Concepts et grandes questions relatifs au droit de l'égalité et de la non-discrimination, par Elise GESLOT

Egalité, Gleichheit L’égalité recouvre plusieurs réalités : l’égalité civile et politique et l’égalité économique et sociale. Si la première notion relève de la dimension citoyenne de l’individu, la seconde se rapporte à la question du niveau de richesse et de la condition sociale de l’individu. Ces deux aspects sont indissociables dans l’étude du principe d’Egalité. L’égalité est un droit fondamental de l’homme. Selon le principe d’Egalité, tous les êtres humains sont égaux, ils possèdent indistinctement les mêmes droits et doivent être traités de la même manière. Cette définition sous-tend l’idée que le principe d’Egalité mène à l’égalité de traitement. Le droit à l’égalité est un droit universel reconnu notamment par la déclaration universelle des droits de l'homme, les pactes des Nations unies relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels et par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (article 14), signés par tous les États membres de l’UE. L’égalité est en outre affirmée par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (article 20) et indirectement reconnue dans le Traité UE (article 6 reconnaissance des droits fondamentaux). L’égalité entre hommes et femmes est formellement affirmée à l’article 3.2 du TCE ou encore l’article 141 TUE, il s’agit d’un principe fondamental du droit communautaire (CJCE,C-442/00, 12/12/2002). D’un point de vue juridique, la loi, en vertu du principe d’Egalité, définit le cadre de l’égalité de traitement et par là celui de l’interdiction de discriminer : devant la Loi tous les citoyens sont égaux. Ainsi, dans l’ordre juridique allemand, elle est affirmée par l’article 3 de la Grundgesetz (GG), qui précise que tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Dans l’ordre juridique français, l’Egalité est affirmée par la Constitution de 1958 et son Préambule, qui dispose en son Article premier que la France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens.

Egalité de traitement, Gleichbehandlung En droit européen, l’égalité de traitement est définie de manière négative comme étant l’absence de toute discrimination. En outre, il a été affirmé dans l’affaire Rückdeschel (CJCE, 19/10/77) que « le principe de non-discrimination s’identifie avec celui de l’égalité de traitement ». Elle est mise en place à travers différentes directives : • Directive 2000/43/CE: Elle met en œuvre le principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. Elle permet en effet, une protection contre la discrimination en matière d'emploi et de formation, d'éducation, de protection sociale (sécurité sociale et soins de santé notamment), d'avantages sociaux, d'appartenance et de participation à des organisations de travailleurs et d'employeurs, et d'accès aux biens et aux services. • Directive 2000/78/CE : Elle met en œuvre le principe de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de formation, indépendamment de la religion ou des convictions, d'un handicap, de l'âge ou de l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi, la formation et l'appartenance et la participation à des organisations de travailleurs et d'employeurs. • Directive 2002/73/CE : Elle met en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et la promotion professionnelles et les conditions de travail • Directive 2004/113/CE : Elle met en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services. • Directive 2006/54/CE : Elle met en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail. • Proposition de directive 2008 : elle mettrait en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle, en dehors du marché du travail.

En droit allemand, la loi AGG (Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz) entrée en vigueur en août 2006, reprend l’ensemble des directives européennes sur l’égalité de traitement, en prohibant les discriminations fondées sur les catégories précédemment citées autant en droit du travail qu’en droit civil. Le législateur allemand est donc allé au-delà des prescriptions européennes. En droit français, la transposition de ces directives s’est faite par l’adoption de nouvelles lois ou la modification de législations préexistantes.

