La définition de la grève en Droit espagnol - Par Tiago Da Silva

« La confrontation entre travailleurs et employeurs est un aspect quasi naturel de la dynamique des relations de travail », Carlos Molero Manglano. Dans cette perspective, la société accepte pleinement la convocation de grèves, conséquence directe de la propre différence et de l’opposition des intérêts existante entre employeurs et salariés. Ainsi, la grève est une des procédure, parmi celles proposées aux travailleurs et à leurs représentants, pour exprimer leur mécontentement concernant certains agissements de l’employeur qui affectent leurs intérêts généraux et particuliers en vue d’obtenir une solution favorable au conflit d’intérêts en jeu.

Aujourd’hui, la plupart des systèmes constitutionnels modernes reconnaissent l’effet de la grève, incitant son usage et allant jusqu’à la consacrer comme un droit véritable bénéficiant des protections importantes. Le droit espagnol ne fait pas exception à la règle et, bien que la reconnaissance du droit de grève ait été plus complexe en raison des divers systèmes politiques qui se sont succédé en Espagne entre 1822 et 1978, conduisant à une qualification de liberté, droit ou délit selon l’époque observée, « elle est aussi vieille que l’Homme et existe aussi bien que l’ombre accompagne le soleil » (Juan Antonio Sagardoy Bengoechea).

Ainsi, le point intéressant dans l’analyse du droit de grève en droit espagnol est que, si à l’origine un tel phénomène constituait un délit, ce n’est qu’à la suite de l’adoption en France de la loi Olivier de 1864, laquelle a mis fin à la qualification de délit retenue par le Code Pénal français de 1810, que la grève a d’abord été abordée en Espagne comme une liberté (à partir de 1908 avec les Leyes de Conciliación y Coligación, Huelga y Paros) avant de conduire à la consécration du droit de grève dans sa conception actuelle (suite à la fin du franquisme). Cette influence du droit français par ailleurs ne s’arrête pas là et concerne de nombreux pays européens, bien que l’Espagne soitl’Etat qui s’en est le plus inspiré, établissant ainsi une règlementation similaire de la matière sur de nombreux points.

 

I. Les sources du droit de grève

La grève est sans aucun doute un phénomène important et extrêmement complexe. Face à ce constat, le modèle général de règlementation retenu est celui de la consécration de la valeur constitutionnelle de la grève en tant que droit, laissant par la suite le soin à la doctrine et à la jurisprudence d'en développer le contenu et les limites. La France s’est inscrite dans ce processus ; en effet, le préambule de la Constitution de 1946 reconnaît la valeur constitutionnelle du droit de grève en le mentionnant expressément et en disposant que celui-ci « s’exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ». Toutefois, le législateur n’a pas pris en compte cette nette invitation puisqu’aucune loi ne réglemente la matière, à l’exception de quelques effets prévus par le Code du travail aux articles L2511-1 et L1132-2, laissant ce soin à l’abondante jurisprudence existante sur ce sujet.

L’Espagne, à l’inverse, a préféré voir réglementés les divers aspects de la grève par une loi unique, laquelle a la particularité d’avoir été approuvée par le Parlement avant l’entrée en vigueur de la Constitution espagnole, et par conséquent la véritable reconnaissance constitutionnelle du droit de grève. L’article 28.2 de la Constitution espagnole dispose ainsi qu’ « est reconnu le droit de grève aux salariés pour la défense de leurs intérêts. La loi régissantl’exercice de ce droit établira les garanties nécessaires à assurer le maintien de services essentiels de la communauté » ; l’article exprime clairement, d’une part, la valeur constitutionnelle du droit de grève et, d’autre part, la nécessité de recourir à une loi précisant ses modalités d’exercice ainsi que le maintien des services publics.
Néanmoins, compte tenu de l’échec  des divers projets de lois en la matière, le droit espagnol n’a pas adopté à l’heure actuelle de loi comme cela semble requis par la Constitution et s’appuie sur d’autres normes pour expliciter les mécanismes et les limites du droit de grève.

