Missions et compétences de l’Antidiskriminierungsstelle des Bundes/Comparaison avec la HALDE, par Axelle Keles

Cet article traite des missions et des compétences de deux organismes de lutte contre les discriminations, d’une part l’ « Antidiskriminierungsstelle des Bundes » en Allemagne et d’autre part la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) en France. Malgré des missions générales proches, nous verrons qu’en matière de soutien aux particuliers, l’autorité allemande dispose d’un pouvoir très limité contrairement à la HALDE, son équivalent français.

« Vielfalt statt Einfalt, gemeinsam für Gleichbehandlung » et « L’égalité, ça s’affiche et ça s’applique », sont les slogans des deux organismes étatiques de lutte contre les discriminations, à savoir l’« Antidiskriminierungsstelle des Bundes » (ADS) en Allemagne et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) en France. Elles sont issues de la transposition des articles 8 bis de la directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 et 13 de la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000. Tout d’abord, l’article 8 bis de la directive 2002/73/CE prévoit la désignation par les Etats-membres d’« un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir, d'analyser, de surveiller et de soutenir l'égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur le sexe et prennent les dispositions nécessaires ». Selon l’article 13 de la directive 2000/43/CE, «les Etats-membres désignent un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l’égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique ». Dans les deux textes le présent est utilisé (« les Etats-membres désignent »), traduisant ainsi une obligation pour les Etats-membres de créer ces organismes et pas seulement une possibilité (M.-T., Lanquetin, Discrimination, Répertoire de droit du travail, Chapitre 2 Section 8, janvier 2010). Ces derniers peuvent faire partie d’organes chargés de défendre à l’échelon national les droits de l’homme ou de protéger les droits des personnes (Art. 8 bis al. 1 de la directive 2002/73/CE et 13 al. 1 de la directive 2000/43/CE). Ces organismes doivent être compétents pour apporter une aide indépendante aux personnes victimes d’une discrimination afin d’engager une procédure pour discrimination et cela sans préjudice des droits des victimes et des associations, organisations et autres personnes morales visés à l’article 6 paragraphe 3 de la directive 2000/43/CE et à l’article 7 paragraphe 2 de la directive 2000/43/CE (Art. 8 bis al. 2 a de la directive 2002/73/CE et Art. 13 al. 2 de la directive 2000/43/CE). En outre ces organismes doivent pouvoir conduire des études indépendantes concernant les discriminations (Art. 8 bis al. 2 b de la directive 2002/73/CE et Art. 13 al. 2 de la directive 2000/43/CE), publier des rapports indépendants et émettre des recommandations sur toutes les questions liées à ces discriminations (Art. 8 bis al. 2 c de la directive 2002/73/CE et Art. 13 al. 2 de la directive 2000/43/CE). L’exigence principale pour ces organismes est l’indépendance. En Allemagne ces articles ont été transposé à travers les §§ 27 ff. de l’ « Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz » (AGG), la loi générale allemande sur l’égalité de traitement. L’ADS a été créée par le Ministère fédéral de la famille, des retraités, des femmes et de la jeunesse, qui nomme également son directeur. L’indépendance voulue par la directive n’est pas institutionnelle mais fonctionnelle. Le législateur a choisi de créer une structure centrale renvoyant à de petites structures spécialisées, s’adaptant ainsi au système fédéral allemand. Il existe depuis quelques années les fonctions de mandataire fédéral et de mandataire du gouvernement fédéral, notamment le mandataire du gouvernement fédéral pour l’immigration, les réfugiés et l’intégration, qui ont été intégrées au processus de lutte contre les discriminations. Le législateur français a transposé ces dispositions à travers la loi du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Selon l’article 1er alinéa 1 de cette loi, « il est institué une autorité administrative indépendante dénommée haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité », la HALDE. Ses pouvoirs ont été renforcés par la loi 2006 – 396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances (titre III, section 2). Dès sa création, la HALDE a été le centre d’une polémique sur la question de son indépendance. Le 22 Février 2005, le collectif « Non à une autorité alibi » réunissant une trentaine d’associations a été crée, dénonçant dès le départ la volonté des pouvoirs publics de mettre la HALDE sous tutelle (L-G. Tin, J-L. Romero, « HALDE : actions, limites et enjeux », journée d’études internationale co-organisée par la Halde, p.94). L’accès à ces institutions doit être simple et possible pour tous. L’ADS est le 1er interlocuteur des victimes potentielles de discrimination. Toute personne qui croit subir un traitement