Etude comparée des positions de l’Union européenne (Cour de justice), de la France et du Royaume-Uni sur la violation du droit de reproduction par Eric BOBRIE

L’arrêt Infopaq fournit une interprétation des notions de reproduction partielle et de reproduction temporaire, qui appelle à l’analyse comparée de la jurisprudence européenne et des droits français et anglais. On constate une grande proximité avec la position anglaise, et globalement une protection accrue des auteurs, révélant une tendance dont il convient de critiquer l’opportunité. CJCE, 16 juillet 2009, aff. C 5/08, Infopak International A/S v Danske Dagblades Forening

Le récent éclairage apporté par la Cour de Justice de l’Union Européenne reflète à quel point il peut être difficile de déterminer l’étendue de la protection du droit d’auteur et, par voie de conséquence, de savoir si l’utilisation d’une œuvre est ou non licite.

Le 21 décembre 2007, la Cour Suprême du Danemark fait appel à la juridiction de l’UE à travers une question préjudicielle portant sur l’interprétation des notions de reproduction partielle et reproduction provisoire. Le syndicat de presse Danske Dagblades Forening poursuivait la société Infopak International A/S, qui, pour son activité de veille de presse écrite, numérisait quotidiennement des extraits d’articles et les transmettait à ses clients sous forme de synthèses de presse imprimées, sans autorisation préalable des ayants droit.

La première question était de savoir si l’utilisation de courtes parties d’articles (onze mots) était susceptible d’entrer dans le champ de la reproduction partielle, au sens de l’article 2 de la Directive européenne sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (2001/29/CE). Il convenait également de préciser la notion de reproduction provisoire, sachant que le fichier traité par Infopaq était détruit en fin de processus, mais qu’une version papier subsistait.

Selon la Cour, l’agencement de onze mots peut être le reflet de la création intellectuelle d’un auteur, et faire donc l’objet d’une protection du droit d’auteur au même titre que l’article d’origine. L’appréciation au cas par cas est laissée aux juridictions nationales, mais la lettre comme l’esprit de cette décision laissent peu de place à l’incertitude. Par ailleurs, l’exception pour reproduction provisoire n’est pas retenue du fait d’un défaut de processus automatisé de destruction des œuvres protégées, ce qui permet d’y voir plus clair sur ce qui est attendu des sociétés entendant se prévaloir de cette exception.

Cette décision clarifie les obligations nées de la Directive alors que les États Membres les appliquent de manière hétérogène, au gré de leur tradition juridique respective et de leur propre équilibre entre étendue de protection et régime d’exceptions. La question est de savoir si cet équilibre va être perturbé utilement par cette orchestration supplémentaire.

Au Royaume-Uni par exemple, la jurisprudence, très riche dans ce domaine, a progressivement affiné les critères à examiner dans les affaires de reproduction partielle (notamment le concept de substantial part), position forgée à travers une vision globale du système de copyright. Modifier un seul facteur de l’équation n’est pas sans risque de bouleverser l’équilibre national recherché, à moins d’en modifier également les autres et de faire adopter par tous les États Membres la même vision morale et économique du droit d’auteur (ce qui est difficilement envisageable).

À ce titre, l’analyse de l’arrêt (1) laisse penser que l’interprétation de la CJUE est compatible, voire proche de la position de la plupart des États Membres sur le sujet de la reproduction partielle. L’étude comparée avec la jurisprudence des Lords met en avant une illustration de cette proximité idéologique (2). Le droit français se trouve davantage bouleversé, en raison de ses particularités et d’un équilibrage différent (3). Le plus frappant, néanmoins, est l’étape supplémentaire franchie avec cette décision: celle d’une harmonisation “par le haut”, avec une protection toujours accrue du droit d’auteur qui tend vers l’omniprésence, alors que le régime d’exception fait l’objet d’une interprétation restrictive (4).

1. La clarification des notions.

La question préjudicielle posée à la CJUE portait sur l’interprétation de la Directive 2001/29/CE et ses articles 2 et 5 en particulier.

