égalité de traitement (Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz, AGG) dans des situations juridiques internationales (P. Schrader / G. Straube, « Ist das AGG international zwingendes (Arbeits-)Recht ? », NZA, 2007, pp. 184-187). Cet article apporte des éléments de réponse à la question formulée en intitulé : « les dispositions de la loi générale allemande sur l’égalité de traitement sont-elles des dispositions impératives de droit allemand du travail ? ». La loi générale allemande sur l’égalité de traitement transpose les directives communautaires relatives au principe de non-discrimination et d'égalité. Elle est entrée en vigueur le 18 août 2006.

Après avoir posé la problématique générale de la transposition des directives en droit national, les auteurs ont axé leurs développements autour de la théorie des lois de police et de la théorie du conflit de lois. Les auteurs ne se sont pas intéressés à la Convention de Rome en date du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelles car cette convention a été intégrée dans la loi introductive au Code civil allemand (Einführungsgesetz zum Bürgerlichen Gesetzbuch, EGBGB), articles 27 et suivants. L’EGBGB est la loi contenant les règles de droit international privé allemand. Les dispositions analysées sont donc celles de l’AGG et de l’EGBGB. L’étude des dispositions de l’EGBGB a aussi conduit les auteurs à faire référence à la Loi fondamentale allemande.

L’étude du raisonnement suivi par les juristes allemands pour identifier les principes relevant de l’ordre public international d’une part et les dispositions impératives d’autre part présente un intérêt pour le juriste français : en effet, le juriste français est lui aussi confronté au problème d’identification de la portée des dispositions nationales dans des situations juridiques ayant des points de contact avec au moins deux pays.

En droit international privé, les dispositions nationales sont distinguées selon la typologie suivante : les lois d’application immédiate ou lois de police (article 34 EGBGB), les règles de conflit de lois, les dispositions matérielles, les dispositions revêtant le caractère d’ordre public de droit international privé ou dispositions impératives (article 30 EGBGB). Cette distinction entre divers types de normes est la même en droit international privé allemand et français. Dans le cadre d’un contrat, y compris d’un contrat de travail, les parties peuvent choisir le droit applicable à condition que ce contrat s’inscrive dans une situation internationale. De plus, l’élément d’extranéité ne doit pas résulter du seul choix d’une loi étrangère. Le but est d’éviter que les parties ne choisissent une loi étrangère afin d’échapper à des dispositions impératives de la loi du for.

Lorsque l’élément d’extranéité est significatif, les parties qui ont choisi la loi qui s’appliquera au contrat peuvent être confrontées aux lois d’application immédiate. A part une exception non pertinente ici, les lois d’application immédiate sont aussi nommées lois de police. Le mécanisme des lois de police permet d’étendre des règles matérielles internes à certaines situations internationales car le contenu de ces normes commande qu’elles soient respectées même dans les relations internationales. La détermination d’une loi de police se fait par rapport à son contenu : elle doit contenir des principes considérés comme essentiels (F. Monéger, Droit international privé, Paris, Litec, 3ème édition, 2005, p. 50) et la définition proposée par Franceskakis précise qu’il doit s’agir d’une loi dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays. En droit allemand, l’article 34 EGBGB concerne les lois de police et prévoit – comme en droit français – qu’elles s’appliquent sans avoir égard au droit applicable au contrat. Il s’agit de dispositions qui transposent les conceptions nationales d’ordre politique de base (P. Schrader / G. Straube, « Ist das AGG international zwingendes (Arbeits-)Recht ? », NZA, 2007, p. 185).

Contrairement aux lois de police qui s’appliquent avant désignation du droit applicable, les dispositions de l’ordre public de droit international privé peuvent permettre au juge d’écarter la loi applicable au contrat au profit de dispositions nationales. Ces dispositions qui possèdent le caractère d’ordre public de droit international privé servent à s'opposer à la volonté d'un législateur étranger (B. Audit, Droit international privé, Paris, Economica, 4ème édition, 2006, p. 256). Les dispositions d’ordre public de droit international privé peuvent aussi être nommées dispositions impératives. Le caractère impératif d’un texte législatif n’est qu’une conséquence, parmi d’autres, de l’ordre public (G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF Quadrige, 4ème édition, 2003, p. 448). L’article 30 Alinéa 1 EGBGB prévoit que les parties peuvent choisir le droit applicable au contrat de travail, mais que les dispositions impératives de droit allemand peuvent évincer le droit choisi. Une disposition allemande est impérative lorsqu’elle sert à assurer le respect de standards minimaux établis en droit du travail.

