Disponibilité de la preuve et répartition de la charge de la preuve : une mise en perspective à partir du droit allemand - par Raphaël Callsen
Ce billet se propose d’approfondir et de préciser le rôle qui peut revenir à l’idée de la disponibilité ou proximité de la preuve dans la répartition de la charge de la preuve et de la charge de l’allégation. En cela, il prolonge les réflexions présentées dans un précédent billet du 1er avril 2009 (« L’intégration des salariés à l’entreprise : sur qui pèse la charge de la preuve ? »), où il a été question du modèle dit de la charge de l’allégation et de la preuve échelonnée en droit allemand (abgestufte Darlegungs- und Beweislast) auquel il est fait recours pour la preuve de faits qui devraient être prouvés par le salarié bien qu’ils se trouvent dans la sphère de l’employeur.
De manière générale, l’aspect de la proximité ou disponibilité de la preuve est discuté dans la situation suivante : la preuve d’un fait incombe, d’après les règles générales de la charge de la preuve, à une partie au litige mais cela lui est extrêmement difficile voire impossible d'y parvenir parce que les éléments nécessaires pour ce faire se trouvent en possession de l’autre partie qui peut les produire plus facilement.
La question est alors de savoir comment le juge allemand et le juge français réagissent à une telle situation, de quels instruments ils disposent. Les procédures civiles allemandes et françaises ne sont, en principe, pas diamétralement opposés. On constate plutôt des éléments communs, ce qui est en partie dû à l’introduction, en France, du « Nouveau » Code de procédure civile à partir de 1975. Car les principes directeurs du procès civil ont été fortement influencés par Henri Motulsky, lui-même imprégné par la doctrine allemande (Martin, RTD Civ. 1994, p. 557, 558). Or, en détail des différences existent. Bien que mineures, elles orientent l’action des tribunaux et les analyses doctrinales dans des directions différentes. Car le juge et l’interprète partent bien sûr du droit positif, du libellé des textes existants, et des concepts, structures et catégories traditionnels.
Nous constaterons d’emblée que la prise en compte de l’aspect de la proximité ou de la disponibilité de la preuve dans les règles sur la charge de la preuve et de l’allégation joue un rôle important dans le discours juridique allemand. Tribunaux et doctrine allemande l’appréhendent en faisant référence à des « sphères d’influence et de responsabilité » (Gefahrenbereich). En France, cet aspect ne paraît pas recevoir un traitement si explicite. Bien qu’un nombre considérable de règles légales et aménagements jurisprudentiels soient interprétés comme prenant en compte « l’aptitude à la preuve » (cf. Jacotot, in : Dockès (dir.), Au cœur des combats juridiques, p. 277, spéc. pp. 279 sq.), l’aspect de la disponibilité/proximité de la preuve ne paraît pas avoir eu le même écho doctrinal qu'en Allemagne. Pour cette raison, la présentation suivante sera plus axée sur le droit allemand : Quelles techniques mobilise-t-il pour réagir au problème de l’indisponibilité de la preuve ?
Cette question sera abordée à travers une décision du tribunal administratif supérieur de Berlin-Brandebourg du 29 janvier 2009 qui illustre la prise en compte de la proximité de la preuve dans l’attribution du risque de la preuve (II). Le choix de cet exemple impose auparavant une clarification terminologique (I). Ensuite, l’aspect attribution du risque de la preuve sera situé parmi les différentes solutions imaginables au problème de l’indisponibilité de la preuve, pour lequel on peut distinguer au moins cinq éléments de réponse (III). Seront alors étudiées les solutions en vigueur en Allemagne : d’abord la proximité de la preuve dans la répartition du risque de la preuve (IV) et ensuite les influences du même aspect sur la charge de l’allégation (V). Enfin, ces solutions seront comparées avec celles du droit français (VI).
I. Clarifications terminologiques
D’un côté, il faut distinguer charge de la preuve et charge de l’allégation, comme le font en France les articles 6 et 9 CPC. De l’autre côté, il y a lieu de distinguer clairement avec la doctrine allemande la charge de preuve objective de la charge de la preuve subjective (voir pour ces délimitations et autres précisions terminologiques Laumen, NJW 2002, p. 3739 sous III) .