Selon l’article 2, l’auteur doit disposer d’un droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie. L’article 5 vise l’exception technique des actes temporaires de reproduction, qui sont transitoires ou accessoires et constituent une partie intégrante et essentielle d'un procédé technique, et qui n’ont pas de signification économique indépendante.

Sur le thème de la reproduction partielle, la Cour distingue les mots de leur agencement: si un terme seul ne peut être protégé, l’articulation de plusieurs mots est susceptible de refléter le choix de l’auteur, de porter l’empreinte de son intelligence. Onze mots sont manifestement suffisants pour aboutir à ce processus créatif, et selon ce raisonnement, on peut envisager que des extraits encore plus courts puissent, dans le futur, être visés.

L’inquiétude que les juges ont cherché à apaiser était d’autant plus grande que plusieurs séries de mots clef d’un même article pouvaient être reproduites, avec comme conséquence plausible de révéler une partie encore plus substantielle de l’œuvre d’origine.

La portée juridique de cette interprétation est qu’un court extrait d’article peut être protégé de la même manière que l’article dans son entier. L’aspect économique est que leur utilisation devra désormais faire l’objet d’une autorisation préalable, avec une possible rémunération: les activités de revue de presse, entre autres, sont concernées et devront s’adapter à ce développement.

On observe un renforcement de la protection accordée aux auteurs dans le domaine du journalisme, avec l’élargissement de la main mise de la propriété intellectuelle sur de nouvelles activités, y compris (et ce sont peut être elles qui sont visées dans une seconde intention) l’agrégation d’articles sur internet et les flux d’information.

L’équilibrage avec la liberté d’information peut toujours se faire à travers les exceptions prévues par la Directive. Ici encore, les juges Danois ont demandé à la CJUE son éclairage à propos de l’article 5, et la notion de reproduction temporaire.

Les synthèses fournies par Infopaq étaient produites en plusieurs étapes, la dernière étant l’impression du fichier sur un support matériel. C’est précisément en cela que la reproduction échappait, selon la Cour, au caractère temporaire car une intervention humaine était alors nécessaire pour la détruire. Cette précision est pleine d’enseignements pour les sociétés qui souhaitent se prévaloir de l’article 5, et elles devront porter une attention particulière à la mise en place d’un processus automatisé de destruction des fichiers faisant l’objet d’une protection.

Si la Cour n’a pas interprété les exceptions non obligatoires de la Directive (article 5 (2) et (3)), l’Avocat Général Verica Trstenjak a évoqué dans son rapport celle qui autoriserait la reproduction d’articles portant sur des thèmes d’actualité, en l’écartant au motif du caractère non public (au sens de la Directive) de la communication lorsqu’il s’agit d’e-mails ciblés (http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62008C0005:E..., point 138).

Le caractère commercial du service n’a pas été retenu par Me Trstenjak, aucune signification économique indépendante n’ayant été déterminée. Néanmoins, elle indique que la reproduction d’extraits a un impact sur l’industrie de la presse car les clients n’ont alors plus besoin d’acheter les journaux, ce qui porte un préjudice aux ayants droit au sens de l’article 5(5). Enfin, l’exception de citation à des fins de critique ou de revue n’a pas non plus eu les faveurs de l’Avocat Général, qui considère que les extraits visés avaient pour but de résumer les articles et non de les commenter.

2. Union Européenne et Royaume-Uni: l’alignement des positions

L’infraction au copyright pour reproduction partielle (Article 16(3) CDPA) est examinée à travers le concept de substantial part (Ladbroke (Football) Ltd v William Hill (Football) Ltd 1964), qui repose moins sur la quantité de ce qui a été copié que de sa qualité. Ce principe est particulièrement cohérent avec la décision de la Cour Européenne de considérer que la reproduction de onze mots pouvait constituer une violation du droit d’auteur.