                Parmi ces normes se distingue le Decreto-Ley de Relaciones de Trabajo 17/1977, lequel a pour particularité d’avoir été approuvé un an avant l’entrée en vigueur de la Constitution espagnole ; ce dernier prévoit ainsi toute la règlementation applicable en matière de grève qu’il s’agisse de la notion même de celle-ci, de la procédure de convocation, des conditions de déroulement ou encore des causes d’illicéité. Toutefois, sa particularité apporte deux problèmes importants du fait que, d’une part, il est considéré uniquement comme provisoire, quand bien même il n’aurait pas été abrogé, et d’autre part que le droit espagnol exige une loi organique pour toute règlementation d’un droit constitutionnel. En effet, ce second point a conduit de nombreux auteurs à soulever l’inconstitutionnalité de la loi, allant jusqu’à exercer un recours devant le Tribunal Constitucional.
De fait, par une importante décision 11/81 du 8 avril 1981, le Tribunal Constitucional a procédé à une révision totale du système de grève  en affirmant que le Real-Decreto n’est pas inconstitutionnel et en lui apportant des précisions sur certains aspects. Le Tribunal a alors ajouté que l’exigence de loi organique ne pouvait opérer rétroactivement sur le Real-Decreto, tout en précisant qu’il n’était pas pour autant possible de considérer cette norme comme un substitut à une loi organique, laquelle n’était toujours pas adoptée.

Par ailleurs, la décision du Tribunal Constitucional précise également que la valeur constitutionnelle du droit de grève ne signifie pas que celui-ci est illimité et impropre à se voir, dans une certaine mesure, limité ou restreint par le législateur.  En effet, comme en droit français, ce dernier a la possibilité de règlementer le droit de grève dès lors que les restrictions apportées respectent le contenu essentiel du droit et ne sont pas arbitraires.

                Le Code pénal constitue une autre norme applicable, bien qu’il ne traite pas réellement de la notion de grève en tant que telle, en ce qu’il assure l’efficacité de la valeur reconnue au droit de grève. Dans cette perspective, le Code pénal espagnol  s’insurge comme le défenseur de ce droit en garantissant, sous peine d’emprisonnement de 6 mois à 8 ans et d’amendes, d’un côté le libre exercice du droit de grève (article 315), et de l’autre la protection des valeurs constitutionnelles que l’exercice abusif du droit de grève pourrait menacer (article 544). Une nuance peut être néanmoins apportée à cette constatation puisqu'à la lecture de l’article, et comme l’a affirmé un arrêt de la Audiencia Provincial de Salamanque du 10 décembre 2002, une sanction pour limitation de l’exercice du droit de grève ne peut intervenir que lorsque cette limitation est opérée par volonté de tromper ou par abus de situation.

                Enfin, il convient de citer également la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000) qui reconnaît aux travailleurs et employeurs, ainsi qu’à leurs organisations respectives, à son article 28 le droit « de recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève ». Cette norme supplémentaire est importante en ce qu’elle assure la reconnaissance du droit de grève, et par la même de sa valeur, à un niveau européen, dépassant les frontières nationales des États ; certains auteurs lui reprochent néanmoins le fait que cette reconnaissance constitue son seul intérêt puisque, dans la grande majorité, les législations nationales réglementent le droit de grève de manière plus extensive et favorable.

 

II. Caractéristiques et titulaires du droit de grève

La première caractéristique du droit de grève, déjà évoquée mais qui a une importance essentielle, concerne la protection accordée à celui-ci en tant que droit constitutionnel. Par conséquent, le débat autour du droit au travail s'est clos puisque le droit espagnol a reconnu la primauté du droit de grève sur ce dernier afin de permettre l’efficacité de sa mise en œuvre. Ainsi, le droit de grève bénéficie en tant que tel d’une double protection, tout d’abord, auprès des tribunaux ordinaires et, le cas échéant, devant le Tribunal Constitucional.