La charge de la preuve objective ou matérielle (objektive oder materielle Beweislast, Feststellungslast), détermine qui supporte le risque que la preuve d’un élément de fait déterminant pour la décision ne peut être rapportée. La dénomination « risque de la preuve » (Beweisrisiko) se révèle à cet égard plus précise. Car la partie sur laquelle pèse la charge de la preuve objective perd le procès si le fait en cause n’est pas établi. Il ne s’agit à strictement parler pas d’une charge des parties au litige car son effet prend place indépendamment de toute action des parties lorsque le juge n’est pas convaincu de l’existence d’un fait. Elle intervient par conséquent après le processus d’administration de la preuve, une fois tous les moyens de preuve disponibles épuisés, lorsque le juge prend sa décision au vu des éléments de preuve présentés et de l'appréciation qu'il aura portée sur eux (cf. Prütting, in : Münchener Kommentar zur ZPO, 3. Aufl. 2008, § 286 n° 93-97, 100-102 ; Laumen, NJW 2002, p. 3739, spéc. p. 3741)
La charge de la preuve subjective ou formelle (subjektive oder formelle Beweislast), est également appelée – de manière plus précise – charge de la production des preuves (Beweisführungslast). Elle détermine quelle partie doit proposer et, le cas échéant, produire un certain moyen de preuve à un moment précis dans le procès. Au début du procès, la charge de la production des preuves est identique à la charge de la preuve objective. Mais au fur et à mesure de l’avancement du procès et que le juge se montre convaincu de l’existence de tel ou tel élément de fait, elle repose sur l’une ou l’autre partie, l’obligeant à agir afin d’ébranler la conviction naissante du juge à peine de se voir condamnée si elle n’y arrivé pas (Prütting, in : Münchener Kommentar zur ZPO, 3. Aufl. 2008, § 286 n° 98 s. ; Laumen, NJW 2002, p. 3739, spéc. p. 3742)
Bref, la première est une règle qui s’applique en cas de doute non éclairci sur l’existence d’un fait. La seconde, décrit le déroulement (théorique) de l’administration de la preuve ; elle est pour ainsi dire la lumière du projecteur qui se pose à tour de rôle sur l’un et l’autre protagoniste. Tandis que la première a vocation à s’appliquer dans tout type de procédure, procédures régies par le principe dispositif ou inquisitoires (sauf la procédure pénale) (Prütting, in : Münchener Kommentar zur ZPO, 3. Aufl. 2008, § 286 n° 95), la seconde ne peut trouver application que dans les procédures régies par le principe dispositif. Cette distinction facilitera la compréhension de la décision qui suit.
II. La décision du tribunal administratif supérieur Berlin-Brandebourg
Le Tribunal administratif supérieur des länder Berlin et Brandebourg – qui correspond à peu près à une Cour administrative d’appel – a rendu le 29 janvier 2009 une décision n° 2 B 11.08 relative à la loi allemande relative au séjour des étrangers (Aufenthaltsgesetz). Elle concerne le risque de la preuve non rapportée d’un élément nécessaire pour la délivrance d’un permis de séjour.
1. Le problème En l’espèce, un ressortissant pakistanais s’était marié avec une allemande au Pakistan et demanda ensuite un permis de séjour en Allemagne au motif du regroupement familial. Les autorités allemandes refusèrent de délivrer ce permis de séjour ; le tribunal administratif rejeta le recours en première instance. Enfin, le tribunal administratif supérieur confirma cette décision.
Les tribunaux étaient confrontées à un problème de fait. Toutes les mesures d’instruction n’avaient pas pu éclairer les circonstances et raisons du mariage. Un certain nombre d’éléments laissaient douter de l’existence d’une volonté de mener une vie commune. Mais malgré ces doutes il n’était pas non plus avéré qu’il s’agissait d’un mariage blanc. Par conséquent, un refus fondé sur cette dernière raison était exclu. Il se posait alors la question de savoir quelle conséquence tirer du fait que la volonté de mener une vie commune n’était pas non plus établie.
L’article 27, alinéa premier, de la loi allemande relative au séjour des étrangers prévoit l’obligation de délivrer un permis de séjour afin de rendre possible une vie commune dans le territoire fédéral au motif de la protection constitutionnelle du mariage et de la famille (art. 6 de la Loi Fondamentale). Cela suppose, selon la jurisprudence, une volonté de mener une vie commune. En 2007, un nouvel alinéa (1a) a été introduit dans le cadre de la transposition de la directive communautaire 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial. Il fait obligation à l’administration de refuser le permis de séjour lorsqu’il est avéré qu’il s’agit d’un mariage simulé.
Dans le passé, la jurisprudence avait fait peser, en application des règles générales – la volonté de mener une vie commune étant le fait générateur du droit au permis de séjour –, la charge de la preuve objective sur le demandeur. Mais à cause de l’insertion du nouvel alinéa 1a, des voix doctrinales et jurisprudentielles s’étaient élevées contre la répartition traditionnelle de la charge de la preuve. Selon elles, un refus ne pourrait dorénavant seulement être fondé sur un manque de volonté caractérisé tel qu’il serait constitutif d’un mariage blanc.
2. Les arguments du tribunal Le tribunal administratif supérieur dut alors répondre à ces critiques, mais il revient à la fin à la solution traditionnelle de faire peser le risque de la preuve sur le demandeur.
En premier lieu, l’arrêt se base sur une interprétation de l’article en cause pour retenir ce résultat en mobilisant toutes les méthodes reconnues d’interprétation. Selon le tribunal, ni le libellé de l’alinéa nouvellement introduit (interprétation littérale), ni sa situation au sein du texte de loi (interprétation systématique) ne justifiaient une modification du risque de la preuve relative à l’élément de volonté contenu dans l’alinéa précédent. Ce résultat serait confirmé, selon le tribunal, dans le cadre d’une interprétation historique par les travaux préparatoires, notamment dans le contexte de la transposition de la directive communautaire sur le regroupement familial et des réponses du gouvernement à des questions parlementaires. L’interprétation téléologique montrerait ensuite que l’objectif poursuivi par l’introduction du nouvel alinéa était d’éviter des mariages blancs. Cet objectif ne serait pas servi par un allègement de la charge de la preuve pour le demandeur (points 39-47 de l’arrêt).
