Quand le suicide est qualifié d’accident du travail par les juges espagnols : commentaire de la décision du Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne du 30 mai 2001, par Marie Lécole

     Depuis une dizaine d’années on assiste, en France comme en Espagne, à une flexibilisation du concept d'accident du travail, les juges ayant aujourd'hui tendance à accepter de qualifier un suicide lié au travail d'accident du travail. Ceci répond aux réelles préoccupations de la société quant au stress et aux mauvaises conditions de travail, débat ayant pour origine le numéro croissant de suicides d’employés de grandes entreprises. Et dans ce domaine, la France détient les plus tristes records avec, on s'en souvient, l'affaire Renault ou bien encore l'affaire France Telecom, entreprise dont pas moins de 29 salariés se sont donné la mort durant le seul été 2009. Coïncidences? Probablement pas.

Ainsi, le 13 avril 2009, le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) de Tours a rendu un jugement estimant que le suicide d’un technicien employé d'une centrale nucléaire d’EDF était du à ses conditions de travail, ceci en reconnaissant la dépression l'ayant poussé au suicide comme maladie professionnelle. Exemple parmi d'autres, le 9 juin 2011, la Cour d'Appel de Versailles a reconnu comme accident du travail le suicide d'un technicien de l'entreprise Renault, conséquence d’un stress professionnel intense.

Quant à l'Espagne, elle n'est pas en reste, les juges espagnols ayant eux aussi passé le pas de la qualification d'accident du travail pour un suicide, la décision du Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne que nous allons commenter a d'ailleurs été pionnière en la matière.

     Cette décision du Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne en date du 30 mai 2001 est une des premières en Espagne à considérer le suicide d’un salarié comme un accident du travail. Le principal problème rencontré ici étant celui de la qualification du suicide, acte qui a la particularité d’être volontaire. Alors, comment le qualifier " d'accident " ?

Confrontés à cette question, le Tribunal Espagnol a jugé bon de qualifier, non pas le suicide en lui-même, sinon la maladie - dépression - à l'origine du suicide. Reste ensuite à déterminer si cette maladie est qualifiable d'accident du travail, auquel cas le suicide l'est aussi indirectement.

Les conséquences d'une telle qualification sont, pour la famille de la victime, d'ordre symbolique mais aussi économique, puisqu'il s'agit d'une question d'indemnités. D'un point de vue juridique, cela consacre la nécessaire reconnaissance par le droit des conséquences du stress et des mauvaises conditions de travail pour les travailleurs.

Pour parvenir à qualifier le suicide d'accident du travail, les juges du Tribunal Catalan ont du surmonter quelques difficultés liées au caractère volontaire du suicide, à l'application de la présomption légale d'imputabilité de l'accident au travail, ou bien encore à la preuve du lien de causalité entre suicide, maladie et travail.

Dans les faits, le salarié, qu'on appellera M.X, travaillait depuis plus de trente ans en tant que cadre dirigeant pour son entreprise, lorsqu'en 1996 celle-ci a décidé de procéder à une restructuration du travail. M.X s'est ainsi trouvé réaffecté à un nouveau poste consistant à contrôler une seule et unique machine, dont le fonctionnement lui était inconnu. Il a dès lors non seulement perdu toutes les responsabilités liées à son ancien poste, mais de surcroît ce sont les salariés autrefois sous ses ordres qui se sont trouvés chargés de lui expliquer le fonctionnement de ladite nouvelle machine.
M.X a alors commencé à déclarer divers symptômes: anxiété, perte de poids, insomnie, chutes de tension, déprime. Deux ans plus tard, il est mis en congé maladie. Il se suicide quelques mois après.
Sa veuve réclame la pension qui lui est due au titre de ce qu'elle estime être un accident du travail.


En première instance, il est fait droit à la demande de la veuve et le suicide déclaré résultat de la dépression dont souffrait son mari, dépression elle-même causée par sa nouvelle situation de travail au sein de l'entreprise, une telle relation de cause à effet permettant de qualifier le suicide d'accident du travail.
La mutuelle présente un recours devant le Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne, arguant que ladite dépression est une maladie non professionnelle et donc n'ayant rien à voir avec le travail, mais surtout que l'écoulement d'un laps de temps de deux ans entre le changement de poste effectif et l'acte suicidaire démontre l'absence de tout lien de causalité.