inégal en raison des critères énoncés dans le § 1 AGG, i.e. en raison de sa race, de son sexe, de sa conviction, de son handicap, de son âge ou de son identité sexuelle, peut faire appel à elle (§ 27 Abs 1 AGG). Il n’est pas nécessaire que le traitement inégal existe réellement, le sentiment subjectif de la personne qui aurait l’impression d’avoir subit un traitement inégal suffit. Selon l’article 1 alinéa 2 de la loi du 30 décembre 2004, la HALDE est compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie. Une hausse de 21% des réclamations a été enregistrée par la HALDE entre 2008 et 2009. Selon L. Schweitzer, ancien Président de la HALDE, cela ne signifie pas que « les discriminations explosent » mais plutôt que « la tolérance face aux discriminations diminue » (Le monde, « Une hausse de 21% des réclamations à la Halde en 2009 », 5 mars 2010, AFP/ M. Daniau). La HALDE a souvent fait l’objet de critique du fait de son « parisianisme » (J-L. Romero, « HALDE : actions, limites et enjeux », journée d’études internationale co-organisée par la Halde, p.14). Toutefois de plus en plus de relais régionaux se développent, notamment à travers les fonctions de délégué régional et de correspondants locaux. La HALDE est actuellement au cœur des débats. « L’avenir de la HALDE n’est pas politiquement tranché » annonce le Monde le 5 mars 2010. En effet, il est question depuis quelques mois d’intégrer la HALDE à la nouvelle institution de « Défenseur des droits » issue de la révision constitutionnelle de 2008, ce qui entraînerait sa suppression en tant que telle. Elle serait mise sous tutelle de l’Etat et perdrait par conséquent son indépendance. La création de cette nouvelle institution démontre la volonté du gouvernement de limiter l’action de la HALDE. Quelles sont les missions et les compétences des deux organisations de lutte contre les discriminations en France et en Allemagne ? Ces deux organisations ont-elles des missions et des compétences proches ? Ont-elles des pouvoirs limités ou étendus ? Nous répondrons à ces interrogations en trois temps : nous verrons tout d’abord que les deux institutions ont des missions générales proches (I), nous expliquerons ensuite la difficulté de concilier ces missions et le rôle de médiateur dans le cadre de la procédure de médiation (II), enfin nous démontrerons que l’ADS dispose d’un pouvoir extrêmement limité en matière de soutien aux particuliers comparé à la HALDE (III). I. L’Antidiskriminierungsstelle des Bundes (ADS) et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), deux institutions de lutte contre les discriminations avec des missions générales proches Dans la mesure où des mandataires du gouvernement ou du Bundestag ne sont pas compétents, l’ADS a des missions générales (§ 27 Abs 3 AGG). Cette délimitation permet d’éviter un chevauchement des compétences. Tout d’abord elle doit développer ses relations publiques en se faisant connaître de tous, notamment à travers des campagnes d’information présentant ses missions, son site internet ou des congrès. Elle a également un rôle préventif, par exemple en diffusant les bonnes pratiques à adopter, ou en proposant des formations aux professionnels susceptibles de procéder à des discriminations (personnels hôteliers, DRH). De plus, elle doit régulièrement mener des enquêtes scientifiques, soit seule, soit communément avec des représentants du gouvernement ou du Bundestag compétents. Tous les quatre ans, l’ADS doit remettre au Bundestag des rapports conformément aux articles 8 bis al. 2 c de la directive 2002/73/CE et 13 al. 2 de la directive 2000/43/CE sur la situation des discriminations, son évolution, quels environnements sont les plus propices aux discriminations et quelles mesures ont été prises par ses soins. Elle doit y présenter ses recommandations afin d’améliorer l’accès à une égalité de traitement (§ 27 Abs. 4 AGG). Ces rapports peuvent être effectués avec l’aide d’autres représentants du gouvernement, notamment en matière d’immigration et d’intégration, ainsi leurs expériences peuvent être exploitées. En cas de discriminations multiples, l’ADS est contrainte de travailler en collaboration avec différents services administratifs compétents, dans le respect de la protection des données à caractère personnel des victimes. Enfin il existe une très grande interaction entre l’ADS et les ONG afin de favoriser une meilleure information et un point de vue critique sur les mesures qu’elle propose. Le § 29 AGG offre une réelle possibilité de coopération avec les ONG européennes, nationales et régionales. Cependant elles ne peuvent pas imposer leurs présences aux côtés de l’ADS. Selon le § 28 Abs. 2 S1 AGG, tous les services administratifs et services publics doivent soutenir cette dernière dans ses missions, notamment en lui délivrant les informations nécessaires pour accomplir sa fonction. La HALDE est encore plus présente dans la vie publique que sa voisine allemande. Elle a une mission générale d’information et de