Enfin, le tribunal se réfère à l’idée de la répartition du risque de la preuve selon la sphère d’influence et de responsabilité et la proximité de la preuve afin de valider le résultat de son interprétation. Selon la juridiction, les faits seraient à prouver par celui dans la sphère d’influence duquel elles se déroulent. La volonté de mener une vie commune se déduirait des circonstances dans lesquelles les futurs époux se sont rencontrés, de leur motivation de vouloir se marier et des projets qu’ils avaient. Tous ces éléments relèvent de la vie privée des époux. La charge de la preuve incomberait donc à l’époux étranger. Le tribunal admet que l’idée de sphères peut entrer en contradiction avec la protection constitutionnelle du mariage et de la famille qui exige que, en principe, la volonté de mener une vie commune soit présumée. Mais à la fin il estime que les éléments laissant penser à un mariage simulé excluaient tout privilège (point 48 de l’arrêt).
Pour ces raisons, le tribunal conclut que le demandeur doit supporter le risque de la preuve et le déboute de sa demande. Cet arrêt appelle trois commentaires.
3. Commentaires En premier lieu, l’arrêt illustre que le risque de ne pas pouvoir établir l’existence d’un fait avec une certitude suffisante pour entrainer la conviction du juge existe autant dans une procédure inquisitoire que dans une procédure régie par le principe dispositif. D’où la nécessité de prévoir là aussi qui doit supporter ce risque. Car le juge sera obligé de statuer afin de ne pas se rendre coupable d’un déni de justice.
En deuxième lieu, en procédant à une interprétation de la norme en cause afin de déterminer la répartition de la charge de la preuve, cet arrêt illustre l’application de la théorie dominante dite des normes. L’hypothèse de base de cette théorie est que le législateur tient compte de la répartition du risque de la preuve en formulant une norme. Par conséquent, la répartition du risque de la preuve peut être déduite, en premier lieu, du droit matériel par voie d’interprétation (v. en détail infra IV.2.b). En utilisant, de manière complémentaire, la théorie des sphères d’influence l’arrêt souligne le caractère secondaire de cette deuxième théorie.
En troisième lieu, l’arrêt donne une idée de l’insuffisance et de la dangerosité du critère de la proximité de la preuve. Dans certaines situations, ce critère peut renforcer la position procédurale de la partie supposée faible en matière de preuve. Ainsi par exemple lorsqu’un salarié est licencié et qu’il faut déterminer si les conditions d’application de la loi de protection contre le licenciement sont remplies: faire peser la charge de la preuve pleinement sur le salarié reviendrait, d’un côté, à méconnaître sa liberté professionnelle, garantie constitutionnellement par l’art. 12 al. 1 de la Loi Fondamentale. S’agissant en plus de faits qui sont contrôlés, administrés par l’employeur, tel que le nombre de salariés dans l’entreprise, l’aspect de la proximité de la preuve vient en appui de ce premier argument et aide à justifier l’aménagement de la charge de la preuve et de l’allégation en faveur du salarié, en obligeant l’employeur à contester de manière détaillée les allégations de ce premier (v. un précédent billet, préc.). Dans d’autres situations, par contre, comme celle à la base de l’arrêt présenté en haut, la proximité de la preuve se mue en un argument contre la partie supposée digne de protection. A priori, en raison de la protection constitutionnelle du mariage et de la famille, le demandeur devrait ici être privilégié en matière de preuve. Mais le fait qu’il est plus proche des faits à prouver vient détruire ce privilège. Cette démarche illustre en premier lieu que la proximité de la preuve n’est pas un critère à lui seul suffisant pour déterminer le risque de la preuve. En même temps, en absence de définition reconnue de ce qui constitue une sphère ou la proximité décisive, ce critère reste un instrument malléable aidant surtout à justifier le résultat voulu. En ce sens, à cause du manque de prévisibilité de son utilisation, ce critère peut être qualifié de dangereux.
Avant d’approfondir ces points qui touchent les relations entre proximité de la preuve et répartition du risque de la preuve, il convient d’explorer de manière générale les différentes possibilités qui existent afin de réagir au problème de l’indisponibilité de la preuve, notamment dans la procédure civile.
III. Cinq possibilités de remédier au problème de l’indisponibilité de la preuve
Primo, on pourrait autoriser une demande visant à obliger l’autre partie de s’expliquer globalement sur les éléments de preuve dont elle dispose (Beweisermittlungs- oder Ausforschungsantrag). Ceci n’est pas possible en droit allemand. Une demande adressée au juge d’ordonner la production de preuves ne peut concerner que des éléments de preuve précis, une demande trop générale étant irrecevable (Greger, in : Zöller, ZPO, 27. Aufl. 2009, vor § 284 n° 5). Ce problème est discuté en France dans le cadre de l’art. 11 al. 2 du Code de Procédure Civile (CPC) en ce qui concerne le degré de précision que doit avoir la requête d’une partie visant à faire ordonner la production de preuves détenues par l’autre partie ou un tiers (Wagner ZEuP 2001, p. 441, spéc. p. 468).