Dans le domaine musical, les Lords avaient mis en avant la notion de reconnaissance de l’œuvre aux yeux du public (Hawkes & Sons Ltd v Paramount Film Services (1934) Ch 593 (CA)). Il est intéressant de constater que l’on retrouve cette idée dans le rapport de Me Trstenjak: il est nécessaire d’établir si l’on peut, à partir d’une reproduction partielle, reconnaître le contenu de l’œuvre ou déterminer avec certitude qu’il s’agit de la reproduction exacte d’une œuvre donnée (élément de reconnaissance) (point 58).

L’arrêt Designers Guild Ltd v Russell Williams (Textiles) Ltd 2001 FSR 11 (HL) a donné lieu a une revue en profondeur des critères relatifs à la reproduction partielle. Une observation importante en est ressortie, selon laquelle une trop grande rigidité devait être évitée car il s’agit autant d’une question de droit que d’une question de faits. Cette analyse est reprise par deux Lords dans l’affaire Da Vinci Code (Baigent v Random House 2007 EWCA).

Il est cependant utile de s’intéresser aux concepts régulièrement dégagés par la jurisprudence pour comprendre l’idéologie britannique en la matière. En 1917, une infraction au copyright a été retenue pour une publicité utilisant quelques vers d’un poème de Kipling (Kipling v Genatosan Ltd 1917-23 MCC 203). Plus récemment, Robbie Williams était poursuivi pour une chanson comportant des paroles similaires à celles d’un titre de Loudon Wainwright III (Ludlow Music Inc v Robbie Williams 2001 FSR 19). Les Lords avaient alors considéré que l’idée centrale avait été copiée.

L’idée centrale est précisément ce que Infopaq faisait ressortir dans ses synthèses: un mot clef avec les 5 mots qui précèdent et les 5 mots qui suivent, le tout indexé et imprimé afin de mettre en avant les articles susceptibles d’intéresser les clients. Cette veille de presse tomberait vraisemblablement en violation du copyright si l’affaire était portée devant les tribunaux en Angleterre ou au Pays de Galles.

Néanmoins, il serait déraisonnable de penser que les deux conceptions sont identiques. En réalité, si l’on examine la lettre de la Directive et de la décision C 5/08, il apparaît que l’approche Européenne s’intéresse moins à la relation entre ce qui est copié et l’œuvre entière: la connexion avec l’auteur est privilégiée, ainsi que ce qui transparaît de sa touche créative.

C’est là que le jugement de la CJUE peut sembler surprenant. Les termes utilisés dans la Directive suggèrent qu’une solution inverse aurait pu être adoptée dans le domaine d’extraits d’articles de presse, où un agencement de mots peut constituer une part substantielle de l’œuvre complète, mais pour laquelle l’expression de la création intellectuelle de l’auteur est plus difficile à détecter.

Mais de toute évidence, il convient de ne pas trop s’attarder sur des considérations linguistiques: si l’expression utilisée par la CJUE est plus proche de celle usitée en droit français, par exemple, il semble que la lettre de la Directive ait été supplantée par l’esprit de la Directive. A la réflexion, l’inverse aurait été surprenant: la décision dans l’affaire C 5/08 est cohérente avec l’intention annoncée lors de la rédaction de la Directive. Les législateurs Européens ont décidé d’élever le niveau de protection pour les auteurs afin de lutter contre les nouvelles menaces de l’ère numérique.

3. Le droit français: légères différences, importantes conséquences

La France a transposé la Directive à travers la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information. Le droit d’auteur conserve néanmoins certaines particularités.

Au sujet des citations, l’affaire Microfor v Le Monde (Ass. Plén. 30 octobre 1987), a trouvé une issue après une décennie de rebondissements jurisprudentiels. La société Microfor fournissait des résumés dans un index appelé France-actualités, contenant le titre et des phrases clef d’articles de presse (dont Le Monde). La Cour a créé la notion d’œuvre d’information afin de s’affranchir de l’obligation d’autorisation sur le fondement de la liberté de documentation. Indirectement, les juges admettaient que la libre circulation de l’information devait prévaloir sur l’intérêt privé des auteurs.

