L’exception communautaire en matière de protection des droits fondamentaux : quelle hiérarchie entre le droit international et le droit communautaire ? Commentaire de l’arrêt Kadi par Diane LE COTTIER
Alors que les décisions rendues par le TPI en 2005 dans les affaires Kadi et Yusuf suscitaient une importante controverse, la CJCE y a mis un terme en statuant le 3 septembre 2008 sur les différents pourvois introduits contre ces décisions. Elle a annulé les arrêts du TPI et consacré l’indépendance de l’ordre juridique communautaire en se déclarant compétente pour contrôler les actes communautaires adoptés en application des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies dans le cadre du Chapitre VII de la Charte. La Cour s’est notamment appuyé sur l’existence de principes constitutionnels inhérents à l’ordre juridique communautaire, que même les normes de droit international ne peuvent violer. La Cour refuse d’établir entre le droit international et communautaire une hiérarchie favorable au premier. Elle adopte une position plus claire que celle retenue par la CEDH. Cette jurisprudence illustre bien l’exception communautaire en matière de protection des droits fondamentaux. CJCE 3 septembre 2008, aff. C-402/05 P, Kadi.
Le 3 septembre 2008, la CJCE a statué sur les pourvois introduits par Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation, dans les affaires jointes C-402/05 P et C-415/05 P. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international, le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CS) a en effet adopté des résolutions afin de remplir sa mission de maintien de la paix et de la sécurité internationales (Chap. VII de la Charte des Nations Unies). Ces résolutions enjoignent les Etats membres de prendre des sanctions économiques telles que le gel des avoirs des personnes nommément désignées comme associées au réseau Al-Quaida, à Ossama Ben Laden, ou au régime taliban (en l’espèce, résolutions 1267(1999), 1333(2000), 1390(2002)). Ces résolutions ont été mises en application dans le cadre du deuxième pilier de l’UE par le biais de l’adoption d’une position commune (2002/402/PESC), transposée dans l’ordre communautaire (premier pilier) par les règlements 467/2001 et 881/2002. Ce sont ces règlements qui ont fait l’objet d’une demande en annulation devant le TPI (21 septembre 2005, Kadi c/ Conseil et Commission, aff. T-315/01, et Yusuf et Al Barakaat International Foundation c/ Conseil et Commission, aff. T-306/01), dans la mesure où ils incluaient le nom des parties à la liste des personnes visées par les sanctions économiques. Plusieurs questions se sont posées au TPI, puis à la CJCE à l’occasion du pourvoi: en premier lieu la compétence de la Communauté pour adopter ces règlements, notamment car les sanctions économiques qu’ils prévoient visent directement des individus et non des Etats. De même, sa compétence pour contrôler leur légalité au regard du respect des droits fondamentaux. Enfin, l’existence ou non d’une violation de ces droits fondamentaux. Ce commentaire se focalisera sur la question des droits fondamentaux, autour de la problématique des rapports – hiérarchiques ?- entre le droit international et le droit communautaire. Les Etats doivent en effet faire face à une opposition entre leurs obligations issues du droit international, en l’espèce l’obligation de mettre en œuvre les résolutions du CS, et leurs obligations issues du droit communautaire, en particulier le respect des droits fondamentaux. Alors que le TPI avait adopté une approche internationaliste en conférant au droit international issu de la Charte des Nations Unies la primauté sur le droit communautaire, la CJCE a consacré la solution opposée en rappelant l’indépendance de l’ordre juridique communautaire. Cette décision souligne l’originalité de l’ordre juridique communautaire, qui ne peut plus désormais être considéré comme le réceptacle passif et docile des normes de droit international. En outre, la CJCE a mis l’accent sur l’existence de principes constitutionnels intangibles en droit communautaire. Cette exception communautaire sera également démontrée par l’étude des solutions apportées par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) en droit international dans l’ordre juridique européen, qui se conforment plus à la ligne de conduite imposée par les Nations Unies.
