Le Mobbing, pilier de la lutte contre les risques psychosociaux en droit allemand

Le Mobbing, pilier de la lutte contre les risques psychosociaux en droit allemand

 

Introduction

 

La politique sociale de l’Union européenne est rythmée par la lutte contre les risques psychosociaux au travail depuis l’adoption de la directive-cadre du 12 juin 1989 89/391/CE en posant des objectifs de prévention des risques pour la santé des travailleurs au travail. Il convient de définir ce qui est retenu comme étant des risques psychosociaux au travail. Ceci pose déjà un problème puisqu’il n’existe pas de définition juridique des risques psychosociaux, même en droit français, il faut donc rechercher ce qui entre dans ce cadre. 

 

Le concept de risques psychosociaux au travail s’est développé durant ces cinq dernières décennies face à l’augmentation des maladies psychiques que des salariés ont commencés à imputer à leurs conditions de travail stressantes voir déshumanisantes. Des facteurs tels que la réduction des effectifs causant souvent une augmentation de la charge de travail, certaines formes de management ou encore la précarité de l’emploi peuvent être source de stress pour les salariés. Il est par ailleurs reconnu que cette pression exercée sur les travailleurs peut avoir un impact sur l’absentéisme et la productivité des travailleurs. Bien que ces problèmes psychiques soient présumé être causés par les conditions de travail, ils ne peuvent souvent pas leur être exclusivement ou directement imputés. Le stress travail ne serait selon certains qu’un des facteurs ayant conduit à la maladie. 

En conséquence, ces problèmes de santé des travailleurs génèrent un contentieux de plus en plus important. Il apparait alors nécessaire de lutter efficacement contre leur survenance et surtout de définir des bases légales permettant de faire cesser les situations à risque et d’indemniser les victimes.

 

Le ministère du travail allemand (Bundes Ministerium für Arbeit und Soziales) a indiqué dans un communiqué de presse en mars 2014 que „la proportion d’hommes et de femmes qui avancent leur départ en retraite à cause de souffrances psychiques est passé de 15,4% en 1993 à 42% en 2012. Entre temps, les maladies psychiques sont devenues la principale raison de départ prématuré en retraite. Les victimes sont en moyenne âgées d’à peine 48 ans. Le nombre de jour de travail non travaillés à cause de maladies psychologiques a presque doublé en dix ans, en 2001 il était de 33,6 millions et déjà de 59,5 millions en 2012“ (traduction personnelle).

 

L’Allemagne, bien que consciente de ces problèmes ne donne pas non plus de définition des risques psychosociaux, ceux-ci n’apparaissent même pas en tant que concept dans la doctrine juridique allemande. Mais lorsque l’on pose la question du stress au travail, un seul mot revient systématiquement : Mobbing. Cette notion est utilisée aussi bien par la presse que par les travailleurs eux-mêmes pour qualifier les situations de harcèlement moral telles qu’on le conçoit en droit du travail français. Le Mobbing apparait donc comme la principale manifestation des risques psychosociaux au travail. 

 

On peut donc se demander en quoi le Mobbing tient lieu de pilier des risques psychosociaux en droit allemand face à ce problème de société. Nous étudierons donc d’abord ce qu’est le Mobbing au sens du droit allemand puis ensuite nous verrons quelles solutions juridiques y sont proposées. 

 

I. Qu’est ce que le Mobbing ? 

 

Le droit allemand, contrairement au droit français, ne donne pas de définition légale du harcèlement moral. Le Mobbing est une notion qui a été développée par la doctrine puis la jurisprudence pour qualifier les actes de harcèlement moral. Il convient donc d’abord d’étudier quels facteurs ont conduit à l’apparition de cette notion puis d’en énoncer la définition actuelle.

 

A. La reconnaissance de l’existence du Mobbing 

 

Face au contentieux portant sur le harcèlement moral et faute de base légale permettant de le sanctionner, les juges allemands ont été contraints de développer une notion de Mobbing.