Cette exception, qui se retrouve dans à l’article 122-5 du CPI, comporte un certain nombre de conditions, parmi lesquelles un objectif d’information ainsi qu’un critère de non substituabilité visant à établir si le lecteur se considère suffisamment informé au point que l’œuvre d’origine se voit être dénuée de son intérêt.

Dans la société d’information actuelle, il faut noter que l’examen de cette condition se trouve perturbé par de nouveaux facteurs, les lecteurs sont nourris par de l’information en grande quantité et sont souvent satisfaits par un contenu éditorial moins sophistiqué mais disponible immédiatement.

Néanmoins, les réalités économiques suggèrent que les journaux bénéficient plus de ces méthodes d’agrégations qu’ils n’en souffrent. Par conséquent, cette vieille exception française s’adapte particulièrement bien à la modernité des flux d’information, fournissant un exemple d’équilibrage différent de ce que la Directive prévoit.

La jurisprudence a d’ailleurs affiné le concept en y ajoutant des restrictions. En 1996, les juges ont considéré qu’il fallait examiner les conséquences économiques dans le souci de maintenir un équilibre financier (1ère C. Civ, 6 février 1996, BICC426, n°324) La condition de non substituabilité fut appliquée de manière particulièrement précise au sujet d’une œuvre picturale: pour que l’exception puisse être retenue, il est nécessaire que la qualité de la citation soit de qualité insuffisante pour pouvoir remplacer le besoin de consulter l’œuvre originale pour en percevoir tous les aspects. Enfin, l’exception est dite de courte citation, ce qui restreint encore son champ d’application (ce point fait l’objet de critiques sur le fondement d’une flexibilité insuffisante pour certains types d’œuvres).

Ceci étant dit, le message envoyé par les juges de l’arrêt Micropor est éloquent. A leurs yeux, la liberté d’information, protégée par l’article 10 de la CEDH, n’était pas à négocier. Cette position est régulièrement réaffirmée par la jurisprudence (Cass, 6 février 1996 précité; TGI Paris, 23 février 1999 Jean Fabris c Sté France 2, Dalloz n°38, 28/10/1999, p.580 )

Un récent développement a mis à l’épreuve cette tradition juridique à l’occasion de l’arrêt Google c/ La Martinière, à propos du service Google Books qui reproduit sans autorisation des extraits de livres au format numérique. À l’issue de débats mouvementés, le Tribunal a rendu son jugement, tenant Google pour responsable d’infractions aux droits économiques et moraux de l’éditeur (TGI Paris, 18 décembre 2009 N°RG:09/00540). L’exception de courte citation fut rejetée pour les raisons suivantes: la couverture des livres était affichée intégralement, et le caractère aléatoire des extraits était incompatible avec l’objectif d’information au sens de l’article L. 122-5 3° du CPI. Google a interjeté appel de cette décision.

Au-delà des particularités nationales, l’arrêt Infopaq renforce les voix qui militent pour une meilleure adaptation du droit à l’ère numérique, à travers une refonte d’ampleur du droit d’auteur plutôt que des efforts quasi instinctifs visant à se raccrocher à tout prix à un système conçu avant la révolution internet.

4. Le droit d’auteur omniprésent: le plus est-il l’ennemi du bien ?

Dans son préambule (point n°5), la Directive annonce que l'évolution technologique a multiplié et diversifié les vecteurs de création, de production et d'exploitation. Si la protection de la propriété intellectuelle ne nécessite aucun concept nouveau, les règles actuelles en matière de droit d'auteur et de droits voisins devront être adaptées et complétées pour tenir dûment compte des réalités économiques telles que l'apparition de nouvelles formes d'exploitation.