Primauté du droit international ou du droit communautaire : TPI v CJCE dans l’affaire Kadi
Le TPI a reconnu « l’effet obligatoire » (voir §193 et §217 arrêt Kadi TPI) des résolutions du CS dans l’ordre communautaire, et déduit son incompétence pour statuer sur leur conformité aux droits fondamentaux, tout en se déclarant toutefois compétent pour examiner leur conformité aux principes de jus cogens. D’après le Tribunal, les Etats membres étant liés en droit international par les obligations pesant sur eux en vertu de la Charte des Nations Unies, la Communauté leur aurait succédé pour honorer ces obligations, par l’effet du transfert de souveraineté réalisé par les Etats membres en vertu du Traité CE. Elle serait donc liée par les résolutions du CS, bien qu’elle ne soit pas membre des Nations Unies ni destinataire des résolutions. Le Tribunal a également mis en avant un argument politique, en soulignant que dans la lutte contre le terrorisme international, le CS était mieux placé pour prendre les mesures adéquates et la Communauté devait donc respecter son autorité. En outre la violation des droits fondamentaux des requérants, notamment le droit à un procès équitable et le droit d’être entendu, n’était pas suffisamment grave pour l’emporter sur « l’intérêt général essentiel qu’il y a à ce que la paix et la sécurité internationales soient maintenues face à une menace clairement identifiée par le Conseil des nations Unies » (CJCE, Kadi, §289). Dans des affaires postérieures, mais antérieures au pourvoi devant la CJCE, le TPI a toutefois reconnu sa compétence dans le cas où les mesures contestées trouvaient leur source dans des actes communautaires dressant eux-mêmes les listes des sanctions prévues et des destinataires, plutôt que dans des actes transposant sans les modifier les résolutions du CS. De tels actes ne sont pas couverts par le principe de primauté du droit des Nations Unies et peuvent donc être contrôlés par les juridictions communautaires (voir en particulier TPI, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran (OMPI) v Council, 12 décembre 2006, T 228-/02). Un tel contrôle se justifie par la nécessité de garantir l’état de droit dans la Communauté. L’immunité des résolutions du CS pouvait être fondée sur une prétendue supériorité du droit des NU sur le droit communautaire, mais ce point de vue ne faisait déjà pas l’unanimité (voir l’opinion de l’AG Maduro en particulier) et menaçait en particulier le respect des droits fondamentaux. Mais rien ne justifie de conférer une telle immunité aux actes adoptés par les institutions de leur propre initiative puisqu’il s’agit des organes décisionnels de l’ordre communautaire lui-même, si ce n’est un argument politique qui, dénué de bases légales, n’a pas sa place devant les tribunaux. Désormais, grâce à l’arrêt de la CJCE, cette différence de traitement entre les listes dressées par les NU ou directement par la CE a disparu quant à l’obligation de respecter les standards de protection des droits fondamentaux.
En effet, la CJCE rappelle que la Communauté est « une communauté de droit » (Kadi §281), et que les actes des institutions et des Etats doivent être conformes « à la charte constitutionnelle de base qu’est le Traité CE », et contrôlés par le biais du système complet de voies et de procédures » destiné à confier à la Cour le contrôle de la légalité des actes des institutions » (Kadi §281 ; voir aussi Les Verts / Parlement, 23 avril 1986, 284/83, point 23). Le raisonnement de la Cour s’articule donc autour de la proclamation de l’autonomie du système communautaire. Bien que l’article 307 CE impose aux Etats membres de respecter leurs engagements internationaux préexistants, et rappelle la nécessité de respecter les pays tiers, son but (contrairement aux arguments développés dans l’affaire par la Commission et le RU) est de limiter les atteintes portées à l’intégrité du droit communautaire par les accords internationaux préexistants, plutôt que de conférer une immunité aux dispositions de ces traités. En aucun cas il ne doit servir de fondement aux Etats membres pour éluder leurs obligations dérivant des « principes constitutionnels fondamentaux » de l’ordre communautaire (voir en ce sens l’arrêt Schmidberger, 12 juin 2003 C 112/00, point 73 : « ne sauraient être admises dans la Communauté des mesures incompatibles avec le respect des droits de l’Homme ainsi reconnus. »). D’après l’avocat général (AG) Maduro (voir ses Conclusions du 16 janvier 2008 dans l’affaire Kadi C402/05, §22), la Communauté, en tant qu’acteur majeur sur la scène internationale, est présumée honorer ses engagements internationaux dans son interprétation du droit communautaire, et les Etats membres ont un devoir de loyauté lorsqu’ils