 

En effet, dans l’arrêt de la cour d’appel du travail du Land de Thuringe du 15 février 2001, la justice allemande s’est déclarée compétente pour connaitre des litiges relatifs au harcèlement moral sur le lieu de travail tout en dénonçant l’inertie du législateur : „l’Etat qui tolère le Mobbing dans ses administrations et son secteur économique privé n’est pas en mesure de donner de la crédibilité à son système de valeurs humaines auprès de ses citoyens, ce qui revient à accepter l’effondrement de ce système sur le long terme. Conformément au principe constitutionnel de l’article 1 alinéa 1 de la loi fondamentale (Grundgesetz), la jurisprudence doit lorsqu’il n’y a pas de disposition spécifique, de part sa responsabilité par rapport à l’intégrité de l’ordre constitutionnel et afin de garantir l’inviolabilité physique et psychique des citoyens en situation de vie professionnelle, donner un signal d’arrêt (Stop-Signal) au Mobbing.“

Avec cette prise de position, la cour d’appel du travail de Thuringe démontre que le droit allemand est lacunaire sur la question puisqu’on ne trouve effectivement aucune trace ni des risques psychosociaux, ni du Mobbing parmi les sources législatives allemandes. 

La doctrine allemande explique cela en affirmant qu’historiquement, le droit allemand de la protection des salariés a en principe toujours été soumis à une intervention du législateur à travers une réglementation précise des conditions de travail. Cela se vérifie avec les différentes lois existantes destinées à la protection de la santé des travailleurs que sont par exemple : la loi sur la protection au travail (Arbeitsschutzgesetz), la loi sur la réglementation du temps de travail (Arbeitszeitsgesetz), la loi sur la protection au travail des jeunes (Jugendarbeitsschutzgesetz) ou des mères (Mutterschutzgesetz) ou encore la loi sur l’égalité de traitement entre les travailleurs (allgmeines Gleichbehandlungsgesetz (AGG). Aucune de ces normes ne donne une définition du Mobbing au sens du droit du travail allemand.  

En se basant sur ce même constat historique, le législateur et la doctrine expriment leur scepticisme quant à la capacité des normes européennes telles que transposées dans l’AGG. l’ArbSchG. ou encore l’accord-cadre européen du 8 octobre 2008, qui n’a pour sa part eu aucune influence sur le droit allemand, à prévenir les problèmes de santé causés par le harcèlement moral au travail et plus largement par les risques psychosociaux. Selon eux, c’est plutôt l’allongement de la durée des carrières professionnelles et l’apparition de nouveaux modèles de répartition du temps de travail qui devraient être portés au débat. Il est également reproché au législateur allemand d’avoir „insuffisamment“ transposé la directive cadre du 12 juin 1989 dans l’ArbSchG. du 7 août 1996.  

Pour comprendre cette prise de position de la cour d’appel du travail de Thuringe, il convient désormais de se pencher sur les évolutions de la définition du Mobbing qu’a retenue la jurisprudence allemande.  

B. La définition du Mobbing 

 

En Allemagne, le Mobbing s’est rapidement imposé dans le langage populaire et est devenu la notion à laquelle se rattachent toutes les victimes de stress intensif ou de harcèlement moral au travail. Le droit allemand n’en donne cependant pas de définition, contrairement au droit français qui a consacré une définition du harcèlement moral à l’article L. 1152-1 du code du travail. 

En effet, l’article L 1152-1 du code du travail énonce „qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.“ On note immédiatement la volonté claire du législateur de sanctionner l’ensemble des agissements de harcèlement moral pouvant peser sur la santé du salarié, sans se limiter à ceux des autres membres de l’entreprise est clairement exprimée par cet article.

Le Mobbing est un concept récent dont la première définition à faire référence est celle de Heinz Leymann. Au début des années 1990, ce psychosociologue allemand avait conclu que le Mobbing est „un conflit de communication au travail entre collègues ou avec un supérieur, dans lequel la personne attaquée est en situation de faiblesse face à une ou plusieurs personne(s) qui l’attaque(nt) directement ou indirectement, de manière systématique, régulière et pendant une certaine durée dans le but ou avec pour effet l’exclusion de la relation de travail, ce que la victime ressent comme une discrimination“ (traduction personnelle). Cette première définition, bien qu’elle définisse clairement ce que l’on peut aujourd’hui qualifier de Mobbing en Allemagne ou de harcèlement moral en France n’a aucune valeur juridique. 