Le texte applicable à l'espèce et sur lequel va se baser le Tribunal Catalan pour dicter sa sentence est la Ley General de la Seguridad Social, actualisée en 1994 par le Real Decreto 1/1194, et dont les articles 115 et 116 disposent :

       Article 115. Concept d’accident du travail
   
1.    On entend par accident du travail toute lésion corporelle subie par le travailleur à l’occasion ou comme conséquence du travail salarié qu’il exécute.

2.    Seront qualifiés d’accident du travail :
a.    Ceux subis par le travailleur sur le trajet habituel entre son domicile et son lieu de travail.
b.    Ceux subis par le travailleur à l’occasion ou comme conséquence de
de charges électives de caractère syndical, tout comme les accidents survenus sur le trajet jusqu'au lieu où doivent être exécutées les fonctions propres auxdites charges.
c.    Ceux survenus à l’occasion ou comme conséquence de l’exécution des tâches qui, bien qu’elles ne correspondent pas à sa catégorie professionnelle, ont été exécuté par le travailleur soit sur ordre de l’employeur, soit spontanément dans l’intérêt du bon fonctionnement de l’entreprise.
d.    Ceux survenus lors d'actes de secours ou de nature analogue, quand ceux-ci ont un lien avec le travail.
e.    Les maladies, non incluses dans l’article suivant (article 116), contractées par le travailleur lors de la réalisation de son travail, s’il est prouvé que ladite maladie a pour cause exclusive l’exécution de ce travail.

3.    Sauf preuve du contraire, seront présumées être des accidents du travail les lésions subies par le travailleur sur son lieu de travail et durant son temps de travail.

4.    Toutefois, ne seront pas considérés accidents du travail :
a.    Ceux dus à un cas de force majeur extérieure au travail, c'est-à-dire de telle nature qu'elle ne puisse avoir aucun lien avec le travail en cours d'exécution au moment où est survenu l'accident.
En aucun cas ne sera considéré comme force majeure extérieure au travail l’insolation, le foudroiement ou tout autre phénomène naturel similaire.
b.    Ceux dus au dol ou à l’imprudence du travailleur blessé.

       Article 116. Concept de maladie professionnelle

Il faut entendre par maladie professionnelle celle contractée comme conséquence de l'exécution du travail salarié, c'est-à-dire des activités spécifiées dans le cadre approuvé par les dispositions de cette loi, et provoquée par l'action des éléments ou substances indiquées dans ce cadre pour chaque maladie professionnelle.


 


Il est à noter que l’article 115.3 consacre la « presunción de laboralidad », connue en France sous le nom de présomption d’imputabilité de l’accident au travail, laquelle s'applique lorsque l’accident se produit sur le lieu de travail et durant les horaires de travail. Un tel accident sera donc réputé d'origine professionnelle et il reviendra à la partie adverse d'effacer la présomption en prouvant l’absence de lien entre le travail et l’accident.
 
La solution rendue par le Tribunal sur la base de cette législation tient en quelques lignes : "Il résulte de tout ceci que le décès du travailleur a été la conséquence directe de la grave dépression dont il souffrait, laquelle a eu pour origine la décision de l'entreprise de le changer de poste de travail, le lien de causalité entre maladie (et suicide) et travail est donc pleinement établi, la Mutuelle n'ayant par ailleurs apporté aucune preuve contraire."

Nous savons donc d'ores et déjà que le Tribunal Supérieur de Justice a rendu une décision favorable à la veuve en qualifiant la maladie et le suicide d'accident du travail. Nous allons maintenant voir comment le raisonnement des juges leur a permis de surmonter les obstacles liés au cas bien particulier du suicide.

 

De la possibilité de qualifier le suicide d'accident du travail

Au premier abord, il semble logique de ne pas considérer un suicide comme un accident, le fait de se donner volontairement la mort ne revêtant a priori pas de caractère accidentel.

Juridiquement parlant toutefois, pour déterminer si le suicide peut entrer dans la catégorie des accidents du travail, il convient de se référer aux dispositions légales de l'article 115 de la Ley General de la Seguridad Social  (LGSS) qui pourraient se voir appliquer dans le cas d'un suicide, en particulier celles qui pourraient exclure le suicide des accidents du travail :

 « 4.    Toutefois, ne seront pas considérés accidents du travail :
a.    Ceux dus à un cas de force majeur extérieure au travail, c'est-à-dire de telle nature qu'elle ne puisse avoir aucun lien avec le travail en cours d'exécution au moment où est survenu l'accident.
En aucun cas ne sera considéré comme force majeure extérieure au travail l’insolation, le foudroiement ou tout autre phénomène naturel similaire.
b.    Ceux dus au dol ou à l’imprudence du travailleur blessé. »

Si aucune disposition n'évoque directement le suicide, l'article 115.4.b exclus cependant de la catégorie accident du travail ceux dus au dol ou à l'imprudence du travailleur concerné. La finalité de cet article serait-elle donc d'exclure les actes dus à la volonté du travailleur, ou seulement les actes non totalement accidentels ?