mettent en œuvre leurs obligations internationales. De plus, la Cour doit pallier la tendance des dirigeants –en particulier du Conseil, car les gouvernements des Etats membres sont soucieux de l’efficacité et de la popularité des mesures communautaires au niveau national- à répondre aux attentes du plus grand nombre au détriment des droits de quelques-uns. L’AG Maduro suggère, au lieu de faire bénéficier ces mesures de l’immunité juridictionnelle, de conserver le critère de protection habituel pour exercer le contrôle mais de faire varier la balance des intérêts compte tenu de la gravité des circonstances (lutte contre le terrorisme international). En l’espèce, les mesures prises sont clairement indéfinies puisque le gel des avoirs a été proclamé pour une durée indéterminée, sans avoir permis à l’individu de pouvoir défendre sa cause devant les instances internationales ou juridictionnelles. L’absence de garanties procédurales est constitutive de la violation du droit de propriété, plus que le gel en lui-même, d’autant plus que les sanctions prises sont concrètes et individuelles et se rapprochent d’un acte administratif individuel. La seule circonstance qui permettrait à la Cour de ne pas exercer son contrôle serait la création d’un organe juridictionnel indépendant et efficace au niveau des Nations Unies pour vérifier la légalité des mesures prises en application des résolutions du CS par la Communauté. Or pour le moment la seule voie de recours existante s’effectue par voie diplomatique : les autorités nationales peuvent introduire une demande devant le Comité des Sanctions pour réviser les mesures visant leurs ressortissants. Mais cette procédure est soumise à leur entière discrétion, les juridictions communautaires ont donc affirmé l’importance de mettre à la disposition des requérants une voie de recours dans le cas où les autorités nationales refusent d’introduire cette demande (voir TPI, T 253/02, Chafiq Ayadi / Conseil, et T-49/04 Hassan / Conseil et Commission, 12 juin 2006). Toutefois la complexité d’un tel système soumis en premier lieu au bon vouloir des gouvernements ne semble pas satisfaire les exigences du droit à une protection judiciaire efficace.
Qui plus est, la Cour ne se déclare en aucun cas compétente pour contrôler directement la légalité des résolutions adoptées par le CS. Elle vérifie plutôt la légalité de l’acte communautaire les mettant en application. En effet, dans la mesure où les actes juridiques adoptés par le CS ne bénéficient pas de l’effet direct en droit communautaire, ils doivent être mis en application via une mesure communautaire. Alors que le TPI se déclarait impuissant pour exercer toute forme de contrôle, et bien que la CJCE ne soit en aucun cas compétente pour vérifier la légalité et la validité des actes du CS qui appartiennent à l’ordre juridique international, elle a contourné avec succès cette carence. Désormais elle exerce un contrôle indirect sur les actes juridiques du CS en contrôlant les mesures communautaires adoptées en vue de les mettre en application. En outre, la Cour souligne qu’aucun acte communautaire ne peut bénéficier d’une immunité juridictionnelle, quand bien même il serait dérivé d’une résolution du CS (§299-300). Elle contredit donc directement le TPI. En particulier, les normes de droit international issues de la Charte ne sauraient en aucun cas primer sur le droit communautaire primaire, dont font partie les droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire (§308). La Cour a donc choisi d’adopter une approche « euro-centrique », plutôt qu’internationaliste comme celle du TPI. Elle met l’accent sur la particularité du droit communautaire en tant qu’ordre juridique intégré. Le rôle de la CJCE se rapprocherait donc plus de celui d’une cour constitutionnelle. Cette faculté la distingue en particulier de la CEDH. Cette juridiction n’apparaît en effet non pas comme gardienne d’un ordre juridique dans son intégralité, avec ses propres valeurs et principes constitutionnels, mais uniquement d’un Traité. La CEDH veille à ce que les Etats membres respectent les obligations qui leur incombent en leur qualité de signataires de la Convention, traité de droit international. Sa seule marge de manœuvre se situe au niveau de l’interprétation des termes de la Convention, alors que la CJCE dégage progressivement les fondements de l’ordre communautaire au gré de l’intensification de l’intégration communautaire et en façonnant sa propre compétence selon ses besoins.
A travers cet argument, et à l’appui d’allusions répétées dans l’arrêt aux « principes constitutionnels » du droit communautaire, la Cour semble se déclarer en faveur d’un mouvement de « constitutionnalisation » de l’ordre juridique communautaire.