Il a donc  fallu attendre un arrêt de la cour fédérale du travail (Bundesarbeitsgericht) du 15 janvier 1997 pour avoir telle une définition : „hostilités systématiques de harcèlement ou de discrimination, que ce soit entre collègues ou par un superviseur“ (traduction personnelle). Cette définition succincte est particulièrement critiquable puisqu’elle ne tient absolument pas compte du fait qu’un supérieur peut également être harcelé par un ou plusieurs de ses préposés.

Ainsi, c’est seulement avec la décision de la cour d’appel du travail de Thuringe du 10 avril 2001 que le Mobbing a été définit en termes précis : „des comportements continus et coordonnés sur le lieu de travail dont l’objet est de harceler et de discriminer un collègue ou un subordonné de manière illégale et, qui pris ensemble, portent atteinte au droit de la personnalité, à la dignité et à la santé de la personne“. Cette définition a été confirmée dans un arrêt de la cour d’appel du travail de Hamm du 25 juin 2002. On retient de cette dernière définition, qui n’a pas évolué depuis, que le Mobbing, contrairement au harcèlement moral français, se limite aux relations entre les membres de l’entreprise à l’exclusion des tiers qui peuvent pourtant également commettre des actes de harcèlement. 

Cette absence de définition législative du Mobbing en droit allemand fait apparaitre le cruel manque de réactivité de la part du législateur face au développement du contentieux en matière de risques psychosociaux et affirme le rôle de la jurisprudence dans la reconnaissance des problèmes psychiques causés par le travail. Grâce à l’apparition de cette notion de Mobbing, les demandeurs peuvent désormais donner un nom reconnu aux agissements dont ils sont victimes. 

En pratique cependant, aucune base légale propre au Mobbing n’existe pour permettre de demander réparation du préjudice subi ou obtenir la cessation des agissements dommageables. On peut donc se demander ce que les victimes peuvent entreprendre à l’encontre des harceleurs.  

 

II. Quelles solutions pour les victimes de Mobbing ?

 

Devant les lacunes du droit allemand, les victimes de Mobbing et leurs conseils ont dû redoubler d’ingéniosité afin de trouver des fondements pertinents pour demander la cessation du harcèlement ou être indemnisées. Ils se sont basés sur les principes de responsabilité contractuelle, délictuelle et pénales pour demander réparation, sans oublier les règles spécifiques au droit du travail. La jurisprudence a ensuite aménagé un régime de preuve favorable aux victimes. 

 

A.   En droit civil et pénal

 

Le droit allemand ne donnant pas de mécanisme spécifique pour résoudre le contentieux lié au Mobbing, il faut se tourner vers les grands principes du droit civil et ses fondements juridiques en termes de responsabilité contractuelle et délictuelle pour obtenir réparation du préjudice subi ou la cessation des actes de Mobbing. 

 

- En droit civil

 

En droit allemand, en principe, les faits Mobbing ne peuvent donner lieu qu’à réparation du préjudice subi. En effet, les demandeurs se reposent essentiellement sur le principe de l’article 241 alinéa 2 BGB selon lequel, l’employeur s’expose à des dommages et intérêts lorsqu’il manque „à son obligation contractuelle de faire preuve de précaution par rapport aux intérêts du salarié“.

 

Le salarié peut tout de même dans un premier temps demander la cessation des agissements dommageables par le biais d’une demande d’omission (Unterlassungsanspruch) au sens des articles 862 et 1004 du BGB. Il pourra accessoirement demander réparation des dommages déjà subis.  

 

La victime de Mobbing peut également se baser sur la responsabilité contractuelle de l’employeur, avec les articles 273 alinéa 1 et 615 ou 618 BGB. „Les salariés sont en droit d’arrêter de travailler sans retenue de salaire s’ils ont informés l’employeur sur la violation du contrat et en lui ayant laissés suffisamment de temps pour mettre fin aux faits de Mobbing“. La cour fédérale du travail a accepté cette possibilité dans un arrêt du 23 janvier 2007. Cette sorte de droit de retrait est plus ouverte que celui consacré par l’AGG, il ressemble ainsi davantage au droit de retrait français (cf. développement dans la section „en droit du travail“). 