Discrimination, Benachteiligung, Diskriminierung : « La discrimination est une attitude de différenciation objectivement injustifiée et consistant à refuser à certaines personnes les droits ou avantages qui sont reconnus aux autres » (Loïc Cadiet, Dictionnaire de la Justice). Juridiquement, une discrimination est donc une inégalité de traitement fondée sur un critère prohibé par la loi. C’est à travers la comparabilité des situations et l’absence de justification objective de la différenciation de traitement que l’on peut établir l’existence d’une discrimination. Est aussi discriminatoire, le fait de traiter de manière identique des situations différentes. Une discrimination est donc nécessairement une distinction ou une différence de traitement illégitime et constitue une violation du principe d’Egalité. Mais en elle-même une distinction ou une différence de traitement n’est pas toujours constitutive d’une discrimination si elle est objectivement justifiable. En ce sens, il nous semble que les expressions discrimination positive ou discrimination justifiées relève d’un « «flottement terminologique » (D. Lochak, Réflexions sur la notion de discrimination) prêtant à confusion et l’utilisation du terme inégalité de traitement justifiée nous semble plus raisonnable. Il serait de plus constitutif d’un pléonasme d’utiliser la notion de « discrimination prohibée », une discrimination étant nécessairement prohibée. En droit français, comme en droit allemand l’interdiction des discriminations résulte de la Constitution (Art. 3.3 GG et art. 1 Constitution de 1958). On trouve cependant des précisions dans le droit commun. Ainsi, le code pénal français fournit une liste importante de critère discriminant. A noter, que l’approche française du fait discriminatoire est généralement plus répressive, que régulatrice. Claire Aubin et Benjamin Joly (De l'égalité à la non-discrimination : le développement d'une politique européenne et ses effets sur l'approche française, p.1299) expliquent que la conception française de la discrimination suppose le plus souvent une intention de discriminer (De l'égalité à la non-discrimination : le développement d'une politique européenne et ses effets sur l'approche française, p.1299). Le législateur tend donc à privilégier la voie pénale et son durcissement à travers les réformes. A ce sujet, Gwénaële Calvès évoque la « réaffirmation par le législateur d’un triptyque traditionnel : punir, contraindre, éduquer ». (Sanctionner ou réguler. L’hésitation des politiques de lutte contre les discriminations, p.40). A l’inverse, une approche régulatrice renvoie, non pas à la préservation de l’ordre public ou la garantie des droits, mais à la promotion de la diversité. La création de la HALDE ou les politique sur l’égalité se fondant sur des éléments contractuels tels que l’utilisation de « Conventions », relèvent d’une telle approche. En droit allemand, le législateur ne cherche pas à durcir la répression des discriminations. La transposition des directives s’est faite sans mise en œuvre du droit pénal. Le législateur privilégie les sanctions civiles telles dommages et intérêts, nullité des clauses discriminatoire et les actions positives. L’Allemagne a également mis en place des actions de régulation. Lutter contre les discriminations signifie également éliminer les préjugés et faire changer les comportements, ce qui ne peut se faire qu’à travers les institutions et la mise en place de structures pertinentes. En droit français, l’article 225-1 du Code pénal dispose que « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.» En droit allemand, l’article 1 de l’AGG, précise que le but de la loi est de lutter contre les discriminations se fondant sur la race ou l’origine ethnique, le sexe, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. La loi vient compléter l’article 3 de la GG qui dispose que « nul ne doit être discriminé ni privilégié en raison de son sexe, de son ascendance, de sa race, de sa langue, de sa patrie et de son origine, de sa croyance, de ses opinions religieuses ou politiques ». En droit européen le principe de non-discrimination est inscrit dans le traité de Rome (article 12 §2 : interdiction formelle de discriminer en raison de la nationalité ou a contrario il découle de l’article 3 .2 l’interdiction de discriminer en raison du sexe). L'article 13 du Traité d’Amsterdam octroie à la Communauté des compétences nouvelles en matière de lutte contre la discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. A noter, que l’article 13 ne constitue par une interdiction générale de discrimination et qu’il est dépourvu d’effet direct, il s’agit d’avantage d’une incitation à la lutte contre les discriminations. L'article 21 de la charte interdit la discrimination fondée notamment sur les six motifs de discrimination mentionnés à l'article 13 du traité CE et à sept motifs de discrimination supplémentaires: les origines sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune et la naissance. Plus spécifiquement le principe de non-discrimination, fait partie intégrante des principes généraux du droit communautaire qui lient la Communauté (CJCE, Rückdeschel)