L’argument constitutionnel développé par la CJCE dans l’affaire Kadi
Alors que la Communauté ne dispose d’aucune constitution au sens formel (document écrit et ratifié par les Etats membres), la Cour semble pourtant reconnaître l’existence d’une structure constitutionnelle liant les Etats membres. A l’origine de cette structure figure le principe d’autonomie de l’ordre juridique communautaire, distinct de l’ordre international (CJCE, 5 fév. 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62). Les normes dites constitutionnelles elles sont issues des traditions constitutionnelles des Etats membres, ainsi que de la CEDH (CJCE, 26 juin 2007, Ordre des barreaux Francophones et Germanophones C 305/05). Enfin, la jurisprudence de la Cour elle-même place le respect des droits fondamentaux au rang de condition de légalité des actes communautaires (voir notamment CJCE, Schmidberger, C 112/00, 12 juin 2003, point 73). La Cour en déduit donc qu’aucun accord international « ne saurait avoir pour effet de porter atteinte aux principes constitutionnels du traité CE » (§285). Dans Kadi notamment la Cour a jugé que le respect des droits fondamentaux était une « garantie constitutionnelle découlant du traité CE » (§ 316), qui demande donc de contrôler les actes communautaires, et auquel aucun accord international ne saurait s’opposer. L’AG Maduro va même plus loin en avançant que le droit international lorsqu’il interagit avec le droit communautaire doit se plier aux « conditions fixées par les principes constitutionnels de la Communauté » (Conclusions du 16 janv. 2008 dans Kadi, §24). Si hiérarchie il y a, elle est d’après lui en la faveur du droit communautaire. Cet argument de la Cour souligne sa volonté d’affirmer la force de l’ordre juridique communautaire, qui serait désormais doté de sa propre Constitution. Cette avancée semble très audacieuse, compte tenu du rejet par certains Etats Membres, la France notamment, de l’adoption d’une Constitution pour l’Europe et des craintes formulées par les Etats membres au sujet du respect de leurs normes constitutionnelles nationales (même dans les débuts de l’essor de l’ordre juridique communautaire, voir pour mémoire dans le cadre de la protection des droits fondamentaux les arrêts Solange de la Cour Constitutionnelle Allemande). Mais elle est prometteuse et renforce une tendance déjà lancée (voir en particulier l’arrêt Schmidberger) qui montre que la CJCE en matière de droits fondamentaux n’hésite pas pour les protéger à se démarquer des tendances inspirées du droit international.
Les solutions apportées en la matière dans l’ordre juridique européen par la CEDH
La CEDH a établi une distinction entre le contrôle de conformité avec la Convention des actes imputables à l’ONU directement, pour lequel elle s’est déclarée incompétente (Behrami et Behrami c/ France 71412/01 (2007) et Saramati c. France, Allemagne et Norvège 78166/01 (2007)), et le contrôle de conformité des actes imputables aux Etats membres en application des résolutions du CS (Bosphorus Airways c/ Irlande, 45036/98 (2005). Dans les affaires jointes Behrami et Saramati, les requérants mettaient respectivement en cause des omissions et actes qu’ils considéraient imputables aux autorités présentes sur le territoire du Kosovo, mandatées par des résolutions du CS, et placées sous la direction d’Etats signataires de la Convention (France, Allemagne et Norvège). La CEDH a décliné sa compétence en démontrant que les actes contestés devaient être attribués à l’ONU qui avait conservé l’autorité et le contrôle ultime sur ces autorités. La CEDH a fait primer l’importance de la mission des Nations Unies, et donc l’application des résolutions du CS, sur le respect et la portée de la Convention : elle ne peut être interprétée de manière à rendre compétente la Cour pour contrôler les actes des parties aux NU pris directement en application des résolutions sans réelle marge de manœuvre, sans porter atteinte à la mission de maintien de la paix et de la sécurité internationales des NU : « la Convention ne saurait s'interpréter de manière à faire relever du contrôle de la Cour les actions et omissions des Parties contractantes couvertes par des résolutions du Conseil de sécurité et commises avant ou pendant de telles missions. Cela s'analyserait en une ingérence dans l'accomplissement d'une mission essentielle de l'ONU dans ce domaine, voire, comme l'ont dit certaines des parties, dans la conduite efficace de pareilles opérations » (Behrami et Behrami c. France, § 149). La CEDH est prudente et sépare clairement les domaines d’action des NU et celui des Etats membres. Son