promotion de l’égalité. Elle a également un rôle préventif. La Haute autorité propose par exemple un programme d’ « E-learning » (apprentissage des bonnes pratiques à travers des jeux, et des tests) sur son site destiné aux professionnels et aux particuliers et diffuse également une série de cours métrages intitulée « flagrants-délits » pour sensibiliser la population. Elle peut également donner des recommandations tendant à modifier des lois ou règlements conformément aux articles 8 bis al. 2 c de la directive 2002/73/CE et 13 al. 2 de la directive 2000/43/CE). Elle doit toujours être consultée en cas de projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité. En 2007 toutefois, cette obligation n’a pas été respectée par le gouvernement au sujet d’un projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration et de l’intégration, et plus particulièrement la question des tests ADN en cas de regroupement familial. Après l’adoption du texte, la HALDE a dénoncé le caractère discriminatoire d’une partie de la loi et a regretté de ne pas avoir été consultée comme les textes le prévoient (Le monde « La Halde a réussi à s’imposer comme vigie de la lutte antidiscriminations » du 5 mars 2010 par L. Bronner et L. Van Eeckhout, Délibération n°2007-370 du 17 décembre 2007 de la HALDE). Le Premier ministre peut également lui demander de l’assister dans la définition de la position française dans les négociations internationales dans le domaine de la lutte contre les discriminations ou de participer à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes (art 15 de la loi de 2004). Enfin, la HALDE doit remettre chaque année au Président de la République, au Parlement et au Premier ministre un rapport rendant compte de l'exécution de ses missions et énumérant les discriminations portées à sa connaissance. Ces rapports sont publiés et portés à la connaissance de tous (art 16 de la loi de 2004).

II. La médiation au sein des deux institutions: contradiction avec l’essence même de leurs missions ? L’ADS a un pouvoir de tentative de règlement amiable des conflits (§ 27 Abs.2 S.2 Nr.3 AGG). Ce pouvoir est limité, il n’existe pas dans tous les « Bundesländer ». Il existe deux possibilités de traitement amiable du conflit : soit les parties trouvent un accord elles-mêmes, soit l’ADS leurs propose une médiation. Cette dernière ne pourra avoir lieu que si les deux parties sont d’accord. L’article 7 de la loi du 30 décembre 2004 énonce que « la haute autorité peut procéder ou faire procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation ». Une médiation permet d’éviter le processus judiciaire contraignant pouvant aboutir à un résultat incertain. La procédure de médiation en France et en Allemagne est sensiblement identique. Il faut comprendre ici la notion d’indépendance au sens d’impartialité, neutralité et modération. L’ADS a une fonction modératrice et n’est pas une représentante des droits, selon les Dr. Wendeling-Schröder et Stein (« Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz, Kommentar », 2008). Ces deux institutions n’ont aucun pouvoir de décision lors d’une médiation, elles ne sont pas arbitres ! Rappelons enfin que les déclarations recueillies au cours de la médiation restent confidentielles et ne pourront pas être utilisées devant les tribunaux. Il est difficile d’imaginer comment une institution de lutte contre les discriminations peut concilier ses missions de lutte contre les discriminations et son rôle de médiateur. En effet la HALDE se place le plus souvent du côté de la partie faible ayant subit une discrimination dans le cadre de sa mission d’aide aux particuliers: l’employé face à l’employeur, le particulier face à l’agence immobilière, une personne handicapée face à une compagnie aérienne lui refusant l’assistance afin de voyager seul. Or dans le cadre de sa mission de médiation, elle doit s’effacer derrière les parties qui doivent trouver un accord. Le risque étant que la HALDE veuille influer en faveur de la victime/ partie faible. Il est donc possible de douter de la compatibilité de ses missions d’assistance aux particuliers et de médiation. L’autre risque serait d’utiliser la médiation comme un rempart pour les entreprises, c'est-à-dire de procéder à une médiation afin d’éviter que leur image de marque ne soit ternie par des pratiques discriminatoires. L’intérêt de la victime ne passe ici qu’au second plan. Enfin comme dans toute procédure de médiation, les informations recueillies pendant le processus de médiations doivent rester confidentielles et ne peuvent pas être réutilisées lors d’instance civile ou administrative sans l’accord de la personne concernée. Il existe toutefois une limite en matière pénale, si la HALDE constate que les faits sont constitutifs d’un délit, alors elle devra saisir le Procureur de la République. Cela constitue une limite importante au concept même de médiation (T. Sagardoytho, Le droit pénal de la discrimination, un droit à construire, AJ pénal 2008, p. 313).

