Dans l'atelier du sculpteur Pier Spartà

 

 

 

Né en Bourgogne et d’origine sicilienne, Pier Spartà se forme aux Beaux-Arts de Toulouse. Il continue aujourd’hui son travail dans la capitale. Avec la sculpture, il trouve un moyen de faire exister plus physiquement son univers et de créer un autre rapport dans la confrontation au spectateur.

Influences : entre sculpture contemporaine et art ancien

L'artiste peint et dessine depuis son enfance. A l'adolescence, cela devient une passion sérieuse et il crée énormément de paysages dans lesquels on retrouve tout un monde, réel ou imaginaire. A son entrée aux Beaux-Arts, ses professeurs lui font découvrir la pratique de la sculpture pour laquelle il a une révélation. Son art est aujourd'hui principalement figuratif. Il commence à s’intéresser à la figure humaine en découvrant des sculptures d’artistes contemporaines comme Thomas Schütte ou encore Mark Manders. Avec eux, il réalise alors que la sculpture figurative a encore un réel impact et est aussi assez peu présente dans l’art contemporain. Cette découverte lui ouvre les yeux et le fait revenir à la sculpture médiévale bourguignonne et à la Renaissance italienne (il voyageait beaucoup en Italie étant enfant). Ses oeuvres croisent alors ces influences contemporaines et cette inspiration d’art plus ancien. On retrouve le contemporain par le traitement des matériaux, le rapport au socle et la présentation. Cependant, l’artiste revendique un savoir-faire à l’ancienne. Il pratique le moulage et la taille de bois. Il travaille manuellement avec des techniques qui existent depuis très longtemps, il n’est pas du tout influencé par les nouvelles technologies. 
L'oeuvre Christ sur Chaise est représentative de ce mélange d'influences chez l'artiste, d'un côté la sculpture médiévale par la représenation du Christ, de l'autre la sculpture contemporaine par l'intégration de la chaise comme socle. 

Pier Spartà, Christ sur Chaise, argile, 82 x 40 x 38 cm, 2016

Technique : un art travaillé à la main

A ses débuts, Pier Spartà commence la sculpture en faisant du modelage, cela lui permet de créer rapidement. Il se dirige ensuite vers le moulage. Cette technique l’amène à creuser des moules dans le sol, dans lesquels il coule du béton ; il déterre ensuite l’objet rendu étrange avec des racines, des cailloux, de la terre, ce qui en fait un moulage à l’allure préhistorique (voir Gisant de loup). Ceci le fait s’intéresser aussi au positif et au négatif, aux contrastes, au relief et au au creux, il trouvait parfois que le moule était plus intéressant que le moulage et celui-ci devenait alors partie intégrante de l’oeuvre (voir Les deux douleurs). Aujourd’hui, le sculpteur fait surtout de la taille, il nous confie lors d'une rencontre que cela « l’obsède complètement ». La taille est une technique physique mais aussi très mentale pour lui. Il faut partir d’une matière brute, imaginer la forme dans la matière et ensuite passer du temps pour la révéler. L'artiste s’attache au mythe de Michel-Ange qui choisit un bloc de marbre dans le but de révéler ce qu’il y a à l’intérieur. Le matériau est aussi fondamental dans son travail, s’il sculpte un arbre de quatre-vingt dix ans ou une pierre qui a des milliers d’années, cet âge inscrit sa sculpture dans un temps plus ancien. Pier Spartà a un rapport important à la terre, c’est son élément et il s’en sert pour travailler ; il utilise ainsi la terre, le bois et la pierre qu’il trouve lui-même.

Pier Spartà, Gisant de loup, béton, 2017

 

Pier Spartà, Les deux douleurs, empreinte en plâtre, 170 x 70 x 60 cm, 2017

Représentation : poésie et spiritualité

L’artiste crée beaucoup de figures à caractère religieux inspirées du Moyen Age ; ce n’est pas tant le sujet qui l’attire mais ce sont les expressions humaines avec des caractères forts. Quand il a commencé à faire de la sculpture, Pier Spartà représentait des gens de sa famille, de son intimité, ses amis. Sa famille, immigrée sicilienne et catholique, représentait déjà à elle seule une forme d’iconographie (voir comment il s'en est inspiré dans La famille sicilienne, structure massive qui entretient un rapport minime au sol, utilisant la ligature comme moyen de solidariser plusieurs personnages en une famille). Depuis quelques temps, il ne représente plus de personnes réelles. Il clôt ce cycle avec le tombeau de sa grand-mère qui est la reprise d’un tombeau des ducs de Bourgogne, région où il a vécu dans son enfance (voir Le tombeau). L’influence de ces tombeaux est venue de sa manière de travailler. Il réalisait beaucoup de petites sculptures et il cherchait un moyen de faire cohabiter ces dernières avec des sculptures plus grandes. Lors d’un retour dans sa famille, il redécouvre ces tombeaux où le gisant est à échelle humaine et les pleurants, plus petits, en-dessous. Il considère que c’est la seule pièce où il a réussi à faire cohabiter les deux échelles, sous le corps, les petits personnages semblent déambuler dans un autre monde. Son rapport à la terre, à ses origines et aux représentations humaines ou animales, en font un artiste qui s’inscrit dans une trame poétique et spirituelle.

Pier Spartà, La famille sicilienne, plâtre, cire, fer à béton, 110 x 80 x 60 cm, 2015  

 

Pier Spartà, Le tombeau, contre-plaqué, mortier, bois d'accacia et de chêne, 184 x 113 x 130, 2018 

 

Pier Spartà, Statua Madere, plâtre et cire, 220 x 90 x 90 cm, 2017

 

Expositions 

Pour l’année 2018, Pier Spartà a exposé à Montreuil en avril pour l’exposition Exporience. Exposition centrée sur l’expérience du visiteur, il a exposé avec cinq autres artistes. Ses sculptures réalisées en bois, en cire ou encore en béton pouvaient être touchées et manipulées par le visiteur, les oeuvres étaient ainsi disposées au sol ou sur des étagères (voir photo). Il a aussi présenté ses oeuvres à Chagny, son village natal pour l’exposition Après le Portail avec deux de ses amis : Joris Creuze et Lucien Vantey. Leurs travaux sont très différents, le premier est inspiré de l’Arte Povera, de la matière brute et de l’oeuvre qui se dégrade, le second a un univers lié à la bande-dessinée et à la sculpture de garage. Pari réussi pour les trois artistes qui sont arrivés à faire cohabiter leurs oeuvres.

 

 

Pour le découvrir...

Pier Spartà s’associe cette année avec Jules Galais, sculpteur aux Arts Décoratifs. Si celui-ci fait surtout de la sculpture minimalitse, ils ont des affinités sur la technique : le moulage et la taille. Ils exposent ensemble au mois d’avril 2019 à La Générale, ancienne usine d’éléctricité, dans le XIe arrondissement. L’occasion de découvrir le travail de Pier Spartà qui réalisera une création in situ spécialement pour l’exposition et où un panel de ses oeuvres sera présenté comme ses nouveaux travaux centrés autour de l’art égyptien.

Pier Spartà, Sans Titre, vue d'atelier, modelage en terre, en cours de réalisation