Si l’on peut considérer que les rédacteurs du texte n’ont pas tiré toutes les conséquences de leurs intentions, on ne peut attendre que la Cour de Justice se substitue au législateur. On peut cependant regretter qu’elle accentue le déséquilibre entre protection des auteurs et intérêt public. Le raisonnement classique est qu’un degré supérieur de protection favorise la création, et ici l’accent est mis sur la presse écrite, les industries musicale et cinématographique étant déjà au centre de l’attention médiatique.

Le célèbre juge américain Richard Posner (Cour d’appel du 7ème circuit) soutient cet effort: Expanding copyright law to bar online access to copyrighted materials without the copyright holder’s consent, or to bar linking to or paraphrasing copyrighted materials without the copyright holder’s consent, might be necessary to keep free riding on content financed by online newspapers from so impairing the incentive to create costly news-gathering operations that news services like Reuters and the Associated Press would become the only professional, nongovernmental sources of news and opinion (http://www.becker-posner-blog.com/archives/2009/06/the_future_of_n.html#...).

Mais alors que le protectionnisme du droit d’auteur s’accentue dangereusement, il convient de s’interroger sur ce qu’il va se passer ensuite. Jusqu’où l’expansion va-t-elle se poursuivre ? Récemment, des actions en justice ont été intentées au sujet de sonneries de téléphone portable (ASCAP vs Verizon Wireless), d’hyperliens (In Liu Jinsheng v Sohu Aitexin Infor-Tech (Beijing) Co Ltd), et la question de savoir si les tweets peuvent être protégés fait débat (http://www.wipo.int/wipo_magazine/en/2009/04/article_0005.html).

Le triple test repris par la Directive (Article 5-5) avait l’intention louable d’uniformiser les conditions d’exception à l’usage exclusif d’une œuvre. Néanmoins, de nombreuses limites nuisent à la pertinence de ce test: son application hétérogène au sein des Etats membres, les difficultés posées par l’anticipation du préjudice économique pour l’utilisateur, la question de la substitution des juges au législateur, la compatibilité avec l’exception de copie privée… La décision dans l’affaire Mulholland Drive est à ce titre un exemple éloquent.

Si l’on défend les fondations du système actuel, la difficulté est de savoir où poser les limites. Le seuil européen pour les publications est désormais de onze mots. Alors que nos comportements de consommateurs d’information évoluent au rythme de l’évolution technologique et non au rythme du droit, sera-il régulièrement nécessaire d’élargir à nouveau le champ de protection afin de sauver un modèle juridique manifestement inadapté ? Sur le plan économique, l’activité des agences comme Reuteurs ou l’AFP sont menacées, tout comme l’énorme marché des sites 2.0, ou encore les moteurs de recherches.

La question la plus intéressante que pose la révolution numérique (aux yeux du chercheur en droit, tout du moins), est à nouveau mise en avant par cette décision de la CJUE: comment un droit qui a pour ambition de réguler les produits et comportements culturels peut-il intégrer des changements si radicaux dans la culture elle-même ? Une réponse possible est de se rappeler que le droit est au service de la société, et par voie de conséquence doit s’adapter à ses aspirations. On assiste à tout l’inverse: on cherche à modifier les comportements sociaux pour les faire coïncider avec nos modèles juridiques.

Si l’idée de tirer partie des nouvelles possibilités qu’offrent les nouvelles technologies ne constitue pas une motivation nécessaire, la recherche technologique fournit un surplus d’arguments: il semble techniquement impossible de lutter contre ce que Microsoft appelle les darknets (The Darknet and the Future of Content Distribution, 2002): VPN, cryptographie, anonymisation, ces outils technologiques trouveront un public grandissant jusqu’à ce que l’idée d’un nouveau modèle de droit d’auteur ne soit sérieusement envisagée, intégrant les nouveaux comportements de la société de l’information tout en maintenant une incitation financière pour les auteurs.

5. Conclusion

Le droit d’auteur est conçu pour protéger la création culturelle et refléter les choix d’une société en la matière, satisfaisant un équilibre entre les différents intérêts sociaux.