Secundo, on pourrait considérer qu’il existe une obligation procédurale d’information et de coopération en vertu de laquelle l’autre partie doit apporter les éléments de preuve dont elle dispose. Cette solution qui, en France, trouve une assise textuelle dans l’article 11 du CPC, est préconisée par une partie de la doctrine allemande (notamment par Stürner, Die Aufklärungspflicht der Parteien des Zivilprozesses, Tübingen : Mohr, 1976, ainsi que récemment, en s’appuyant sur une étude de droit comparé avec le droit français, par un disciple de Stürner: Adloff, Vorlagepflichten und Beweisvereitelung im deutschen und französischen Zivilprozess, Tübingen : Mohr Siebeck, 2007). Mais la jurisprudence a explicitement rejeté une telle obligation générale d’information et de coopération (Aufklärungspflicht) au motif qu'elle serait inconciliable avec le principe dispositif qui régit le procès civil et surtout qu'elle remettrait en cause le système différencié de la charge de la preuve et de l’allégation. Seul le droit matériel pouvant prévoir des droits d’information, il ne correspondrait pas à la fonction du droit procédural d’introduire une obligation générale d’information (BGH, 11.06.1990 – II ZR 159/89 – NJW 1990, 3151). La jurisprudence préfère une solution au sein du système existant.
Cela mène, tertio, à la possibilité d’aménager la charge de l’allégation de manière à tenir compte de la proximité de la preuve. Normalement, la partie sur laquelle ne pèse pas la charge de la preuve pour un élément pourra se borner à nier globalement son existence. Mais exceptionnellement, elle devra préciser pourquoi, selon elle, le fait en cause n’existe pas. Ceci permet à celui qui doit prouver de demander ensuite l’éclaircissement de ces points précis. Une illustration spécifique de cette technique est la charge de l’allégation et de la preuve échelonnée (préc.). En pratique, c’est la solution la plus utilisée par la jurisprudence allemande (cf. Prütting, in : Münchener Kommentar zur ZPO, 3. Aufl. 2008, § 286 n° 103 ; Greger, in : Zöller, ZPO, 27. Aufl. 2009, vor § 284 n° 34).
Quarto, cette troisième solution est à distinguer de la possibilité de tenir compte de la proximité de la preuve dans les règles sur la charge de la preuve, qu’il s’agisse de règles établies par le législateur ou d’un « renversement » de la charge de la preuve par la jurisprudence pour des situations spécifiques. Tandis que la solution précédente oblige la partie sur laquelle ne pèse pas la charge de la preuve à un comportement procédural, les règles de la charge de la preuve attribuent la répartition du risque de la preuve indépendamment du comportement des parties. Tandis que le procédé précédent vise à éviter un non lieu, un renversement de la charge de la preuve modifie les conséquences du non lieu. Il s’ensuit que cette solution est celle dont les conséquences sont les plus lourdes.
Quinto, la loi prévoit des sanctions à l'encontre de celui qui détruit ou soustrait des éléments de preuve qui se trouvent dans sa possession (Beweisvereitelung), par exemple dans les articles 371 al. 3, 427, 441 al. 3, 444 ou 446 ZPO. Dans ces cas le juge a le pouvoir de considérer la preuve comme administrée avec le contenu allégué. En France, un tel pouvoir est prévu, de manière beaucoup plus générale, à l’art. 11 al. 1 CPC (et pour un cas spécifique à l’art. 198 CPC). Selon cette norme, le juge peut tirer les conséquences qu’il souhaite du refus d’une partie à se prêter à une mesure d’instruction, y compris de considérer le fait contesté comme établi (v. Cass. Civ. 1ère, 13 octobre 1998, n° de pourvoi: 96-16876, Bull. I n° 295 p. 204). En Allemagne, la manière de procéder dans les cas qui ne sont pas explicitement réglés par la loi est controversée. La jurisprudence a utilisé pendant un certain temps une formule laissant penser que le juge pourrait aller jusqu’à renverser la charge de la preuve au bénéfice de la partie qui se voit empêchée d’accéder aux éléments de preuve nécessaires. Mais la Cour fédérale de justice a clarifié récemment qu’un renversement de la charge de la preuve ne peut être décidé que de manière générale et non pas au cas par cas (BGH, 17.12.1996 – XI ZR 41/96 – NJW-RR 1997, 892). Il s’ensuit que ce cinquième cas ne justifie pas de traitement à part en ce qui concerne la répartition de la charge de la preuve.
En somme, l’aspect de la proximité de la preuve est d’un côté un aspect qui est pris en considération pour établir des règles sur le risque de la preuve, qui jouent un rôle dans tous les types procédures, celles régies par le principe dispositif et inquisitoires (sauf la procédure pénale évidemment). De l’autre côté, il influence, dans les procédures de type accusatoire, la répartition de la charge de l’allégation et notamment les exigences relatives à la précision de la contestation afin de pouvoir l’accepter comme suffisante. Comme ce dernier aspect a déjà été illustré dans un précédent billet (préc.), il sera permis de mettre l’accent sur le rôle de la proximité de la preuve dans la répartition du risque de la preuve avant d’aborder les relations entre proximité de la preuve et charge de l’allégation.