Le salarié victime peut également demander des dommages et intérêts au harceleur en vertu des articles 280 alinéa 1 et 823 alinéa 1 du BGB. Les dommages réparables sont principalement les frais médicaux et la perte de revenus causée par la perte de l’emploi. Généralement, la victime demandera également réparation du préjudice moral (Schmerzensgeld) mot à mot „argent de la souffrance“ (traduction personnelle), ceci a notamment été admis par la cour fédérale du travail dans l’arrêt du 25 octobre 2007. 

Contrairement au droit français, engageant systématiquement la responsabilité de l’employeur dans les cas de harcèlement moral du fait de l’obligation de résultat en matière de prévention des risques, en Allemagne, c’est la victime qui doit engager la responsabilité de l’employeur du fait de ses préposés. Le salarié pourra ainsi demander des dommages et intérêts sur le fondement des articles 278 et 831 du BGB si l’employeur a eu connaissance des faits de harcèlement et qu’il n’a pas pris de mesures pour les faire cesser.  

Le salarié peut enfin demander la résiliation exceptionnelle (ausserordentliche Kündigung) du contrat de travail en vertu de l’article 626 du BGB, s’il a au préalable vainement demandé à son employeur de faire mettre un terme aux agissements dommageables.    

- En droit pénal

 

En Allemagne comme en France, les actes Mobbing ou harcèlement moral peuvent donner lieu a des sanctions pénales. 

 

La jurisprudence admet que les blessures psychiques subies par la victime de Mobbing entrent dans le champ d’application de la blessure corporelle (Körperverletzung) au sens de l’article 223 alinéa 1 du StGB ainsi que tout autre fait répréhensible utilisé à des fins de harcèlement tels que le vol ou la dégradation d’affaires personnelles ou encore la modification de données concernant la victime. 

 

Le deuxième plus important est la Nötigung (coercition) à l’article 240 alinéa 1 du StGB, il s’agit du fait de menacer ou de contraindre une personne avec violence à faire, laisser faire ou ne pas faire quelque chose. C’est un facteur aggravant si la manoeuvre a pour but d’obtenir des faveurs sexuelles. 

 

On retient également l’outrage (Beleidigung) à l’article 185 StGB qui doit avoir pour effet de donner un sentiment d’infériorité à la victime. Il est fait la distinction entre l’outrage régulier fait entre collègues à titre amical et celui clairement refusé par la victime. La diffamation (Üble Nachrede et Verleumdung) aux articles 186 et 187 StGB peut également être invoquée par les victimes de Mobbing. 

 

 

Les possibilités d’obtenir réparation du préjudice subi sont nombreuses mais souvent inadaptées au contexte du travail. Bien souvent les conseils des victimes les dissuadent d’intenter une action en justice estimant les chances de succès trop difficiles à évaluer. Le droit allemand propose également quelques moyens spécifiques au droit du travail pour combattre le Mobbing à la source, ou au moins d’y mettre un terme.  

 

B.   En droit du travail

 

Le droit allemand comme le droit français connaissent tout deux des mécanismes propres au droit du travail pour lutter contre le Mobbing ou le harcèlement moral au travail. Il est important de rappeler que le droit français définit clairement le harcèlement moral ce qui n’est pas le cas du droit allemand. 

 

- Le droit de retrait

 

Le plus emblématique d’entre-eux est le droit de retrait (Leistungsverweigerungsrecht) qui existe dans les deux systèmes. En effet, selon l’article 14 de la loi sur l’égalité des travailleurs (AGG), „si l’employeur ne prend pas les mesures nécessaires ou des mesures inappropriées pour faire cesser une situation de harcèlement moral ou sexuel au travail, la victime est en droit d’arrêter de travailler sans perdre son droit au salaire si cela est nécessaire à sa protection“ (traduction personnelle). En droit français, l’article L. 4131-1 du code du travail aménage un droit de retrait aux salariés qui ont une „raison valable de penser que la situation présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé“. Comme en droit allemand, l’exercice légitime du droit de retrait implique qu’aucune retenue de salaire ou licenciement ne peut être prise à l’encontre du salarié. Cependant, à la différence du droit de retrait français, celui-ci ne s’applique qu’au harcèlement moral au sens de l’AGG, c’est-à-dire reposant sur les critères de discrimination de l’UE.   