Discrimination indirecte, mittelbare Diskriminierung Cette notion, d’origine américaine, a été introduite en France et en Allemagne par les directives européennes en matière de lutte contre les discriminations. La France a adopté la notion de discrimination indirecte non sans difficultés, et a été priée par la Commission d’en donner une définition aussi précise que celle des directives. A la lecture de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, il apparait que la France se soit acquittée de cette tâche, cependant les dispositions pénales n’englobent pas encore cette notion. En élève modèle, l’Allemagne a littéralement repris la définition donnée par la directive. Une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible de désavantager des personnes sur la base de leur race ou de leur origine ethnique, de leur religion ou de leurs convictions, de leur sexe, d’un handicap, de leur âge ou de leur orientation sexuelle, par rapport à d’autres personne, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique puisse être objectivement justifiée par un objectif légitime et que les moyens mis en œuvre pour réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires. Il existe une présomption de discrimination lorsque les trois conditions données dans la définition sont réunies. Cette nouvelle approche s’inspire de la tradition anglo-saxonne en ce qu’elle n’exige pas une intention de discriminer, en effet, il peut s’agir d’une disposition apparemment neutre. Comme l’expliquent Claire Aubin et Benjamin Joly, le préjudice (avéré ou potentiel) seul suffit pour constater une discrimination. Mais alors, comment évaluer l’existence d’une discrimination indirecte ? L’approche privilégiée par le juge se caractérise par une démarche comparative et quantitative : il s’agit d’évaluer la proportion de personnes désavantagées par une mesure. Par exemple : quelle est la proportion de femmes défavorablement touchées par une disposition, au regard d’un groupe d’hommes placé dans une situation similaire. Une telle étude relève de la statistique, nouvel outil d’analyse des discriminations. Les considérants 15 des directives 2000/43/CE et 2000/78/CE prévoient d’ailleurs que « la discrimination indirecte peut être établie par tous moyens, y compris sur la base de données statistiques ». Les enquêtes statistiques s’avèrent être des outils très précis et indispensables pour mesurer l’impact d’une mesure en apparence neutre car l’usage de la donnée statistique permet de déceler les groupes discriminés. Ainsi, la CJCE dans l’affaire Bilka (13 mai 1986, 170/84, §) se réfère à l’étude du pourcentage pour établir une discrimination ou plus récemment CJCE, 6.12.2007 n°C-300/06. En Allemagne, des décisions similaires se fondent également sur les statistiques significatives (signifikante Statistik) pour prouver l’existence d’une discrimination en raison du sexe (Arbeitsgericht Stuttgart, Urteil vom 26.04.2007, Az.15 Ca 11133/06). En France, les tribunaux n’ont pas eu pour l’instant recours à de telles preuves. Cependant, le recours aux statistiques peut poser problème : certaines catégories de données à caractère personnel sont soumises à des conditions rigoureuses car elles sont susceptibles d’impliquer des pratiques discriminatoires. L’article 8 de la directive 95/46/CE interdit aux Etats membres « le traitement des données à caractère personnel qui révèlent l'origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, l'appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données relatives à la santé et à la vie sexuelle » (En France, art. 8.1 Loi informatique et liberté, 1978. En Allemagne, §1 Bundesdateienschutzgesetz, 1977). Dans le cadre d’enquêtes revêtant un intérêt public il peut toutefois être dérogé à la loi, mais la création de statistiques ethniques demeure taboue. La CNIL reste réservée à cet égard et estime que « la décision de principe de créer une telle nomenclature, si elle devait être utilisée de façon obligatoire, en particulier pour les statistiques publiques et pour le recensement, appartiendrait au législateur sous le contrôle du Conseil constitutionnel ». En effet, une telle catégorie peut se révéler « incertaine, non scientifique, réductrice et approximative » (Rapport CNIL 2007, p.14). Le recours à la preuve statistique pour les groupes ethniques se trouve ainsi compromise en droit français. La preuve d’une discrimination indirecte se fondant sur l’origine ethnique ne pourra utiliser l’outil statistique tel que basé sur des critères comme la couleur ou la religion. En Allemagne, les statistiques ethniques se résument à trois catégories : allemand avec ou sans origines immigrées et étrangers, le juge ne pourra se référer à aucun autre critère statistique. Au niveau européen, la question des données ethniques fait débat. Une étude à ce sujet à été réalisée par l’ECRI (La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance), il n’existe pas de position européenne quant à l’utilisation des données ethniques dans l’intérêt public.