L’effort d’harmonisation non seulement des législations mais de leur application est un motif de satisfaction: la régulation de relations souvent transnationales ne peut être efficace que si elle est la même partout. Cela ne peut qu’encourager un respect accru de la loi, et par voie de conséquence favoriser la création culturelle.

Les partisans d’une remise en cause du régime de propriété intellectuelle seront néanmoins déçus d’assister à une nouvelle concession de la part des instances européennes au profit des ayants droit, à travers une appréciation extensive de la protection des œuvres, et restrictive de ses exceptions. Il y a quelques centenaires, le moine Colomba d’Iona (Colum Cille) propageait la connaissance en copiant manuellement les livres. En 1709, le Statute of Anne fut le premier texte de protection des œuvres artistiques. Dans quelques mois, nous allons peut-être à nouveau assister à une étape cruciale dans l’histoire du droit d’auteur avec les accords d’ACTA.

En attendant, les sociétés sont désormais averties que l’obtention d’une autorisation est vivement recommandée pour les activités de veille de presse, à l’aube d’une décision qui, à partir de onze mots, aura fait couler beaucoup d’encre.

Bibliographie sélective

• Ouvrages et articles

Code 2.0, Lawrence Lessig (Basic Books, 2006), http://www.lessig.org/

Contemporary Intellectual Property: law and Policy, Hector MacQueen, Charlotte Waelde, and Graeme Laurie (2007, Oxford University Press)

Copyright Law: a Handbook of Contemporary Research, Paul Torremans (2007, Edward Elgar Publishing Ltd)

Intellectual Property Law, 3rd edition, Lionel Bently and Brad Sherman (2008, Oxford University Press)

Propriété littéraire et artistique, 6e édition, de Pierre-Yves Gautier (2007, Puf)

Du bon usage de la piraterie: Culture libre, sciences ouvertes, Florence Latrive (2004, Exils)

La mort de l’auteur, Roland Barthes (1968, Seuil)

L’œuvre selon le droit d’auteur, A. Strowel (1993, Revue Droits n°18)

Traité de la propriété littéraire et artistique, A. & H.-J. Lucas (3ème éd., 2006, Litec)

Modern intellectual property law, Catherine Colston and Kirsty Middleton (2005, Routledge Cavendish)

COPYRIGHT / COPYWRONG Les enjeux des pratiques contemporaines d’appropriation, Christiane Carlut (2003, MeMo)

Perspectives on Plagiarism and Intellectual Property in a Postmodern World, Lise Buranen and Alice Myers Roy (1999, State University of New York Press)

From Kant to Foucault: What Remains of the Author in Postmodernism, Gilbert Larochelle in Lise Buranen and Alice M. Roy, Perspectives on Plagiarism (1999, Suny)

Contribution à une réflexion sur la liberté artistique d’appropriation, Christiane Carlut (Conférence CopyCult, 2000)

Le droit d’auteur en France, H. Desbois (1978, Dalloz)

Marchandisation, with Doyen Vivant in mondialisation et propriété intellectuelle : la propriété intellectuelle est-elle une marchandise, Dalloz 2004, p. 31-

Journalisme en ligne et Droit d’auteur en Belgique, Thibault VERBIEST, 15/05/2000

Copying 11 words might be too much, P. Wienand & G. Hopkins, Farrer & Co, September 2009

The Darknet and the Future of Content Distribution, Peter Biddle, Paul England, Marcus Peinado, and Bryan Willman, Microsoft corporation, 2002 ACM Workshop on Digital Rights Management

Indefinitely Renewable Copyright, W.M. Landes & R.A. Posner, University of Chicago Law School; National Bureau of Economic Research (NBER), August 1, 2002

Les dangers de l’application judiciaire du triple test à la copie privée, Valérie-Laure Bénabou (Juriscom.net, 2006)

• Textes

Code de la Propriété Intellectuelle Commenté 2009, édition Dalloz

Copyright Designs and Patent Act 1988

Blackstone's Statutes on Intellectual Property, 9th edition, Andrew Christie and Stephen Gare (2008, Oxford University Press)