Influence de la source de la loi. La première question qui se pose est celle de l’influence de la source de la loi sur la qualification des dispositions de la loi de « lois de police » ou de « dispositions impératives ». En effet, l’AGG est une loi transposant les directives communautaires anti-discrimination : la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi (JOCE L 303, 2 décembre 2000), la directive 2000/43/CE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique du 29 juin 2000 (JOCE L 180, 19 juillet 2000), la directive 2002/73/CE modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail du 23 septembre 2002 (JOCE L 269, 5 octobre 2002), la directive 2004/113/CE mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services du 12 décembre 2004 (JOCE L 373, du 21 décembre 2004). Le 9 novembre 2000, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a qualifié une loi nationale issue d’une transposition de droit dérivé de loi de police dans l’arrêt Ingmar (CJCE, 09.11.2000, Aff. Ingmar GB Ltd. , C-381/98). L’objectif de la directive en cause était de préserver la concurrence au sein du marché intérieur. La Cour a décidé que cette directive a pour conséquence que la loi de transposition est d’application immédiate (op. cit. point 24). La Cour s’attache au cadre juridique que crée la législation en cause (op. cit. point 21) et non à son origine communautaire. Ainsi, l’origine communautaire d’une loi ne permet pas de présupposer qu’il s’agisse d’une loi de police ou d’une disposition impérative. C’est donc le contenu de la loi qui doit être pris en considération. Cependant, dans le cas où une entreprise détache des travailleurs sur le territoire d'un Etat membre, la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services du 16 décembre 1996 prévoit que les dispositions législatives relatives à "l'égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que d'autres dispositions en matière de non-discrimination" doivent être appliquées à la relation de travail et ce, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail (article 3 Al. 1 g). Le juge doit donc appliquer la loi du for prohibant les discriminations sans tenir compte de la loi choisie par les parties. Lors du détachement de travailleurs dans le cadre des prestations de service, le principe d'interdiction des discriminations est donc une loi de police. Cette qualification de loi de police est imposée par la directive communautaire qui est la source du droit français relatif au détachement de travailleurs.

Le contenu de la loi. Tous les Etats membres ont eu l'obligation de transposer les directives communautaires relatives à l'égalité de traitement et au principe de non-discrimination. Il n'en demeure pas moins que les droits nationaux issus de la transposition ne sont pas identiques d'un Etat membre à un autre. L'harmonisation ne crée pas un droit uniforme dans les 27 Etats membres. Les techniques et l'étendue de la transposition diffèrent selon les pays. En France, des normes disparates permettent d'atteindre le résultat imposé par les directives anti-discrimination alors que le législateur allemand a opté pour une seule loi. Afin de savoir si la loi s’impose comme loi de police, il est nécessaire de l’interpréter. En effet, aucune disposition de la loi énonce si cette loi est une loi de police. L’interprétation du contenu de la loi peut se faire selon plusieurs méthodes. Les méthodes retenues ici sont la méthode littérale, systématique puis téléologique.

La méthode littérale d’interprétation se rapporte à la lettre du texte. La seule disposition pertinente est le § 31 AGG. Il énonce qu’il ne peut être dérogé aux dispositions de l’AGG en défaveur des personnes protégées. Les auteurs de l’article n’attachent pas d’importance particulière à cette disposition. Il est difficile de savoir si ce principe doit s’appliquer aussi bien aux situations relevant du droit allemand qu’aux situations relevant d’un autre droit. Le § 31 AGG fait partie des dispositions finales de l’AGG. Il s’agit donc d’un indice en faveur de la qualification de toutes les dispositions de l’AGG de dispositions impératives. En effet, pour la partie de l’AGG relative au principe de non-discrimination des salariés, aucune disposition spécifique n’existe n’est pertinente. En revanche, dans la partie relative aux obligations contractuelles (autres que la relation de travail), le § 21 Alinéa 4 AGG énonce que la personne auteur de l’inégalité de traitement ne peut pas faire référence à une clause d’un contrat méconnaissant le principe d’interdiction de traitement inégalitaire. Il n’en demeure pas moins que cette disposition ne donne aucune indication supplémentaire en relation avec le droit international privé. Puisque le texte de la loi ne permet pas d’identifier le caractère de loi de police ou de disposition impérative de l’AGG, une interprétation téléologique pourrait fournir plus d’indices.