III. Un pouvoir très limité de l’ADS en matière d’aide aux particuliers en comparaison avec le pouvoir très étendu de la HALDE L’ADS doit soutenir les particuliers de manière indépendante (§ 27 Abs. 2 S1 AGG), elle ne doit pas se laisser influencer ni par le gouvernement, ni par l’auteur, ni par la victime. Elle a un devoir d’information général vis-à-vis des particuliers sur les différents recours légaux existants et les possibilités d’actions. Toutefois l’ADS a l’interdiction de conseiller juridiquement les particuliers ou d’intenter une action. Le législateur allemand a choisit une répartition originale des compétences. L’ADS peut renvoyer les victimes potentielles à d’autres organismes compétents pouvant leur apporter un conseil juridique personnalisé selon le § 27 Abs.2 S.2 Nr.2 AGG, sont visées les associations de lutte contre les discriminations. Il faut distinguer deux types d’associations. En vertu du § 23 Abs. 1 AGG, les associations simples sont des groupements de personnes qui font valoir régulièrement les intérêts particuliers des personnes traitées inégalement sans exercer cette activité à titre professionnel. Seules les associations qualifiées, telle que l’« Antidiskriminierungsverband Deutschland », i.e. celles qui regroupent au minimum soixante-quinze membres ou qui forment un groupement d’au moins sept associations, ont des compétences particulières. Elles ont un pouvoir de conseil juridique aux victimes, de soutien en tant que représentant dans les procédures judiciaires devant le tribunal de 1ère instance allemand, devant le tribunal allemand du travail, lorsque la représentation par un avocat n’est pas obligatoire. Toutefois elles ne peuvent pas représenter les particuliers dans les procédures pénales. La protection des particuliers n’est donc effective qu’en cas de collaboration de l’ADS et des associations de lutte contre les discriminations. L’ADS ne remplit pas les exigences européennes et est en marge des autres institutions européennes. En effet, l’ADS a recours à des associations pour accomplir ses missions, alors que selon les articles 8 bis de la directive 2002/73/CE et 13 de la directive 2000/43/CE les Etats-membres doivent désigner un ou plusieurs organismes chargés d’une part de promouvoir d'analyser, de surveiller et de soutenir l'égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur le sexe et prennent les dispositions nécessaires et d’autre part de promouvoir l'égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique. L’ADS délègue donc aux associations plutôt que d’assumer le devoir d’assistance au pénal ou de créer un organisme spécialement dédié à cette mission. Enfin, elle doit transférer l’affaire à d’autres mandataires du gouvernement ou du Bundestag lorsqu’ils sont compétents. Pour cela, l’ADS doit obtenir l’accord de la victime pour le transfert de son dossier et la communication des éléments de l’affaire. Cela permet d’éviter le chevauchement des compétences de deux institutions différentes. Contrairement à son homologue allemand, la HALDE dispose d’un pouvoir très étendu : elle dispose tout d’abord d’un pouvoir d’investigation. Elle peut demander des explications à toute personne physique ou à toute personne morale de droit privé mise en cause devant elle ainsi que la communication d'informations lui paraissant utiles (art 5 de la loi de 2004). Une des particularités française est l’assistance aux victimes dans la constitution de leurs dossiers (art 7 de la loi de 2004). La HALDE est ici conçue comme une auxiliaire de justice (Rudolf/ Mahlmann, « Gleichbehandlungsrecht », 2007). Celle-ci peut procéder à des vérifications sur place (art 8 de la loi de 2004). Lorsque les demandes d’explications sont dépourvues d’effet, elle peut mettre en demeure les personnes visées de répondre à ses questions dans un certain délai (art 10 de la loi de 2004). En cas de refus de coopération, la HALDE peut demander une injonction du tribunal. Elle peut également rendre public ses recommandations sur l’affaire, ce qui est un désaveu pour les entreprises et une mauvaise publicité qui permet d’éviter que de nouvelles discriminations se produisent. La HALDE peut selon l’article 11-1 de la loi de 2004 proposer à l’auteur des faits discriminatoires une transaction