Egalité abstraite ou formelle, formale Gleichheit / égalité concrète ou réelle, konkrete Gleichheit Dans un rapport pour la commission de 2006, l’égalité formelle est définie comme une notion« se fondant sur l’égalité pour les personnes, la neutralité formelle et la justice procédurale ». L’égalité concrète y est présentée comme centrée « sur les caractéristiques et (dés)avantages du groupe, l’impact du groupe, les résultats effectifs, l’égalité substantielle et les réalisations souhaitées » (M. de Vos, Au-delà de l'égalité formelle, p.10) L’égalité formelle en droit français, selon la conception classique, découle du contrat social et s’exprime notamment à travers les textes de la Révolution française. En effet, l’égalité formelle des citoyens est garantie par le contrat social auquel ils s’associent et dont ils peuvent se prévaloir. Cette conception de l’égalité est avant tout civile et politique et se manifeste nécessairement au travers à la généralité de la règle. Cette théorie à été critiquée par la pensée socialiste, qui plus pragmatique se penche sur l’aspect économique et social de l’Egalité, c’est-à-dire sur les conditions matérielles concrètes des individus. Il s’agit à travers la notion d’égalité concrète de supprimer les différences et les inégalités dans la distribution des ressources. L’appréciation de l’égalité abstraite en droit allemand s’avère équivalente à la conception française. L’égalité formelle résulte d’une conception libérale restant absolument neutre et ne tenant pas compte des nécessités sociales ou des valeurs morales, elle renvoie à la notion de conformité au droit (Gerechtigkeit) et à l’égalité des citoyens en tant que sujets de droit. Au contraire l’égalité concrète tient compte de la condition des individus et de la réalité des faits, elle participe de la rationalisation du droit et permet à l’égalité de s’accomplir en supprimant les inégalités de fait. L’UE tend aujourd’hui à moderniser la notion d’égalité et veut aller « au-delà d’une égalité formelle ». Le droit européen cherche aujourd’hui à combiner tant les éléments formels que concrets de la notion d’Egalité. La question de la différence entre conceptions formelle et substantielle de l’égalité constitue un point clé de tout dispositif anti-discrimination puisqu’elle est à la base de la détermination des discriminations indirectes. Par exemple, si on se limite à mettre en place une égalité formelle, il ne pourrait être remédié aux discriminations découlant de mesures d’apparence neutre. Ces dernières ne sont pas intrinsèquement discriminatoires, c’est-à-dire qu’elles ne se fondent pas sur un critère prohibé par la loi (religion, sexe, origine…), mais leurs effets le sont et suffisent seuls à prouver la discrimination. Du point de vue de l’égalité formelle la mesure aurait été cataloguée comme non discriminatoire. Au contraire, l’égalité concrète se rattachant à l’effet de la loi, recherche, dans la situation réelle, l’existence d’une discrimination pour établir le caractère discriminatoire ou non de la mesure.

Egalité des chances, Chancengleichheit / Egalité des résultats, Ergebnisgleichheit En droit allemand, la notion s’inspire du principe de l’égalité de moyen (Ressourcengleichheit, n.b. la traduction est égalité de moyens et non égalité quant aux ressources financières). La notion d’égalité des chances par du constat que dans la réalité certains groupes, par rapport à un autre groupe référant, n’ont pas accès à certaines activités (par exemple les études supérieures) par manque de moyen. Le but, n’est pas que le résultat obtenu soit le même, mais que les chances pour y parvenir soient équivalentes, c’est-à-dire que tous les individus puissent avoir recours aux mêmes moyens sans considération de leur sexe ou de leur provenance sociale. La notion d’égalité des chances est une notion clef des politiques publiques françaises, qui apparait dès les années soixante notamment dans le domaine de l’éducation. Elle est promue par un Ministère de l’égalité des chances et une loi du 31 mars 2006. A la différence de l’égalité des résultats, l’égalité des chances ne garantit pas la réalisation d’une justice sociale égalitaire. En faisant usage des moyens mis à sa disposition, l’individu participe à la concrétisation du résultat. Au contraire, l’égalité des résultats ne nécessite aucune motivation de l’individu. Elle conduit finalement à introduire une inégalité au détriment du mérite individuel. Par exemple : si l’égalité des résultats garantit l’obtention d’un diplôme S pour tous les élèves issus de tel ZEP (Zone d’éducation prioritaire), l’étudiant X qui aura travaillé sera discriminé par rapport à l’étudiant Y issu du ZEP. Toutefois, en mettant en place une égalité des chances donnant les moyens aux étudiants issus de ZEP d’obtenir le diplôme S, tous les étudiants auront la garantie d’obtenir leur diplôme grâce à leur travail personnel et d’être traités en égalité. En droit européen, on retrouve cette notion à l’article 141 du TCE concernant l’égalité des chances entre hommes et femmes. L’année 2007 fut en Europe l’année de l’égalité des chances, il s’agit d’un concept clef du droit européen. Dans le rapport de la commission, Définition du Handicap en Europe, l’égalité des chances