IV. La disponibilité de la preuve dans la répartition du risque de la preuve
La charge de la preuve objective étant une répartition abstraite du risque de la preuve, elle doit, pour des raisons de sécurité juridique, être attribuée par des normes, des règles abstraites et générales (cf. pour le droit allemand : BVerfG, 25.07.1979 – 2 BvR 878/74 – NJW 1979, 1925 ; pour le droit français : Cons. const., décision n° 80-119 L du 02 décembre 1980). Un renversement de la charge de la preuve objective à raison de considérations d’équité dans un cas individuel est interdit (BGH, 17.12.1996 – XI ZR 41/96 – NJW-RR 1997, 892).
1. Un critère pour le législateur La prise en compte de la disponibilité ou proximité de la preuve ou de sphères d’influence exclusives est une réalité légale. En France, on peut l’observer notamment en droit du travail, et surtout en matière de discriminations (v. les analyses détaillées de Frouin, in : Semaine sociale Lamy n° 1263, 2006, pp. 6 sq. et de Jacotot, in : Dockès (dir.), Au cœur des combats juridiques, p. 277, spéc. pp. 283 sq). En Allemagne, cette réalité légale se manifeste par exemple dans les normes suivantes relatives à la charge de la preuve: L’art. 280 al. 1 BGB (Code civil allemand) pose une présomption de la faute du débiteur en cas d’inexécution du contrat. Ce dernier doit alors prouver l’absence de faute de sa part afin d’échapper à la responsabilité contractuelle. L’art. 309 n° 12a BGB interdit des clauses dans des contrats-types par lesquelles un professionnel modifierait la charge de la preuve au détriment du consommateur, notamment en faisant peser sur ce dernier la charge de la preuve pour des éléments qui se trouvent dans la « sphère de responsabilité » du professionnel. L’art. 22 AGG (Loi générale contre les discriminations de 2006) fait peser la charge de la preuve de l’absence de motivation discriminatoire sur le défendeur, une fois que le demandeur a fait état d’indices qui laissent présumer une discrimination interdite. L’art. 144 al. 1 SGB III (Troisième livre du Code de la sécurité sociale allemand) concerne la suspension de l’allocation chômage en cas de manquement du demandeur d’emploi à ses obligations. La suspension n’a pas lieu si le manquement est justifié par une raison impérieuse. Il est ensuite précisé qu’il incombe au demandeur d’emploi d'invoquer et de prouver la raison impérieuse lorsqu’elle se trouve dans sa « sphère » ou dans son « domaine de responsabilité ».
2. Un critère pour le juge Cette reconnaissance par la loi de sphères d’influence et de responsabilité (Einflussbereich ; Verantwortungsbereich ; Gefahrenbereich) explique que cet aspect ait également été utilisé par la jurisprudence allemande. Les tribunaux l’ont utilisé de deux manières. D’un côté, ils l’utilisent pour faire évoluer les règles de la charge de la preuve par voie de création prétorienne. De l’autre côté, cet aspect est pris en considération dans l’interprétation des normes. a) Création prétorienne de nouvelles règles de répartition du risque de la preuve De manière tout à fait exceptionnelle, la jurisprudence a renversé – ou plutôt modifié de manière parfois très subtile – la charge de la preuve pour certaines situations où le demandeur se trouve typiquement et structurellement dans l’impossibilité d’apporter la preuve requise. Ces modifications de l’attribution du risque de la preuve sont reconnues dans au moins deux types de cas. Premièrement, dans le domaine de la responsabilité (contractuelle) médicale, le risque de la preuve de la causalité est attribué au médecin s’il a commis une faute grave ou si la documentation médicale est insuffisante. Deuxièmement, concernant la responsabilité (délictuelle) du fait des produits défectueux, c’est au producteur de prouver l’absence de faute de sa part. Enfin, la jurisprudence a également renversé le risque de la preuve de la causalité dans d’autres cas de violation d’obligations professionnelles visant à protéger l’intégrité physique et la santé d’un tiers et en cas de violation d’obligations contractuelles d’information et de conseil (Prütting, in : Münchener Kommentar zur ZPO, 3. Aufl. 2008, § 286 n° 124 à 128 ; Greger, in : Zöller, ZPO, 27. Aufl. 2009, vor § 284 n° 19 à 20a).
Il y a lieu de souligner que dans tous ces cas il s’agit de la création de nouvelles règles générales.
b) Détermination de la répartition du risque de la preuve par interprétation Toutefois, la création de nouvelles règles sur le risque de la preuve reste une exception. Plus fréquent est le cas où il faut, non pas créer, mais déterminer les règles de la charge de la preuve objective car la loi est souvent muette sur cette question.
Du moins, paraît-elle muette. Car selon la théorie dominante dite des normes, le législateur tient compte de la charge de la preuve objective dans la manière qu’il formule les lois. Il pose des conditions qui doivent être remplies pour pouvoir prétendre à quelque chose et il en formule d’autres qui excluent la prétention. Par exemple, l’exécution d’une obligation suppose l’existence d’un contrat. Mais encore faut-il que le consentement ne soit pas vicié ou l’obligation pas éteinte par exemple par paiement (cf. en France la répartition explicite opérée par l’art. 1315 C.civ.). Lorsque, comme souvent, la répartition du risque de la preuve n’est pas explicitement énoncée, elle peut donc être déterminée par l’analyse et l’interprétation de la norme en cause en tenant compte de l’économie générale du texte (Prütting, in : Münchener Kommentar zur ZPO, 3. Aufl. 2008, § 286 n° 113-115). La règle de preuve n’est donc pas une règle à part, indépendante du droit matériel. Elle est plutôt implicitement contenue dans et intrinsèquement liée au droit matériel.