Il s’agit, par ailleurs d’un droit indisponible ; en effet, à l’instar du droit français, tout contrat de travail mentionnant une renonciation au droit de grève est alors déclaré nul par les tribunaux. Toutefois, il n’en est pas de même concernant les conventions collectives ; ainsi, si le droit français interdit de restreindre la mise en œuvre du droit de grève par une convention collective, le droit espagnol ne s’inscrit pas dans cette lignée puisqu’il reconnaît expressément à l’article 8.1 du Decreto-Ley de Relaciones de Trabajo la possibilité pour des conventions collectives de contenir des clauses de « deber de paz ». De fait, ces clauses, qui peuvent être tant relatives qu’absolues, limitent ou affirment la renonciation de tout recours à la grève par les salariés. De nombreuses critiques ont été élevées contre ce système sur le fait, notamment, que la renonciation a été apportée non pas par les salariés mais par les organisations syndicales qui ont négocié l’accord, mais aussi sur le fait qu’il était inenvisageable de renoncer de manière anticipée à un droit fondamental qui, par définition, est indisponible. Le Tribunal Constitucional s’est alors exprimé sur ces questions par une décision 11/81 du 8 avril 1981 et a affirmé la licéité de ces clauses, balayant ainsi toutes les critiques, pourtant fondées, évoquées devant lui.

                La seconde caractéristique du droit de grève concerne sa nature professionnelle. En effet, à l’image du droit français, le droit espagnol exprime clairement à l’article 28.2 de la Constitution que celui-ci ne concerne que les salariés, ces derniers ne pouvant y recourir qu’en tant que tels. La mise en œuvre de ce droit suppose ainsi la défense des intérêts des salariés afin de s’opposer aux conditions de travail en vigueur ou demander l’amélioration de celles-ci (Arrêt du Tribunal Superior de Justicia de Galice 3 juin 2005).

                Enfin, la dernière caractéristique principale du droit de grève concerne les titulaires du droit de grève, lequel est analysé comme «un droit individuel dont la mise en œuvre est de composition mixte » sur le lieu de travail ou au domicile du salarié (Décision 11/81 du Tribunal Constitucional). En effet, s’il est question d’un droit attribué de manière individuelle aux salariés, le Tribunal Constitucional a précisé que sa mise en œuvre requiert un exercice collectif. Par conséquent, l’aspect collectif de la grève suppose, comme nécessité pour exister, une pluralité de salariés et un intérêt collectif qui légitime le mouvement. Toutefois, le collectif ne suffit pas à constituer une grève et la jurisprudence espagnole donne autant d’importance à l’aspect individuel de ce droit, faisant de lui un droit dualiste. Ainsi, conformément à la jurisprudence, le salarié individuel ne doit pas être négligé puisque c’est lui qui décide de se joindre ou non au mouvement de grève et, par la même, de suspendre son contrat de travail et perdre une partie de son salaire ; ces décisions constituent pour les tribunaux espagnols les raisons de la réussite d’un mouvement de grève. Le système espagnol s’oppose ici au système français, lequel identifie clairement le salarié comme titulaire du droit de grève (CC soc 10 octobre 1990) là où le droit espagnol a une conception plus mixte et considère que le salarié et les syndicats sont tous deux titulaires de ce droit, leur attribuant alors une même importance. Dans une décision 11/81, le Tribunal Constitucional a alors tenté de préciser les modalités de cette conception mixte en affirmant, d’une part, que le salarié est bien propriétaire du droit de grève à titre uti singuli mais que, d’autre part, la collectivité constitue une partie majeure du phénomène.

De plus, l’article 28.2 de la Constitution espagnole identifie clairement les salariés en tant que titulaires du droit de grève, la décision 11/81 précisant alors qu’il s’agit de « personnes travaillant pour le compte d’une autre moyennant salaire » dès lors qu’un tel droit est mis en œuvre « dans le but d’obtenir une renégociation de leurs contrats de travail » auprès de leurs employeurs. Tout salarié bénéficiant d’un contrat de travail doit alors pouvoir se prévaloir du droit de grève, peu importe qu’il s’agisse d’un contrat à durée déterminée ou indéterminée, aussi bien aux nationaux qu’aux étrangers et ce, quand bien même ces derniers seraient en situation illégale sur le territoire (Décision du Tribunal Constitucional 259/2007 du 19 décembre 2007). Par conséquent, sont écartés de la possibilité de recourir au droit de grève les travailleurs indépendants.