est par exemple définie comme « orientée vers le mérite individuel, en ce sens qu’elle vise à l’égalité des chances des personnes de travailler et d’être payées en fonction de leurs aptitudes ». Egalité/liberté, Freiheit En étudiant les deux principes, il est intéressant de se demander si ces deux valeurs ne sont pas antinomiques. En effet, la liberté et l’égalité possède respectivement deux caractères opposables, l’un individualiste l’autre collectif, qui peuvent toutefois s’alimenter l’un et l’autre. En effet, l’égalité suppose une réflexion sur la compatibilité des libertés, au nom de l’intérêt général. Il s’agit donc de trouver un juste équilibre entre la garantie des libertés individuelles et le principe d’égalité de tous les hommes. Le parfait exemple sur les rapports entre égalité et liberté est celui de la laïcité, principe selon lequel une liberté peut être restreinte pour mettre en place une égalité. C’est le cas par exemple, à l’école, où la restriction de la liberté de conscience des élèves peut s’avérer nécessaire pour garantir leur égalité. Le législateur allemand prend toujours soin de ne pas porter atteinte de manière excessive aux libertés individuelles, même quand il est question de lutter contre les discriminations. Le droit allemand cherche à protéger la sphère privée et la liberté des individus, cela s’explique par les stigmates du totalitarisme.

Discrimination positive/action positive, positive Diskriminierung Selon Gwénaële Calvès, la discrimination positive désigne un « programme obligatoire de distribution préférentielle d’un bien ou d’une prestation aux membres d’une minorité ou d’un groupe social défavorisé en vue de compenser l’inégalité sociale ». L’objectif est d’introduire des ruptures dans l’égalité des droits afin de parvenir à une égalité concrète. La conception française, formelle et universaliste, du principe d’égalité explique la difficile acceptation de la notion de discrimination positive en droit français, qui suscite nombre débats. En droit européen, le recours à l’action positive est particulièrement apprécié en ce qu’il permet de combler les lacunes de l’Egalité formelle, c’est-à-dire qu’il permet de lutter contre une discrimination avant que celle-ci ne se produise et qu’une plainte ne soit déposée. « La discrimination positive peut être acceptable si elle vise un but légitime et reste dans les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre ce but, en conciliant autant que possible le principe de l’égalité de traitement avec les exigences du but poursuivi » : il s’agit d’opérer un test de proportionnalité et de légitimité de ces mesures (Au-delà de l’égalité formelle). Le droit français a intégré la notion de discrimination positive, mais cette dernière ne doit pas reposer sur une distinction expressément prohibée par la Constitution, ni ne doit remettre en cause un droit fondamental. Elle doit en outre reposer sur des critères objectifs et précis. Selon le Conseil constitutionnel, « le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit » (n°2001-450DC, 11/07/2001).

Aménagement raisonnable/ angemessene Vorkehrungen L'article 5 de la directive 2000/78/CE dispose que les employeurs ont l'obligation de procéder à des aménagements raisonnables pour les candidats et employés handicapés. Cela signifie que les employeurs sont tenus de prendre les mesures qui s'imposent pour permettre à une personne handicapée d'accéder à l'emploi ou à la formation, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge disproportionnée. Cette charge n'est pas disproportionnée lorsqu'elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l'État membre concerné en faveur des personnes handicapées. Des aménagements raisonnables, par exemple, consisteraient en la mise en place d'un accès pour les fauteuils roulants, l'ajustement des horaires de travail, l'adaptation des équipements de bureau… Pour déterminer une charge disproportionnée, il conviendra notamment de tenir compte des coûts financiers et autres, de la taille et des ressources financières de l'organisation, et de la possibilité d'obtenir des financements publics ou d'autres formes d'aide. Les aménagements raisonnables sont tantôt considérés comme une forme d’action positive, tantôt comme une forme d’égalité en tant qu’équité et sont une concrétisation de la notion d’égalité des chances. Le manquement à l’obligation d’aménagements raisonnables constitue une discrimination indirecte. Pour l’Allemagne et la France, il s’agit d’une notion inédite. En droit allemand, elle est étonnement transcrite dans le code social (Sozialgesetzbuch IX) à l’article 81-4 et non dans l’AGG. L’article fait référence aux lourds handicaps (schwerbehinderte Menschen), qui peuvent bénéficier d’aménagements raisonnables et énonce aussi que ces mesures ne s’imposent pas si elles sont insupportables pour l’employeur, si elles constituent une charge disproportionnée pour ce dernier ou si elles sont susceptibles de nuire aux règles de sécurité dans le cadre du travail. Le législateur français, plutôt que d’utiliser la notion européenne, a préféré la notion de mesures appropriées (Art. L5213-6 Code du travail). L’obligation qui pèse sur l’employeur ne s’applique qu’aux personnes handicapées enregistrées.