La charge de la preuve objective est alors répartie de manière à ce que chaque partie doive prouver les faits qui lui sont favorables. Concrètement, le demandeur doit prouver les faits générateurs de sa prétention (rechtsbegründende Tatbestandsmerkmale), le défendeur ceux qui l’empêchent, l’anéantissent ou la suspendent (rechtshindernde, rechtsvernichtende oder rechtshemmende Tatbestandsmerkmale) : « Der Anspruchsteller trägt die Beweislast für die rechtsbegründenden Tatbestandsmerkmale, der Anspruchsgegner für die rechtshindernden, rechtsvernichtenden und rechtshemmenden. »
Cette règle jouit d’une reconnaissance générale en Allemagne tant devant les juridictions judiciaires que les juridictions administratives (pour la jurisprudence : BGH, 18.05.2005 – VIII ZR 368/03 – NJW 2005, p. 2395, spéc. p. 2397 ; BVerwG, 13.10.1988 – 5 C 35/85 – NVwZ 1989, p. 370, spéc. p. 372; pour la doctrine : Greger, in : Zöller, ZPO, 27. Aufl. 2009, vor § 284 n° 17a ; Prütting, in : Münchener Kommentar zur ZPO, 3. Aufl. 2008, § 286 n° 110-113; Reichhold, in: Thomas / Putzo, ZPO, 29. Aufl. 2008, vor § 284 n° 23 ; Höfling/Rixen, in : Sodan/Ziekow, VwGO, 2. Aufl. 2006, § 108 n° 114 sq.).
En Allemagne, la version moderne de cette théorie a été développée par Rosenberg dans les années 1950, précisée par Schwab et défendue par Prütting (Gegenwartsprobleme der Beweislast, München : Beck, 1983). Elle peut invoquer en sa faveur que le premier projet de 1888 d’un Code civil pour le Reich allemand contenait dans son art. 193 une règle générale sur la charge de la preuve presque identique – presque parce qu’elle ne parle pas des éléments empêchant la naissance d’une obligation (rechtshindernde Tatbestandsmerkmale), distinction élaborée plus tard: « Wer einen Anspruch geltend macht, hat die zur Begründung desselben erforderlichen Tatsachen zu beweisen. Wer die Aufhebung eines Anspruchs oder die Hemmung der Wirksamkeit desselben geltend macht, hat die Tatsachen zu beweisen, welche zur Begründung der Aufhebung oder Hemmung erforderlich sind. » (Prütting, Gegenwartsprobleme, p. 267. Celui qui fait valoir une prétention doit prouver les faits nécessaires à sa naissance. Celui qui fait valoir l’anéantissement ou la suspension de l’exigibilité de celle-ci doit prouver les faits nécessaires à générer l’anéantissement ou la suspension. Trad. de l’auteur de ce billet.)
Cette règle n’a pas été reprise dans la version définitive du BGB pour la seule raison qu’elle était considérée comme évidente (voir Prütting, Gegenwartsprobleme, p. 267). En plus, un regard comparatif montre que cette même règle générale peut être identifiée dans la plupart des ordres juridiques européens et anglo-américains (Prütting, Gegenwartsprobleme, pp. 270 sq. ; pensons seulement à l’art. 1315 C.civ.).
D’autres critères pour répartir le risque de la preuve objective ont été proposés par la doctrine, mais aucun n’a pu s’imposer (pour une analyse critique de ces théories voir Prütting, Gegenwartsprobleme, pp. 179 sq.). Seule la théorie des sphères d’influence et de responsabilité (Gefahrenbereiche) a joué un certain rôle, notamment dans la jurisprudence. Mais, comme elle ne peut s’appliquer que dans des situations où il est possible de définir une sphère, et à raison d’un manque de définition reconnue de ce qui constitue une « sphère », cette théorie ne suffit pas, à elle seule, pour expliquer la répartition de la charge de la preuve dans toutes les situations possibles (cf. Prütting, Gegenwartsprobleme, p. 299 s.). Toutefois, cette théorie des sphères d’influence peut, dans les situations où la détermination d’une sphère est possible, d’un côté justifier des modifications du risque de la preuve (supra sous a) ou, de l’autre côté, confirmer le résultat obtenu par l’interprétation d’une norme, comme le montre la décision précitée du tribunal administratif supérieur. Or son caractère reste flou. Il convient alors de ne l’utiliser qu’avec une grande précaution et lorsqu’il existe une réelle difficulté à prouver. Cela s’impose d’autant plus lorsqu’il existe d’autres critères concurrents qui peuvent influencer la répartition du risque de la preuve.
