Christian Louboutin : L'Exhibition[nist] au Palais de la Porte Dorée
Un dimanche, à l’occasion d’une sortie culturelle au Palais de la Porte Dorée, j’ai découvert L’Exhibition[nist], une rétrospective consacrée aux œuvres de Christian Louboutin. Ode à la création, cette exposition met en lumière les savoir-faire de la maison de luxe.
« Cette exposition ne pouvait se faire qu’au Palais de la Porte Dorée. » – Christian Louboutin
Né dans le XIIe arrondissement de Paris, Christian Louboutin, a toujours entretenu un lien privilégié avec le Palais de la Porte Dorée. Ses trois sœurs l’emmenaient contempler les poissons de l’aquarium tropical. Berceau de son enfance, ce lieu, bâti à l’occasion de l’Exposition coloniale de 1931, le fascinait par son gigantisme, ses immenses portes, et ses sculptures qui invitent aux voyages et à la découverte du monde. Passionné par les voyages, les cultures du monde, l’architecture, le cinéma, et l’art, Christian Louboutin puisait et puise encore son inspiration, formes et motifs, dans tous les domaines créatifs. Son obsession pour les souliers commence à l’âge de douze ans au Palais de la Porte Dorée lorsqu’il découvre un panneau de signalétique représentant un soulier barré d’un trait rouge. Ce panneau interdisait le port d’escarpins car ils risquaient de rayer les parquets en bois. À l’époque, ce n’est pas tant l’interdiction qui l’interpelle mais plutôt le croquis de ce panneau, évoquant un escarpin de femme qui n’existait pas encore. C’est grâce à ce croquis et à partir de ce jour que l’histoire de la maison Louboutin a commencé.
Le jeune artiste comprend que toute création commence par un dessin. Et il commence à dessiner des escarpins en variant les couleurs et les courbes. C’est ce même panneau signalétique qui a influencé la création du soulier Pigalle : le modèle le plus emblématique de la maison de luxe.
« Un soulier a bien plus à offrir que le simple fait de marcher. » – Christian Louboutin
La semelle rouge, c’est grâce à elle que toute personne, même éloignée de la maroquinerie de luxe reconnaît les escarpins Louboutin. Cette semelle voit le jour en 1992 lors de la phase prototypage du modèle Pensée. Un mannequin essaie le soulier. De profil, le créateur est conquis.
« Et puis le mannequin s’est retourné, et j’ai vu l’arrière du soulier, ça n’allait pas. Ça ne ressemblait pas à mon dessin. Il y avait trop de noir. Et il n’y en avait pas sur mon croquis. Sarah, mon assistante, était en train de se vernir les ongles. J’ai pris son vernis rouge et j’ai peint la semelle. Tout à coup, le soulier a pris vie » – Christian Louboutin
Depuis ce jour, chaque soulier Louboutin exhibe cette semelle rouge, devenue, au fil des années, l’identité visuelle de la maison de luxe. Plus qu’un objet décoratif, cette semelle rouge représente la marque de fabrique de la maison Louboutin et répond au rêve du créateur : concevoir un soulier qui bouscule et bousculera encore les codes mais aussi créer pour admirer.
En effet, Christian Louboutin conçoit ses souliers comme des œuvres. Mais, qu’est-ce qu’un soulier selon lui ? Le soulier a une importance majeure : il détermine le mouvement, la posture, le son, et l’image que l’on veut donner. Selon le maître de l’escarpin, on ne porte pas de modestes chaussures mais bien des souliers, précieux, que nous admirons, caressons et respectons. Son fétichisme n’est plus un secret.
Dans cette rétrospective proposée au Palais de la Porte Dorée, le créateur se met à nu d’où le titre L’Exhibition[nist]. Christian Louboutin nous révèle ses inspirations, ses passions, sa vision créative mais présente aussi les plus grandes créations de souliers qui font et feront encore la renommée de la maison Louboutin. Le créateur, Christian Louboutin refuse de qualifier son exposition comme une simple exposition de mode car cette retrospective célèbre tous les domaines créatifs.
La scénographie, grandiose, a été conçue comme une invitation à plonger dans l’imaginaire du créateur. Pour comprendre l'univers créatif de Christian Louboutin, il faut vivre cette scénographie. Elle est composée de différentes étapes : anti-chambre, early years, ombres portées, salle du trésor, nudes, atelier, suggestions & projections, théâtre Bhoutanais, pop corridor, fétichisme, et enfin musée imaginaire. La scénographie joue aussi sur des décalages entre les univers présentés. Nous passons de l'univers du music-hall, à l’église, à l’atelier, au show-business, ainsi qu’à un univers sexualisé. Chaque salle évoque un univers, un thème et des inspirations. Dans ces mises en scène incroyables, nous, visiteurs, marchons au rythme des créations les plus emblématiques de Christian Louboutin. Chaque soulier est mis en lumière, positionné sur un écrin, et présenté comme une œuvre d’art.