Discrimination multiple, Mehrfachdiskriminierung En droit européen, il existe une discrimination multiple lorsqu'une personne subit une discrimination sur la base de plusieurs critères; ce type de discrimination peut être ressenti différemment : une personne fait l'objet de discrimination pour des raisons différentes, mais chaque type de discrimination se produit à un moment distinct. Il s’agit d’un nouveau concept qui se base sur une constatation simple : les personnes ont de multiples identités. Il s’agit d’une approche intégrée du phénomène de discrimination, qui tend à renforcer l’efficacité des mesures antidiscriminatoires. La discrimination multiple peut prendre diverses formes : additive, amplificatrice et intersectionnelle. La prise en compte des discriminations multiples est prise en compte en droit allemand dans le chapitre 4 de l’AGG. Le droit français reconnait l’existence de discriminations multiple, mais cette notion nouvelle nécessite encore d’être développée. Dans quels domaines, selon vous, l'exigence de non-discrimination s'impose-t-elle et/ou doit-elle s'imposer en priorité ? Justifiez votre réponse. Il nous semble que l’emploi et le travail sont les deux domaines dans lesquels l’exigence de non-discrimination doit s’imposer en priorité. En effet, l'emploi et le travail constituent des éléments essentiels pour garantir l'égalité des chances pour tous et permettent l’intégration sociale des individus, qui ainsi participent à la vie économique et culturelle de la société. Plus concrètement, l’individu s’épanouit personnellement grâce au travail, qui détermine son cadre de vie. Lutter contre les discriminations dans le domaine du travail permet en outre d’améliorer la cohésion sociale et la solidarité en général, en améliorant le bien être du citoyen. Quelles sont les sources de l'exigence juridique de non-discrimination ou d'égalité dans les pays de l'Union européenne ? La multiplicité des sources est-elle souhaitable ? Est-elle source de difficulté ? L’exigence juridique de non-discrimination trouve sa source au plus haut de la hiérarchie des normes, notamment les sources constitutionnelles, européennes et internationales (niveau supra-législatif) qui affirment le principe général d’égalité ou de non-discrimination. L’exigence de non-discrimination se retrouve également dans une combinaison de législations spécifiques. Ainsi, chaque domaine juridique comprend une obligation de non-discrimination. On retrouve par exemple en droit français l’exigence de non discrimination dans le code pénal, dans le code du travail (L1132-1s), le code civil (art. 16-13), le code de la sécurité sociale, le code de la mutualité, le code des assurances, on trouve également cette exigence dans des textes non codifiés comme la loi du 27 mai 2008 ou encore dans d es décrets ou des circulaires. En droit allemand, cette exigence est affirmée dans le code du travail (Arbeitsgesetzbuch), le code social (Sozialgesetzbuch), dans des lois plus spécifiques comme la Loi sur la promotion de l’égalité des personnes handicapées, ou la loi sur la protection contre le licenciement abusif, la loi fédérale sur les fonctionnaires ou dans la loi générale sur l’égalité de traitement du 18 août 2006, qui couvrent tous les motifs discriminatoires compris dans les directives suscitées. Contrairement au droit allemand, le droit français ne possède pas de Code de l’égalité de traitement. Cette multiplication des sources se révèle source de difficultés quand on considère l’importance concrète de l’exigence de non-discrimination pour la société. Il s’agit d’un principe de droit qui a vocation a être largement diffusé, au contraire la multiplicité des sources n’entraine que confusion et rend l’accès à la loi difficile pour le citoyen. Belinda Pyke (Directrice, Egalité entre les femmes et les hommes, Action contre la discrimination, Société civile à la Commission européenne) rappelait dans l’avant-propos de la publication Communiquer sur l’égalité et la non-discrimination dans L’UE, qu’en « premier lieu, les droits et obligations doivent être connus et compris pour être effectifs. Il est primordial d'informer sur la législation afin que les victimes potentielles puissent faire usage de leurs droits et que les employeurs, les fournisseurs de services et les administrations connaissent leurs devoirs dans ce domaine ». Même, si le gouvernement français communique sur l’exigence de non-discrimination, il nous semble que, à la lumière de la législation allemande, la création d’une loi générale d’interdiction des discriminations serait souhaitable.

