Le droit à l'image des personnes : Analyse de l'articulation des différents droits et obligations encadrant l'exercice de la photographie en droit européen, français et espagnol. Par Erik Tollu

 

L'exercice de la photographie est-il encore libre ? Telle pourrait être la question que tout professionnel de la photographie pourrait se poser en appuyant sur le déclencheur de son appareil photo. L'évolution technologique récente a favorisé la multiplication des supports photographiques et l'accroissement de la demande en matière d'image. Face à ce phénomène, tant le système juridique européen que les systèmes juridiques nationaux ont dû s'adapter et instaurer des systèmes de protection de la personne, en sa qualité de sujet de la photographie. Cet article se propose d'analyser les points de convergence et de divergence des systèmes juridiques français, espagnol et européen en matière de droit à l'image afin de caractériser les protections mises en place par les différents droits et de mettre en évidence les interdépendances existant entre ces différents ordres juridiques.

Le droit à l'image se définit comme le droit de toute personne à s'opposer à la fixation et à fortiori, à la diffusion de son image par un tiers. D'un point de vue historique, l’avènement de ce droit apparaît pour la première fois en Allemagne, en 1907 avec la loi relative au droit d'auteur sur les arts figuratifs et la photographie. Cette norme trouve son origine dans le scandale qu'avait provoqué la publication, sans l'autorisation de la famille, d'une photographie de Bismarck sur son lit de mort. Le droit à l'image bénéficiait pour la première fois d'une protection juridique autonome.

Le concept de droit à l’image est complexe car cette notion repose, dans une majorité des systèmes, sur une conception prétorienne, avec pour conséquence de la rendre évolutive et changeante puisque soumise à l’appréciation des juges. Cette notion est par ailleurs ambigüe dans la mesure où elle est régulièrement liée, voire confondue avec d'autres droits de la personne. Il s’ensuit que, le droit à l'image s'est développé de manière non uniforme et que les systèmes juridiques nationaux et européens ont adopté des approches parfois divergentes.

La question ici posée est celle de savoir dans quelle mesure le droit à l’image peut être considéré comme un droit efficient malgré des fondements distincts et les limites imposées par le droit à l’information.

Il convient de s’interroger dans un premier temps sur les différentes voies choisies par les systèmes juridiques étudiés à travers l’étude des fondements de ce droit à l’image puis d’analyser les interdépendances existantes entre les ordres juridiques européen, français et espagnol, pour évoquer enfin l’influence du droit européen en matière de droit d’information, seule limite au droit à l’image.

La diversité des fondements de la notion de droit à l'image

Il paraît logique d’aborder cette étude par le droit européen du fait de la hiérarchie des normes  même si le droit européen reste muet sur le sujet. Il serait toutefois faux d'affirmer que nous sommes face à un vide juridique dans la mesure où la CEDH se reconnaît compétente pour juger des litiges relatifs à ce droit. Il existe de fait une jurisprudence abondante et relativement constante de la part de la Cour Européenne des Droit de l'Homme (CEDH) sur le sujet. Au vu des différents arrêts de la CEDH en la matière, il semble que la Cour trouve le fondement de ce droit à l'image dans l'art. 8 de la Convention Européenne des droits de  l'Homme qui dispose que « Toute personne à droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». En d'autres termes, la CEDH s’appuie sur le droit au respect de la vie privée.La Jurisprudence Peck c/ Royaume-Uni, en date du 28 janvier 2003 conforte cette idée en statuant en faveur d’un requérant qui alléguait d’une violation de son droit au respect à la vie privée sur la base de l'art. 8 de la Convention parce qu’il avait été filmé dans la rue par une caméra de télévision avec un couteau dans la main.

Le législateur européen n'est pas dans une démarche créatrice de droit mais bien dans celle d'une reconnaissance d'un concept. La CEDH excipe du droit à la vie privée afin de fonder le droit à l'image. Ce rattachement se réalise à travers la jurisprudence, et confirme le fondement prétorien du système juridique européen, ce qui rend ce système à la fois instable du fait d’hypothétiques revirements de jurisprudence, et souple car il fait preuve d’une grande capacité d’adaptation aux évolutions légales et technologiques. Cette volonté de ne pas légiférer dans ce domaine trouve en partie sa cause dans le fait que le droit européen se montre réticent lorsqu’une matière touche au droit pénal et que les états européens sont hostiles à toute intrusion dans leur droit interne.