En pénétrant dans la première salle, une couleur nous est présentée : le rouge. Nous sommes envoutés par une scénographie immersive : de l’espace qui nous entoure jusqu’au son. Le choix de nous immerger dans l’oeuvre de Tchaïkovski, avec la Danse de la fée Dragée nous rappelle le ballet féerique Casse-Noisette. Et pour certains, le conte écrit par Ernst Theodor Amadeus Hoffmann ainsi que les nombreux dessins animés qui ont retranscrit ce conte. Pendant un laps de temps, nous quittons le monde réel et toutes ses inquiétudes pour se plonger dans un monde imaginaire, onirique et fantaisiste propre à l’enfance. En étant enfant, qui n’a jamais essayé les escarpins de sa maman ? Ces souliers nous rappelaient les pantoufles de verre de Cendrillon ainsi que les pantoufles de Blanche Neige. Cette introduction scénographie nous permet de retrouver une fascination enfantine. Une composition simple et une symbolique forte : la magie opère. Toute personne qui porte une paire de souliers Louboutin devient une Cendrillon des temps modernes.
Cette salle fait écho au premier métier du créateur : concevoir des souliers pour les danseurs. Il a commencé sa carrière aux Folies Bergères puis s’est imposé comme designer indépendant dans les plus grandes maisons de Haute Couture telles que Chanel, Dior, Givenchy, Yves Saint-Laurent.
Une autre salle dispose d’une symbolique forte : l’atelier. Dans cet espace, Christian Louboutin a voulu nous donner une leçon de savoir-faire en six étapes : patronage, assemblage des pièces, montage, renforcement, temps de séchage, et ultime mise en beauté. Une médiation par l’humour en vidéo réalisée par Christian Louboutin lui-même pour nous faire comprendre la patience, la passion et l’habileté qu’il faut pour réaliser un seul soulier Louboutin.
Enfin, une dernière salle révèle une autre facette du créateur : son goût pour le fétichisme. Dans cet espace, nous découvrons des photographies réalisées en collaboration avec David Lynch en 2007. Une chaussure emblématique a été créée pour cette série photographique : la Ballerina Ultima, un soulier avec lequel on ne peut pas marcher. La cambrure de la chaussure et la hauteur du talon devient un objet de fantasme. Ce modèle iconique, connu de tous, est devenu un objet d’art.
Christian Louboutin s’inspire du réel puis l’interprète avec poésie. Quelques modèles emblématiques :
Love Shoe, automne-hiver 1991-1992
Pensée, automne-hiver 1992-1993
Pigalle, automne-hiver 2004-2005
Pluminette, printemps-été 1995
Prouesse artistique, il n’a pas uniquement conçu tous les souliers présentés mais il a aussi créé les éléments scénographiques. Passionné d’artisanat, il a dessiné les vitraux qui composent la salle early years avec la Maison du Vitrail à Paris. Ces vitraux dévoilent les motifs fondateurs de l’univers Louboutin et mettent en lumière l’intimité du créateur.
« L’artisanat est un des éléments centraux de ma vie, affirme le créateur. Peut-être parce que mon père était ébéniste. Il m’a inculqué le sens du travail bien fait, du beau, de l’attention au détail mais aussi l’importance du temps nécessaire à la fabrication des choses. » – Christian Louboutin
Christian Louboutin est fasciné par l’artisanat. La scénographie et ses souliers en sont une démonstration. C’est pourquoi, l’exposition accueille de nombreux artistes, artisans, plasticiens, sculpteurs qui ont influencé ses créations. Dans cette exposition, Christian Louboutin permet ainsi à l’artiste Imran Qureshi, au duo de designers Whitaker Malem, à la plasticienne Lisa Reihana, et au couturier Sabyasachi Mukherjee d’exprimer leur vision de la maison Louboutin.
Cette exposition nous montre que le rêve est à la portée de tous, et qu’il suffit parfois de croiser un panneau signalétique pour devenir un symbole. Christian Louboutin a mondialement influencé le monde du soulier et de la maroquinerie de luxe par son esthétique particulière et son univers sans limite. Personnage fascinant, il a dessiné ses premiers croquis dans une chambre de bonne du XIIe arrondissement et reste comme tous ces artistes que nous admirons intimement, une preuve qu’il ne faut jamais renoncer à ses rêves. Fascinante, cette rétrospective inspire les créateurs d’aujourd’hui et de demain.
Depuis sa création en 1991, la maison de luxe Louboutin ne cesse de se déployer dans le monde et incarne l’image de la réussite qui nous rappelle que tout peut arriver, il suffit d’y croire. L'histoire de la maison Louboutin ne fait que commencer !
En ces temps troublés, cette retrospective est une invitation au rêve, vous pouvez en profiter jusqu’au 3 Janvier 2021.
Christian Louboutin, L’Exhibition[nist]
Commissaire de l’exposition : Olivier Gabet, directeur du musée des Arts décoratifs.
Palais de la Porte Dorée
Musée national de l’Histoire de l’immigration
293, avenue Daumesnil – 75012 Paris