Enfin, cette définition semble exclure également les fonctionnaires mais, à l’instar du droit français, ces derniers bénéficient également du droit de grève comme l’affirme l’article 15 de la loi 7/2007 du 12 avril 2007 dite Estatuto Basico del Empleado Público, bien que celui-ci soit encadré de façon plus stricte afin de garantir le maintien des services publics.  Cette loi exclut néanmoins, comme cela peut se retrouver en droit français, certaines professions qui ne bénéficient donc pas du droit de grève comme par exemple les militaires, les fonctionnaires de police ou encore les magistrats. Ce dernier point est par ailleurs actuellement en débat en Espagne, le droit de grève des magistrats étant réclamé depuis de nombreuses années et relancé suite à un mouvement de février 2009 divisant alors l’opinion publique. Ainsi, contrairement au droit français qui leur a interdit le droit de grève explicitement par une ordonnance du 22 décembre 1958, le droit espagnol ne réglemente pas réellement la matière, laissant alors la porte ouverte à ceux qui considèrent que, puisque ce n’est pas prohibé, la grève des magistrats est licite alors que pour d’autres, en tant que pouvoir de l'État,ces derniers ne peuvent pas bénéficier du droit de grève.

 

III. Contenu du droit de grève et licéité du mouvement

Le droit de grève est protégé en positif et en négatif ; ainsi, si cela n’apparaît pas de manière claire dans les textes, le Tribunal Constitucional a affirmé que « le droit de grève constitue un droit pour les salariés de ne pas fournir le travail pour lequel ils ont été recrutés tant que l’entreprise ne leur applique pas les conditions de travail estimées exigibles » (Arrêt du Tribunal Supremo 17 décembre 1999). Ainsi, par cette affirmation, qui semble un peu simpliste, le Tribunal Supremo exprime le droit inhérent à tout salarié de cautionner le mouvement de grève en adhérant et, comme il le confirme par la suite, de participer de manière active à celui-ci en abandonnant son poste de travail ou encore en diffusant des tracts d’informations. Toutefois, de même qu’il reconnaît aux salariés le droit d’adhérer à une convocation de grève et de participer activement à celle-ci, il est admis que le droit de grève possède également une facette négative qui garantit à tout salarié le droit de ne pas adhérer et prendre part au mouvement, facette qui découle tant du droit de grève que du droit au travail.

L’article 7 du Decreto-Ley de Relaciones de Trabajo définit la grève comme un mouvement consistant en la cessation de la prestation de service en vue de revendiquer des aspects déterminés des relations de travail existantes entre un collectif de salariés et un employeur ou une organisation patronale. Cette définition ressemble en tous points de vue à la définition française de la grève, « une cessation collective et concertée du travail en vue d'aboutir au succès de revendications professionnelles » (CC soc 16 mai 1989), ce qui est tout à fait compréhensible en vertu de l’influence du droit français sur le droit espagnol en cette matière.  En conséquence, après avoir défini de manière générale la grève en tant que mouvement licite donnant lieu à la suspension du contrat de travail, l’article 11 du Decreto-Ley énumère trois types de mouvements qui sortent du champ d’application de la grève pour devenir des mouvements illicites.

 Ainsi, le premier de ces mouvements est la grève de solidarité qui est déclarée expressément illicite sauf dans les cas « où une atteinte directe est portée à l’intérêt des salariés affectés ». En d’autres termes, dès lors que les motifs qui poussent certains salariés à recourir aux droits de grève ont un quelconque effet sur l’intérêt des grévistes par solidarité, le mouvement sera licite (Real Decreto Ley 17/1977 du 4 mars 1977). De nombreux auteurs nuancent ce propos en affirmant qu’en réalité, il serait très difficile en pratique de trouver une question qui n’affecterait pas, ne serait-ce que de manière minime, l’intérêt général des travailleurs ; par exemple, la grève par solidarité de salariés pour revendiquer la réadmission d’un collègue licencié qui était affilié à un même syndicat a été considérée licite en alléguant le fait que ce licenciement portait atteinte à la liberté syndicale (Arrêt du Tribunal Superior de Justicia du Pays Basque 8 novembre 2005), motif accepté mais qui semble douteux. Le droit français va plus loin dans l’analyse de la grève de solidarité puisqu’il distingue entre solidarité interne à l’entreprise, laquelle sera illicite lorsque les grévistes n’ont pas de revendications qui les concernent directement (CC soc 8 janvier 1965) et licite lorsqu’au contraire des revendications personnelles seront présentées (CC soc 30 novembre 1977), et la grève de solidarité externe que la Cour de Cassation a qualifiée de non abusive du fait qu’elle concerne des revendications d’ordre social et professionnel communes à un grand nombre de salariés (CC crim 12 janvier 1971), lui ôtant ainsi en réalité son caractère de solidarité.