 

- L’action des instituons représentatives du personnel

 

Sur le plan collectif, le droit allemand charge les institutions représentatives du personnel de lutter efficacement contre le harcèlement moral. En effet, le droit constitutionnel de l’entreprise allemand (Betriebsverfassungsrecht) prévoit aux articles 75 alinéa 1 BetrVG et 67 alinéa 1 1ère phrase BPersGV que même si aucune plainte n’a été formulée, les comités d’entreprises (Betriebsräte) ou du personnel (Personalräte) sont tenus de veiller à ce qu’aucun salarié ne soit victime de harcèlement et doivent, le cas échéant, prendre les mesures nécessaires. Par ces mesures on entend dans les cas les plus sérieux jusqu’à demander le licenciement du harceleur, même si la médiation reste préconisée. 

 

Il existe par ailleurs un droit de plainte (Beschwerderecht) à l’article 84.1 BetrVG qui s’apparente au droit d’alerte français selon lequel les délégués du personnel peuvent solliciter l’employeur ou le juge lorsque des atteintes graves sont constatées. Le droit de plainte permet cependant à tous les salariés d’en faire l’exercice et l’employeur est tenu de vérifier les doléances et d’informer le salarié de ses conclusions. S’il estime que les faits ne sont pas avérés, il doit le justifier. Dans le cas contraire il est tenu de prendre des mesures pour faire cesser le Mobbing sans quoi une action en justice peut être engagée à son encontre devant le conseil des prud’hommes (Arbeitsgericht). Cette alerte peut être également portée devant le comité d’entreprise ou du personnel lorsque l’entreprise en compte un. Dans ce cas de figure, l’institution représentative du personnel exercera un premier contrôle sur la plainte du salarié. 

Le comité d’entreprise peut également agir à la place de la victime devant l’Arbeitsgericht en vertu des articles 23 alinéa 3 BetrVG pour les demandes d’avertissement ou de licenciement du harceleur.

 

Le droit français se distingue du droit allemand en ce qu’il permet une action en responsabilité de la part des institutions françaises représentatives du personnel à la place du salarié victime, même si elle est limitée par la nécessité de son accord écrit, ou que l’intérêt collectif de la profession soit menacé.  

 

- La prévention des risques

 

Dans les deux systèmes, une obligation de prévention des risques psychosociaux en général et du harcèlement moral en particulier incombe à l’employeur. Cette obligation se caractérise en France par l’obligation de résultat en matière de prévention des risques pour la santé des travailleurs et en Allemagne par l’existence des différentes normes encadrant les conditions de travail, mêmes si celles-ci ne tiennent compte que de la santé physique des salariés.   

 

Bien que le droit allemand accorde une importante marge de manoeuvre à la victime pour agir au sein de l’entreprise, on ne peut pas se baser sur une jurisprudence permettant d’en prouver l’efficacité. 

 

C.  La facilitation de la preuve

 

Les systèmes allemand et français ont respectivement aménagé la preuve du Mobbing et du harcèlement moral pour permettre au plus grand nombre de victimes de traduire leur bourreau en justice. 

 

En Allemagne, le Landesarbeitsgericht de Thuringe s’appuie sur l’article 6 de la convention européenne des droits de l’Homme pour justifier une simplification du régime de la preuve en vertu du droit à un procès équitable. Etant donné que la charge de la preuve repose sur la victime de Mobbing lorsque celle-ci intente une action en justice contre son employeur ou le harceleur et compte tenu de la difficulté d’obtenir une preuve matérielle en cas de harcèlement moral, surtout si celui-ci est verbal, une simplification de la preuve parait nécessaire pour permettre aux victimes d’obtenir réparation. La jurisprudence admet donc une simplification de la preuve en matière de Mobbing en présence de suffisamment d’indices en sachant qu’il sera difficile d’obtenir des témoignages de collègues car ceux-ci n’oseront pas témoigner contre leur employeur ou leur supérieur. 