En agissant ainsi, la CEDH ne fait que reprendre l'approche déjà adoptée par le législateur français. En effet, la loi dite « Loi Bardot » du 17 juillet 1970, qui faisait suite à une jurisprudence concernant l'actrice Brigitte Bardot qui avait été photographiée dans son intimité à la Madrague, confirme ce rattachement. Cette loi prévoit dans son art. 22, l'insertion dans le Code Civil (art. 9 du Code Civil)  du contenu suivant « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé ». Autrement dit, le législateur entend protéger le droit à l'image par le biais du droit au respect de la vie privée. Ainsi, chaque individu dispose d’un droit exclusif sur son image et de l'utilisation qui en est faite, comme le confirme la Cour d'Appel de Paris dans son arrêt du 19 juin 1998. En agissant ainsi, le législateur français va plus loin que le droit européen, car il manifeste, à travers l’édiction d’un texte spécialement conçu pour répondre à la problématique de l’image des personnes, sa volonté de lier intiment le droit à l’image et le droit à la vie privée. Ce droit se trouve confirmé et conforté par l'interdiction de rapporter des images dans le cas de crime et de délit et celle de photographier post mortem. En sus de ce dispositif, le législateur a voulu sanctionner pénalement  certains comportements : l’art 226-1 prévoit en effet que « Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui : en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé ».

L'image apparaît donc en droit français comme le « corollaire de la vie privée », selon les mots de Maitre Céline Halpern. Cette idée est confirmée par la décision de la Cour de Cassation  du 12 décembre 2000, où il est affirmé que la captation de l'image d'une personne peut être perçue comme le vol « de son âme ». On observe donc qu’à la différence du législateur européen, le système juridique français a mis en place un certain nombre de textes spécifiques afin d'assurer le droit à l'image. On peut y voir un certain volontarisme du législateur de s'engager dans cette approche axée sur la protection de ce droit à travers la défense de la vie privé tant en matière civile que pénale.

La CEDH se montre plus en retrait en la matière et ne semble pas être le « moteur » de l'évolution et de l'élaboration législative, rôle qu'elle assure dans d'autres domaines.

En ce qui concerne le droit espagnol, l'approche est différente puisque le droit à l'image est reconnu par la Constitution de 1978 dans son art. 18. La norme suprême introduit explicitement la notion de « droit à sa propre image ». Le choix du législateur n'est pas anodin puisqu'en agissant ainsi il fait du droit à l'image un droit fondamental et l'élève au rang de droit constitutionnel. Ce droit est donc, en comparaison avec les deux autres systèmes juridiques précédemment étudiés, hiérarchiquement supérieur puisqu'en tant que droit constitutionnel, il peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal Constitutionnel espagnol en cas de violation La Loi Organique 1/1982 de la Protection Civile du Droit à l'Honneur, à l'Intimité Personnelle et Familiale et à la propre image est particulièrement intéressante car elle fait clairement la distinction entre le droit à l'intimité et le droit à l'image. Ce dernier est véritablement consacré par des textes juridiques, en claire opposition avec les deux autres approches étudiées antérieurement. Ainsi le droit espagnol se différencie par sa volonté de faire du droit à l'image un droit constitutionnel et autonome.

L'étude des fondements du droit de l'image constitue l’étape nécessaire de l'étude des relations liant ces différentes sphères juridiques. Cependant et afin de compléter cette analyse, il est intéressant d’approfondir les singularités des approches adoptées par les différents systèmes juridiques à travers l’étude de la caractérisation du droit à l’image.

La caractérisation du droit à l'image par les systèmes juridiques européen, français et espagnol

Le fait que le droit à l'image n'ait pas les mêmes fondements dans les différentes sphères juridiques étudiées n'est pas l'élément central de la problématique du droit à l'image. La source principale des divergences trouve son origine dans le choix effectué par les systèmes de rattacher le droit à l’image à la notion de respect à la vie privée ou au contraire, de le consacrer comme un droit autonome et indépendant de tout autre concept.

Le droit européen et le droit français semblent en effet avoir choisi d'associer le droit à l'image au droit du respect de la vie privé. Dans cette approche, l'atteinte à la vie privée sert de fondement pour interdire la fixation de l'image d'une personne dès lors que cette dernière a été prise dans le cadre de sa vie privée. Pour ces deux systèmes juridiques, le droit à l'image procède du droit au respect de la vie privée. À l’inverse, le droit espagnol a élaboré un système de protection du droit à l'image autonome, c’est-à-dire un système dans lequel ce droit est protégé de manière indépendante. Le dit système ne fait pas référence à d'autres droits adjacents afin de le fonder. En ce sens, la décision du Tribunal Constitutionnel espagnol 156/2001 affirme que le droit au respect à la vie privée peut être violé sans que le droit à l'image soit enfreint et inversement. Il ajoute en outre que les deux droits peuvent êtres violés par la même action dans l’hypothèse où la vie privée serait révélée à travers une photographie sur laquelle l’identification de la personne est possible. Il existe donc à la fois une indépendance nominale et conceptuelle de cette notion en droit espagnol.