lorsque les faits sont constitutifs d’une discrimination au sens des articles 225-2 et 432-7 du code pénal et L. 122-45 et L. 123-1 du code du travail et que l’action publique n’a pas encore été déclenchée. La transaction peut se présenter sous deux formes : soit une amende, soit l’une des propositions de l’article 11-2 comme par exemple l'affichage d'un communiqué, dans des lieux que la HALDE précise et pour une durée qui ne peut excéder deux mois. La procédure de transaction interrompt la prescription et l'exécution constitue une cause d'extinction de l'action publique. En cas de refus de la proposition de transaction ou d'inexécution d'une transaction acceptée et homologuée par le procureur de la République, la haute autorité, conformément aux dispositions de l'article 1er du code de procédure pénale, peut mettre en mouvement l'action publique par voie de citation directe (J.-E. Schoettl, La loi pour l’égalité des chances devant le Conseil Constitutionnel, Petites affiches, 6 avril 2006, n°69, p. 3). Bien que la transaction ne soit pas considérée comme une sanction pénale, elle dispose d’un caractère punitif (T. Sagardoytho, Le droit pénal de la discrimination, un droit à construire, AJ pénal 2008, p. 313). La HALDE a la possibilité selon l’article 12 de la loi de 2004 de transmettre au procureur les faits portés à sa connaissance constitutifs d'un crime ou d'un délit. L’article 13 de la même loi prévoit que, « les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent, lorsqu'elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, d'office ou à la demande des parties, inviter la haute autorité ou son représentant à présenter des observations ». La saisine de la HALDE est une possibilité et n’est en aucun cas un préalable à la saisine d’un juge civil ou pénal (J. Chevalier, « HALDE : actions, limites et enjeux », journée d’études internationale co-organisée par la Halde, p.52). Une innovation est le droit de procéder à des tests de discrimination/ « testing ». Il s’agit d’un mode de preuve permettant de comparer le traitement réservé à des personnes « de référence » avec celui réservé à des personnes susceptibles d'être discriminées en raison de leur qualité. Ces méthodes sont souvent utilisées par des associations, telle que SOS racisme. L’article 225-3-1 du code pénal créé par la loi du 31 mars 2006 confirme la validité de cette procédure. La circulaire du 26 juin 2006 du ministère de la justice précise que les testeurs « discriminables » doivent être des victimes potentielles mais néanmoins réelles, excluant ainsi la possibilité d’avoir recours à des candidatures fictives. Le rôle de la HALDE est ici de détecter les discriminations. En cas d’opposition aux vérifications sur place faites par les agents de la HALDE, le juge des référés peut autoriser ces vérifications (J.-E. Schoettl, La loi pour l’égalité des chances devant le Conseil Constitutionnel, Petites affiches, 6 avril 2006, n°69, p. 3). Selon L. Schweitzer, ancien Président de la HALDE, au cours de son audition devant la délégation, le 25 mars 2008, cette exigence contribuerait à entraver sérieusement le recours à ce mode de preuve, en raison de la difficulté pratique de réunir des personnes réelles. En effet, les tests de discrimination ne peuvent se réaliser que sur des personnes réellement susceptible d’opérer des discriminations. Ainsi les testings doivent être fait directement sur des employeurs ou des personnes apportant des services aux particuliers (dirigeants d’auto-école par exemple), par des personnes susceptibles d’être discriminées (personnes voilées, personnes handicapées, femmes enceintes…). Il est donc difficile de trouver de telles personnes. Les tests de discrimination indiquent un risque de discrimination sans caractériser le délit de discrimination en lui-même (rapport annuel 2009 de la HALDE). La HALDE a donc un pouvoir de détection des discriminations à travers le testing. Cela peut l’aider dans ses missions générales, en s’appuyant sur ce mode de preuve pour établir des rapports par exemple, mais également dans sa mission de prévention, en donnant des avertissements aux personnes visées par ces testings. Le pouvoir de la HALDE a été renforcé par la loi du 31 mars 2006 en lui permettant de demander