Si l'on s'en tient à la lettre de l'article, il faut pour pouvoir exclure le suicide le faire rentrer dans l'une des deux catégories, dol ou imprudence. Le dol consistant en des agissements frauduleux pour tromper ou nuire, un suicide pourrait difficilement être considéré comme tel. Quant à qualifier un suicide d'imprudence, cela semble tout aussi peu probable.

Si le cas du suicide n'est pas légalement prévu, la loi prend cependant en compte les maladies, or on sait que c'est une dépression qui a probablement été, dans cette affaire, la cause du suicide.

Quel a donc été le raisonnement suivi par les juges quant à la qualification du suicide? Ils ne se sont pas contentés de qualifier directement le suicide d'accident du travail, mais se sont d'abord intéressés à la question de la dépression du salarié, en partant du principe que cette dépression était la cause du suicide.

Restait donc à qualifier la dépression d’accident du travail. Pour cela, les juges ont utilisé l’article 115.2.e et appliqué la présomption d'imputabilité prévue par celui-ci, comme nous le verrons ci-après.
 
Toujours est-il qu'en réussissant à qualifier la dépression d’accident du travail car due au changement de poste de travail, et en établissant le lien direct entre la maladie et le suicide, les juges en sont arrivés à considérer le suicide comme un accident du travail.
Ceci n'est toutefois que l'une des solutions possibles, l'un des juges, ne partageant pas l'avis ni le raisonnement de ses confrères, ayant exprimé sa position personnelle tout aussi valable juridiquement parlant, par un "vote particulier" dans lequel il souligne un point important.
Il considère ainsi que l’article 115.4.b de la LGSS, en excluant les actes dus au dol ou à l'imprudence du travailleur, exclus de manière évidente l'acte de suicide. Mais il ne nous dit malheureusement pas dans laquelle des deux catégories prévues par la loi il classerait le suicide : s'agirait-il selon lui d'un dol ou d'une imprudence? Son raisonnement est en fait plus simple et se base davantage sur l'esprit de la loi que sur la lettre : l'article 115.4.b écarte selon lui la qualification d'accident du travail pour les actes imputables au travailleur, ou tout du moins, pas totalement accidentels. C’est le cas du suicide, donc le suicide ne peut être qualifié d'accident du travail, que ce soit directement ou indirectement.

Ce qu'il faut retenir de ce vote particulier qui ne remet pas en cause la décision finale, c'est qu'il existe un certain vide juridique quant à la relation suicide et accident du travail, la loi ne disposant explicitement rien à ce sujet, et l'article 115.4.b utilisé par défaut laissant planer le doute.

Qu’en est-il en France ? Un suicide peut-il être qualifié d’accident du travail malgré son caractère intentionnel ?

D’après la décision rendue par la Cour d’Appel de Riom le 22 février 2000, affaire dans laquelle un salarié s’était donné la mort sur son lieu de travail à la suite d’une dépression causé par celui-ci, il semblerait que oui. La Cour déclare en effet que « l’altération de l’état psychologique du salarié conduit à écarter, et tout du moins à atténuer sensiblement le caractère volontaire et réfléchi de l’acte suicidaire, qui dès lors ne peut plus être considéré comme une faute intentionnelle de la victime au sens de l’article L453-1 du Code de la Sécurité sociale. Le juge refusant donc en l’espèce d’appliquer au suicide ledit article, lequel dispose : « Ne donne lieu à aucune prestation ou indemnité l’accident résultant de la faute intentionnelle de la victime ».

 

De l'application de la présomption d'imputabilité

 « 3.    Sauf preuve du contraire, seront présumées être des accidents du travail les lésions subies par le travailleur sur son lieu de travail et durant son temps de travail. »
 
La présomption d’imputabilité de l’accident au travail prévue par l’article 115.3 pour les accidents survenus sur le lieu de travail et durant les horaires de travail ne s’applique pas dans le cas présent au suicide en lui-même, le travailleur s’étant donné la mort chez lui.