Ces différents systèmes ont beau diverger dans leurs manières d’aborder la problématique du droit à l’image, ils convergent tous sur la nécessité d'obtenir l’autorisation de la personne photographiée. En effet, le droit à l'image est à la fois un droit négatif, celui de ne pas être photographié et un droit positif qui correspond au contrôle de la diffusion et de la destination de l’image. À ce sujet, la CEDH se montre prudente et considère que l’autorisation ne doit pas être perpétuelle et automatique. L'arrêt Mosley du 10 mai 2011 appuie cette idée en déclarant que l'art. 8 de la Convention n'exige pas des médias qu'ils avertissent à l'avance les personnes sur lesquelles ils entendent publier des informations. Ce dernier point est important car les juridictions nationales n'ont pas abordé cette problématique et il est concevable que la CEDH exerce une influence dans les prochaines années, d’autant que ce système juridique est hiérarchiquement supérieur aux droits étatiques. De plus, la jurisprudence de la Cour pèse sur l’élaboration des notions de droit des États européens. Le droit espagnol, tout comme le juge français, prévoit que ce consentement doit être explicite. En outre, les juges, aussi bien en Espagne qu'en France, reconnaissent volontiers que le consentement ne doit pas être exprimé obligatoirement par écrit mais que le simple fait de signaler avec précision la destination que l'on souhaite pour l'image est suffisant, comme le précise  la sentence du Tribunal Suprême espagnol, du 25 janvier 2002.

En réalité, les trois systèmes juridiques convergent dans l’appréciation de la nécessité du consentement, en faisant la distinction entre lieu privé et lieu public. C'est sur la base de cette distinction que l’on conclura en faveur de la nécessité ou non du consentement et des conditions dans lesquels il doit être réalisé. Ainsi, la CEDH a jugé irrecevable dans sa décision 14 juin 2005 (Minelli c/Suisse) la requête du requérant en statuant qu'il n'y avait pas de violation de l'article 8 du fait qu'il s'était lui-même exposé au public, l’exigence d’autorisation étant inutile dans ces cas-là. Enfin les différents systèmes s'accordent sur le point qu'une autorisation n'est pas nécessaire si la personne n'est pas identifiable sur la photographie. En effet, l'individualisation de la personne sur la photographie implique nécessairement une demande d’autorisation.

En outre et en dépit du fait que le droit espagnol consacre et caractérise le droit à l'image textuellement tandis que le droit français et le droit européen se contentent de le rattacher à la notion de droit à la vie privée, tous l'élèvent au rang de droit personnel. Cette caractéristique implique que l'on ne peut renoncer à ce droit, que ce droit est inaliénable et imprescriptible et qu’il est attaché à la personne. Cette spécificité se présente, en cette matière, comme l’élément unificateur entre les différents ordres juridiques. Lesdits systèmes ne peuvent donc diverger de façon trop significative dans la manière d’assurer la protection du droit à l’image. En ce sens, on peut voir dans cette tentative d’alignement des caractéristiques de ce droit, une volonté des systèmes visant à une certaine cohérence dans leur action, les États européens étant interdépendants entre eux et vis-à-vis de la CEDH.  De fait, les États ne peuvent aller à l'encontre des grands principes régissant cette question aussi bien en droit européen que pour les droits des autres pays appartenant au Conseil de l'Europe, car ils appartiennent à un même cadre européen.

Par conséquent, et ce d’après les observations que nous avons pu faire auparavant, il semble que la CEDH agisse comme une entité unificatrice par le biais de sa jurisprudence en consacrant le droit à l’image comme droit personnel et le consentement de la personne comme le pivot de l’application dudit droit. Cet élément permet de dépasser les divergences entre systèmes (fondements, autonomie dudit droit ou rattachement à la notion du respect de la vie privé) et de prendre la mesure de l’influence exercée par la CEDH sur les Etats signataires de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Nous avons pu noter que malgré des fondements différents, les systèmes présentaient de grandes similitudes en ce qui concerne les bases conceptuelles (autorisation, droit de la personne) du droit à l’image qui révèle une certaine interdépendance entre les systèmes.