La méthode téléologique. L’interprétation téléologique renvoie à la finalité de la norme. Dans le cas de l’AGG qui est une loi de transposition, la finalité doit s’apprécier non seulement au niveau national, mais aussi au niveau communautaire. Le législateur communautaire a souhaité harmoniser le droit relatif à la non-discrimination dans tous les Etats membres. Les Etats membres ont donc dû, conformément à l’article 249 § 3 du Traité instituant la Communauté Européenne (TCE), prendre les mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par les directives. Si les Etats membres ont respecté leur obligation, les droits des Etats membres sont équivalents et recherchent la même finalité. Cependant, si des lacunes de transposition sont constatées, la Commission Européenne peut saisir la CJCE contre l’Etat membre dans le cadre d’un recours en manquement (articles 226 et suivants TCE) et l’Etat sera tenu de prendre les mesures arrêtées par la Cour (article 228 TCE). Les situations internationales intra-communautaires ne posent donc pas de problème particulier : il n’est pas nécessaire de déclarer l’AGG comme loi de police afin de sauvegarder les conceptions d’ordre politique allemand de base ou de déclarer l’AGG comme disposition impérative afin de garantir le respect de standards minimaux établis en droit du travail. Il n'en demeure pas moins qu’à un moment donné certaines législations nationales peuvent ne pas être conformes au droit de l’Union, sans pour autant qu’une action ait été menée et qu’elle ait abouti à une mise en conformité du droit. Grâce à l’effet direct du droit communautaire, le juge national doit interpréter le droit national à la lumière du texte et de la finalité de la directive (CJCE, arrêt Marleasing du 13 novembre 1990, Aff. C-106/89, point 8). La législation nationale non conforme au droit communautaire peut alors être écartée: le juge procède à une interprétation conforme au droit communautaire de la loi (par exemple, dans l'affaire Karman – 5 février 2007, 3 Ca 724/06, le tribunal d’Osnabrück a suivi ce raisonnement et a écarté l’application du § 2 Al. 4 AGG au vu de sa non-conformité avec le droit communautaire). De plus, dans l’arrêt Mangold (CJCE, 22 novembre 2005, Aff. C-144/04), la Cour a justifié la mise à l’écart de l’application d’une norme nationale contraire au droit communautaire (op. cit. point 77) en disposant que le principe général d’interdiction de discrimination selon l’âge est un principe général du droit communautaire (op. cit. point 75). Le droit communautaire ayant priorité sur le droit national, le juge national de laisser inappliquée toute disposition de la loi nationale éventuellement contraire au principe de non-discrimination – dans le cas de l'affaire Mangold, il s'agissait de la discrimination selon l’âge. S'il s'agit d'une affaire mettant en cause l'Etat, alors une application directe verticale des dispositions des directives anti-discrimination peut être envisagée à condition que le délai de transposition soit dépassé et que la directive contienne des dispositions précises, claires et inconditionnelles (CJCE, arrêt Van Duyn du 4 décembre 1974, Aff. C-41/74). Ainsi, lorsque les règles de droit international privé désignent le droit d'un Etat membre non conforme au droit communautaire, le juge suivra les règles de droit communautaire qui s'imposent dans une telle situation: il peut s'agit de l'interprétation conforme au droit communautaire, de l'écartement de la législation non conforme, de l'application directe des dispositions des directives anti-discrimination. Dans une situation mettant en cause le droit d’un pays tiers, on ne trouve pas de réponse directe à la question dans les articles des directives, mais les objectifs des directives permettent d'orienter la réponse. Etant donné que l'objectif des directives prohibant la discrimination est non seulement d'harmoniser le droit, mais aussi de garantir le respect de l'égalité sur le territoire de l'Union (en ce qui concerne le droit du travail, le considérant 12 de la directive 2000/78/CE mentionne que "toute discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle doit être interdite dans la Communauté", le considérant de la directive 2000/43/CE a le même contenu, mais concerrne la race ou l'origine ethnique et enfin les considérants de la directive 76/207/CEE mentionnent que "l'égalité de traitement entre les travailleurs masculins et féminins constitue un des objectifs de la Communauté"), le juge appliquera – en vertu de l'effet direct du droit communautaire – le droit issu de la transposition des directives anti-discrimination au contrat de travail qui lui est soumis. Ainsi, le principe de non-discrimination aura des effets sur une relation de travail soumise au droit d'un pays tiers, mais ayant un point de rattachement avec un Etat membre.