En revanche, cette présomption va pouvoir s’appliquer à la cause du suicide : la dépression. En effet, le Tribunal va considérer qu'une telle dépression s'apparente à un accident du travail, ceci à la lumière de l'interprétation faite depuis 1985 par le Tribunal Supremo et réitérée dans sa décision du 23 janvier 1998, laquelle dispose : " La présomption d'imputabilité de l'article 115.3 de la Ley General de la Seguridad Social doit s'appliquer non seulement aux accidents du travail au sens strict en tant que lésions causées par l'action subite et violente d'un agent extérieur, mais aussi aux maladies ou altérations du processus vital pouvant surgir de par le travail, causées par des agents pathologiques internes ou externes."

Le Tribunal va donc décider sur la base de cette interprétation que la dépression dont souffrait M.X est qualifiable d’accident du travail parce que, bien qu’elle ne consiste pas en une lésion causée soudainement sur le lieu de travail, elle a pour origine le travail. Cependant, comme il s'agit d'une maladie non incluse dans la liste des maladies professionnelles prévues par l'article 116, sa qualification d'accident du travail emporte une condition : que la maladie ait pour cause exclusive le travail.

La présomption d’imputabilité de l’accident au travail existe également en France, et est appliquée et applicable de la même façon qu’en Espagne, c’est-à-dire pour tout accident – et donc suicide - survenu durant les heures et sur le lieu de travail. La présomption peut toutefois être écartée, mais seulement s’il est prouvé que la cause du suicide est totalement étrangère au travail (Cour de Cassation, arrêt du 21 septembre 2004).


Le fait que le suicide n’ait pas lieu sur le lieu de travail, comme c’est le cas en l’espèce, n’empêchera pas sa qualification d’accident du travail par le juge français : mais la présomption d’imputabilité ne s’appliquant pas, il faudra alors prouver le lien entre suicide et travail, ce lien prenant souvent la forme d’une dépression qui, causée par le travail, est elle-même la cause du geste suicidaire.

 

De l'exclusive imputabilité du suicide au travail

Autrement dit, pour être fidèle au raisonnement suivi par les juges : la dépression ayant conduit le salarié au suicide a-t-elle pour cause exclusive le travail, en l’espèce le changement de poste décidé par l’entreprise ?

L'exclusivité est une des conditions requises par l'article 115.2.e de la Ley General de la Seguridad Social, lequel dispose :" Les maladies, non incluses dans l’article suivant (article 116), contractées par le travailleur lors de la réalisation de son travail, s’il est prouvé que ladite maladie a pour cause exclusive l’exécution de ce travail."
 
Une jurisprudence antérieure du même Tribunal Catalan en date du 3 novembre 2000 avait ainsi refusé de qualifier une dépression (cause d’un suicide) d’accident du travail sous prétexte que le travail n’en était pas la cause exclusive, ayant été démontré l'existence d'une autre cause : le stress occasionné par le mode de vie du travailleur, lequel avait de plus pour trait de personnalité une certaine tendance à la dépression.

Qu'en est-il en l'espèce? Précisons tout d'abord que le juge auteur du vote particulier a soulevé dans celui-ci un second point de désaccord, concernant cette fois la cause exclusive. Selon lui, dans cette affaire l'existence d'une telle cause exclusive n'est pas prouvée car, même s'il reconnaît l'existence d'un lien entre la dépression et le travail, il lui semble que cette cause n'a pas pu à elle seule provoquer le suicide du salarié.

Toutefois, la détermination du caractère exclusif de la cause relève de l'estimation souveraine du ou des juges et, en l'occurrence, la majorité des juges à l'affaire ont estimé à bon droit que la dépression était exclusivement due au travail. Ceci en se basant notamment sur le rapport médical d'un psychologue datant de deux mois avant le suicide, et selon lequel M.X considérait son nouveau poste comme "végétatif", situation difficile à vivre en comparaison avec son ancien poste qui lui conférait des responsabilités et une certaine reconnaissance professionnelle. Après trente ans à travailler dans cette entreprise, il s'est senti mis à l'écart, rabaissé, indésirable. Il pensait même que "l'entreprise cherchait à lui faire prendre sa retraite anticipée". Il refusait toutefois de "se confronter à l'entreprise, parce que ses deux filles y travaillaient aussi et il ne voulait pas nuire à leur carrière". Il se sentait donc piégé dans une situation à laquelle il ne voyait aucune alternative possible.

On remarquera enfin que le Tribunal écarte le moyen soulevé par la Mutuelle, en ne tenant aucunement compte des deux ans écoulés entre le changement de poste et le suicide pour déterminer l'exclusivité de la cause.
 