L’article 11 déclare, par ailleurs, illicites les grèves politiques, comme en droit français, dès lors que l’objectif est « étranger à l’intérêt des salariés affectés ». La prohibition de ces mouvements s’explique en droit espagnol par la volonté d’éviter les injustices causées par un tel mouvement, d’une part à l’employeur qui n’a pas la possibilité de satisfaire les revendications des grévistes et, d’autre part, aux citoyens qui se voient « pris en otage » (Arrêt de l’Audiencia Provincial de Palme de Majorque 27 février 1989). Toutefois, comme il semblerait dérisoire d’interdire une grève contre une réforme à caractère professionnel, le droit espagnol a introduit une différenciation entre grèves politiques, lesquelles demeurent illicites, et grèves sociopolitiques, lesquelles sont admises en raison de revendications professionnelles et de l’intérêt propre des salariés ; la question sera alors pour le juge d’identifier dans quels cas il y a atteinte à l’intérêt professionnel et dans quels cas aucune atteinte directe ou indirecte ne peut être constatée.

Enfin, les grèves novatoires, lesquelles ont pour but d’altérer ce qui a été conclu par une convention collective alors que celle-ci est encore en vigueur, se voient également déclarées illicites par le Decreto-Ley. Cette prohibition n’est pas à interpréter de manière extensive puisqu’une grève n’est novatoire, et donc illicite, que lorsque les modifications exigées n’ont aucune justification. Ainsi, a été qualifiée de licite une grève ayant pour but d’obtenir un nouvel accord qui apporterait des améliorations à un accord en vigueur au moment des faits, sans que le contenu essentiel de ce dernier soit altéré (Arrêt du Tribunal Superior de Justicia de Pays Basque 20 mai 2008).

Par conséquent, en principe, en dehors de ces trois types de mouvements,  tout autre mouvement de grève devrait être considéré comme licite. Néanmoins, d’autres types sont apparus et ont été qualifiés d’abus de droit par la jurisprudence espagnole, laquelle ne les déclare pas illicites directement au même titre que les prohibitions de l’article 11, mais considère qu’ils peuvent donner lieu à une manifestation illicite du droit de grève. En effet, dans un arrêt du 22 décembre 2006, le Tribunal Superior de Justicia de Navarre déclare qu’il existe à côté des grèves traditionnelles, des mouvements qui ne constituent pas réellement de grèves mais des mouvements abusifs en ce qu’ils ne remplissent pas le caractère de cessation de travail ; c’est le cas, par exemple, des grèves perlées que le droit espagnol, à l’inverse du droit français qui les qualifie de mouvements illicites per se (CC soc 16 mai 1989), déclare uniquement susceptibles d’être illicites, exigeant alors une preuve pour les déclarer comme telles.

 De plus, un autre mouvement est, cette fois-ci, expressément reconnu comme illicite en droit espagnol alors que le droit français retient une régularité de principe (CC soc 14 janvier 1960) : la grève tournante. Ainsi, si le droit français qualifie de licite ce mouvement et ne retient son illicéité qu’en cas de grève dans les services publics, le droit espagnol opère une prohibition absolue et établit une présomption de caractère abusif.

Par ailleurs, les débrayages, à l’image du droit français (CC soc 18 janvier 1955), sont licites en droit espagnol et non présumés abusifs (Arrêt du Tribunal Superior de Justicia de Navarre 4 juillet 2007), sauf en cas de désorganisation de l’entreprise (Arrêt du Tribunal Superior de Las Palmas 30 juin 2009).

 

 

 

 

 

Bibliographie :

- Alfredo Montoya Melgar, « Derecho del trabajo », 2010

- Francis Lefebvre, « Memento práctico  - Social 2010 », 2010

- Ignacio Albiol Montesinos,  « Compendio de Derecho del Trabajo, Tomo I : Fuentes y Relaciones Colectivas », 2008

- Décision du Tribunal Constitucional 11/81 du 8 avril 1981

- « Droit du travail », Jean Pélissier, 2010

- Denis Gatumel, « Le Droit du travail en France : Principes et approche pratique du Droit du travail»,  2007