argument se rapproche de la position adoptée par le TPI, qui se considérait incompétent pour contrôler les actes du CS car ce dernier était le mieux placé pour légiférer en matière de sécurité. Cette confiance aveugle n’est pourtant pas sans risque en matière de droits fondamentaux et pour le maintien de l’état de droit, puisqu’elle donne carte blanche aux NU pour adopter dans le cadre de sa mission des actes juridiques qui auront indirectement un effet dans les Etats signataires de la Convention, en particulier pour les individus, sans qu’aucune voie de recours juridictionnelle ne soit garantie pour les remettre en cause. Dans le même esprit, on peut noter que les Lords au Royaume Uni ont reconnu la primauté de la Charte sur la Convention(R on the application of Al Jedda v Secretary of State for Defence 2007 UKHL 58). La Cour mentionne dans sa décision l’arrêt Bosphorus, où la question de droit était similaire. La Cour devait se prononcer sur la conformité avec la Convention d’un acte juridique national, pris en application d’un règlement communautaire lui-même visant à mettre en œuvre des sanctions adoptées par le CS. Dans cette affaire la Cour s’est déclarée compétente, mais uniquement car l’acte en cause était directement imputable à l’Etat membre concerné. En outre, la CEDH a reconnu que les règlements communautaires doivent être lus à la lumière des résolutions des NU, et l’importance des objectifs poursuivis par les NU peut être une raison légitime justifiant la limitation des droits fondamentaux des parties, mais en aucun cas la CEDH n’a reconnu une immunité juridictionnelle aux mesures de droit communautaire mettant en œuvre les résolutions du CS. En effet la Cour a considéré que tant que les standards de protection de la CE en matière de protection des droits fondamentaux équivalaient ceux de la Convention, les Etats membres prenant des mesures au niveau national en application d’actes juridiques communautaires (y compris ceux adoptés par les institutions en application des résolutions du CS) ne violaient pas la Convention. En outre elle a précisé que si le mécanisme de protection s’avérait « manifestement déficient », elle exercerait à nouveau son contrôle. Il n’y a donc pas d’opposition directe entre la jurisprudence de la CJCE et celle de la CEDH. La différence entre, d’une part, un traité international et, d’autre part, les principes constitutionnels d’un ordre juridique indépendant peut expliquer que ces systèmes ne disposent pas de la même force pour interagir avec les normes de droit international, en particulier la Charte des Nations Unies. C’est pourquoi l’approche de la CEDH paraît plus timorée et nuancée, alors que la CJCE affirme avec force l’existence d’un ordre juridique intégré et indépendant de l’ordre international.
Bibliographie
o F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’Homme, PUF, 2008. o La coopération des juges européens : quel standard de protection des droits de l’Homme au sein de l’ordre juridique communautaire ? par Alexandra FRELAT, disponible à http://m2bde.u-paris10.fr/blogs/idie/index.php/post/2008/06/21/La-cooper.... o L’arrêt Yusuf : le juge communautaire comme frein à l'action du Conseil de Sécurité des Nations unies ? par Lucie LAITHIER, disponible à http://m2bde.u-paris10.fr/blogs/idie/index.php/post/2007/03/25/Larret-Yu... o EU law, international law and economic sanctions against terrorism : The judiciary in distress ? T. Tridimias, J-A Gutierrez-Fons, disponible à http://ssm.com/abstract=1271302; version définitive à paraître dans le Fordham International Law Journal. o The European Union and Human Rights : an international law perspective, T. Ahmed et I. de Jesus Butler, EJIL (2006) Vol. 17 No. 4, 771-801. o European exceptionalism in international law, M. Lickova, EJIL (2008) Vol. 19, No. 3, 463-490.
Arrêts mentionnés
Tribunal de Première Instance: Kadi c/ Conseil et Commission, aff. T-315/01, et Yusuf et Al Barakaat International Foundation c/ Conseil et Commission, T-306/01, 21 septembre 2005 Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran (OMPI) v Council, T-228-/02, 12 décembre 2006 Chafiq Ayadi / Conseil, T 253/02, et Hassan / Conseil et Commission, T-49/04, 12 juin 2006 CJCE : Les Verts / Parlement, 23 avril 1986, 284/83 Schmidberger, 12 juin 2003, C-112/00 Van Gend en Loos, 5 fév. 1963, 26/62 Ordre des barreaux Francophones et Germanophones, 26 juin 2007, C 305/05 CEDH : Behrami et Behrami c/ France 71412/01 (2007) Saramati c. France, Allemagne et Norvège 78166/01 (2007) House of Lords: R on the application of Al Jedda v Secretary of State for Defence 2007 UKHL 58