Si les juges espagnols recherchent l’exclusivité de la cause, il semble en revanche que la jurisprudence française n’ait pas retenu la condition d’exclusive imputabilité de l’accident (ou de la maladie) au travail. En effet, semble suffire la preuve d’un lien réel entre l’accident et le travail, et ceci que la présomption d’imputabilité s’applique ou non :

Lorsque la présomption d’imputabilité s’applique, elle ne pourra être écartée qu’en cas de cause totalement étrangère au travail, d’après la jurisprudence constante que reprend la Charte « Acte suicidaire et accident du travail » de la Sécurité sociale (2.1.).

Lorsque la présomption d’imputabilité ne s’applique pas, toujours d’après la Charte, « La victime ou les ayants droit doivent apporter la preuve du lien entre les lésions et le travail », « La caisse doit avoir la certitude que les conditions de travail sont directement à l’origine de l’acte », il faut à la caisse apprécier les « moyens de preuve destinés à établir que l’acte suicidaire est survenu par le fait du travail ». Il n’est aucunement fait allusion à l’exclusivité, la preuve d’un lien de causalité direct est suffisante.

 

 

     On retiendra de cette décision du Tribunal espagnol qu'un suicide peut recevoir la qualification d'accident du travail si la dépression qui en est l'origine est également qualifiée d'accident du travail, et qu'elle a pour cause exclusive le travail.
On assiste donc en Espagne comme en France à une flexibilisation du concept d’accident du travail, puisque désormais un acte volontaire et non accidentel comme le suicide peut être qualifié de tel.Cette nouvelle conception ne rallie toutefois pas encore toutes les consciences en Espagne, preuve en est la différence d’opinion entre les différents juges de cette même affaire.

De plus, quand bien même la qualification d'accident du travail n'est pas écartée d'office par le juge à cause du caractère volontaire du suicide, il reste à prouver que le travail est bien la cause exclusive de la dépression et donc du suicide du travailleur, sachant qu'il faut pour cela apporter la preuve qu'aucune autre cause extérieure au travail ne pourrait avoir influé sur la maladie la décision du salarié de mettre fin à ses jours, comme des problèmes financiers ou familiaux (jurisprudence du Tribunal Supérieur de Justice d'Extrémadure du 14 décembre 2010). Ceci pour l’Espagne, la France ayant une position légèrement plus souple lorsqu’il s’agit de qualifier un suicide d’accident du travail, comme le prouve la Charte mise au point par la Sécurité sociale.

Il nous faut donc retenir que la qualification du suicide en accident du travail opérée ici par le Tribunal Catalan n'est pas la consécration d'une règle générale mais plutôt le résultat de l'estimation d'un cas concret, comme prend soin de le rappeler le Tribunal dans sa sentence du 30 mai : "Pour déterminer qu'une situation de dépression a pour origine une situation de travail particulière, il est nécessaire de procéder à une détermination propre à chaque cas concret et, pour cela, d'analyser toutes les circonstances concurrentes qui ont pu déclencher la maladie du travailleur et a posteriori le pousser au suicide."
En la matière, le principe du cas par cas reste donc de rigueur.

 

 

            Bibliographie
 


Textes légaux :


- Ley General de la Seguridad Social
- Code de la Sécurité Sociale

- Charte de la Sécurité Sociale relative aux accidents du travail et maladies professionnelles : « Acte suicidaire et accident du travail »

 

Doctrine :

- El suicidio en tiempo y lugar de trabajo: ¿aplicabilidad de la presunción prevista en el artículo 115.3 de la LGSS? Comentario de a la STS de 25 de septiembre de 2007, Manuel Luque Parra
- Accidente de trabajo y sistema de prestación, María José Romero Ródenas, Estudios Bomarzo
 


Jurisprudence :

-    Décision du Tribunal Superior de Justicia de Cataluña du 30 mai 2001 (STSJ CAT 6643/2001)
-    Décision du Tribunal Supremo du 23 janvier 1998 (STS 344/1998)
-    Décision du Tribunal Superior de Justicia de Extremadura du 14 décembre 2010

-    Décision de la Cour de Cassation du 22 février 2007, chambre civile, pourvoi n° 05-13.771

-    Décision de la Cour d’Appel de Riom, chambre sociale, du 22 février 2000

 

Sites Internet :

- http://www.poderjudicial.es/
- http://www.courdecassation.fr/