Un tel critère, qui devrait être plus percutant que la proximité de la preuve dans l’attribution du risque de la preuve, est celui de donner une efficacité maximale à la protection des droits fondamentaux. Un droit fondamental n’est pas systématiquement mis en cause par tout litige. Mais si cela est le cas et un droit fondamental est touché par l’objet d’un litige – par exemple, la liberté professionnelle lors d’un licenciement ou la protection du mariage et de la famille s’agissant du regroupement familial – il faut tenir compte de cette protection constitutionnelle en déterminant les règles sur la charge de la preuve. Mais, là aussi, l’effet général et abstrait de l’attribution du risque de la preuve requiert une certaine prudence. La Cour constitutionnelle allemande exige pour cette raison de privilégier, avant de procéder à un renversement pur et simple de la charge de la preuve objective, un aménagement de la charge de l’allégation (BVerfG, 06.10.1999 - 1 BvR 2110/93 – NJW 2000, p. 1483, spéc. 1484).
V. Disponibilité de la preuve et « charge de l’allégation secondaire »
Cette exigence de privilégier les aménagements de la charge de l’allégation se recoupe avec le refus de la Cour fédérale de justice de modifier le risque de la preuve pour des faits négatifs ou des éléments subjectifs dont la preuve est naturellement plus difficile. Dans une action en dommages-intérêts d’un ancien locataire par exemple, le manque de volonté du propriétaire d’utiliser l’appartement pour ses propres fins, raison prétendue de la résiliation du bail, doit, selon les règles générales, être démontré par le locataire. La seule difficulté de cette preuve n’entrainera pas de modification dans la répartition du risque de la preuve. Par contre, il y a lieu d’aménager la charge de l’allégation dans un tel cas. Le propriétaire ne pourra pas se borner à prétendre globalement qu’il était résolu à utiliser l’appartement pour ses besoins personnels. Il devra exposer de manière détaillée et plausible les éléments de fait démontrant cette volonté, sans pour autant être obligé de les prouver. Mais ainsi le locataire, sur lequel pèse toujours la charge de la preuve, a la chance de reprendre ces éléments pour son compte et de démontrer qu’ils sont faux (BGH, 18.05.2005 – VIII ZR 368/03 – NJW 2005, p. 2395, spéc. p. 2397).
Cette technique est connue sous le nom de « charge de l’allégation secondaire » (sekundäre Behauptungslast). Elle consiste à obliger la partie à laquelle n'incombe, selon les règles générales, ni la charge de l’allégation ni la charge de la preuve de donner quand même des informations précises sur les faits dont elle dispose. D’une manière générale, deux conditions doivent être remplies pour pouvoir utiliser cette technique. Premièrement, celui sur lequel repose la charge de l’allégation et de la preuve doit se trouver dans l’impossibilité de prouver un fait parce qu’il se trouve dans la sphère d’influence et de responsabilité de l’autre partie et il n’en a pas de connaissance détaillée. Deuxièmement, le comportement exigé de l’autre partie ne doit pas dépasser le niveau du tolérable. Ce niveau n’est pas dépassé lorsqu’on exige de l’autre partie de s’expliquer de manière détaillée et plausible sur les faits qui se sont déroulés dans sa sphère (cf. Greger, in : Zöller, ZPO, 27. Aufl. 2009, vor § 284 n° 34 ; Prütting, in : Münchener Kommentar zur ZPO, 3. Aufl. 2008, § 286 n° 103, 131, 136).
Cette technique représente en fait une forme spécifique de la contestation. D’une manière générale, l’art 138 al. 2 ZPO fait obligation à chaque partie au procès de s’expliquer sur les faits allégués par l’autre partie. L’art. 138 al. 3 ZPO prévoit ensuite que tout fait non contesté sera considéré comme établi. Normalement, il suffit de contester globalement les dires de l’autre. La technique de la charge de l’allégation secondaire modifie ce mécanisme en obligeant celui qui doit contester de le faire de manière plus précise. Car si sa contestation n’est pas assez détaillée et plausible, elle sera considérée comme non intervenue. Le juge devra alors considérer les éléments de fait en cause comme établis (Greger, in : Zöller, ZPO, 27. Aufl. 2009, vor § 284 n° 34; Prütting, in : Münchener Kommentar zur ZPO, 3. Aufl. 2008, § 286 n° 103, 131).
VI. Comparaison et conclusion
Le droit français connaît aussi une charge de la contestation ainsi que, avec la théorie du fait constant, un mécanisme similaire à la fiction de l’aveu de l’art. 138 al. 3 ZPO. Or les évolutions jurisprudentielles montrent que la conséquence – le juge tient pour vrai les allégations incontestées – est loin d’être automatique, mais dépend de l’appréciation du juge (cf. Ferrand, Rep. proc. civ., v° Preuve, n° 116).
Le droit de la procédure civile français se distingue également du droit allemand par un renforcement considérable du pouvoir du juge en matière de mesures d’instruction (art. 10, 143 CPC) et par l’existence d’une obligation procédurale de coopération des parties (art. 11 CPC).
Par conséquent, l’intérêt pour les juges français d’utiliser une technique comme la charge de l’allégation secondaire paraît faible. Dans une situation comparable, ils ont plutôt tendance à user de leurs pouvoirs et d’ordonner directement la production de preuves afin d’éclaircir un doute. Cette attitude serait en partie due à l’efficacité des possibilité de faire appel à des techniciens et experts, consultants et constatants qui disposent de prérogatives importantes (cf. art.243 sq. et 249 sq. CPC ; Adloff, Vorlagepflichten und Beweisvereitelung im deutschen und französischen Zivilprozess, Tübingen : Mohr Siebeck, 2007, p. 195 s.). Ceci explique l’existence d’aménagements jurisprudentiels qui tiennent compte de la disponibilité de la preuve sans que cet aspect soit explicité (cf. Jacotot, in : Dockès (dir.), Au cœur des combats juridiques, p. 277, spéc. pp. 280 sq.).