elle-même à être entendue par les juridictions. Ici se pose alors plusieurs questions. Tout d’abord, comment peut être qualifiée cette audition ? Celle-ci n’a aucune qualification législative et n’étant pas définie dans le code de procédure civile. Elle ne peut pas en outre être qualifiée de partie à l’instance. Comment cette mission s’articule-t-elle avec les autres missions de la HALDE ? Le problème de ce nouveau pouvoir est la contrariété à l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, c'est-à-dire le principe de l’égalité des armes et du contradictoire. En effet, dans le cas par exemple où un employeur serait soupçonné de comportement discriminatoire envers un employé, celui-ci se retrouverait face à deux contradicteurs, d’une part l’employé et d’autres part la HALDE. Il en résulte donc un déséquilibre entre les parties. Toutefois si la Haute autorité ne fait qu’exercer son pouvoir de recommandation ou d’investigation, les garanties procédurales seront respectées (S. Petit, La HALDE a-t-elle sa place devant les juridictions ?, Dalloz 2008, p. 1519). Selon la HALDE, la faculté de présenter des observations ne méconnaît pas en elle-même les exigences du procès équitable et de l’égalité des armes dès lors que les parties sont en mesure de répliquer pat écrit et oralement à ces observations et que le juge apprécie la valeur probante des pièces qui lui sont fournies et qui ont été soumises au débat contradictoire (L. Perrin, Conformité de l’audition de la HALDE aux exigences du procès équitable, Dalloz actualité 22 juin 2010). La question a été tranchée par un arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 2 juin 2010 (n°08-40.628). La Cour constate que « les dispositions de l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004, modifiées par la loi du 31 mars 2006, qui, sans être contraires à l'article 13 de la directive n° 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, prévoient que la HALDE a la faculté de présenter des observations portées à la connaissance des parties, ne méconnaissent pas en elles-mêmes les exigences du procès équitable et de l'égalité des armes dès lors que les parties sont en mesure de répliquer par écrit et oralement à ces observations et que le juge apprécie la valeur probante des pièces qui lui sont fournies et qui ont été soumises au débat contradictoire ». Cet arrêt s’inscrit dans un contexte de remise en cause de l’autonomie de la HALDE. En effet il est question de l’intégrer à l’institution de « Défenseur des droits ». Cependant la Cour atteste et renforce ici de la légitimité de la présence de la HALDE en levant l’ambiguïté quant à la nature de sa participation lors des recours judiciaires. La Cour de Cassation affirme que la participation de la HALDE est une simple audition, exclusive de la qualité de partie au procès, et que cette qualification doit s’entendre comme une mission d’intérêt public de la HALDE. La HALDE est donc une intervenante au procès et non une partie, car elle ne défend pas un intérêt propre. La HALDE défend ici un intérêt public de la lutte contre les discriminations et pour l'égalité, mission pour laquelle elle a reçu une mission spéciale. Cette mission doit s’articuler avec la procédure préalable spécifique à la HALDE afin de garantir le respect de l’égalité des armes durant le procès. Il existe en effet une inégalité fondamentale d’information entre les parties. Effectivement, le réclamant n'a pas accès en général aux preuves qui lui permettraient de décider d'engager ou non une action, et en disposera encore moins du fait de sa position de subordination à l’employeur. La procédure préalable répond à cette situation par trois phases : la phase d’investigation préliminaire, la phase d’instruction et la phase contradictoire. Le rôle de la HALDE est donc de garantir l’égalité des armes en facilitant la recherche des preuves. Ce pouvoir d’être entendue devant les juridictions contribue autant que ses autres missions à son efficacité en matière de discrimination (E. Severin et T. Grumbach, Le statut procédural de la HALDE devant les juridictions civiles après l’arrêt de la chambre sociale du 20 juin 2010 : ni juge, ni partie mais représentante de l’intérêt public, Revue du droit du travail, 2010, p. 457).