La méthode systématique. L’interprétation d’une norme dans le cadre de ses rapports avec d’autres normes et avec l’ensemble de la réglementation, en tenant compte de sa place dans l’ordre juridique est la méthode qui s’avère intéressante dans le cas de l’AGG. Les deux avocats se sont appuyés sur des arrêts du BAG relatifs au § 613a du Code civil allemand (Bïrgerliches Gesetzbuch, BGB), au § 3 de la loi relative à la continuation de paiement du salaire (Entgeltfortzahlungsgesetz, EFZG), au § 14 de la loi relative à la protection de la mère (Mutterschutzgesetz, MuSchG) et aux §§ 1 à 14 de la loi de protection contre le licenciement (Kündigungsschutzgesetz, KSchG). Dans ces arrêts, le BAG s’est penché sur la qualité de loi de police des lois en question et seul le § 3 EFZG et le § 14 MuSchG sont des lois de police car le premier poursuit un intérêt public et l’autre sert à réaliser le principe de l’article 6 Alinéa 4 de la Loi fondamentale allemande. Quant au § 613a BGB et aux §§ 1 à 14 KSchG, ce ne sont pas des lois de police car « ils servent en premier lieu à équilibrer la liberté de contracter de l’employeur avec l’intérêt de protection des droits acquis du salarié ». Selon l’article 6 Alinéa 4 de la Loi fondamentale, toute mère a droit à la protection et à l'assistance de la communauté. Ce principe est transcrit dans le MuSchG, ce qui explique le caractère de loi de police de son § 14 relatif à l’indemnité de congé maternité. Un tel raisonnement pourrait être appliqué à l’AGG : l’AGG transpose dans le domaine de l’emploi non seulement les directives communautaires, mais aussi le principe d’égalité devant la loi tel qu’énoncé par l’article 3 de la Loi fondamentale. Cette argumentation est en faveur d’une considération des dispositions de l’AGG comme lois de police dans des situations internationales mettant en cause le droit d’un pays tiers. Les auteurs de l’article n’arrivent pas à ce résultat car ils prennent en compte le § 2 Alinéa 4 AGG qui exclut les licenciements du champ d’application de l’AGG et renvoie au KSchG. Le problème est que les dispositions de protection du salarié issues du KSchG ne sont pas d’ordre public (arrêts du BAG du 24 août 1989, 2 AZR 267/92 et du 3 mai 1995 24.08.1989, 5 AZR 4/94). L’article a été publié en avril 2007. Depuis, la conformité du § 2 Alinéa 4 AGG avec le droit communautaire a été débattue devant les tribunaux allemands du travail qui ont conclu à une non-conformité avec le droit communautaire. En outre, le § 2 Alinéa 4 AGG provient d’un accord « last minute » (M. Diller / S. Krieger / C. Arnold, « Kündigungsschutzgesetz plus Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz – Sind Arbeitnehmer in Zukunft doppelt vor Kündigungen geschützt ? », NZA, 2006, p. 887) entre le Bundesrat (la deuxième chambre fédérale) et le Bundestag (la première chambre du parlement fédéral) ainsi qu’entre les partis CDU/CSU (droite) et SPD (gauche). Il dispose finalement que les dispositions relatives à la protection générale et particulière du salarié sont « exclusivement » applicables aux licenciements alors que dans le projet de loi, l’adverbe utilisé était « principalement ». De plus, la Commission Européenne a introduit un recours en manquement contre l’Allemagne qui porte justement sur cette non conformité du § 2 Alinéa 4 AGG avec la directive 2000/78/CE portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi. Cette évolution permet de rejeter l’argumentation faisant référence à la non-qualification des dispositions du KSchG en lois de police pour refuser de qualifier l’AGG de loi de police.

Enfin, il est nécessaire de se référer à la volonté politique qui sous-tendait le processus législatif qui a conduit à l’AGG. Le processus législatif était plutôt un « chaos législatif » qui a finalement abouti à une transposition des directives non-discrimination après l’écoulement du délai de transposition imparti aux Etats membres. De plus, de vifs débats avaient animé tout le processus législatif afin de déterminer le degré de protection que devait offrir la loi de transposition des directives. Ainsi, une première proposition de loi a échoué, une seconde a également échoué en raison d’élections par anticipation qui ont eu pour conséquence la fin anticipée de la 15ème période législative. Le manque de cohésion de l’ensemble du processus législatif a été renforcé par le fait que l’AGG, entré en vigueur le 18 août 2006, a très rapidement été modifié par une loi du 12 décembre 2006. L’organisation sociale, politique, économique de l’Allemagne n’était donc pas en cause durant le processus législatif et il est dorénavant contestable de qualifier l’AGG de loi de police. La volonté politique allemande ambiguë doit néanmoins être comparée avec la volonté politique au niveau communautaire : aux réticences allemandes s’oppose le souhait de développer largement l’interdiction de discrimination. La Commission européenne a récemment exprimé le souhait de proposer une nouvelle directive relative à la non-discrimination dans le cadre de l’accès aux services. La droite allemande s’est opposée de manière virulente à un tel projet. La Commission a donc restreint son projet au seul principe de non-discrimination en raison du handicap lors de l’accès aux biens et aux services. La position allemande ne correspond donc pas à la conception communautaire de développement de la législation anti-discrimination. Néanamoins, la politique allemande a actuellement démontré un certain potentiel d’influencesa capacité à influencer de la politique sociale et d’égalité des chances communautaire. En effet, une restriction probable du champ d'application de la nouvelle proposition de directive est due aux réticences d'Etats membres et parmi ces Etats membres, il s'agit avant tout de l'Allemagne.