Le droit à l’image connaît de nombreuses limites à son application, l’une d’entre elles est le droit de l’information de l’art 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

L'exception du droit de l'information : Influence du droit européen sur les systèmes juridiques français et espagnol

Le droit de l'information résulte de l'art. 11 et 19 de la Déclaration Universelle des Droit de l'Homme et de l'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui proclame que « toute personne a droit à la liberté d'expression ». En ce sens, la demande d'autorisation est facultative lorsqu'il s'agit d'images d'actualité qui répondent aux besoins de l'information du public. L'image étant un moyen d'expression, ce droit de l'information est un instrument de limitation du droit à l'image et indirectement, du droit à la vie privée.

Pour cet aspect, la CEDH permet donc par le biais de l'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, que la liberté d’information vienne s'ériger comme limite au droit à l'image. La décision Verlagsgruppe News GmbH c/ Autriche de la CEDH du 14 décembre 2006 va conclure à la violation de l'art 10 par une ordonnance de référé interdisant la publication de photographies dans une affaire de fraude fiscale. L’élément à retenir ici est le fait que la jurisprudence de la CEDH exerce une influence importante sur l'approche du droit à l'image sur les systèmes juridiques européens, à travers l’établissement de limitations.

L'exemple français est sur ce point particulièrement pertinent puisque depuis quelques années la jurisprudence est particulièrement abondante en matière de droit de l'information liée au droit de l'image. Avec pour conséquence la complexification de l'application du droit à l'image qui résulte du souci du juge de respecter le besoin légitime d'information du public. L'influence de la CEDH se traduit par le fait que la grande majorité des décisions française relative à cette matière comporte dans leur visa l'art 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Autrement dit, le juge français se base directement sur un principe énoncé par le droit européen afin de trancher un conflit opposant, droit au respect à la vie privée et droit de l’information. Le TGI de Paris, dans sa décision du 5 janvier 1994, a jugé qu'une photographie montrant une enseignante lors d'une prise d'otage était licite dans la mesure où cette image illustrait un évènement d'actualité.

En ce qui concerne le droit espagnol, le problème ne se pose pas étant donné que la Loi Organique 1/1982 prévoit les dérogations possibles au droit à l'image et le droit de l'information y est explicitement visé à travers la notion d’intérêt général. De ce point de vue-là, l'influence de la CEDH est moindre car l'Espagne dispose d'un arsenal législatif complet et compatible avec celui de la jurisprudence européenne. À contrario, l’origine prétorienne du droit français en la matière rend plus perméable le système à la jurisprudence de la CEDH.

L'image est donc protégée par l'art. 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme mais cette restriction doit nécessairement répondre à l'exigence de légalité et de proportionnalité imposée par ce même texte. Le but poursuivi doit être légitime et nécessaire, en plus d’être adapté aux circonstances de l’espèce. Nonobstant, pour le cas français, l'exigence de licéité est considérée comme satisfaite du fait que la CEDH admet le rôle supplétif de la jurisprudence. En outre la CEDH montre une claire tendance à privilégier l’exigence de proportionnalité sur celle de la licéité tel que le démontre la décision de la CEDH relative à l'affaire Colombani le Monde c/ le Roi Hassan II dans laquelle elle déclare qu'en l'espèce, la liberté d'expression a été violée et que cette atteinte n'est pas proportionnée au but recherché. Le contrôle de proportionnalité et de licéité exerce sur les législations étatiques une influence incontestable, notamment dans les cas où le droit de l'information est en jeu. Bon nombre des arrêts édictés par les juges nationaux fondent leur raisonnement non pas sur des textes nationaux, mais bien sur la Convention Européenne des Droits de l’Homme, celle-ci ayant l’avantage d’être fédératrice. En outre, il faut rappeler que la CEDH est susceptible de condamner toute infraction à ladite Convention. Ainsi le fait de ne pas s’aligner sur sa position, notamment en termes de protection du droit à l’image, peut être perçu comme un risque pour les Etats de voir la décision prise par un juge national remise en cause par une condamnation pour avoir opté pour une position contraire à la ligne directrice donnée par la Cour dans ce domaine. Néanmoins, on peut s'interroger sur la pertinence et la légitimité de ce contrôle, étant donné que le juge européen limite cette liberté par une jurisprudence imprévisible et hypothétiquement instable.

Ainsi la CEDH, organe juridictionnel supranational, en fondant son raisonnement jurisprudentiel sur les articles de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, aussi bien pour justifier le fondement du droit à l’image que pour en fixer les limites, acquiert une incontestable légitimité à agir en cette matière. L’Espagne et la France, étant des pays ayant ratifié ladite Convention, ne peuvent aller à l’encontre de la ligne directrice donnée par la CEDH, bras judiciaire de la Convention.