Bien que leurs pouvoirs se soient considérables accrus, leurs homologues allemands ont toujours moins de possibilités d’agir sans initiative des parties. L’art. 139 ZPO les oblige plutôt à diriger le procès en posant des questions aux parties et en leur donnant des indications. Certains auteurs critiquent cependant cette conception de la procédure. Selon eux, il ne devrait pas y avoir de droit à la passivité pour la partie qui ne doit pas prouver (Adloff, préc., p. 459 sq.). D’autres analysent la notion de charge de l’allégation secondaire comme une obligation de coopération de fait (Wagner ZEuP 2001, p. 441, spéc. p. 467), notamment à raison de son utilisation extensive par la jurisprudence (Greger, in : Zöller, ZPO, 27. Aufl. 2009, vor § 284 n° 34d). Pour ces raisons, ils préconisent l’introduction d’une obligation générale d’information et de coopération d’après le modèle français (Adloff, préc., p. 466 ; Greger, préc.).
Or cette voie a été barrée de manière explicite par la Cour fédérale de justice en 1995 (supra III). En outre, même ceux qui critiquent la « charge de l’allégation secondaire » en Allemagne admettent qu’elle est un instrument efficace pour obliger les parties à exposer leurs prétentions de manière précise et exhaustive (Adloff préc. p. 452). On peut alors douter de la nécessité de changer de méthode.
En plus, l’utilisation d’une technique avec des critères précis a l’avantage de renforcer la sécurité juridique. Car une obligation générale de coopération ou la possibilité pour le juge de tenir compte, d’une manière générale, de la facilité et disponibilité de la preuve, flexibilise le traitement du problème de l’indisponibilité de la preuve, mais au prix d’une insécurité juridique, du moins tant que ces règles générales n’aient pas été précisées par la jurisprudence (v. un précédent billet du 2 mai 2008 à propos du droit espagnol : « L'attribution de la charge de la preuve : facilité et disponibilité »).
Cela montre que l’aspect de la disponibilité, de la proximité, de la facilité ou de l’aptitude à la preuve joue un rôle important en droit allemand et français, surtout combiné avec le souci de protéger une partie supposée faible, sans toutefois se limiter à cet aspect. Les différences quant aux pouvoirs et structures aboutissent à l’utilisation de méthodes très différentes qui, cependant, paraissent aboutir à des résultats semblables.
Bibliographie Adloff, Daniel, Vorlagepflichten und Beweisvereitelung im deutschen und französischen Zivilprozess, Tübingen : Mohr Siebeck, 2007.
Ferrand, Frédérique, v° Preuve (Janvier 2006), in: Guinchard, Serge (dir.), Répertoire de procédure civile. Paris: Dalloz (Encyclopédie Juridique Dalloz).
Frouin, Jean-Yves, « La preuve en droit du travail – Deuxième partie : la charge de la preuve », in : Semaine sociale Lamy n° 1263, 2006, p. 6.
Greger, Reinhard, in : Zöller, ZPO, 27. Aufl., Köln: Schmidt, 2009, vor § 284.
Höfling, Wolfram / Rixen, Stephan, in : Sodan/Ziekow, VwGO, 2. Aufl., Baden-Baden : Nomos, 2006, § 108.
Jacotot, David, « Effectivité des règles de droit, aptitude à la preuve : vers une nouvelle attribution de la charge de la preuve », in E. Dockès (dir.), Au cœur des combats juridiques, Dalloz, « Thèmes et commentaires », 2007, p. 277, disponible sur : http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00193302/fr/
Laumen, Hans-W., Die „Beweiserleichterung bis zur Beweislastumkehr“ – ein beweisrechtliches Phänomen, in: NJW 2002, p. 3739.
Martin, Raymond : « Un autre procès possible ou est-il interdit de rêver ? », in: RTD Civ., 1994, p. 557.
Prütting, Hanns, Gegenwartsprobleme der Beweislast, München : Beck, 1983.
Prütting, Hanns, in : Münchener Kommentar zur ZPO, Bd. 1: §§ 1 - 510c, 3. Aufl., München: Beck, 2008, § 286.
Reichhold, Klaus, in: Thomas/Putzo, ZPO, 29. Aufl., München : Beck, 2008, vor § 284.
Wagner, Gerhard, « Europäisches Beweisrecht – Prozessrechtsharmonisierung durch Schiedsgerichte », in: ZEuP 2001, p. 441.
Quelques abréviations
BVerfG – Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle allemande) BGH – Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) BVerwG – Bundesverwaltungsgericht (Cour fédérale administrative)
ZPO – Zivilprozessordnung (Code de procédure civile allemand) VwGO – Verwaltungsgerichtsordnung (Code de la procédure administrative allemand)
NJW – Neue Juristische Wochenschrift (Revue juridique hebdomadaire), www.njw.de