Les auteurs s’en remettent à l’attente d’une décision du BAG. Le droit international privé allemand est certes codifié, mais comme en droit français, la jurisprudence joue un rôle prépondérant dans cette matière. A la lumière des développements relatifs au droit allemand, le législateur français ne semble pas adopter la même position de retrait par rapport aux directives communautaires de non-discrimination lorsqu’il s’agit de les transposer en droit national. La liste des critères de discrimination prohibée en droit du travail (article L 122-45 du Code du travail) est d’ailleurs plus longue que celle imposée par le droit communautaire : les « caractéristiques génétiques », l’« apparence physique », le « patronyme » sont des critères supplémentaires que le législateur français a mentionné sans contrainte communautaire. Les lois de transposition des directives ne forment donc qu’une partie d’un cadre législatif relatif à la non-discrimination. Le juge français pourra être plus enclin que le juge allemand à prononcer le caractère impératif des dispositions issues de la transposition des directives anti-discrimination.

BIBLIOGRAPHIE

ARTICLES Diller, Martin / Krieger, Steffen / Arnold, Christian, « Kündigungsschutzgesetz plus Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz – Sind Arbeitnehmer in Zukunft doppelt vor Kündigungen geschützt ? », Neue Zeitschrift für Arbeitsrecht, 2006, pp. 887-892. Schrader, Peter / Straube, Gunnar, « Ist das AGG international zwingendes (Arbeits-) Recht ? », Neue Zeitschrift für Arbeitsrecht, 2007, pp. 184-187.

OUVRAGES Audit, Bernard, Droit international privé, Paris, Economica, 4ème édition, 2006, 930 p. Cornu, Gérard, Vocabulaire juridique, Paris, PUF Quadrige, 4ème édition, 2003, 951 p. Monéger, Françoise, Droit international privé, Paris, Litec, 3ème édition, 2005, 248 p.

TEXTES OFFICIELS Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Convention de Rome), 19 juin 1980, JO p. 1958 du 3 mars 1991. Directive 2000/43/CE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, 29 juin 2000, JOCE L 180 du 19 juillet 2000. Directive 2000/78/CE portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi, 27 novembre 2000, JOCE L 303 du 2 décembre 2000. Directive 2002/73/CE modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, 23 septembre 2002, JOCE L 269 du 5 octobre 2002. Directive 2004/113/CE mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services,13 décembre 2004, JOCE L 373 du 21 décembre 2004. Loi 400-2, Code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch), 2 janvier 2002, BGBl. I p. 738. Loi 100-1, Grundgesetz (Loi fondamentale allemande), 23 mai 1949, BGBl. I p.1. Loi 402-40, Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz (loi générale allemande relative à l’égalité de traitement), 14 août 2006, BGBl. I p. 1897. Loi 400-1, Einführungsgesetz zum Bürgerlichen Gesetzbuche (loi allemande introductive au Code civil allemand), 21 septembre 1994, BGBl. I p. 2494. Loi 800-19-3, Entgeltfortzahlungsgesetz (loi allemande relative à la continuation de paiement du salaire), 26 mai 1994, BGBl. I p. 1014. Loi 800-2, Kündigungsschutzgesetz (loi allemande relative à la protection des salariés licenciés), 25 août 1969, BGBl. I p. 1317. Loi 8052-1, Mutterschutzgesetz (loi sur la protection de la maternité), 20 juin 2002, BGBl. I p. 2318.

DECISIONS Bundesarbeitsgericht 24.08.1989, 2 AZR 267/92. 03.05.1995, 5 AZR 4/94. Cour de Justice des Communautés Européennes 04.12.1974, Aff. Van Duyn, 41/74, rec. 1227. 13.11.1990, Aff. Marleasing, C-106/89, rec. I-4135. 09.11.2000, Aff. Ingmar GB Ltd., C-381/98, rec. I-9305. 22 novembre 2005, Aff. Mangold, C-144/04, rec. I-9981. Tribunal du travail de première instance d'Osnabrück (Arbeitsgericht) 05.02.2007, Aff. Karmann, 3 Ca 724/06.