Pour conclure, nous constatons que les deux institutions sont loin de se conformer aux exigences européennes en matière de lutte contre les discriminations. L’ADS dispose d’un pouvoir trop limité, contrairement à la HALDE. La Haute autorité est une institution gagnant de plus en plus d’importance au fil des années, cela explique la volonté du gouvernement de limiter son action en la rattachant par exemple à l’institution du « Défenseur des droits ». La HALDE est-elle victime de son succès ? (L’Humanité, « La HALDE victime de son succès », 6 mars 2010, T. Ducloux). La crainte du gouvernement et des entreprises à son égard de par l’accroissement de son pouvoir et la dénonciation de certaines de leurs pratiques marquera-t-elle la fin de cette institution ? La HALDE a-t-elle trop de pouvoir ? Bibliographie : 1) Sources allemandes : • Ouvrages généraux : - Bauer/ Göpfert/ Krieger, Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz, Kommentar, 2008 - Daübler/Bertzbach, Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz, Handkommentar, 2. Auflage, 2008 - Meinel/ Heyn/ Herms, Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz, Kommentar, 2007 - Rudolf/ Mahlmann, Gleichbehandlungsrecht, 2007 - Rühl/ Viethen/ Schmid, Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz, 2007 - Rust/Falke, Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz mit weiterführenden Vorschriften, Kommentar, 2007 - Schleusener/ Suckow/ Voigt, AGG, Kommentar zum Allgemeinen Gleichbehandlungsgesetz, 2008 - Wendeling - Schröder/ Stein, Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz, Kommentar, 2008 2) Sources françaises : • Revues : - T. Grumbach et E. Severin, Le statut procédural de la HALDE devant les juridictions civiles après l’arrêt de la chambre sociale du 20 juin 2010 : ni juge, ni partie mais représentante de l’intérêt public, Revue du droit du travail, 2010, p. 457 - V. Nioré, La HALDE : ni partie ni témoin. La recherche de son statut dans le procès pénal, Gazette du Palais, 29 septembre 2007, n°272, p. 2 - H. Patrick, La HALDE dans le débat judiciaire : une « intervention » qui suscite bien des questions, Les petites affiches, 9 juillet 2008, n°137, p. 10 - L. Perrin, Conformité de l’audition de la HALDE aux exigences du procès équitable, Dalloz actualité 22 juin 2010 - S. Petit, La HALDE a-t-elle sa place devant les juridictions ?, Dalloz 2008, p. 1519 - T. Sagardoytho, Le droit pénal de la discrimination, un droit à construire, AJ pénal 2008, p. 313 - J.-E. Schoettl, La loi pour l’égalité des chances devant le Conseil Constitutionnel, Petites affiches, 6 avril 2006, n°69, p. 3 • Ouvrage spécialisé : - HALDE : actions, limites et enjeux/ journée d’études internationale co-organisée par la Halde, le Centre d’études et de recherches de science administrative, le Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux, sous la direction de D. Borrillo, Collection « La documentation française », Paris 2007 - M.-T., Lanquetin, Discrimination, Répertoire de droit du travail, Chapitre 2 Section 8, janvier 2010 • Textes officiels : - articles 8 bis de la directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail - article 13 de la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique - Délibération n°2007-370 du 17 décembre 2007 de la HALDE - Loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité - Loi n°2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, titre III, section 2, « Renforcement des pouvoirs de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et diverses dispositions relatives à l'égalité » - Rapport annuel 2009 de la HALDE paru le 5 mars 2010 - Rapport d'information n° 252 (2007-2008) de Mme C. HUMMEL, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le projet de loi n° 241 (2007-2008) portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, déposé le 1er avril 2008 (http://www.senat.fr/rap/r07-252/r07-252_mono.html ) - Rapport n° 695 de Mme I. VASSEUR, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi n° 514 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 février 2008 (http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rapports/r0695.pdf) • Articles de journaux : - L’Humanité, « La HALDE victime de son succès », 6 mars 2010, T. Ducloux - Le monde, « Une hausse de 21% des réclamations à la Halde en 2009 », 5 mars 2010, AFP/ M. Daniau - Le monde « L’avenir de la HALDE n’est pas politiquement tranché », A. Leparmentier, le 5 mars 2010 - Le monde « La Halde a réussi à s’imposer comme vigie de la lutte antidiscriminations » du 5 mars 2010 par L. Bronner et L. Van Eeckhout 3) Sites internet : - Site officiel de l’ADS : http://www.antidiskriminierungsstelle.de - Site officiel de la HALDE : http://www.halde.fr - Site de l’Advd : http://www.antidiskriminierung.org - Site d’SOS Racisme : http://www.sos-racisme.org