Dans ce contexte, une nouvelle tendance se dessine. Cette dernière tend à reconnaître la force du droit de l'information tout en affirmant que celui-ci doit s’exercer dans le respect de la dignité humaine. Le Tribunal de Nanterre avait dans sa décision en date du 26 février 2003 affirmé que le fait que l'hebdomadaire Paris-Match publie des photos de l'accident du téléphérique traduisait sa volonté de faire dans le sensationnel et que de ce fait, cette publication ne répondait à aucune nécessité informative et portait donc atteinte aux droits d'autrui. Cette dernière notion fait référence à l'obligation du respect de la dignité contenue dans l'alinéa 2 de l'article 10 de la Convention. Ce concept de droit d’autrui n’a pas été défini par la CEDH, car la cour a considéré que cette notion doit rester suffisamment large pour pouvoir évoluer en fonction des aspirations du corps social. Cette tendance a donné lieu en France à la loi dite Guigou du 15 juin 2000 qui limite le droit de l'information au nom de l'obligation du respect de la dignité humaine lors des crimes et délits. La Cour d'Appel dans son Arrêt du 20 décembre 2000 relatif à la publication d'images montrant le corps sans vie du préfet Erignac, a reconnu que le droit d'information ne pouvait être exercé sans la prise en compte du concept de la dignité de la personne contenu dans l'alinéa 2 de l'art 10 de la Convention. La Cour avait sanctionné la publication de ces photos du fait que le cadrage choisi pour la publication des photos ne se limitait plus au droit de l'information mais portait atteinte à la dignité du mort.

Conclusion

L’analyse du droit à l’image dans le système juridique européen, français et espagnol s’est révélé être complexe dans le sens où le dit droit ne présente pas un panorama homogène sur le plan législatif. En effet, dans bien des domaines, le schéma classique veut que ce soit le droit européen qui soit l’instigateur des normes visant à résoudre une problématique précise. Ces normes sont ensuite retranscrites ou adaptées aux systèmes juridiques étatiques des pays européens. Or avec le droit de l’image, nous sommes dans la situation dans laquelle le droit européen n’a pas donné « de mot d’ordre », de norme, de lignes directrices sur lequel les états peuvent se fonder pour élaborer un système protecteur dudit droit. Le droit à l’image étatique s’est donc développé en adoptant des approches différentes, notamment en ce qui concerne les fondements. Le droit européen d’origine jurisprudentiel s’est contenté, dans un premier temps, de reconnaître ce droit à travers la notion de droit à la vie privée, tandis que le droit espagnol élève ce droit au rang de droit autonome et à valeur constitutionnelle. Le droit français a quant à lui fait du droit de l’image, le corollaire de la vie privée. Malgré ces différences majeures, il semble que le fait que ces trois systèmes appartiennent au cadre européen les conduise à baser leur système de protection sur des principes communs, tel que le concept de droit de la personne ou l’autorisation et le consentement. Ce dernier point est important dans le sens où ce rapprochement des principes dudit droit a pour effet que les systèmes étatiques de protection du droit à l’image, bien que différents, produisent des effets similaires. De plus, la possibilité d’être condamné par la CEDH constitue un élément important de dissuasion pour les Etats signataires comme la France ou l’Espagne et à des répercussions non négligeables sur les décisions à l’échelle nationale. Enfin nous avons pu constater que la CEDH exerce une influence importante sur les droits étatiques en cette matière, et notamment sur la jurisprudence interne, à travers de concepts tels que, la dignité ou encore le contrôle de proportionnalité et de licéité. Ce dernier mécanisme semble d’ailleurs agir comme un  élément de modulation permettant d’appliquer le droit à l’image seulement dans les cas où cela serait justifié et par conséquent, de limiter les abus étatiques. Le droit de l’information, d’inspiration européenne, est quant à lui le mécanisme législatif le plus abouti pour contrecarrer l’application systématique du système de protection de la personne face à l’exercice de la photographie et de manière plus générale, de la captation d’image. Malgré l’absence de texte européen spécifiquement dédié à la protection du droit à l’image des personnes, le rôle unificateur de la CEDH ne fait aucun doute en cette matière.

Bibliographie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Marguerite Marie Ippolito : Image, droit d'auteur et respect de la vie privée, édition l'Harmattan

 

  • Maitre Céline Halpern : Le droit à l'image, édition de Vecchi

 

  • Colloque Image et droit, annales de la faculté de droit d'Avignon.