Questions : L'exigence de non-discrimination s'impose-t-elle aux personnes privées comme aux Etats ? Peut-on imaginer une distinction entre les obligations des personnes privées et publiques dans ce domaine ? Pourquoi ? L’exigence de non-discrimination s’impose aux Etats à travers la législation internationale. Elle est affirmée notamment dans les textes suivants : • La Charte des Nations Unies à l’article 1§1 • La Déclaration universelle des droits de l’homme à l’article 2 • Le Pacte international des Nations unies sur les droits civils et politiques (PIDCP) art. 2 • La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) à l’article 14 et son protocole n°12 (art.1) En droit communautaire, cette exigence se retrouve dans la Charte des droits fondamentaux à l’article 21, dans le TCE à l’article 12 (discriminations fondées sur la nationalité), à l’article 141 (discriminations fondées sur le sexe). Par ailleurs, le principe de non-discrimination fait partie intégrante des principes généraux du droit fondant l’ordre juridique communautaire et lie la Communauté, même en l’absence de texte spécifique (Art 6.2 TUE). En outre, l’exigence de non-discrimination s’impose dans des domaines bien définis à travers les différentes directives prises en vertu de l’article 13.1 TCE (précitées). En droit français, l’article 1 de la Constitution est rédigé comme suit : La France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. En droit allemand, l’article 1 de la GG précise que les droits fondamentaux dont l’égalité et le principe de non-discrimination lient les pouvoirs législatifs, exécutif et judicaire à titre de droit directement applicable. De ces sources internationales, européennes et constitutionnelles découle pour l’Etat l’obligation de garantir le principe de non-discrimination et ce sans exception. L'Etat promeut la réalisation effective de l’égalité et a donc l’obligation d’adopter une politique anti-discrimination. Il doit agir en vue de l'élimination des discriminations existantes, en interdisant les pratiques discriminatoires et en élaborant de solides lois en la matière. Il a de plus l’obligation de porter à la connaissance des personnes concernées, par tous les moyens appropriés (notamment par la création d’institutions ou de tout autre instrument de communication), les dispositions de la loi et le droit qui en découle de bénéficier d’un traitement équitable. Il doit veiller à ce que les victimes puissent avoir accès aux procédures judiciaires et administratives. L’Etat doit donc protéger les citoyens de toutes les violations du principe de non discrimination, y compris celles résultant d’actions d’individus ou de tout autre acteur privé. En cas de non respect de l’exigence de non discrimination, les Etat pourront être sanctionnés notamment au niveau communautaire (recours en constatation de manquement, sanctions pécuniaires). Les personnes privées ne sont pourtant pas soumise tels les Etats à un principe général de non-discrimination. C’est à travers les législations nationales et parfois communautaires qu’elles sont soumises à cette exigence. Les particuliers sont soumis à des obligations posées par le droit communautaire. La CJCE a ainsi précisé que sont d'effet direct tant vertical qu’horizontal, dans le TCE les articles suivants: l'article 12 sur l'interdiction de la discrimination sur la base de la nationalité (CJCE, 12.12.1974, Walrave, Aff. 36/74) et l'article 141 sur l'égalité des sexes. (CJECE, 15.06/1978, Defrenne, Aff. 149/77, §§ 24,39). Le manquement à ces obligations sera sanctionné tel que le droit national le prévoit. Au niveau constitutionnel, les droits découlant des articles 1 et 2 DDHC et de l’article 3 GG doivent être respectés dans les rapports entre personnes privées. Cependant, le niveau d’exigence ne saurait être comparable en tout point à celui imposé aux Etats. Les personnes privées ont l’obligation légale de respecter la loi mise en place par les gouvernements. La loi énumère les motifs de discrimination et ses domaines d’interdiction. Elle prévoit les sanctions pénales ou civiles.

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