  

La jurisprudence française quant à elle fait reposer la charge de la preuve sur l’employeur ou le salarié harceleur en permettant à la victime de ne donner que des éléments pour laisser „présumer l’existence d’un harcèlement“ et en obligeant ainsi le défendeur à prouver que les actes ne constituent pas des faits de harcèlement. En revanche, elle durcit le régime de la preuve dans le sens où elle exige une preuve par des éléments objectifs „tels que des témoignages de collègues“ ou des écrits pouvant revêtir la forme électronique. De plus, elle exige que les éléments de preuves soient „obtenus de façon loyale“ et pas à l’insu du défendeur.  

 

 

Les juges français et allemands se rejoignent ainsi sur la nécessité de faciliter l’accès à la justice des victimes de Mobbing ou de harcèlement moral afin qu’ils puissent obtenir de leurs bourreaux réparation de leur préjudice.    

 

 

Conclusion : 

 

On arrive donc facilement à la conclusion que le droit allemand souffre par rapport au droit français de lacunes considérables en matière de lutte contre le Mobbing et les risques psychosociaux au sens large. Malgré les efforts de la jurisprudence, trop de victimes n’osent toujours pas faire valoir leurs droits devant les juridictions craignant ne pas pouvoir obtenir gain de cause. En attendant, les auteurs de Mobbing continuent à agir dans une quasi impunité, transformant la vie professionnelle de millions de salariés en cauchemars. C’est pour trouver des solutions à ce problème de société que le ministère du travail allemand a chargé au premier trimestre 2014 l’office fédéral pour la protection et la médecine du travail (Bundesanstalt für Arbeitsschutz und Arbeitsmedizin) d’effectuer une étude des facteurs affectant la santé psychique des travailleurs au travail pour une durée de trois ans. Les espoirs d’une prise en compte du Mobbing et des risques psychosociaux en droit allemand reposent désormais sur les résultats de cette enquête.   

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Ouvrages : 

 

FRANCE 

 

E. Peskine, C. Wolmark, Droit du travail, Dalloz Hypercours, 8ème édition, 2014 

 

L. Lerouge (sous la direction de), Risques psychosociaux en droit social, approche juridique comparée, Dalloz, 2014

 

L. Lerouge (sous la direction de), Les risques psychosociaux en Europe, analyse jurisprudentielle, L’Harmattan, 2013 

 

Harcèlement et risques psychosociaux, Editions Francis Lefebvre, 2012

 

M.-F. HIRIGOYEN, Le harcèlement moral au travail, Presses Universitaires de France, 2014

 

ALLEMAGNE 

 

DÄUBLER, HJORT, SCHUBERT, WOLMERATH, Arbeitsrecht, 3. Auflage, Nomos, 2013 

BUNDESMINISTERIUM FÜR ARBEIT UND SOZIALES, Übersicht über das Arbeitsrecht / Arbeitsschutzrecht, 2. Auflage, 2008 

M. WOLMERATH, Mobbing, 3. Auflage, Nomos, 2007

 

Jurisprudence : 

 

1. Landesarbeitsgericht Thüringen 28.06.2005, AZ 5 Sa 63/04 

2. Landesarbeitsgericht Thüringen 10.04.2001, AZ 5 Sa 403/00

3. Landesarbeitsgericht Thüringen, 15.02.2001, AZ 5 Sa 102/2000

4. Bundesarbeitsgericht 23.01.2007 9AZR 557/06

4. Bundesarbeitsgericht 25.10.2007 8AZR 593/06

 

Textes légaux :

Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz (AGG)

Arbeitsschutzgesetz (ArbSchG)

Bürgerliches Gesetzbuch (BGB)

Betriebsverfassungsgesetz (BetrVG)

Code du travail

Directive-cadre du 12 juin 1989 (89/391/CE)

Grundgesetz (GG)

Strafgesetzbuch (StGB)

Sites internet : 

http://www.bmas.de

 

http://www.baua.de

 

http://www.mobbing-help.de

 

http://www.mobbing-und-burnout.de

 

http://www.legifrance.gouv.fr/

 

http://www.gesetze-im-internet.de

 

http://www.bundesarbeitsgericht.de